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Résolution 1649 (2009)

Soins palliatifs: un modèle pour des politiques sanitaire et sociale novatrices

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 janvier 2009 (6e séance) (voir Doc. 11758, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Wodarg). Texte adopté par l’Assemblée le 28 janvier 2009 (6e séance).

1. L’Assemblée parlementaire note que les soins palliatifs apportent un complément important et socialement novateur à la médecine curative, qui s’appuie beaucoup sur la science, subordonne le bien-être subjectif du patient à la recherche de la guérison et s’accompagne de restrictions liées au traitement et, parfois, d’importants effets secondaires.
2. A cet égard, l’Assemblée se fonde sur la définition donnée en 2002 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aux termes de laquelle les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que par le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui y sont liés.
3. L’Assemblée souligne toutefois que cette définition n’insiste pas assez sur le potentiel novateur de la démarche en question, ce qui pourrait amener l’opinion publique à penser que les soins palliatifs sont un luxe humanitaire qu’on ne peut plus se permettre en raison des difficultés économiques actuelles.
4. L’Assemblée note que, malgré leur qualité et leur coût très élevés, les soins médicaux actuels apportés aux personnes, en fin de vie notamment, ne répondent pas aux besoins fondamentaux de nombreuses personnes (patients atteints d’une maladie grave ou chronique, ou nécessitant des soins individuels importants). A l’heure où les politiques sanitaire et sociale sont de plus en plus dictées par des considérations économiques, il existe un nombre croissant de personnes qui ne peuvent compter sur un groupe de pression assez fort pour défendre leurs droits fondamentaux.
5. L’Assemblée voit dans les soins palliatifs un modèle pour des politiques sanitaire et sociale novatrices, car ils prennent en compte ce qui change dans notre perception de la santé et de la maladie et ne partent plus du principe selon lequel le libre arbitre et la participation à la vie sociale présupposent la guérison. Il s’ensuit que l’autonomie est une des conditions de la «santé» entendue de façon subjective, qui suppose la liberté de chacun de décider de la manière dont on aborde la maladie et la mort.
6. L’Assemblée note que les soins palliatifs permettent aux personnes atteintes de maladies graves, qui souffrent ou sont en état de grande détresse, d’exercer leur libre arbitre. Cette approche ne traduit donc pas uniquement un besoin, mais favorise directement la reconnaissance des droits de la personne et du citoyen, et le droit de participer à la vie sociale jusqu’à la mort.
7. L’Assemblée juge nécessaire que soit étendue de toute urgence la portée de ce mode novateur de traitement et de soins. Les soins palliatifs devraient devenir accessibles non seulement aux malades en fin de vie, mais aussi aux patients atteints de maladies graves ou chroniques ainsi qu’à toutes les personnes qui nécessitent des soins individuels importants, qui pourraient bénéficier de cette démarche.
8. Les soins palliatifs peuvent être compris comme relevant d’une démarche élaborée de façon pragmatique en vue d’apporter des soins appropriés, ce qui passe par une médication et des soins intégrés et centrés sur le patient ainsi que par d’autres services liés au domaine de la santé et d’autres ressources sociales. Cela suppose, par exemple, l’intervention fructueuse de bénévoles et la possibilité de recourir, selon les besoins, à un soutien social, psychologique et spirituel, lequel peut avoir, pour certains patients, plus d’importance que les soins médicaux proprement dits.
9. Ces constatations amènent l’Assemblée à tirer aussi des conclusions du débat sur l’euthanasie, dont il est ressorti qu’un Etat de droit libéral ne saurait laisser en suspens des questions éthiques touchant à la vie et à la mort d’êtres humains.
10. L’adhésion au pluralisme éthique ne garantit pas à l’individu une liberté maximale pour ce qui est des questions d’éthique, mais privilégie, dans la société, l’arbitraire, le relativisme et, en pratique, le nihilisme par rapport à des positions éthiques raisonnablement étayées. Cela conduit à une perte de repères générale et, en fin de compte, à l’érosion de l’Etat de droit libéral.
11. L’Assemblée rappelle, à cet égard, les recommandations pertinentes concernant les mourants qui figurent dans le rapport de 1980 du Comité européen de la santé intitulé «Problèmes concernant la mort: soins apportés aux mourants» et dans sa Recommandation 1418 (1999) sur la protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants.
12. Elle reconnaît que toute intervention médicale trouve ses limites dans l’autonomie du patient, dans la mesure où celui-ci exprime sa volonté de renoncer à un traitement curatif ou lorsque, indépendamment de toute évaluation médicale de son état de santé, il l’exprime clairement, par exemple dans un testament de vie.
13. L’Assemblée espère que les soins palliatifs offrent aussi la perspective d’une mort digne pour les patients qui ont abandonné tout espoir et qui ont, lorsque la possibilité leur en a été donnée, renoncé à un traitement curatif, mais qui acceptent d’être soulagés de leur douleur et d’avoir un soutien social.
14. C’est pourquoi elle considère les soins palliatifs comme un élément essentiel des soins de santé appropriés fondés sur une conception humanitaire de la dignité humaine, sur l’autonomie, sur les droits de l’homme, du citoyen et du patient, ainsi que sur une conception généralement admise de la solidarité et de la cohésion sociale.
15. Elle souligne que la Recommandation Rec(2003)24 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l’organisation des soins palliatifs offre déjà une bonne base pour le renforcement de la démarche en la matière.
16. L’Assemblée réaffirme les quatre domaines d’application des soins palliatifs qu’énonce la Recommandation Rec(2003)24 dans le droit-fil de la définition de l’OMS – maîtrise des symptômes; soutien psychologique, spirituel et émotionnel; soutien à la famille; soutien lors du deuil – et, en conséquence, elle recommande particulièrement aux Etats membres:
16.1. de mettre en place un cadre cohérent et complet au niveau de la politique sanitaire nationale en matière de soins palliatifs;
16.2. d’encourager la coopération internationale des diverses organisations, institutions, instituts de recherche et autres instances œuvrant dans le domaine des soins palliatifs.
17. Etant donné les grandes différences manifestes quant à l’évolution de ce domaine d’activité dans les pays européens, l’Assemblée est consciente que, bien qu’une mise en œuvre rapide au sein des structures existantes de prise en charge soit souhaitable en vue d’un financement durable, ce dernier risque justement de comporter d’importants obstacles à l’adoption d’une démarche souple de soins et de traitement.
18. C’est pourquoi elle estime qu’une analyse détaillée des obstacles structurels ainsi qu’une analyse précise des besoins à l’aide d’un ensemble minimal de données tel que proposé à l’annexe de la Recommandation Rec(2003)24 sont nécessaires pour parvenir à des modifications effectives et durables des systèmes de santé existants.
19. Selon elle, si l’on veut que, dans le système de santé, les droits fondamentaux prennent le pas sur d’autres droits des patients, les priorités en matière de soins de santé devront faire l’objet d’un vaste débat public axé sur des objectifs sanitaires raisonnables. La protection des droits fondamentaux faisant partie des responsabilités de l’Etat, elle ne saurait être laissée à une politique de groupes d’intérêts.
20. L’Assemblée estime que l’éthique, en tant que philosophie pratique, a donc un rôle fondamental à jouer dans la structuration du débat public sur les objectifs de santé et l’ordre des priorités en matière de soins.
21. En conséquence, sur le plan général, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
21.1. de ne pas aborder l’éthique sous le seul angle de la mise en œuvre, mais de s’y référer systématiquement, car ce n’est qu’en clarifiant et en classifiant les positions fondamentales qu’on pourra parvenir, au sein de la société, à un consensus durable sur des questions éthiques controversées et à une répartition équitable des ressources;
21.2. de viser, dans le cadre de la politique sanitaire comme dans celui de la politique économique et financière, à une meilleure rétribution des prestations de services non liées à des produits pour que, à l’aide de la politique économique et des incitations fiscales, la politique sociale puisse contrer plus efficacement la domination croissante de l’économie sur la société;
21.3. de s’attacher, d’une manière générale, à renforcer le secteur des soins de santé primaires en vue de mettre les patients à l’abri d’interventions médicales non indiquées et d’insister de nouveau davantage sur l’importance de la communication entre le médecin et le patient, véritable fondement d’une médecine rationnelle axée sur le patient;
21.4. de promouvoir dans la société, avec les moyens dont dispose l’Etat pour exercer son influence, une vision de la médecine mettant l’accent sur les soins palliatifs comme un pilier essentiel des soins auxquels le patient a droit.
22. Par ailleurs, sur le plan pratique, l’Assemblée recommande également aux Etats membres:
22.1. de considérer la maîtrise effective des symptômes chez les personnes gravement malades comme une condition essentielle de la relation médecin-patient et du libre arbitre de ce dernier, en vue d’intégrer le potentiel novateur des soins palliatifs au domaine de la médecine curative;
22.2. dans le cadre d’une approche cohérente de la politique sanitaire visant à élaborer une stratégie spécifique destinée à améliorer l’offre de soins palliatifs, d’identifier des indicateurs concrets permettant de vérifier les progrès accomplis dans la prise en charge des patients sur une période donnée;
22.3. d’établir des rapports annuels pour que les lacunes puissent être examinées le plus rapidement possible et comblées de manière appropriée;
22.4. de réagir avec diligence, par exemple par le biais de réglementations spéciales concernant le financement des soins palliatifs, s’il apparaît que les antalgiques ne sont pas administrés de la manière souhaitée ou que la normalisation des traitements hospitaliers (groupes de diagnostic homogènes – GDH) a des retombées négatives sur les structures et les pratiques existantes;
22.5. en ce qui concerne la réglementation des testaments de vie:
22.5.1. de s’abstenir de mettre en place des mécanismes juridiques risquant de créer des problèmes d’interprétation dans la pratique;
22.5.2. de procéder à une évaluation exhaustive des conséquences juridiques, parmi lesquelles d’éventuels effets secondaires juridiques tels que la responsabilité financière («les soins en tant que préjudice pécuniaire»).