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Résolution 1651 (2009)
Conséquences de la crise financière mondiale
1. L’Assemblée
parlementaire note avec préoccupation qu’une période prolongée de
croissance économique s’est transformée en une récession pratiquement
mondiale, dont il est à craindre qu’elle soit, pour de nombreux
pays, à la fois profonde et durable. Ce retournement est en grande
partie dû à la crise financière qui a frappé l’économie mondiale
en 2007-2008, même si celle-ci coïncide avec ce qui semble être
la fin d’un cycle haussier, caractérisé par une période de forte
augmentation des prix des matières premières et de l’énergie, et
par l’effondrement des prix de l’immobilier. Quoi qu’il en soit,
les causes de la crise financière sont claires. La croissance du
cycle haussier a été prolongée par des taux d’intérêt maintenus
à un niveau trop bas. Les pratiques managériales pernicieuses, notamment
dans les banques et les institutions financières non bancaires,
se sont généralisées et les incitations financières pour leurs employés
sont devenues trop alléchantes. Des instruments financiers complexes,
manquant de transparence, ont été élaborés et les systèmes de gestion
du risque n’ont pas joué leur rôle. La cupidité a été récompensée
par des systèmes de rémunération beaucoup trop généreux, qui ont
continué à fonctionner, même lorsque les institutions financières
ont enregistré des pertes colossales.
2. L’Assemblée ne sait que trop que la détérioration de la situation
économique risque d’entraîner une hausse du chômage, la perte de
revenus et d’un patrimoine gagnés «à la dure», et la spirale du surendettement
pour ceux qui sont déjà endettés. A ce stade, l’Assemblée rappelle
aux gouvernements des Etats membres de l’Organisation qu’il est
de leur responsabilité de protéger les droits sociaux et humains
des populations. Il est capital qu’un redressement économique se
produise aussi rapidement que possible, mais il faut aussi, dans
le même temps, que les réseaux de protection sociale compensent
les effets de la récession économique. Les pays qui ont veillé à
maintenir leurs finances en bon état pendant les années de croissance sont
aujourd’hui mieux placés pour garantir à leurs citoyens les prestations
des réseaux de protection sociale existants.
3. L’Assemblée est donc extrêmement préoccupée de l’impact désastreux
de cette crise financière et de ses conséquences économiques sur
les conditions de vie des citoyens européens et du reste du monde,
avec des répercussions qui risquent à terme de saper les fondements
mêmes de la démocratie.
4. L’Assemblée considère que les institutions financières ont
manqué à leur obligation d’information, que les pouvoirs publics
n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités en ce qui concerne
le contrôle des risques inhérents à la diffusion d’instruments financiers
de plus en plus sophistiqués et qu’ils ont, de ce fait, failli à
leur devoir de protection des citoyens et des acteurs financiers
engagés dans des transactions à haut risque.
5. L’Assemblée se réjouit de la tenue à Washington, le 15 novembre
2008, du sommet des 20 plus grandes puissances économiques de la
planète (le G20) et des engagements pris à cette occasion par ses
participants. Elle souscrit pleinement aux recommandations formulées
à l’issue de ce sommet pour stimuler l’économie, garantir l’apport
de liquidités, consolider les institutions financières et protéger
l’épargne.
6. Toutefois, l’Assemblée déplore que le plan d’action du G20
ne comporte pas de volet visant à protéger les droits sociaux et
économiques des citoyens en période de crise. A cet égard, elle
s’associe pleinement à la déclaration du Bureau du conseil d’administration
du Bureau international du travail, adoptée le 21 novembre 2008,
qui préconise six mesures spécifiques «pour remédier aux retombées
de la crise sur l’économie réelle afin de protéger les personnes,
de soutenir la productivité des entreprises et de préserver l’emploi»,
ainsi qu’à la déclaration du Commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe du 17 novembre 2008 invitant à la mise en place
d’un «programme sérieux pour la protection des droits économiques
et sociaux».
7. L’Assemblée est convaincue que des mesures énergiques et efficaces
s’imposent pour atténuer la récession, et que la réforme du système
financier mondial ne peut aboutir, entre autres, qu’à la condition
que les principes suivants soient pris en considération:
7.1. la nécessité de garantir la
stabilité des marchés financiers par l’apport de liquidités, la
reprise des prêts aux entreprises, en particulier les petites et
moyennes, et aux ménages, ainsi que la garantie de la pérennité
des institutions financières;
7.2. la nécessité d’élever le niveau d’emploi en stimulant
l’activité économique, notamment en accroissant la demande agrégée,
afin de doper la consommation, par des investissements supplémentaires
des pouvoirs publics en faveur des infrastructures et du logement,
et en développant l’éducation et la formation pour les personnes
sans emploi;
7.3. la nécessité d’améliorer la transparence des marchés et
des produits financiers afin que les épargnants soient mieux informés
des risques encourus;
7.4. la nécessité d’entretenir un sens moral et éthique chez
les acteurs économiques et financiers – tout particulièrement en
ce qui concerne les rémunérations et les bénéfices –, et de soumettre
leurs activités à un code de conduite; il conviendrait notamment
que les systèmes de rémunération propices à des bénéfices à court
terme et à haut risque ne soient pas autorisés;
7.5. la nécessité d’un contrôle parlementaire plus actif et
d’une plus grande implication des parlementaires aux niveaux national
et paneuropéen pour contrôler l’application des règles et des principes;
7.6. le renforcement des règles régissant le fonctionnement
des marchés financiers, notamment en matière de responsabilité,
de manière à consolider la primauté du droit, doit être affirmé
dans ce secteur;
7.7. la nécessité d’instaurer une coopération intense entre
le Fonds monétaire international, les institutions de Bâle, le G20,
les banques centrales et les autorités de contrôle financier, en
vue d’élaborer des règles efficaces et un cadre international pour
la supervision des réglementations financières; les institutions
financières internationales devraient se doter de systèmes d’alerte
précoce qui jouent effectivement leur rôle;
7.8. la nécessité de renforcer le système des notations pour
que ces dernières reflètent mieux la réalité, et la nécessité pour
les auditeurs d’institutions financières d’examiner de plus près
l’exposition aux risques;
7.9. la nécessité de faire en sorte que les paradis fiscaux
offshore n’échappent pas à un contrôle financier approprié;
7.10. la nécessité de rappeler aux gouvernements que, malgré
les difficultés financières, les droits de l’homme, les droits sociaux
et les droits économiques des citoyens doivent être sauvegardés,
si l’on veut éviter que les fondements mêmes de la démocratie soient
sapés;
7.11. la nécessité de prévoir des mesures économiques qui promeuvent
une croissance durable à la fois sur les plans économique et environnemental,
ces mesures ne devant toutefois pas aboutir à un niveau d’endettement
tel qu’elles compromettraient une nouvelle croissance, ni être en
contradiction avec les objectifs climatiques;
7.12. la nécessité pour les gouvernements de faire tout leur
possible pour rétablir la confiance du public dans le fonctionnement
de l’économie.
8. L’Assemblée considère qu’il est approprié d’assurer une surveillance
permanente de l’impact social et de la dimension humaine de la crise
économique et financière dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée insiste sur le fait que les Etats membres doivent
également investir dans les moyens humains nécessaires pour faire
face aux défis économiques et sociaux engendrés par la crise financière.
Dans nos sociétés mondialisées et interdépendantes, les ressources
humaines sont un facteur déterminant de la stabilité économique,
sociale et démocratique. C’est pourquoi l’Assemblée appelle la Conférence
permanente des ministres européens de l’Education à veiller à ce
que les politiques de l’éducation soient élaborées en tenant compte
de ces défis, et invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
à consolider la place de l’éducation dans le programme d’activités
de l’Organisation.
10. Enfin, l’Assemblée rappelle avec insistance qu’en ces temps
de crise il est vital que la solidarité, la coordination et la coopération
économiques jouent à plein, non seulement entre les Etats membres
du Conseil de l’Europe et entre les pays industrialisés, mais aussi
vis-à-vis des pays en développement.