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Recommandation 1863 (2009)
Environnement et santé: mieux prévenir les risques sanitaires liés à l’environnement
1. L’Assemblée
parlementaire, à l’instar d’autres institutions internationales
telles que l’Union européenne, l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) et l’Agence européenne de l’environnement, constate le renforcement
des liens entre la pollution environnementale et des risques sanitaires
croissants de plus en plus évidents. Les pathologies liées à l’environnement
ne se limitent pas aux maladies respiratoires, cardio-vasculaires
ou à certains types de cancer, mais comprennent d’autres pathologies
chroniques et émergentes, notamment des atteintes du système immunitaire,
des maladies neurologiques et neurodégénératives, ainsi que des
perturbations du système hormonal et de reproduction.
2. L’embryon, le fœtus, le nouveau-né et l’enfant étant encore
plus sensibles aux facteurs environnementaux que l’adulte, l’Assemblée
lance un signal d’alarme à tous les gouvernements et à tous les organismes
et acteurs responsables afin de sauvegarder ou de rétablir un environnement
sain, et de préserver de cette façon l’avenir de nos enfants et
des générations futures.
3. L’Assemblée a souligné à plusieurs reprises l’importance des
engagements des Etats à préserver l’environnement et la santé environnementale
énoncés lors de nombreuses conférences, chartes, conventions, déclarations
ou protocoles, depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement
humain et la Déclaration de Stockholm (Stockholm, 1972). Elle salue
plus particulièrement les efforts de recherche et les plans d’action
mis en route depuis la 4e Conférence
ministérielle de l’OMS-Europe sur l’environnement et la santé (Budapest,
2004).
4. L’Assemblée regrette toutefois que, malgré l’invocation du
principe de précaution et malgré toutes les recommandations, déclarations
et certaines avancées réglementaires ou législatives, il y ait encore
un manque de réaction face aux risques environnementaux et sanitaires
connus ou émergents, et un retard quasi systématique dans l’adoption
et la concrétisation de mesures préventives efficaces. Cela a abouti
à peu d’amélioration quant à la situation de l’exposition multiple
et chronique à des polluants multiformes, et les pathologies environnementales
restent préoccupantes.
5. Face aux résultats et aux expertises scientifiques connus
dans ce domaine, elle estime qu’il appartient aux pouvoirs politiques
d’agir afin d’éviter des maladies et des crises sanitaires.
6. L’Assemblée souligne l’importance de toutes les formes de
prévention et de dépistage précoce en matière de politique de la
santé environnementale, et estime qu’il faut avant tout encourager
la prévention primaire des risques environnementaux.
7. L’évaluation des risques doit être établie du seul point de
vue des critères scientifiques, c’est-à-dire à l’écart de pressions
de tout ordre du pouvoir politique ou de lobbies économiques, et
doit impérativement prendre en compte les effets parfois insidieux
d’une exposition chronique à faible ou très faible dose de polluants
divers agissant en synergie. En effet, même à petites doses, un
cocktail de polluants dans l’air, l’eau, la nourriture, les produits
de consommation courante ou encore dans les matériaux de construction
(comme l’amiante) peut affecter sérieusement la santé humaine.
8. Une telle évaluation doit surtout tenir compte du fait que
ce n’est pas seulement la dose qui fait le poison, mais aussi la
période d’exposition, les mécanismes d’accumulation et les sensibilités
individuelles vis-à-vis des polluants ou des mélanges de polluants.
9. Depuis plus de vingt ans, des scientifiques, des médecins
de terrain et des médecins de l’environnement, ainsi que des experts
et des professionnels de l’environnement ont averti les pouvoirs politiques
ainsi que les autorités médicales des nouveaux risques sanitaires
et des pathologies environnementales provoqués par l’accumulation
insidieuse de polluants dans tous les milieux, dans la chaîne alimentaire
et dans l’organisme de l’homme lui-même.
10. L’Assemblée reconnaît le rôle primordial joué par la société
civile et par les associations actives dans le domaine de la protection
de l’environnement et de la santé environnementale, en alertant
et dénonçant des scandales sanitaires, mais aussi en élaborant des
stratégies ou des plans d’action préventifs.
11. Face à la montée des risques pour l’environnement, pour le
monde animal et pour la santé de l’homme, surtout celle des générations
futures, l’Assemblée soutient les efforts de recherche engagés aux
niveaux européen et international pour évaluer avec une certitude
suffisante l’impact sur la santé humaine des polluants chimiques
et des rayonnements ionisants et non ionisants à faible dose.
12. L’Assemblée prend note du fait que, en matière de santé environnementale,
tous les acteurs, y compris les toxicologues, les épidémiologistes
et les médecins de l’environnement, s’accordent à reconnaître l’impact négatif
sur la santé humaine de la pollution environnementale et à plaider
pour une meilleure prévention des troubles de la santé éventuellement
liés à cette pollution. La médecine environnementale représente
une nouvelle discipline médicale transversale, qui a émergé et s’est
développée depuis quelques années.
13. L’Assemblée constate que le nombre d’individus qui souffrent
effectivement de maladies liées à l’environnement augmente de façon
régulière et de manière de plus en plus inquiétante.
14. En soulignant qu’il est urgent d’agir concrètement et rapidement
afin d’enrayer la montée des risques connus ou émergents, l’Assemblée
demande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres et observateurs
du Conseil de l’Europe:
14.1. à reconnaître
les liens étroits entre l’environnement et la santé, et à instaurer
des politiques fortes et coordonnées dans ce domaine;
14.2. à promouvoir les effets positifs sur la santé d’un environnement
de bonne qualité et à reconnaître les effets négatifs sur la santé
pouvant résulter d’un environnement de qualité médiocre. Cela doit apparaître
dans un rapport sanitaire public national, que chaque Etat membre
devra adresser au Secrétariat du Conseil de l’Europe;
14.3. à appliquer le principe de précaution afin d’éviter à
l’avenir des crises sanitaires dramatiques et de grande ampleur
provoquées par des facteurs de risque environnemental;
14.4. à veiller à ce que les experts scientifiques puissent
travailler de manière indépendante, transparente et démocratique,
selon les principes du contradictoire et de la recherche pluridisciplinaire;
14.5. à garantir l’application de critères transparents dans
le choix des différents experts et à améliorer leur statut, ainsi
qu’à assurer une meilleure protection des «lanceurs d’alerte»;
14.6. à soutenir activement la participation de la société civile
dans les débats publics contradictoires relatifs aux choix et aux
enjeux technologiques actuels et futurs, et aux niveaux de risques
acceptables («études d’impact»);
14.7. à intensifier d’urgence et de façon substantielle les
efforts pour élaborer une politique globale de prévention des maladies
chroniques liées à l’environnement, ainsi que des plans d’action
politiques environnement-santé pour inciter à une reconversion durable
et écologiquement responsable de tous les domaines de l’action politique
et de l’activité humaine;
14.8. à adopter des politiques de prévention dans tous les domaines,
aux niveaux de la production et de la transformation de produits
alimentaires de consommation et du développement des services, afin de
favoriser le développement d’une nouvelle économie protectrice de
la santé;
14.9. à établir un réseau de communication entre les Etats membres
sur les risques de pollution pour la santé, de sorte que le public
puisse se déterminer sur l’impact de l’environnement sur sa santé,
et effectuer les choix nécessaires à l’amélioration de celle-ci;
14.10. à contribuer activement à la mise en place et au renforcement
d’une politique de production chimique plus responsable, en retirant
du marché toutes les substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques
et neurotoxiques, en appliquant une politique de substitution ferme
et en encourageant (par des mesures fiscales et financières) les
industriels à s’orienter vers des produits plus sûrs et moins polluants;
14.11. à soutenir l’agriculture biologique et à réguler des modes
de production agricole contenant moins de pesticides, à développer
des modes de production d’énergie moins polluants, à réduire l’impact sanitaire
du trafic automobile et à favoriser une politique de construction
prenant en compte l’impact de la construction et des matériaux sur
la santé;
14.12. à prendre en considération les avertissements de l’Agence
européenne de l’environnement relatifs à la pollution électromagnétique
et à certains risques sanitaires attribués à la téléphonie mobile;
14.13. à favoriser, dans leurs programmes ou plans d’action de
prévention, des mesures de formation et d’éducation au risque de
santé environnementale à tous les échelons de la société, et à développer des
échanges entre experts et citoyens, et entre médecins et patients;
14.14. à reconnaître la médecine environnementale comme une nouvelle
discipline médicale transversale et à développer des programmes
harmonisés de formation et de formation continue pour étudiants
et médecins au niveau européen;
14.15. à renforcer et à généraliser, en ce qui concerne la problématique
de la pollution intérieure de l’habitat ou des bâtiments, le système
d’«ambulances vertes» (des laboratoires d’intervention et d’analyse
à domicile à la demande de particuliers en liaison avec le médecin
traitant, ainsi que l’intervention et l’expertise des conseillers
en environnement intérieur), et à prévoir de nouvelles formations
de conseillers médicaux en environnement intérieur;
14.16. à améliorer la prise en charge, par un meilleur remboursement
des frais de diagnostic et de thérapie, des personnes souffrant
de maladies liées à l’environnement, souvent confrontées à d’importantes
souffrances de longue durée, entraînant des dépenses de santé élevées;
14.17. à soutenir activement, par des subventions, des contrats
ou des accords de partenariat, les associations de patients actives
dans le domaine de la santé environnementale et des maladies liées
à l’environnement.
15. L’Assemblée demande au Comité des Ministres de charger un
comité d’experts de préparer un projet de recommandation s’inspirant
des éléments ci-dessus.