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Recommandation 1863 (2009)

Environnement et santé: mieux prévenir les risques sanitaires liés à l’environnement

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 13 mars 2009 (voir Doc. 11788, rapport de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. Huss; et avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur: M. Hancock).

1. L’Assemblée parlementaire, à l’instar d’autres institutions internationales telles que l’Union européenne, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Agence européenne de l’environnement, constate le renforcement des liens entre la pollution environnementale et des risques sanitaires croissants de plus en plus évidents. Les pathologies liées à l’environnement ne se limitent pas aux maladies respiratoires, cardio-vasculaires ou à certains types de cancer, mais comprennent d’autres pathologies chroniques et émergentes, notamment des atteintes du système immunitaire, des maladies neurologiques et neurodégénératives, ainsi que des perturbations du système hormonal et de reproduction.
2. L’embryon, le fœtus, le nouveau-né et l’enfant étant encore plus sensibles aux facteurs environnementaux que l’adulte, l’Assemblée lance un signal d’alarme à tous les gouvernements et à tous les organismes et acteurs responsables afin de sauvegarder ou de rétablir un environnement sain, et de préserver de cette façon l’avenir de nos enfants et des générations futures.
3. L’Assemblée a souligné à plusieurs reprises l’importance des engagements des Etats à préserver l’environnement et la santé environnementale énoncés lors de nombreuses conférences, chartes, conventions, déclarations ou protocoles, depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain et la Déclaration de Stockholm (Stockholm, 1972). Elle salue plus particulièrement les efforts de recherche et les plans d’action mis en route depuis la 4e Conférence ministérielle de l’OMS-Europe sur l’environnement et la santé (Budapest, 2004).
4. L’Assemblée regrette toutefois que, malgré l’invocation du principe de précaution et malgré toutes les recommandations, déclarations et certaines avancées réglementaires ou législatives, il y ait encore un manque de réaction face aux risques environnementaux et sanitaires connus ou émergents, et un retard quasi systématique dans l’adoption et la concrétisation de mesures préventives efficaces. Cela a abouti à peu d’amélioration quant à la situation de l’exposition multiple et chronique à des polluants multiformes, et les pathologies environnementales restent préoccupantes.
5. Face aux résultats et aux expertises scientifiques connus dans ce domaine, elle estime qu’il appartient aux pouvoirs politiques d’agir afin d’éviter des maladies et des crises sanitaires.
6. L’Assemblée souligne l’importance de toutes les formes de prévention et de dépistage précoce en matière de politique de la santé environnementale, et estime qu’il faut avant tout encourager la prévention primaire des risques environnementaux.
7. L’évaluation des risques doit être établie du seul point de vue des critères scientifiques, c’est-à-dire à l’écart de pressions de tout ordre du pouvoir politique ou de lobbies économiques, et doit impérativement prendre en compte les effets parfois insidieux d’une exposition chronique à faible ou très faible dose de polluants divers agissant en synergie. En effet, même à petites doses, un cocktail de polluants dans l’air, l’eau, la nourriture, les produits de consommation courante ou encore dans les matériaux de construction (comme l’amiante) peut affecter sérieusement la santé humaine.
8. Une telle évaluation doit surtout tenir compte du fait que ce n’est pas seulement la dose qui fait le poison, mais aussi la période d’exposition, les mécanismes d’accumulation et les sensibilités individuelles vis-à-vis des polluants ou des mélanges de polluants.
9. Depuis plus de vingt ans, des scientifiques, des médecins de terrain et des médecins de l’environnement, ainsi que des experts et des professionnels de l’environnement ont averti les pouvoirs politiques ainsi que les autorités médicales des nouveaux risques sanitaires et des pathologies environnementales provoqués par l’accumulation insidieuse de polluants dans tous les milieux, dans la chaîne alimentaire et dans l’organisme de l’homme lui-même.
10. L’Assemblée reconnaît le rôle primordial joué par la société civile et par les associations actives dans le domaine de la protection de l’environnement et de la santé environnementale, en alertant et dénonçant des scandales sanitaires, mais aussi en élaborant des stratégies ou des plans d’action préventifs.
11. Face à la montée des risques pour l’environnement, pour le monde animal et pour la santé de l’homme, surtout celle des générations futures, l’Assemblée soutient les efforts de recherche engagés aux niveaux européen et international pour évaluer avec une certitude suffisante l’impact sur la santé humaine des polluants chimiques et des rayonnements ionisants et non ionisants à faible dose.
12. L’Assemblée prend note du fait que, en matière de santé environnementale, tous les acteurs, y compris les toxicologues, les épidémiologistes et les médecins de l’environnement, s’accordent à reconnaître l’impact négatif sur la santé humaine de la pollution environnementale et à plaider pour une meilleure prévention des troubles de la santé éventuellement liés à cette pollution. La médecine environnementale représente une nouvelle discipline médicale transversale, qui a émergé et s’est développée depuis quelques années.
13. L’Assemblée constate que le nombre d’individus qui souffrent effectivement de maladies liées à l’environnement augmente de façon régulière et de manière de plus en plus inquiétante.
14. En soulignant qu’il est urgent d’agir concrètement et rapidement afin d’enrayer la montée des risques connus ou émergents, l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
14.1. à reconnaître les liens étroits entre l’environnement et la santé, et à instaurer des politiques fortes et coordonnées dans ce domaine;
14.2. à promouvoir les effets positifs sur la santé d’un environnement de bonne qualité et à reconnaître les effets négatifs sur la santé pouvant résulter d’un environnement de qualité médiocre. Cela doit apparaître dans un rapport sanitaire public national, que chaque Etat membre devra adresser au Secrétariat du Conseil de l’Europe;
14.3. à appliquer le principe de précaution afin d’éviter à l’avenir des crises sanitaires dramatiques et de grande ampleur provoquées par des facteurs de risque environnemental;
14.4. à veiller à ce que les experts scientifiques puissent travailler de manière indépendante, transparente et démocratique, selon les principes du contradictoire et de la recherche pluridisciplinaire;
14.5. à garantir l’application de critères transparents dans le choix des différents experts et à améliorer leur statut, ainsi qu’à assurer une meilleure protection des «lanceurs d’alerte»;
14.6. à soutenir activement la participation de la société civile dans les débats publics contradictoires relatifs aux choix et aux enjeux technologiques actuels et futurs, et aux niveaux de risques acceptables («études d’impact»);
14.7. à intensifier d’urgence et de façon substantielle les efforts pour élaborer une politique globale de prévention des maladies chroniques liées à l’environnement, ainsi que des plans d’action politiques environnement-santé pour inciter à une reconversion durable et écologiquement responsable de tous les domaines de l’action politique et de l’activité humaine;
14.8. à adopter des politiques de prévention dans tous les domaines, aux niveaux de la production et de la transformation de produits alimentaires de consommation et du développement des services, afin de favoriser le développement d’une nouvelle économie protectrice de la santé;
14.9. à établir un réseau de communication entre les Etats membres sur les risques de pollution pour la santé, de sorte que le public puisse se déterminer sur l’impact de l’environnement sur sa santé, et effectuer les choix nécessaires à l’amélioration de celle-ci;
14.10. à contribuer activement à la mise en place et au renforcement d’une politique de production chimique plus responsable, en retirant du marché toutes les substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et neurotoxiques, en appliquant une politique de substitution ferme et en encourageant (par des mesures fiscales et financières) les industriels à s’orienter vers des produits plus sûrs et moins polluants;
14.11. à soutenir l’agriculture biologique et à réguler des modes de production agricole contenant moins de pesticides, à développer des modes de production d’énergie moins polluants, à réduire l’impact sanitaire du trafic automobile et à favoriser une politique de construction prenant en compte l’impact de la construction et des matériaux sur la santé;
14.12. à prendre en considération les avertissements de l’Agence européenne de l’environnement relatifs à la pollution électromagnétique et à certains risques sanitaires attribués à la téléphonie mobile;
14.13. à favoriser, dans leurs programmes ou plans d’action de prévention, des mesures de formation et d’éducation au risque de santé environnementale à tous les échelons de la société, et à développer des échanges entre experts et citoyens, et entre médecins et patients;
14.14. à reconnaître la médecine environnementale comme une nouvelle discipline médicale transversale et à développer des programmes harmonisés de formation et de formation continue pour étudiants et médecins au niveau européen;
14.15. à renforcer et à généraliser, en ce qui concerne la problématique de la pollution intérieure de l’habitat ou des bâtiments, le système d’«ambulances vertes» (des laboratoires d’intervention et d’analyse à domicile à la demande de particuliers en liaison avec le médecin traitant, ainsi que l’intervention et l’expertise des conseillers en environnement intérieur), et à prévoir de nouvelles formations de conseillers médicaux en environnement intérieur;
14.16. à améliorer la prise en charge, par un meilleur remboursement des frais de diagnostic et de thérapie, des personnes souffrant de maladies liées à l’environnement, souvent confrontées à d’importantes souffrances de longue durée, entraînant des dépenses de santé élevées;
14.17. à soutenir activement, par des subventions, des contrats ou des accords de partenariat, les associations de patients actives dans le domaine de la santé environnementale et des maladies liées à l’environnement.
15. L’Assemblée demande au Comité des Ministres de charger un comité d’experts de préparer un projet de recommandation s’inspirant des éléments ci-dessus.