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Recommandation 1864 (2009)
Promouvoir la participation des enfants aux décisions qui les concernent
1. L’Assemblée
parlementaire considère que le processus de partage des décisions
qui concernent la vie de l’individu et celle de la collectivité
dans laquelle il vit est un des moyens de construire et de mesurer
la démocratie dans un pays; la participation est un droit fondamental
du citoyen et les enfants sont des citoyens.
2. Le droit des enfants à la participation est reconnu dans la
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (article
12), tout comme dans certains instruments du Conseil de l’Europe,
comme la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants
(STE no 160). L’Assemblée estime urgent
de sensibiliser tous ceux qui vivent et travaillent avec les enfants,
et prennent des décisions les concernant, à la double obligation
de l’article 12 de la Convention des Nations Unies que tous les
Etats membres ont ratifiée.
3. En vertu de cet article 12, chaque fois qu’une décision est
prise concernant un enfant, ses opinions, ses souhaits et ses sentiments
doivent être identifiés, quel que soit son âge, son genre, sa religion,
son statut social ou sa situation. L’article 12 établit un principe
général applicable à tous les enfants, y compris les enfants handicapés,
et est applicable à tous les droits de l’enfant inscrits dans la
convention précitée.
4. Chaque fois qu’une décision est prise concernant un enfant,
ses opinions, ses souhaits et ses sentiments doivent être dûment
pris en considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité.
L’âge et la maturité doivent être considérés conjointement; ces
deux facteurs n’étant pas uniquement liés à la capacité intellectuelle
de l’enfant. La manière dont l’enfant exprime ses sentiments, le
développement de sa personnalité, l’évolution de ses capacités et
son aptitude à faire face à diverses émotions et possibilités sont tout
aussi importants.
5. L’Assemblée souhaite que tous les décideurs prennent au sérieux
les opinions, les souhaits et les sentiments de l’enfant, y compris
des plus jeunes. L’influence de l’enfant sur le processus de décision dépendra
de son âge et de sa maturité. La participation doit toujours être
pertinente, volontaire et facilitée. Les adultes ont le devoir de
ne pas mettre en péril les enfants et de ne pas les charger de responsabilités
qu’ils ne sont pas en mesure d’assumer. Les enfants ont une connaissance
unique de leurs vies, de leurs besoins et de leurs préoccupations.
L’Assemblée est convaincue que leur participation devrait être un
facteur déterminant dans les décisions les concernant directement.
6. L’Assemblée constate que le débat sur la participation ne
demande plus simplement aux adultes d’écouter les enfants, mais
aussi de prendre en considération et de suivre les vues et opinions
exprimées par les enfants; aujourd’hui, l’accent est mis sur le
fait que les enfants sont censés pouvoir s’engager dans des actions
efficaces; il faut surtout veiller à ce que ce qu’ils font ou ce
qu’ils disent débouche sur des changements positifs pour eux.
7. Cette écoute des enfants et leur participation doivent s’exercer
dans les décisions prises dans tous les domaines et tout particulièrement
dans la vie familiale, les soins de santé, les questions et procédures
relatives à l’adoption, dans l’éducation, la vie communautaire et
l’accès à la justice et à son administration. Des efforts supplémentaires
sont nécessaires pour garantir que, dans les procédures judiciaires
et administratives, il soit permis aux enfants d’exprimer librement
leurs opinions, dans un climat de respect, de confiance et de compréhension
mutuelle. Promouvoir une participation significative des enfants
demande une attention spéciale afin d’éviter tout danger pour l’enfant
et toute pression, contrainte ou manipulation de l’enfant; les enfants
doivent avoir accès à une information adaptée à leur condition d’enfant,
à leur âge et à leur situation.
8. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à prier instamment
les gouvernements des Etats membres:
8.1. d’examiner leur législation, leur politique et leur pratique
vis-à-vis de l’enfant lors de toutes les phases de la prise de décision
afin d’évaluer dans quelle mesure les opinions de l’enfant sont
entendues et prises au sérieux. Les opinions et les expériences
de l’enfant seront au cœur de cet examen. Lorsque le consentement
de l’enfant est requis avant qu’une action puisse être prise par
une autorité publique, par exemple en matière d’adoption ou de soins
de santé, les conséquences de l’imposition d’un âge minimal devront
être examinées et, le cas échéant, corrigées, compte tenu de l’intérêt
supérieur de l’enfant;
8.2. de développer, dans une stratégie nationale, les actions
que chaque Etat membre devra initier pour accroître la participation
des enfants aux décisions les concernant. Les besoins spécifiques
des enfants handicapés, des enfants défavorisés, des très jeunes
enfants et des enfants en prison ou dans d’autres environnements
dangereux, ou encore des enfants migrants ou demandeurs d’asile
devront être pris en compte, et le droit de tous les enfants à la
participation devra être promu et garanti sans aucune discrimination;
8.3. d’offrir la plus forte protection juridique possible au
droit de participation de l’enfant, y compris dans leur Constitution
nationale, la législation relative aux droits de l’homme et dans
les autres secteurs appropriés (y compris ceux de l’éducation, de
l’administration de la justice et de l’immigration), compte tenu
de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’évolution de ses capacités.
Le droit de l’enfant d’exprimer ses opinions et de participer devrait
être pertinent, volontaire, adapté et facilité. En principe, il
ne devrait pas exister d’âge minimal à partir duquel l’enfant aurait
le droit d’exprimer son opinion. Les enfants doivent aussi disposer
d’une information appropriée, dans les langues régionales, sur les
droits et la protection des enfants et sur leur accès aux différents
services mis à leur disposition;
8.4. d’appliquer et de faire appliquer ces droits de l’enfant
dans et par tous les pouvoirs publics, les services publics et dans
tous les domaines de la vie. Il ne doit pas exister de dérogation
pour un domaine ou une profession quelconque; les enfants et les
jeunes devraient aussi être consultés sur la qualité des services
existants et sur les moyens d’accroître leur accessibilité à tous
les enfants.
9. L’Assemblée demande instamment au Comité des Ministres d’inviter
les gouvernements des Etats membres à lancer des programmes publics
d’éducation à l’intention des parents et des enfants:
9.1. qui les informent du droit de
l’enfant d’exprimer librement son opinion;
9.2. qui présentent l’enfant comme un être humain doté de sentiments,
ayant des opinions et des aspirations et détenant des droits;
9.3. qui développent l’utilisation de matériaux et services
adaptés aux enfants.
10. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à demander aux
gouvernements des Etats membres:
10.1. de
garantir que les Codes civils et la législation décrivant les droits,
devoirs et responsabilités des parents mettent en exergue le respect
de la dignité humaine, des sentiments et des opinions de l’enfant, et
incluent l’obligation de prendre dûment en considération les opinions
de l’enfant, en tenant compte de l’évolution de ses capacités;
10.2. d’offrir une formation aux droits et à la participation
de l’enfant à toute personne impliquée dans les processus de décision,
en particulier aux juges, aux procureurs, aux juristes, aux éducateurs
et aux personnels médicaux, et de développer chez les professionnels
travaillant avec les enfants la capacité à consulter des enfants
de groupes d’âge différents et à travailler avec eux.
11. Pour l’Assemblée, l’existence continue de violences sanctionnées
par la législation dans divers contextes, y compris celui de la
famille, nuit aux enfants en tant qu’individus et groupe social,
et l’engagement à la participation des enfants exige l’élimination
des lois qui dénigrent l’enfant en tant qu’être humain. Elle soutient
l’initiative européenne lancée dans le cadre du programme du Conseil
de l’Europe «Construire une Europe pour et avec les enfants» visant
à éliminer les châtiments corporels pour les enfants. L’Assemblée invite
instamment le Comité des Ministres à demander aux gouvernements
de tous les Etats membres d’édicter une interdiction explicite des
châtiments corporels et des traitements dégradants pour les enfants, même
au sein de la famille, et de traiter aussi des autres formes d’abus
et d’exploitation des enfants qui les empêchent de participer et
de développer leur potentiel.
12. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à encourager les
gouvernements des Etats membres à réexaminer les restrictions liées
à l’âge apportées au droit de vote, en vue d’encourager la participation
des jeunes à la vie politique.
13. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à demander instamment
aux gouvernements des Etats membres:
13.1. d’instituer, en conformité avec l’ordre juridique interne,
un médiateur pour les enfants au plan national, voire local, indépendant
et responsable de la promotion et de la protection des droits des enfants,
et habilité à traiter des plaintes et des requêtes individuelles
des enfants;
13.2. de s’assurer que les enfants abandonnés et/ou handicapés
placés en institution ont également accès à une instance indépendante
qui défend leurs droits (un médiateur ou, à défaut, un magistrat spécialisé)
et qui assure un contrôle régulier du respect des droits des enfants
par les institutions.
14. L’Assemblée soutient l’initiative et les conclusions de la
Conférence des ministres européens de la Justice tenue à Lanzarote
en octobre 2007 en ce qui concerne la participation des enfants
aux procédures judiciaires dans lesquelles ils sont impliqués en
tant que composante importante d’une justice moderne et équitable,
et invite le Comité des Ministres, via ses organes compétents, à
préparer des lignes directrices européennes pour une justice adaptée
aux enfants.
15. L’Assemblée se félicite des progrès accomplis dans le cadre
du programme «Construire une Europe pour et avec les enfants» et
invite le Comité des Ministres à soutenir et à développer, dans
les Etats membres et au sein du Conseil de l’Europe, le projet en
cours visant la promotion de la participation des enfants, y compris
le développement d’une information adaptée aux enfants sur les instruments
de l’Organisation.
16. Enfin, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à demander
aux gouvernements des Etats membres:
16.1. d’investir dans le développement et le bon fonctionnement
des organisations dirigées par des enfants et des adolescents, en
veillant à ce qu’il n’existe pas d’obstacle à l’autopromotion des
enfants;
16.2. d’impliquer ces organisations dans le suivi continu de
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant
dans tout Etat membre ainsi que dans celui de la mise en œuvre des
traités pertinents du Conseil de l’Europe et des autres engagements
souscrits par les Etats membres pour réaliser les droits de l’enfant.