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Résolution 1662 (2009)
Agir pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles
1. Aujourd’hui,
en Europe, de nombreux Etats sont confrontés au problème des mariages
forcés, des mutilations sexuelles féminines et d’autres violations
graves des droits de l’homme perpétrées contre les femmes et les
filles en raison de leur sexe. Les estimations disponibles dans
différents pays indiquent que des milliers de filles et de femmes,
le plus souvent issues des communautés immigrées, sont vulnérables
à ces formes de violences. Alors que les pratiques incriminées sont
interdites en Europe, ces filles et ces femmes deviennent des victimes
du fait des agissements de leur propre famille. Elles sont enlevées,
séquestrées illégalement, dans certains cas contraintes à retourner
dans leur pays d’origine et, au nom de la tradition et de pratiques
coutumières ou religieuses, mariées de force, excisées ou réduites
en esclavage.
2. Si les avancées réalisées dans le domaine des droits de la
femme dans certains pays d’émigration sont encourageantes, ces pratiques
qui tendent à perdurer au sein des communautés immigrées installées
en Europe perpétrant, au nom de la coutume ou de la religion, des
traditions et des rites issus de leur pays d’origine, sont une régression.
Les mariages forcés et les violations des droits de la personne
humaine de ce type sont souvent un alibi pour permettre à l’époux
étranger de migrer par le biais du regroupement familial.
3. L’Assemblée parlementaire réaffirme que toute violation des
droits de la personne humaine perpétrée contre les femmes et les
filles doit être combattue avec fermeté. Aucun relativisme culturel
ne saurait être invoqué pour justifier la mise en danger de l’intégrité
physique ou psychique d’une femme ou d’une fille. En vertu des textes
internationaux en vigueur, et en particulier la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5), tous
les Etats membres du Conseil de l’Europe ont une obligation d’agir,
avec diligence, de sorte à empêcher de telles violations des droits
de la personne humaine et des libertés fondamentales.
4. Rappelant sa Résolution
1468 (2005) sur les mariages forcés et les mariages d’enfants, sa Résolution 1247 (2001) sur les mutilations sexuelles féminines et ses nombreux
travaux sur la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres
humains, l’Assemblée considère qu’il relève de la responsabilité
des Etats membres de mettre tous les moyens en œuvre pour prévenir
et combattre ces pratiques, aux niveaux tant national qu’international.
La volonté politique est une condition essentielle pour éradiquer
ces pratiques.
5. L’Assemblée estime que les Etats membres devraient, d’une
part, au niveau national, développer des politiques de protection
des victimes, de prévention de ces violations et de sanction des
auteurs, et, d’autre part, au niveau international, promouvoir les
droits des femmes et la lutte contre la violence fondée sur le sexe. La
lutte contre les pratiques contraires aux droits de la personne
humaine que représentent les mariages forcés, les mutilations sexuelles
féminines et toute autre forme de violence fondée sur le sexe devrait
dans le même temps devenir une priorité dans les pays d’origine,
tout comme la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre
les sexes.
6. L’Assemblée note que les Etats membres rencontrent des difficultés
pour protéger les victimes, potentielles ou avérées, de pratiques
contraires aux droits de la personne humaine, en particulier lorsque
les victimes détiennent la double nationalité car, en vertu des
règles de droit international privé ou de certaines conventions
bilatérales, les possibilités d’intervention des missions consulaires
des Etats membres sont réduites.
7. L’Assemblée appelle par conséquent les Etats membres, au niveau
national, à mettre tous les moyens en œuvre:
7.1. pour collecter les statistiques sur les mariages forcés
et autres violations des droits de l’homme fondées sur le sexe,
et en assurer l’analyse des résultats et le suivi au niveau national;
7.2. pour modifier la législation, si ce n’est pas déjà fait,
afin d’interdire et de sanctionner, de manière non discriminatoire,
tous les mariages forcés (suivant la Résolution 1468 (2005) de l’Assemblée parlementaire), les mutilations sexuelles
féminines et toute autre violation des droits de la personne humaine
fondée sur le sexe, y compris celle perpétrée au nom du relativisme
culturel ou religieux;
7.3. pour promouvoir la mise en réseau des acteurs sociaux
et politiques afin de faciliter l’échange d’informations, et pour
promouvoir une action publique concertée;
7.4. pour lancer des poursuites en cas d’enlèvement, de séquestration
illégale et de retour forcé de femmes et de jeunes filles, lorsqu’il
est avéré qu’elles risquent de subir des pratiques contraires aux droits
de la personne humaine et aux valeurs du Conseil de l’Europe, tels
les mariages forcés ou les mutilations sexuelles féminines;
7.5. pour introduire ou mettre en place des mesures de prévention
qui pourraient inclure:
7.5.1. des
programmes de sensibilisation et d’éducation visant les femmes et
les jeunes filles ainsi que leur entourage familial sur le respect
des droits fondamentaux, la promotion de l’égalité entre les femmes
et les hommes, et la lutte contre les pratiques contraires aux droits
de la personne humaine, en particulier lorsqu’elles sont fondées
sur le genre;
7.5.2. une information sur les lois et les bonnes pratiques disponible
dans les langues des communautés concernées, mettant en exergue
les risques encourus en cas d’infraction et les dispositifs de protection
existants;
7.5.3. une information ciblant les jeunes filles et les femmes
des communautés concernées, y compris celles qui suivent une scolarité
ou un cursus universitaire à plein-temps, sur les dispositifs de
protection mis en place par les autorités du pays d’accueil;
7.5.4. un soutien aux organisations non gouvernementales visant
à informer les communautés immigrées des avancées législatives dans
le domaine des droits des femmes et de l’évolution des comportements
qui ont pu intervenir dans les pays d’origine;
7.6. pour prévoir des dispositifs d’aide aux victimes, et en
particulier augmenter le nombre de refuges accueillant les femmes,
afin d’assurer leur protection (refuges, lignes d’aide téléphoniques)
et leur réinsertion sociale et professionnelle, une fois rapatriées;
7.7. pour mettre en place des programmes de sensibilisation
et de formation sur les violences fondées sur le sexe, destinés
aux autorités de police (y compris la police des frontières), au
personnel des tribunaux et aux magistrats des juridictions civiles
et pénales, ainsi qu’au personnel de santé;
7.8. pour introduire un système d’alerte permettant aux proches
de victimes – potentielles ou avérées – de violences fondées sur
le sexe d’avertir les autorités du pays de résidence (et, le cas
échéant, ses missions consulaires) des cas d’enlèvement, de séquestration
illégale et d’éventuel retour forcé ou abusif de ces victimes vers
leur pays d’origine, afin d’enclencher une procédure d’enquête,
et de prévoir, lorsque cela est possible, des mesures pour protéger
la victime, comme l’interdiction de sortie du territoire;
7.9. pour adopter des mesures juridiques propres à faciliter
l’exercice de poursuites contre les personnes ayant commis une infraction
pénale de violence domestique à l’encontre des femmes.
8. L’Assemblée invite par ailleurs les Etats membres, dans leurs
relations internationales:
8.1. à
renforcer la sensibilisation du personnel consulaire, par le biais
de formations et de guides pratiques, aux enjeux de l’égalité entre
les sexes dans les pays d’origine, au dispositif légal en vigueur relatif
aux droits des femmes et à son application, ainsi qu’aux risques
graves encourus par les femmes et les filles qui, au nom de pratiques
contraires aux droits de la personne humaine, sont rapatriées, de manière
forcée ou abusive, vers leur pays d’origine;
8.2. à développer, en particulier à l’attention du personnel
consulaire, des protocoles d’intervention clairs définissant des
mécanismes pour localiser et identifier les victimes, faciliter
leur accès au consulat du pays dans lequel elles résident habituellement,
et faciliter leur rapatriement et leur réinsertion;
8.3. à développer des mécanismes de coopération avec les autorités
nationales et locales des pays d’origine pour les encourager à intervenir
auprès des familles concernées en vue de prévenir ou de stopper
les violations des droits de la personne humaine, et, le cas échéant,
à appliquer les sanctions prévues par la loi;
8.4. à établir des programmes de coopération avec les organisations
non gouvernementales dans les pays d’origine pour permettre la localisation
et l’identification des victimes, et pour faciliter la prise de contact
avec la famille de la victime;
8.5. à accélérer l’octroi d’un visa de retour à toute femme
ou fille victime de violations de la personne humaine, en particulier
lorsque son titre de séjour original a expiré;
8.6. à renforcer la coopération avec les autorités des pays
d’origine et à les encourager, notamment par le biais de programmes
de formation et de financements:
8.6.1. à
modifier la législation, si ce n’est pas encore fait, pour interdire
toute pratique rituelle ou coutumière contraire aux droits de la
personne humaine, conformément aux instruments juridiques internationaux
et notamment à la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination
de la violence à l’égard des femmes et à la Convention sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;
8.6.2. à adopter des lois qui accordent davantage d’autonomie
aux femmes, renforcent l’égalité entre les sexes et combattent les
violences faites aux femmes;
8.6.3. à mener des politiques énergiques pour faire connaître
cette législation et à en assurer l’application effective, à la
fois dans les zones urbaines et les zones rurales;
8.7. à soutenir les organisations non gouvernementales dans
les pays d’accueil et les pays d’origine, qui jouent un rôle de
prévention et d’assistance essentiel dans ce domaine et peuvent
assurer le lien entre les communautés immigrées et leurs pays d’origine.