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Résolution 1663 (2009)

Les femmes en prison

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 avril 2009 (13e séance) (voir Doc. 11619, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteuse: Mme Cliveti; Doc. 11838, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteuse: Mme Hajibayli; et Doc. 11665, avis de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Hägg). Texte adopté par l’Assemblée le 28 avril 2009 (13e séance).

1. La population carcérale féminine s’accroît en Europe. Toutefois, les femmes restent minoritaires dans les prisons, qui sont d’ailleurs conçues pour accueillir une population masculine. Pour ces raisons, et parce que les femmes détenues présentent souvent un niveau social et éducatif inférieur à celui des hommes, il est fréquent que les prisons, les régimes pénitentiaires et les programmes de réinsertion et d’éducation des détenus ne prennent pas en compte les besoins spécifiques des femmes.
2. Compte tenu du nombre relativement faible de femmes détenues et de femmes en détention provisoire, il y a moins de prisons pour femmes et encore moins de places pour les femmes en détention provisoire; c’est pourquoi les femmes sont détenues plus loin de leur domicile, les coupant de leurs liens familiaux. En fait, certains pays européens ne possèdent qu’un seul établissement pénitentiaire réservé aux femmes, ce qui a pour conséquence que les femmes détenues peuvent être placées très loin de leur domicile et de leur famille. Il est d’autant plus important que les autorités déploient des efforts pour atténuer les effets de l’emprisonnement sur la vie familiale des femmes détenues.
3. A cet égard, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Recommandation 1469 (2000) concernant les mères et les bébés en prison, et elle invite les Etats membres à mettre pleinement en œuvre ses dispositions.
4. L’Assemblée considère par ailleurs que, à chaque nouvel examen des Règles pénitentiaires européennes, le Conseil de coopération pénologique, qui est l’organe du Conseil de l’Europe spécialiste de ces questions, devrait s’efforcer de renforcer les dispositions existantes et d’en ajouter de nouvelles de nature à encourager les Etats membres à améliorer la situation des femmes dans les prisons.
5. De même, l’Assemblée considère que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe devraient prêter une plus grande attention à la situation des femmes privées de liberté dans le cadre de leurs visites et de leurs travaux respectifs.
6. D’une manière générale, l’Assemblée estime que pour placer une femme en détention, en particulier si elle a la charge exclusive ou principale d’un ou de plusieurs enfants, une peine privative de liberté devrait uniquement être imposée si la gravité du délit le justifie, compte tenu des bouleversements et du coût affectif qu’elle peut entraîner pour la mère et son/ses enfant(s). Dans tous les cas, la condamnation à la prison devrait être choisie en dernier ressort, et seulement si aucune autre option n’est possible. Les peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général ou des peines similaires ou les approches de la justice réparatrice devraient être envisagées en premier, notamment dans les cas d’infractions non violentes.
7. L’Assemblée estime que la réforme des prisons et des politiques en matière de justice pénale est nécessaire pour garantir une application plus humaine et plus efficace de la justice pour les femmes. En particulier, la détention provisoire et les peines de prison doivent être évitées dans la mesure du possible pour les filles de moins de 18 ans.
8. En vue d’améliorer les conditions de détention des femmes dans les prisons, l’Assemblée appelle les Etats membres:
8.1. à mettre en œuvre sans délai les dispositions contenues dans les Règles pénitentiaires européennes révisées, en observant que, d’après la Règle 4, «le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme»;
8.2. à collecter des informations sur tous les aspects de la détention, en veillant à ce que les données soient en totalité ventilées selon le sexe et que les statistiques soient rendues publiques;
8.3. à consigner, dès l’incarcération d’une personne, le nombre, l’âge et le lieu de résidence de ses enfants et de la personne qui en a la charge (que la personne incarcérée soit un homme ou une femme), et à rendre ces informations publiques;
8.4. à veiller à ce que les femmes qui ont la charge exclusive d’enfants en bas âge ne soient pas placées en détention provisoire, sauf s’il existe un risque réel qu’elles commettent une nouvelle infraction, se soustraient à la justice ou cherchent à faire pression sur des témoins. La possibilité d’une suspension de l’application de la peine d’emprisonnement durant la grossesse pourrait aussi être envisagée;
8.5. à veiller à ce que chaque prison pour femmes fasse l’objet d’une inspection annuelle par un inspecteur indépendant qui devra établir un rapport pour examen au parlement;
8.6. à envisager de mettre en place des «prisons du week-end» spécialement pour les femmes;
8.7. à chercher à réduire le nombre de femmes envoyées en prison compte tenu du pourcentage élevé de femmes actuellement détenues qui sont toxicomanes ou qui souffrent de problèmes de santé mentale;
8.8. à veiller à ce que les femmes détenues qui sont handicapées ou qui souffrent de maladies chroniques bénéficient de l’aide et de l’assistance indispensables (comme des interprètes en langue des signes, des documents en braille, des soins médicaux, etc.) dont elles peuvent avoir besoin en raison de leur handicap lors de la période préalable au procès et au moment du procès et de la condamnation; et à veiller à ce qu’elles ne soient pas séparées des autres détenus lors des activités sociales et éducatives organisées en prison en mettant à leur disposition des programmes et des services appropriés.
9. En ce qui concerne la détention de mères ou de femmes enceintes en prison, l’Assemblée invite les Etats membres:
9.1. à garantir, lorsqu’il n’est pas possible de recourir à des mesures alternatives à la détention provisoire, des conditions de détention aussi favorables que possible. Les restrictions pénalisant les familles des personnes détenues, concernant par exemple les visites et le lieu d’incarcération, doivent être appliquées avec la plus grande souplesse possible;
9.2. à veiller à ce que les mères, lorsqu’elles sont incarcérées, soient informées par les autorités nationales de la localisation de leurs enfants et qu’elles aient la certitude que ces derniers sont convenablement pris en charge et qu’ils leur seront rendus lors de leur libération; cette mesure inciterait un plus grand nombre de femmes à déclarer leurs enfants;
9.3. à veiller à ce que les régimes et les établissements pénitentiaires soient suffisamment souples pour répondre aux besoins des femmes enceintes, des mères qui allaitent et des femmes détenues avec leurs enfants;
9.4. à garantir que, lorsque des bébés ou des enfants en bas âge qui sont en prison avec leur mère doivent être séparés d’elle, cela se fasse progressivement, afin que le processus soit aussi peu douloureux et traumatisant que possible;
9.5. à veiller à ce que les enfants qui sont en prison avec leur mère aient accès à des crèches en dehors de la prison, ce qui leur offre des possibilités de socialisation avec d’autres enfants et réduit les effets sociaux préjudiciables de l’emprisonnement sur leur développement personnel;
9.6. à garantir que les autorités pénitentiaires sont attentives aux besoins spécifiques des détenus étrangers du point de vue de la langue et des différences culturelles. Les autorités pénitentiaires devraient veiller à ce que les ressortissants étrangers bénéficient d’une aide pour contacter leurs autorités consulaires. En particulier, les besoins des femmes étrangères dont les enfants se trouvent dans d’autres pays devront être examinés attentivement et pris en compte chaque fois que cela est possible;
9.7. à veiller à ce que les mères détenues soient placées dans des prisons situées à une distance raisonnable de leur famille, avec un temps de déplacement acceptable.
10. En ce qui concerne les besoins des femmes détenues en matière d’hygiène et de santé, l’Assemblée invite les Etats membres:
10.1. à garantir que les prisons disposent de politiques et de programmes destinés aux femmes dans les domaines de l’hygiène et de la santé, et que ces politiques et programmes sont spécialement adaptés à leurs besoins. Il convient notamment d’identifier les besoins en matière d’hygiène et de soins des femmes enceintes, des mères qui allaitent, des femmes en période postnatale et des femmes âgées, et d’en tenir compte;
10.2. à garantir que tous les examens médicaux des femmes détenues (lors de leur admission ou ultérieurement) sont effectués hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin – hors de la vue du personnel pénitentiaire. En outre, les femmes détenues doivent être examinées individuellement et non collectivement;
10.3. à garantir qu’aucun moyen de contrainte (comme des menottes) n’est utilisé pendant les examens médicaux, dans la mesure où de telles pratiques portent atteinte à la dignité des femmes détenues concernées et nuisent à l’instauration d’une relation médecin-patient appropriée (tout en risquant d’entraver l’établissement d’un diagnostic médical objectif);
10.4. à garantir que les détenues enceintes sont transférées, le moment venu, dans des hôpitaux extérieurs afin que leur bébé ne naisse pas en prison. En particulier, les détenues enceintes ne devraient pas être menottées ou attachées d’une autre manière à un lit ou à une partie quelconque de mobilier au cours d’un examen gynécologique et/ou pendant et immédiatement après un accouchement. D’autres moyens de satisfaire aux exigences de sécurité peuvent et doivent être mis en œuvre;
10.5. à garantir que les détenues infectées par le VIH/SIDA bénéficient de la prise en charge, du traitement et du soutien spécifiques dont elles ont besoin;
10.6. à garantir, tout au long de la peine, que la détenue fait l’objet d’un dépistage de signes éventuels de dépression ou d’autres maladies mentales. Une attention particulière doit être accordée aux catégories vulnérables, telles que les femmes détenues particulièrement susceptibles d’automutilation;
10.7. à garantir que davantage de recherches sont menées sur la nature et la fréquence des troubles mentaux qui touchent les femmes détenues, et que des moyens de traitement sont proposés dans chaque prison pour femmes;
10.8. à charger les inspecteurs des prisons de contrôler les mesures prises pour les femmes détenues ayant des antécédents de toxicomanie ou d’alcoolisme et à veiller à ce qu’existent dans chaque prison pour femmes des programmes adaptés tenant compte de leurs besoins spécifiques.
11. En ce qui concerne les besoins en matière de formation des femmes détenues, l’Assemblée invite les Etats membres:
11.1. à reconnaître le niveau très bas en lecture, écriture et calcul de l’ensemble des prisonniers, y compris des femmes, et à veiller à ce qu’un minimum de vingt heures d’enseignement et de formation par semaine soit offert à toutes les femmes détenues;
11.2. à garantir que des crèches à l’intérieur et à l’extérieur de la prison sont mises à la disposition des mères détenues avec leur bébé ou leur enfant en bas âge, afin qu’elles puissent travailler ou suivre des cours si elles le souhaitent;
11.3. à garantir que les femmes mineures sont détenues séparément des femmes adultes. Toutefois, dans les cas où cette mesure entraînerait une diminution de l’offre éducative, il devra du moins être garanti que les mineures ne sont pas mises en contact avec des femmes ayant un lourd passé criminel.
12. Pour ce qui concerne l’organisation des visites pour les femmes détenues, l’Assemblée encourage les Etats membres:
12.1. à garantir que toutes les prisons disposent de centres d’accueil des visiteurs. De tels centres peuvent être particulièrement utiles pour les jeunes enfants;
12.2. à garantir que des efforts particuliers sont entrepris pour permettre les visites des enfants des détenus et que le personnel pénitentiaire est formé à accueillir ces enfants. Toute nouvelle mesure ou politique envisagée devra être étudiée du point de vue des effets qu’elle pourrait avoir sur les enfants venus pour une visite et devra, en outre, prendre en considération les droits de l’enfant. Les mesures de sécurité appliquées aux visites ne doivent pas être de nature à intimider les enfants;
12.3. à garantir que les prisons proposent des aires de jeux surveillées où les enfants pourront être pris en charge afin que leur mère et d’autres visiteurs puissent si nécessaire s’entretenir en privé au cours de la visite;
12.4. à autoriser les visites conjugales pour tous les détenus, en donnant librement accès aux moyens contraceptifs;
12.5. à autoriser les femmes détenues, quand cela est possible, à voir leurs enfants âgés de moins de 18 ans en dehors de la prison à l’occasion d’événements particuliers tels que les anniversaires ou les grandes fêtes religieuses.
13. Pour ce qui concerne le respect de la dignité des femmes détenues, l’Assemblée invite les Etats membres:
13.1. à garantir que les gardiens de sexe masculin n’exercent pas des fonctions impliquant un contact physique avec des détenues femmes et qu’ils ne sont pas chargés de leur surveillance dans les lieux où elles sont susceptibles de se dévêtir;
13.2. à mettre en place des moyens de protection des femmes détenues contre toutes les formes de mauvais traitements, y compris à caractère sexiste, de violences et d’exploitation, qu’ils soient le fait d’autres détenus ou du personnel pénitentiaire dans la prison ou lors d’un transfert;
13.3. à garantir que les femmes détenues peuvent porter plainte en cas d’abus sexuel ou de violences, que ces actes soient le fait d’autres détenus, de visiteurs ou du personnel pénitentiaire dans la prison ou lors d’un transfert.
14. Pour ce qui concerne la réinsertion sociale des femmes détenues, l’Assemblée invite les Etats membres à garantir que, lors de leur libération, les femmes voient leurs besoins pris en compte, notamment en cas d’absence de logement, de chômage, de discrimination à l’emploi et de restitution de l’autorité parentale, réduisant ainsi le risque de récidive. Si des services sociaux s’occupaient d’une personne avant son incarcération, ils doivent être informés de sa libération et chargés de l’aider lors de sa réinsertion sociale. L’Assemblée invite les Etats membres à définir des programmes d’emploi pour les femmes détenues afin de leur donner accès à des possibilités d’emploi, leur permettant de contribuer aux systèmes légaux de sécurité sociale.