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Résolution 1663 (2009)
Les femmes en prison
1. La population
carcérale féminine s’accroît en Europe. Toutefois, les femmes restent
minoritaires dans les prisons, qui sont d’ailleurs conçues pour
accueillir une population masculine. Pour ces raisons, et parce que
les femmes détenues présentent souvent un niveau social et éducatif
inférieur à celui des hommes, il est fréquent que les prisons, les
régimes pénitentiaires et les programmes de réinsertion et d’éducation
des détenus ne prennent pas en compte les besoins spécifiques des
femmes.
2. Compte tenu du nombre relativement faible de femmes détenues
et de femmes en détention provisoire, il y a moins de prisons pour
femmes et encore moins de places pour les femmes en détention provisoire;
c’est pourquoi les femmes sont détenues plus loin de leur domicile,
les coupant de leurs liens familiaux. En fait, certains pays européens
ne possèdent qu’un seul établissement pénitentiaire réservé aux
femmes, ce qui a pour conséquence que les femmes détenues peuvent
être placées très loin de leur domicile et de leur famille. Il est
d’autant plus important que les autorités déploient des efforts
pour atténuer les effets de l’emprisonnement sur la vie familiale
des femmes détenues.
3. A cet égard, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Recommandation 1469 (2000) concernant les mères et les bébés en prison, et elle
invite les Etats membres à mettre pleinement en œuvre ses dispositions.
4. L’Assemblée considère par ailleurs que, à chaque nouvel examen
des Règles pénitentiaires européennes, le Conseil de coopération
pénologique, qui est l’organe du Conseil de l’Europe spécialiste
de ces questions, devrait s’efforcer de renforcer les dispositions
existantes et d’en ajouter de nouvelles de nature à encourager les
Etats membres à améliorer la situation des femmes dans les prisons.
5. De même, l’Assemblée considère que le Comité européen pour
la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains
ou dégradants (CPT) et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe devraient prêter une plus grande attention à la situation
des femmes privées de liberté dans le cadre de leurs visites et
de leurs travaux respectifs.
6. D’une manière générale, l’Assemblée estime que pour placer
une femme en détention, en particulier si elle a la charge exclusive
ou principale d’un ou de plusieurs enfants, une peine privative
de liberté devrait uniquement être imposée si la gravité du délit
le justifie, compte tenu des bouleversements et du coût affectif qu’elle
peut entraîner pour la mère et son/ses enfant(s). Dans tous les
cas, la condamnation à la prison devrait être choisie en dernier
ressort, et seulement si aucune autre option n’est possible. Les
peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général
ou des peines similaires ou les approches de la justice réparatrice devraient
être envisagées en premier, notamment dans les cas d’infractions
non violentes.
7. L’Assemblée estime que la réforme des prisons et des politiques
en matière de justice pénale est nécessaire pour garantir une application
plus humaine et plus efficace de la justice pour les femmes. En particulier,
la détention provisoire et les peines de prison doivent être évitées
dans la mesure du possible pour les filles de moins de 18 ans.
8. En vue d’améliorer les conditions de détention des femmes
dans les prisons, l’Assemblée appelle les Etats membres:
8.1. à mettre en œuvre sans délai
les dispositions contenues dans les Règles pénitentiaires européennes
révisées, en observant que, d’après la Règle 4, «le manque de ressources
ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits
de l’homme»;
8.2. à collecter des informations sur tous les aspects de la
détention, en veillant à ce que les données soient en totalité ventilées
selon le sexe et que les statistiques soient rendues publiques;
8.3. à consigner, dès l’incarcération d’une personne, le nombre,
l’âge et le lieu de résidence de ses enfants et de la personne qui
en a la charge (que la personne incarcérée soit un homme ou une
femme), et à rendre ces informations publiques;
8.4. à veiller à ce que les femmes qui ont la charge exclusive
d’enfants en bas âge ne soient pas placées en détention provisoire,
sauf s’il existe un risque réel qu’elles commettent une nouvelle infraction,
se soustraient à la justice ou cherchent à faire pression sur des
témoins. La possibilité d’une suspension de l’application de la
peine d’emprisonnement durant la grossesse pourrait aussi être envisagée;
8.5. à veiller à ce que chaque prison pour femmes fasse l’objet
d’une inspection annuelle par un inspecteur indépendant qui devra
établir un rapport pour examen au parlement;
8.6. à envisager de mettre en place des «prisons du week-end»
spécialement pour les femmes;
8.7. à chercher à réduire le nombre de femmes envoyées en prison
compte tenu du pourcentage élevé de femmes actuellement détenues
qui sont toxicomanes ou qui souffrent de problèmes de santé mentale;
8.8. à veiller à ce que les femmes détenues qui sont handicapées
ou qui souffrent de maladies chroniques bénéficient de l’aide et
de l’assistance indispensables (comme des interprètes en langue
des signes, des documents en braille, des soins médicaux, etc.)
dont elles peuvent avoir besoin en raison de leur handicap lors
de la période préalable au procès et au moment du procès et de la
condamnation; et à veiller à ce qu’elles ne soient pas séparées
des autres détenus lors des activités sociales et éducatives organisées
en prison en mettant à leur disposition des programmes et des services appropriés.
9. En ce qui concerne la détention de mères ou de femmes enceintes
en prison, l’Assemblée invite les Etats membres:
9.1. à garantir, lorsqu’il n’est
pas possible de recourir à des mesures alternatives à la détention provisoire,
des conditions de détention aussi favorables que possible. Les restrictions
pénalisant les familles des personnes détenues, concernant par exemple
les visites et le lieu d’incarcération, doivent être appliquées
avec la plus grande souplesse possible;
9.2. à veiller à ce que les mères, lorsqu’elles sont incarcérées,
soient informées par les autorités nationales de la localisation
de leurs enfants et qu’elles aient la certitude que ces derniers
sont convenablement pris en charge et qu’ils leur seront rendus
lors de leur libération; cette mesure inciterait un plus grand nombre
de femmes à déclarer leurs enfants;
9.3. à veiller à ce que les régimes et les établissements pénitentiaires
soient suffisamment souples pour répondre aux besoins des femmes
enceintes, des mères qui allaitent et des femmes détenues avec leurs
enfants;
9.4. à garantir que, lorsque des bébés ou des enfants en bas
âge qui sont en prison avec leur mère doivent être séparés d’elle,
cela se fasse progressivement, afin que le processus soit aussi
peu douloureux et traumatisant que possible;
9.5. à veiller à ce que les enfants qui sont en prison avec
leur mère aient accès à des crèches en dehors de la prison, ce qui
leur offre des possibilités de socialisation avec d’autres enfants
et réduit les effets sociaux préjudiciables de l’emprisonnement
sur leur développement personnel;
9.6. à garantir que les autorités pénitentiaires sont attentives
aux besoins spécifiques des détenus étrangers du point de vue de
la langue et des différences culturelles. Les autorités pénitentiaires devraient
veiller à ce que les ressortissants étrangers bénéficient d’une
aide pour contacter leurs autorités consulaires. En particulier,
les besoins des femmes étrangères dont les enfants se trouvent dans
d’autres pays devront être examinés attentivement et pris en compte
chaque fois que cela est possible;
9.7. à veiller à ce que les mères détenues soient placées dans
des prisons situées à une distance raisonnable de leur famille,
avec un temps de déplacement acceptable.
10. En ce qui concerne les besoins des femmes détenues en matière
d’hygiène et de santé, l’Assemblée invite les Etats membres:
10.1. à garantir que les prisons disposent
de politiques et de programmes destinés aux femmes dans les domaines
de l’hygiène et de la santé, et que ces politiques et programmes
sont spécialement adaptés à leurs besoins. Il convient notamment
d’identifier les besoins en matière d’hygiène et de soins des femmes
enceintes, des mères qui allaitent, des femmes en période postnatale
et des femmes âgées, et d’en tenir compte;
10.2. à garantir que tous les examens médicaux des femmes détenues
(lors de leur admission ou ultérieurement) sont effectués hors de
l’écoute et – sauf demande contraire du médecin – hors de la vue du
personnel pénitentiaire. En outre, les femmes détenues doivent être
examinées individuellement et non collectivement;
10.3. à garantir qu’aucun moyen de contrainte (comme des menottes)
n’est utilisé pendant les examens médicaux, dans la mesure où de
telles pratiques portent atteinte à la dignité des femmes détenues
concernées et nuisent à l’instauration d’une relation médecin-patient
appropriée (tout en risquant d’entraver l’établissement d’un diagnostic
médical objectif);
10.4. à garantir que les détenues enceintes sont transférées,
le moment venu, dans des hôpitaux extérieurs afin que leur bébé
ne naisse pas en prison. En particulier, les détenues enceintes
ne devraient pas être menottées ou attachées d’une autre manière
à un lit ou à une partie quelconque de mobilier au cours d’un examen
gynécologique et/ou pendant et immédiatement après un accouchement.
D’autres moyens de satisfaire aux exigences de sécurité peuvent
et doivent être mis en œuvre;
10.5. à garantir que les détenues infectées par le VIH/SIDA
bénéficient de la prise en charge, du traitement et du soutien spécifiques
dont elles ont besoin;
10.6. à garantir, tout au long de la peine, que la détenue fait
l’objet d’un dépistage de signes éventuels de dépression ou d’autres
maladies mentales. Une attention particulière doit être accordée
aux catégories vulnérables, telles que les femmes détenues particulièrement
susceptibles d’automutilation;
10.7. à garantir que davantage de recherches sont menées sur
la nature et la fréquence des troubles mentaux qui touchent les
femmes détenues, et que des moyens de traitement sont proposés dans chaque
prison pour femmes;
10.8. à charger les inspecteurs des prisons de contrôler les
mesures prises pour les femmes détenues ayant des antécédents de
toxicomanie ou d’alcoolisme et à veiller à ce qu’existent dans chaque
prison pour femmes des programmes adaptés tenant compte de leurs
besoins spécifiques.
11. En ce qui concerne les besoins en matière de formation des
femmes détenues, l’Assemblée invite les Etats membres:
11.1. à reconnaître le niveau très
bas en lecture, écriture et calcul de l’ensemble des prisonniers,
y compris des femmes, et à veiller à ce qu’un minimum de vingt heures
d’enseignement et de formation par semaine soit offert à toutes
les femmes détenues;
11.2. à garantir que des crèches à l’intérieur et à l’extérieur
de la prison sont mises à la disposition des mères détenues avec
leur bébé ou leur enfant en bas âge, afin qu’elles puissent travailler
ou suivre des cours si elles le souhaitent;
11.3. à garantir que les femmes mineures sont détenues séparément
des femmes adultes. Toutefois, dans les cas où cette mesure entraînerait
une diminution de l’offre éducative, il devra du moins être garanti
que les mineures ne sont pas mises en contact avec des femmes ayant
un lourd passé criminel.
12. Pour ce qui concerne l’organisation des visites pour les femmes
détenues, l’Assemblée encourage les Etats membres:
12.1. à garantir que toutes les prisons
disposent de centres d’accueil des visiteurs. De tels centres peuvent
être particulièrement utiles pour les jeunes enfants;
12.2. à garantir que des efforts particuliers sont entrepris
pour permettre les visites des enfants des détenus et que le personnel
pénitentiaire est formé à accueillir ces enfants. Toute nouvelle
mesure ou politique envisagée devra être étudiée du point de vue
des effets qu’elle pourrait avoir sur les enfants venus pour une
visite et devra, en outre, prendre en considération les droits de
l’enfant. Les mesures de sécurité appliquées aux visites ne doivent
pas être de nature à intimider les enfants;
12.3. à garantir que les prisons proposent des aires de jeux
surveillées où les enfants pourront être pris en charge afin que
leur mère et d’autres visiteurs puissent si nécessaire s’entretenir
en privé au cours de la visite;
12.4. à autoriser les visites conjugales pour tous les détenus,
en donnant librement accès aux moyens contraceptifs;
12.5. à autoriser les femmes détenues, quand cela est possible,
à voir leurs enfants âgés de moins de 18 ans en dehors de la prison
à l’occasion d’événements particuliers tels que les anniversaires
ou les grandes fêtes religieuses.
13. Pour ce qui concerne le respect de la dignité des femmes détenues,
l’Assemblée invite les Etats membres:
13.1. à garantir que les gardiens de sexe masculin n’exercent
pas des fonctions impliquant un contact physique avec des détenues
femmes et qu’ils ne sont pas chargés de leur surveillance dans les
lieux où elles sont susceptibles de se dévêtir;
13.2. à mettre en place des moyens de protection des femmes
détenues contre toutes les formes de mauvais traitements, y compris
à caractère sexiste, de violences et d’exploitation, qu’ils soient
le fait d’autres détenus ou du personnel pénitentiaire dans la prison
ou lors d’un transfert;
13.3. à garantir que les femmes détenues peuvent porter plainte
en cas d’abus sexuel ou de violences, que ces actes soient le fait
d’autres détenus, de visiteurs ou du personnel pénitentiaire dans
la prison ou lors d’un transfert.
14. Pour ce qui concerne la réinsertion sociale des femmes détenues,
l’Assemblée invite les Etats membres à garantir que, lors de leur
libération, les femmes voient leurs besoins pris en compte, notamment
en cas d’absence de logement, de chômage, de discrimination à l’emploi
et de restitution de l’autorité parentale, réduisant ainsi le risque
de récidive. Si des services sociaux s’occupaient d’une personne
avant son incarcération, ils doivent être informés de sa libération
et chargés de l’aider lors de sa réinsertion sociale. L’Assemblée
invite les Etats membres à définir des programmes d’emploi pour
les femmes détenues afin de leur donner accès à des possibilités
d’emploi, leur permettant de contribuer aux systèmes légaux de sécurité sociale.