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Avis 272 (2009)

Budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2010

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 29 mai 2009 (voir Doc. 11911, rapport de la commission des questions économiques et du développement, rapporteur: M. Wille).

1. L’Assemblée parlementaire est consciente de la situation difficile dans laquelle se trouvent tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, en raison des conséquences de la plus grave crise économique et financière que le monde ait connue depuis la fin de la seconde guerre mondiale et la fondation de cette Organisation.
2. Dans ces circonstances, l’Assemblée reconnaît les difficultés auxquelles est confronté le Secrétaire Général pour élaborer ses propositions budgétaires pour l’année 2010 et la nécessité pour lui de demander aux différentes entités administratives du Secrétariat Général du Conseil de l’Europe des efforts particuliers en termes d’économies.
3. Néanmoins, l’Assemblée ne peut pas accepter que les effets de cette crise puissent servir de prétexte au Comité des Ministres pour affaiblir le Conseil de l’Europe, en lui imposant un assèchement de ses ressources par le maintien d’une politique axée uniquement sur le principe de croissance zéro en termes réels des budgets de l’Organisation.
4. Au contraire, l’Assemblée considère que cette Organisation doit être renforcée dans ces temps troublés. En effet, le Conseil de l’Europe, de par son histoire, son acquis législatif et son expérience, dispose des instruments nécessaires pour faire face aux défis actuels car il est le garant de valeurs fondamentales et le relais des préoccupations des citoyens européens aux niveaux national, régional et local.
5. En cette période d’instabilité économique et financière, alors que les Etats et les citoyens cherchent à remettre à l’ordre du jour les grands principes de morale, de bonne gouvernance et d’éthique dans leurs relations, la place du Conseil de l’Europe comme pilier de l’architecture démocratique européenne, fondé sur le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit, doit être réaffirmée.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée reconnaît l’importance que représente la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) pour le Conseil de l’Europe et pour les citoyens européens, mais elle doit néanmoins faire un constat: la Cour, victime de son succès, augmente la pression sur les autres secteurs d’activité du Conseil de l’Europe.
7. Pourtant, pour faire face à ses obligations, la Cour a bénéficié de différents programmes de revalorisation de ses ressources, y compris la création d’une cinquième section chargée plus particulièrement des arriérés d’affaires pendantes. Elle a également fait l’objet de nombreux rapports et audits afin d’évaluer et d’améliorer son fonctionnement et ses méthodes de travail.
8. Or, force est de constater que, malgré tous les efforts déployés pour muscler la Cour – dont le budget est passé de 35,4 millions d’euros en 2003 à 57 millions d’euros en 2009 et dont le personnel a presque doublé pendant cette même période –, le nombre de requêtes en attente de traitement n’a pas cessé d’augmenter, pour atteindre le chiffre de 100 000 affaires pendantes. L’Assemblée ne croit pas que l’éventuelle mise en œuvre de tout ou partie du Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l’homme, amendant le système de contrôle de la Convention (STCE no 194), résoudra définitivement la question de son engorgement et de son efficacité. De plus, les voix appelant une réforme de la réforme se font de plus en plus nombreuses.
9. Ainsi, l’Assemblée ne considère pas qu’accorder des ressources financières additionnelles à la Cour soit la juste réponse à son problème. L’enjeu de son avenir est une question politique qui doit être traitée comme telle. Dans ce contexte, l’Assemblée soutient pleinement la mission définie par la présidence espagnole, qui aborde cette question à partir de deux axes d’intervention parallèles – garantir que la Cour est la plus efficace possible et garantir que les décisions de la Cour sont réellement appliquées par les Etats membres –, et elle invite les prochaines présidences du Comité des Ministres à poursuivre leur action dans cette direction.
10. Par ailleurs, l’Assemblée se rend compte que l’augmentation du nombre d’agents au Greffe de la Cour engendre d’autres coûts très importants, notamment au niveau des investissements (en particulier des bureaux supplémentaires et des équipements informatiques). L’ensemble de ces coûts alourdira encore le budget ordinaire, le budget des pensions et le budget des investissements du Conseil de l’Europe.
11. Or, l’Assemblée constate que, depuis 2006, tout nouvel effort financier en faveur de la Cour se traduit invariablement par un affaiblissement d’autres secteurs importants de l’Organisation. Comme elle l’a déjà dit dans ses avis précédents, cette pression continue n’est pas acceptable.
12. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée trouverait inapproprié que le Comité des Ministres accepte les nouvelles demandes de la Cour et le subséquent accroissement de son budget, si cela devait conduire à réduire les ressources des autres entités. Aussi l’Assemblée demande-t-elle au Comité des Ministres de prendre en considération cet aspect, quitte à surseoir aux demandes formulées par la Cour pour l’année 2010 ou à procéder à un financement extrabudgétaire.
13. Par ailleurs, l’Assemblée souhaite que le Comité des Ministres engage, sans tarder, une discussion de fond, à laquelle elle est prête à contribuer, sur l’avenir du système de protection des droits de l’homme en Europe et le rôle de la Cour européenne des droits de l’homme. A ce titre, l’Assemblée se félicite de l’initiative qui vise à organiser prochainement une conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour et prend note de l’intention du Comité des Ministres d’appliquer provisoirement certaines dispositions du Protocole no 14 à la Convention.
14. L’Assemblée considère que la pérennité du système de la Cour passe par un renforcement des programmes de coopération avec les Etats les plus concernés par les recours, afin de les aider à mettre en œuvre les conditions essentielles d’une justice équitable et efficace, pouvant ainsi freiner l’afflux de requêtes devant la Cour.
15. Dans cette perspective, l’Assemblée suggère au Comité des Ministres d’utiliser les ressources disponibles dans le fonds fiduciaire «Droits de l’homme» créé en mars 2008 pour le financement de programmes d’assistance et de coopération ciblés destinés plus spécifiquement aux quatre pays concernés par le plus grand nombre de requêtes.
16. Si l’Assemblée reconnaît que la Cour européenne des droits de l’homme est une des plus belles réalisations du Conseil de l’Europe, elle considère toutefois que les travaux de l’Organisation ne doivent pas se limiter aux seuls grands piliers que sont les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie. L’action du Conseil de l’Europe doit être maintenue dans les autres domaines où l’Organisation est souvent chef de file en Europe et excelle, à savoir l’éducation, la culture et le dialogue interculturel, la jeunesse, le sport, la cohésion sociale, la santé publique et la démocratie locale et régionale, qui sont tout autant que les droits de l’homme et l’Etat de droit des sujets de préoccupation des citoyens des Etats membres.
17. Dans cet esprit, l’Assemblée souscrit pleinement aux mesures prises par le Comité des Ministres en vue de rationaliser les structures intergouvernementales afin d’accroître leur efficience et de contribuer ainsi aux efforts menés pour renforcer l’impact, l’efficacité et l’utilité des travaux de l’ensemble de l’Organisation.
18. S’agissant de la présence du Conseil de l’Europe sur le terrain, l’Assemblée considère la décision récente, prise par les autorités du Bélarus, de faciliter la création d’un bureau d’information du Conseil de l’Europe à Minsk, conforme au souhait qu’elle avait exprimé dans son Avis 259 (2006) relatif aux budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2007. L’Assemblée est convaincue qu’une telle présence permettra de renouer les fils d’une coopération renforcée avec ce pays, préalable à son intégration future au sein du Conseil de l’Europe.
19. L’Assemblée considère qu’une politique efficace doit aller de pair avec une vision à moyen et long termes de l’Organisation, y compris en termes budgétaires. C’est la raison pour laquelle elle demande au Comité des Ministres de préparer le budget 2010 dans une perspective pluriannuelle. A cet égard, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à se référer à son Avis 256 (2005) sur les budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2006, dans lequel elle expliquait les avantages qui militent en faveur d’une telle mesure.
20. Le budget ordinaire du Conseil de l’Europe augmente mécaniquement chaque année de plusieurs millions d’euros en raison des effets, en année pleine, des décisions prises précédemment par le Comité des Ministres, des ajustements barémiques obligatoires des salaires du personnel de l’Organisation et des autres dépenses liées à l’entretien et à la modernisation des bâtiments.
21. C’est pourquoi, compte tenu de ces augmentations obligatoires et de la volonté des Etats membres de stabiliser leurs contributions, l’Assemblée souhaite que le Comité des Ministres modifie le Règlement financier de l’Organisation afin de créer un fonds de réserve dans lequel serait versé le solde créditeur constaté lors de la clôture des comptes de l’année écoulée, comme elle l’avait suggéré dans son Avis 268 (2008) sur les budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2009.
22. Enfin, étant donné les circonstances exceptionnelles actuelles, l’Assemblée est prête à faire un effort en proposant une réduction de ses dépenses de 2 % par rapport aux crédits reçus en 2009. Pour plus de détails sur cette proposition, l’Assemblée renvoie à son Avis 273 (2009) relatif aux dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice 2010.
23. Par ailleurs, l’Assemblée s’inquiète de la détérioration du dialogue social au sein de l’Organisation, ainsi que des projets de réforme des régimes de pension des agents du Conseil de l’Europe. Aussi invite-t-elle le futur Secrétaire Général à être ouvert au dialogue avec son personnel et demande-t-elle au Comité des Ministres de faire preuve de la plus grande prudence dans le domaine des régimes de pension et de se conformer aux pratiques existantes dans les autres organisations appartenant au système de coordination ainsi qu’aux règles pertinentes de l’Organisation internationale du travail.
24. L’Assemblée rappelle que le régime des pensions des agents du Conseil de l’Europe fait partie des conditions essentielles d’emploi au Conseil de l’Europe. Aussi réaffirme-t-elle son attachement à ce que les agents du Conseil de l’Europe ne soient pas considérés comme une donnée comptable servant de variable d’ajustement aux équilibres financiers du Conseil de l’Europe.
25. Dans ce contexte, l’Assemblée demande aux Etats membres, malgré les difficultés actuelles, de respecter leurs engagements financiers vis-à-vis du fonds de réserve pour les pensions, afin de garantir la pérennité du système de retraite des agents du Conseil de l’Europe. L’Assemblée réaffirme également son attachement au maintien du Conseil de l’Europe dans le système coordonné existant, comme elle l’a déjà indiqué dans ses avis précédents.
26. Enfin, l’Assemblée accueille avec intérêt la stratégie de gestion et de mobilisation de ressources en cours de mise en œuvre. Cette stratégie vise à rechercher des ressources externes pour des activités qui contribuent à l’objectif fondamental du Conseil de l’Europe mais qui ne peuvent pas être financées par le budget ordinaire. Néanmoins, elle émet une réserve quant à la finalité de cette stratégie, qui pourrait déresponsabiliser les Etats membres de leurs obligations vis-à-vis du programme d’activités du Conseil de l’Europe. En effet, l’expérience a montré que les ressources externes sont limitées au niveau des montants et dans le temps. Elles ne permettent pas nécessairement la mise en œuvre de programmes d’activités cohérents sur le long terme.
27. L’Assemblée, moteur politique du Conseil de l’Europe, est aussi l’enceinte parlementaire européenne permettant aux parlements nationaux des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe de discuter et d’œuvrer de concert à la recherche de réponses aux défis de l’Europe d’aujourd’hui et aux préoccupations de leurs citoyens. Elle représente un forum politique unique pour l’ensemble du continent européen et doit rester l’une des grandes voix de la démocratie.