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Recommandation 1870 (2009)
La protection de l’aide financière des Etats membres du Conseil de l’Europe aux pays pauvres contre les fonds financiers dits «fonds vautours»
1. A une époque
où la crise économique et financière mondiale touche l’ensemble
de la population et entraîne des pertes abyssales du système bancaire
et de certains fonds d’investissement privés, l’Assemblée parlementaire
attire l’attention des gouvernants sur les risques que font encourir
aux Etats et aux citoyens, en particulier aux pays les plus pauvres,
certaines sociétés financières actives dans les opérations de restructuration
de la dette, considérées comme des «fonds vautours».
2. Les «fonds vautours» sont des fonds d’investissement qui rachètent
à vil prix des obligations (des créances) de pays pauvres, souvent
criblés de dettes, pour ensuite entamer une procédure judiciaire
à l’usure et les obliger à payer la valeur nominale (le montant
initial de la créance) de ces obligations au moment de leur émission,
majorée des intérêts moratoires et des frais de justice.
3. L’Assemblée condamne fermement l’action de ces fonds qui n’hésitent
pas à s’approprier les marges de manœuvre dégagées par des abandons
de créances consentis par les pays créanciers, notamment européens,
ou à bloquer l’actif des pays concernés partout dans le monde, les
menaçant ainsi de banqueroute.
4. En effet, ces fonds recourent à un gigantesque arsenal juridique,
mettant souvent le débiteur à genou. Alors que les bailleurs de
fonds internationaux consentent des remises de dettes pour les dettes
persistantes (Initiative pour les pays pauvres très endettés – IPPTE)
et que les gouvernements occidentaux œuvrent de leur côté à l’allégement
et à la remise des dettes (Club de Paris, par exemple), ces fonds
s’approprient les fruits de ces programmes et mettent ainsi en péril
les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) des Nations
Unies. Ainsi, certains «fonds vautours» n’hésitent pas à s’attaquer
aux programmes de rééchelonnement de la dette mis en place pour
les pays en développement les plus pauvres, à savoir les pays pauvres
très endettés (PPTE).
5. Or, dans un contexte de crise mondiale sans précédent, certains
Etats, entreprises ou banques pourraient essayer de négocier des
cessions de créances irrécouvrables ou douteuses de la manière la
plus discrète possible sur le marché libre de gré à gré. Aussi l’Assemblée
déplore-t-elle l’opacité et l’absence de contrôle de ce type de
marché.
6. Selon Oxfam International, les créanciers commerciaux ont
introduit à ce jour au moins 40 actions en justice à l’encontre
des pays du tiers-monde les plus endettés. Le Fonds monétaire international
(FMI) s’est ému des pratiques des «fonds vautours», mais les tentatives
pour dégager une solution au niveau international ont échoué.
7. Néanmoins, l’Assemblée se félicite des rares initiatives prises
aux niveaux national et international. Ainsi, elle souscrit pleinement
à la déclaration du Club de Paris de mai 2007 dont les créanciers
ont réaffirmé leur engagement «à mettre intégralement en œuvre l’initiative
PPTE» et «appellent tous les créanciers officiels et commerciaux,
ainsi que les pays PPTE, à prendre les mesures nécessaires à la
mise en œuvre de cette initiative». De même, elle soutient les initiatives
prises par certains Etats comme la France ou la Belgique dont le
parlement a voté, en mars 2008, une loi immunisant les aides à la
coopération contre toutes saisies ou cessions en faveur de «fonds
vautours».
8. Enfin, l’Assemblée souhaite éviter que l’aide financière ou
les fruits des importantes remises de dettes que les Etats membres
du Conseil de l’Europe peuvent consentir à l’avenir aux pays pauvres
ou aux pays en voie de développement soient utilisés de manière
inappropriée en raison de l’action de certains créanciers.
9. En conséquence, l’Assemblée demande aux gouvernements des
Etats membres du Conseil de l’Europe, au niveau national:
9.1. de renforcer leur arsenal juridique
pour limiter l’action des «fonds vautours», par exemple en refusant
de donner effet à un jugement étranger ou en ne procédant à aucune
voie d’exécution de jugement en faveur de «fonds vautours» lorsque
la créance émane d’une spéculation véreuse;
9.2. d’insérer une clause résolutoire dans les contrats bilatéraux
d’aide qu’ils concluent avec des pays en développement. De cette
manière, si l’argent n’est pas utilisé pour l’aide au développement
(c’est-à-dire s’il est saisi), il doit revenir au pays donneur d’origine;
9.3. d’établir des règles de bonne conduite visant à prévenir
la revente de dettes à des «fonds vautours» aux pratiques abusives
et agressives;
9.4. d’offrir aux pays partenaires avec lesquels ils collaborent,
dans le cadre de la coopération au développement, une assistance
technique et juridique dans le domaine de la politique et de la
gestion de la dette, afin d’éviter, entre autres, des procédures
judiciaires avec des créanciers.
10. En outre, l’Assemblée demande aux gouvernements des Etats
membres du Conseil de l’Europe, au niveau international:
10.1. d’agir auprès du Fonds monétaire
international et de la Banque mondiale afin d’éviter que le lobbying
des «fonds vautours» puisse bloquer l’accès d’un pays à un programme
d’allégement de la dette dans le cadre de l’Initiative pour les
pays pauvres très endettés;
10.2. d’inviter les organes dirigeants des institutions de Bretton
Woods à exiger des pays bénéficiaires d’allégement de dettes un
renforcement de la transparence dans la gestion de leurs revenus
(pétroliers, miniers, etc.) et l’établissement d’un plan pour lutter
contre la corruption qui pourrait les gangrener, et à établir des
règles de transparence concernant l’information et les transactions
applicables aux marchés des crédits négociés de gré à gré.