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Recommandation 1870 (2009)

La protection de l’aide financière des Etats membres du Conseil de l’Europe aux pays pauvres contre les fonds financiers dits «fonds vautours»

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 29 mai 2009 (voir Doc. 11862, rapport de la commission des questions économiques et du développement, rapporteur: M. Wille).

1. A une époque où la crise économique et financière mondiale touche l’ensemble de la population et entraîne des pertes abyssales du système bancaire et de certains fonds d’investissement privés, l’Assemblée parlementaire attire l’attention des gouvernants sur les risques que font encourir aux Etats et aux citoyens, en particulier aux pays les plus pauvres, certaines sociétés financières actives dans les opérations de restructuration de la dette, considérées comme des «fonds vautours».
2. Les «fonds vautours» sont des fonds d’investissement qui rachètent à vil prix des obligations (des créances) de pays pauvres, souvent criblés de dettes, pour ensuite entamer une procédure judiciaire à l’usure et les obliger à payer la valeur nominale (le montant initial de la créance) de ces obligations au moment de leur émission, majorée des intérêts moratoires et des frais de justice.
3. L’Assemblée condamne fermement l’action de ces fonds qui n’hésitent pas à s’approprier les marges de manœuvre dégagées par des abandons de créances consentis par les pays créanciers, notamment européens, ou à bloquer l’actif des pays concernés partout dans le monde, les menaçant ainsi de banqueroute.
4. En effet, ces fonds recourent à un gigantesque arsenal juridique, mettant souvent le débiteur à genou. Alors que les bailleurs de fonds internationaux consentent des remises de dettes pour les dettes persistantes (Initiative pour les pays pauvres très endettés – IPPTE) et que les gouvernements occidentaux œuvrent de leur côté à l’allégement et à la remise des dettes (Club de Paris, par exemple), ces fonds s’approprient les fruits de ces programmes et mettent ainsi en péril les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies. Ainsi, certains «fonds vautours» n’hésitent pas à s’attaquer aux programmes de rééchelonnement de la dette mis en place pour les pays en développement les plus pauvres, à savoir les pays pauvres très endettés (PPTE).
5. Or, dans un contexte de crise mondiale sans précédent, certains Etats, entreprises ou banques pourraient essayer de négocier des cessions de créances irrécouvrables ou douteuses de la manière la plus discrète possible sur le marché libre de gré à gré. Aussi l’Assemblée déplore-t-elle l’opacité et l’absence de contrôle de ce type de marché.
6. Selon Oxfam International, les créanciers commerciaux ont introduit à ce jour au moins 40 actions en justice à l’encontre des pays du tiers-monde les plus endettés. Le Fonds monétaire international (FMI) s’est ému des pratiques des «fonds vautours», mais les tentatives pour dégager une solution au niveau international ont échoué.
7. Néanmoins, l’Assemblée se félicite des rares initiatives prises aux niveaux national et international. Ainsi, elle souscrit pleinement à la déclaration du Club de Paris de mai 2007 dont les créanciers ont réaffirmé leur engagement «à mettre intégralement en œuvre l’initiative PPTE» et «appellent tous les créanciers officiels et commerciaux, ainsi que les pays PPTE, à prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre de cette initiative». De même, elle soutient les initiatives prises par certains Etats comme la France ou la Belgique dont le parlement a voté, en mars 2008, une loi immunisant les aides à la coopération contre toutes saisies ou cessions en faveur de «fonds vautours».
8. Enfin, l’Assemblée souhaite éviter que l’aide financière ou les fruits des importantes remises de dettes que les Etats membres du Conseil de l’Europe peuvent consentir à l’avenir aux pays pauvres ou aux pays en voie de développement soient utilisés de manière inappropriée en raison de l’action de certains créanciers.
9. En conséquence, l’Assemblée demande aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe, au niveau national:
9.1. de renforcer leur arsenal juridique pour limiter l’action des «fonds vautours», par exemple en refusant de donner effet à un jugement étranger ou en ne procédant à aucune voie d’exécution de jugement en faveur de «fonds vautours» lorsque la créance émane d’une spéculation véreuse;
9.2. d’insérer une clause résolutoire dans les contrats bilatéraux d’aide qu’ils concluent avec des pays en développement. De cette manière, si l’argent n’est pas utilisé pour l’aide au développement (c’est-à-dire s’il est saisi), il doit revenir au pays donneur d’origine;
9.3. d’établir des règles de bonne conduite visant à prévenir la revente de dettes à des «fonds vautours» aux pratiques abusives et agressives;
9.4. d’offrir aux pays partenaires avec lesquels ils collaborent, dans le cadre de la coopération au développement, une assistance technique et juridique dans le domaine de la politique et de la gestion de la dette, afin d’éviter, entre autres, des procédures judiciaires avec des créanciers.
10. En outre, l’Assemblée demande aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe, au niveau international:
10.1. d’agir auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale afin d’éviter que le lobbying des «fonds vautours» puisse bloquer l’accès d’un pays à un programme d’allégement de la dette dans le cadre de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés;
10.2. d’inviter les organes dirigeants des institutions de Bretton Woods à exiger des pays bénéficiaires d’allégement de dettes un renforcement de la transparence dans la gestion de leurs revenus (pétroliers, miniers, etc.) et l’établissement d’un plan pour lutter contre la corruption qui pourrait les gangrener, et à établir des règles de transparence concernant l’information et les transactions applicables aux marchés des crédits négociés de gré à gré.