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Recommandation 1882 (2009)

La promotion d’internet et des services de médias en ligne adaptés aux mineurs

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 septembre 2009 (28e séance) (voir Doc. 11924, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Kozma). Texte adopté par l’Assemblée le 28 septembre 2009 (28e séance).

1. Vingt ans après l’idée de créer la toile mondiale (World Wide Web), impulsée par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) à Genève, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle la décision prise par les chefs d’Etat et de gouvernement, lors de leur 3e Sommet de Varsovie en 2005, de demander au Conseil de l’Europe de poursuivre ses travaux relatifs aux enfants dans la société de l’information, notamment en ce qui concerne le développement de leur culture médiatique et leur protection contre les contenus nocifs.
2. L’internet a favorisé un développement sans précédent des opportunités d’information et de communication. Pour autant, la nouvelle dimension technologique de l’information et de l’échange de données ne modifie en rien les normes établies de liberté d’expression et d’information, qui incluent d’ailleurs les restrictions juridiques proportionnelles nécessaires à la protection des mineurs dans une société démocratique.
3. L’internet occupe une place de plus en plus importante dans notre culture. Il véhicule presque tous les produits culturels avec plus de rapidité et d’efficacité que n’importe quel autre moyen de communication, et a un impact sur la société et sa culture en redessinant les relations et en introduisant de nouvelles formes de communication, notamment parmi les mineurs. Aussi, si nous voulons de solides fondements culturels, devons-nous prendre les mesures appropriées concernant l’utilisation de l’internet par les jeunes générations.
4. De plus en plus, les enfants et les adolescents ont la capacité d’élargir leurs horizons sociaux et culturels par-delà les frontières géographiques traditionnelles – tendance qui pourrait avoir pour conséquence un renforcement de la coopération internationale et de la compréhension entre les peuples. Les nouveaux services et technologies de communication offrent de nouvelles opportunités pour l’éducation formelle et informelle, la créativité, l’interaction sociale et la participation civique. Ces opportunités devraient être exploitées au bénéfice des enfants et des adolescents. Pour autant, il ne faudrait pas qu’avec les relations sociales en ligne la vie réelle vienne à être remplacée par une réalité virtuelle dont nous ignorons encore les répercussions psychologiques et sociales.
5. Certains contenus de l’internet peuvent avoir des effets néfastes sur les enfants et les adolescents. Ainsi, les contenus représentant des femmes et des jeunes filles comme des objets ou limitant leur représentation à des stéréotypes de genre avilissants peuvent conduire dans certains cas à pratiquer une violence sexiste dans le monde virtuel et dans le monde réel, y compris la (cyber)intimidation, le harcèlement et le viol, voire à commettre des massacres dans des établissements scolaires.
6. Bien souvent, les mineurs ont accès aux services de l’internet et de la téléphonie mobile sans le contrôle des parents ou des enseignants. Images et sons se transmettent et sont facilement accessibles. La disponibilité de matériels de pornographie infantile est à cet égard particulièrement préoccupante et exige que les Etats, mais aussi les fournisseurs d’accès à l’internet et les industries des télécommunications, prennent des mesures supplémentaires.
7. De plus en plus de mineurs livrent des pans entiers de leur vie privée sur internet, tandis que de nombreuses sociétés utilisent ces données à caractère personnel pour proposer des informations ou des profils personnels. La vie privée et des détails intimes entrent ainsi dans le domaine public pour une durée imprévisible. De plus en plus, les particuliers, les entreprises commerciales, les universités et les employeurs, entre autres, utilisent les informations personnelles disponibles sur internet pour décider des relations qu’ils auront avec telle ou telle personne. Or, les Etats ont l’obligation de protéger la vie privée en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
8. L’augmentation continue des activités publicitaires et commerciales sur internet et les médias en ligne entraîne des pratiques commerciales plus agressives, qui visent également les mineurs. Avec la dimension mondiale de l’internet, l’éthique et les normes juridiques peuvent être radicalement différentes. Partant, il serait extrêmement utile de concevoir des normes qui soient reconnues à l’échelon européen et si possible au-delà.
9. La réglementation des médias traditionnels interdit ou limite les contenus susceptibles de porter préjudice à l’épanouissement physique, psychique ou moral des enfants et des adolescents. L’Assemblée souligne que les parents peuvent et devraient définir pour leurs enfants ce qu’ils estiment dangereux ou pas. Dans les écoles et les bibliothèques, par exemple, les directeurs d’établissement et les bibliothécaires ont l’obligation de limiter l’accès aux contenus et aux services préjudiciables.
10. Pour relever les défis inhérents à l’internet à la maison, les parents ont besoin de l’appui des institutions sociales en faveur des familles et des écoles. A l’Etat, il incombe de sensibiliser, de fournir des éléments d’orientation, y compris contre les stéréotypes liés au genre, et d’établir des normes minimales. Ces normes minimales devraient inclure les restrictions d’accès aux contenus violents, à la pornographie, à la publicité pour le tabac et les boissons alcoolisées, et aux jeux d’argent. Ces restrictions d’accès pourraient être mises en œuvre au moyen de filtres utilisés par les parents, les enseignants, les bibliothécaires ou d’autres, sur les dispositifs d’accès, de même que par les fournisseurs de contenus ou de services pour les mineurs.
11. Concernant les réseaux d’ordinateurs, la sécurité technique est en constante amélioration. Les pare-feu et les dispositifs individuels de sécurité installés sur les ordinateurs personnels sont en permanence perfectionnés pour suivre le rythme des progrès techniques de ceux qui tentent de franchir les barrières de sécurité. Partant, l’Assemblée estime qu’il sera utile, concernant les mineurs en particulier, de développer des réseaux d’ordinateurs sécurisés en accès restreint, autrement dit réservés à un groupe d’utilisateurs identifiés – souvent appelés intranets, «walled gardens» (jardins clôturés) ou «gated communities» (communautés protégées) –, qui exigent généralement de se conformer à un code de conduite, relèvent d’un ensemble clair de dispositions juridiques et de la juridiction d’un pays donné, et filtrent les contenus préjudiciables aux mineurs. Toutefois, les systèmes de sécurité techniques ne pourront jamais remplacer une éducation appropriée largement accessible.
12. L’Assemblée insiste sur le fait que quiconque produit ou met à disposition des contenus ou des services illégaux doit être tenu responsable par la loi. Ces dernières années, les comportements et les contenus illégaux en ligne ont malheureusement augmenté, multipliant ainsi les risques pour les mineurs. Ce développement est aggravé par l’augmentation constante de l’utilisation de l’internet, la multiplication des contenus produits par des utilisateurs individuels à la place des fournisseurs de contenus institutionnels, l’expansion rapide des réseaux sociaux en ligne, souvent désignés par le terme de web 2.0, et les progrès technologiques concernant la transmission et l’accès aux contenus audiovisuels. En revanche, les médias traditionnels, comme la presse écrite, la radio et la télévision, enregistrent une chute de popularité parmi les enfants et les adolescents, ce qui réduit l’efficacité des politiques traditionnelles concernant les médias pour la protection des mineurs.
13. L’Assemblée rappelle la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe (STE no 185), de 2001, qui institue le cadre juridique de la coopération internationale contre les comportements et les contenus illégaux sur l’internet et d’autres réseaux informatiques. Elle déplore que cette convention n’ait pas été signée par l’Andorre, Monaco, la Russie, Saint-Marin et la Turquie, et que l’Autriche, l’Azerbaïdjan, la Belgique, la République tchèque, la Géorgie, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, Malte, le Monténégro, la Pologne, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni, mais aussi le Canada, le Japon et la République d’Afrique du Sud, ne l’aient pas encore ratifiée alors qu’ils l’ont signée.
14. L’Assemblée salue le programme de l’Union européenne 2009-2013 pour un internet plus sûr, «Safer Internet Programme 2009-2013», de même que les initiatives volontaires pour la sécurité de l’enfant relatives à l’internet, par l’industrie des médias en ligne et par la société civile. Les permanences téléphoniques internet, mises en place par les membres de l’International Association of Internet Hotlines (INHOPE) – association internationale de services d’assistance en ligne –, par exemple, sont un outil précieux grâce auquel les enfants et les parents peuvent signaler les contenus et les comportements illégaux ou potentiellement préjudiciables. Sur une base volontaire, les fournisseurs de contenus peuvent procéder à une classification des contenus susceptibles d’être préjudiciables aux mineurs, conformément aux normes développées par l’Internet Content Rating Association (ICRA), association de classification du contenu de l’internet; cette démarche permet ensuite le filtrage parental des sites web pour adultes, par exemple.
15. L’Assemblée appelle les parlements des Etats membres et observateurs:
15.1. à évaluer les possibilités technologiques d’augmenter la sécurité des mineurs qui utilisent les services de médias en ligne et sur internet, y compris les télécommunications audiovisuelles mobiles, en particulier les systèmes de filtrage et les technologies de restriction d’accès;
15.2. à lancer, conjointement avec l’industrie de l’internet et les organisations de protection de l’enfance, des campagnes de sensibilisation du public ciblées sur les risques et les opportunités des mineurs qui utilisent les services de médias en ligne et sur internet, ainsi que sur les possibilités techniques d’apporter des restrictions aux contenus préjudiciables;
15.3. à apporter leur appui à la création et à la commercialisation de services adaptés aux enfants et aux adolescents, y compris les réseaux en accès restreint décrits au paragraphe 11 ci-dessus, de même que des logiciels gratuits pour permettre aux parents de filtrer les contenus qu’ils estiment potentiellement dangereux pour leurs enfants;
15.4. à promouvoir, en coopération avec l’industrie de l’internet et les organisations de protection de l’enfance et de défense de l’égalité des chances, ainsi que d’autres organisations de la société civile, des normes publiques concernant la qualité des contenus et la classification des services de médias en ligne et sur internet adaptés aux mineurs, et à faire en sorte que l’accès aux contenus pour adultes soit effectivement restreint au moyen de systèmes de contrôle de l’âge installés par les fournisseurs de tels contenus;
15.5. à encourager les établissements d’enseignement publics ou privés, les musées, les orchestres et les autres institutions culturelles, de même que les diffuseurs du service public, à fournir des contenus en ligne et sur internet pour les enfants et les adolescents. Ils contribueraient ce faisant au renforcement de la compétitivité et de l’attractivité du patrimoine culturel européen pour les mineurs via les médias en ligne et sur internet;
15.6. à ratifier sans plus attendre la Convention sur la cybercriminalité et le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189), ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201), si leurs gouvernements les ont déjà signés.
16. L’Assemblée recommande que le Comité des Ministres, conformément à la décision prise lors du Sommet de Varsovie en 2005:
16.1. aide les Etats membres à appliquer cette recommandation, de même que les recommandations pertinentes du Comité des Ministres visant une utilisation plus sûre de l’internet et des médias en ligne, en particulier par les mineurs;
16.2. promeuve des politiques en vue de rendre l’internet plus sûr pour les enfants, dans le cadre du Dialogue européen sur la gouvernance de l’internet (EuroDIG) et du Forum des Nations Unies sur la gouvernance de l’internet, et fournisse un appui général à EuroDIG, comprenant l’assistance à son secrétariat;
16.3. établisse une coopération avec le programme Safer Internet de l’Union européenne et s’efforce d’obtenir des fonds supplémentaires pour l’action du Conseil de l’Europe par le biais de contributions volontaires des Etats membres et du secteur privé;
16.4. charge son comité directeur compétent d’analyser les risques psychologiques potentiels que courent les enfants et les adolescents qui utilisent excessivement internet et des médias en ligne, en particulier les réseaux sociaux suggérant une réalité virtuelle comme Second Life, les sites présentant des stéréotypes de genre avilissants, ou encore les jeux en ligne et réseaux violents comme World of Warcraft, et de proposer des actions appropriées à mener par le Conseil de l’Europe et les Etats membres;
16.5. appelle les Etats membres qui n’ont pas encore signé la Convention sur la cybercriminalité et son Protocole additionnel à le faire sans plus tarder, et lance une campagne internationale en faveur de l’adhésion d’Etats non européens à la Convention sur la cybercriminalité afin de couvrir le plus largement possible le territoire global du cyberespace et d’éviter les zones géographiques non couvertes;
16.6. commence à travailler au renforcement de la responsabilité juridique des fournisseurs de services internet en ce qui concerne les contenus illégaux, que ces derniers proviennent ou non de tiers ou des utilisateurs; ces travaux pourraient exiger la rédaction d’un nouveau protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité;
16.7. analyse la faisabilité de l’établissement de normes juridiques pour la réglementation des jeux d’argent et d’autres activités commerciales en ligne susceptibles d’être préjudiciables aux mineurs et auxquels la législation nationale apporte généralement des restrictions lorsqu’ils sont proposés offline.
17. L’Assemblée appelle les Etats membres à créer une institution nationale pour permettre la coopération entre les industries de l’internet et des médias, les organisations de la société civile et leur gouvernement concernant l’élaboration et l’application de la régulation des services de médias en ligne et sur internet.
18. L’Assemblée invite la Conférence permanente des ministres européens de l’Education à définir des principes directeurs de politique pour l’enseignement de la culture médiatique aux enfants, aux adolescents, aux parents et aux enseignants, ciblés plus particulièrement sur les services de médias en ligne et sur internet, de manière à leur apprendre à détecter les opportunités de même que les risques associés à de tels services.
19. L’Assemblée appelle l’industrie des médias en ligne à élaborer et à appliquer des codes de conduite en ce qui concerne la protection de la vie privée, l’égalité des chances, les activités commerciales ciblant les mineurs et les contenus qui pourraient leur être préjudiciables. La gestion des permanences téléphoniques internet et d’autres mécanismes de plaintes contre les contenus ou les comportements potentiellement illégaux ou préjudiciables devrait être confiée à des fournisseurs de contenus et de services internet. Les services commerciaux proposés conformément à des standards éthiques élevés et à une haute protection de la sécurité des mineurs seront de plus en plus demandés sur un marché des médias en ligne et sur un internet en pleine expansion.