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Recommandation 1882 (2009)
La promotion d’internet et des services de médias en ligne adaptés aux mineurs
1. Vingt ans
après l’idée de créer la toile mondiale (World Wide Web), impulsée
par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN)
à Genève, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle
la décision prise par les chefs d’Etat et de gouvernement, lors
de leur 3e Sommet de Varsovie en 2005,
de demander au Conseil de l’Europe de poursuivre ses travaux relatifs
aux enfants dans la société de l’information, notamment en ce qui
concerne le développement de leur culture médiatique et leur protection contre
les contenus nocifs.
2. L’internet a favorisé un développement sans précédent des
opportunités d’information et de communication. Pour autant, la
nouvelle dimension technologique de l’information et de l’échange
de données ne modifie en rien les normes établies de liberté d’expression
et d’information, qui incluent d’ailleurs les restrictions juridiques
proportionnelles nécessaires à la protection des mineurs dans une
société démocratique.
3. L’internet occupe une place de plus en plus importante dans
notre culture. Il véhicule presque tous les produits culturels avec
plus de rapidité et d’efficacité que n’importe quel autre moyen
de communication, et a un impact sur la société et sa culture en
redessinant les relations et en introduisant de nouvelles formes
de communication, notamment parmi les mineurs. Aussi, si nous voulons
de solides fondements culturels, devons-nous prendre les mesures
appropriées concernant l’utilisation de l’internet par les jeunes
générations.
4. De plus en plus, les enfants et les adolescents ont la capacité
d’élargir leurs horizons sociaux et culturels par-delà les frontières
géographiques traditionnelles – tendance qui pourrait avoir pour
conséquence un renforcement de la coopération internationale et
de la compréhension entre les peuples. Les nouveaux services et
technologies de communication offrent de nouvelles opportunités
pour l’éducation formelle et informelle, la créativité, l’interaction
sociale et la participation civique. Ces opportunités devraient
être exploitées au bénéfice des enfants et des adolescents. Pour
autant, il ne faudrait pas qu’avec les relations sociales en ligne
la vie réelle vienne à être remplacée par une réalité virtuelle
dont nous ignorons encore les répercussions psychologiques et sociales.
5. Certains contenus de l’internet peuvent avoir des effets néfastes
sur les enfants et les adolescents. Ainsi, les contenus représentant
des femmes et des jeunes filles comme des objets ou limitant leur représentation
à des stéréotypes de genre avilissants peuvent conduire dans certains
cas à pratiquer une violence sexiste dans le monde virtuel et dans
le monde réel, y compris la (cyber)intimidation, le harcèlement et
le viol, voire à commettre des massacres dans des établissements
scolaires.
6. Bien souvent, les mineurs ont accès aux services de l’internet
et de la téléphonie mobile sans le contrôle des parents ou des enseignants.
Images et sons se transmettent et sont facilement accessibles. La disponibilité
de matériels de pornographie infantile est à cet égard particulièrement
préoccupante et exige que les Etats, mais aussi les fournisseurs
d’accès à l’internet et les industries des télécommunications, prennent des
mesures supplémentaires.
7. De plus en plus de mineurs livrent des pans entiers de leur
vie privée sur internet, tandis que de nombreuses sociétés utilisent
ces données à caractère personnel pour proposer des informations
ou des profils personnels. La vie privée et des détails intimes
entrent ainsi dans le domaine public pour une durée imprévisible.
De plus en plus, les particuliers, les entreprises commerciales,
les universités et les employeurs, entre autres, utilisent les informations
personnelles disponibles sur internet pour décider des relations
qu’ils auront avec telle ou telle personne. Or, les Etats ont l’obligation
de protéger la vie privée en vertu de l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme.
8. L’augmentation continue des activités publicitaires et commerciales
sur internet et les médias en ligne entraîne des pratiques commerciales
plus agressives, qui visent également les mineurs. Avec la dimension mondiale
de l’internet, l’éthique et les normes juridiques peuvent être radicalement
différentes. Partant, il serait extrêmement utile de concevoir des
normes qui soient reconnues à l’échelon européen et si possible
au-delà.
9. La réglementation des médias traditionnels interdit ou limite
les contenus susceptibles de porter préjudice à l’épanouissement
physique, psychique ou moral des enfants et des adolescents. L’Assemblée souligne
que les parents peuvent et devraient définir pour leurs enfants
ce qu’ils estiment dangereux ou pas. Dans les écoles et les bibliothèques,
par exemple, les directeurs d’établissement et les bibliothécaires
ont l’obligation de limiter l’accès aux contenus et aux services
préjudiciables.
10. Pour relever les défis inhérents à l’internet à la maison,
les parents ont besoin de l’appui des institutions sociales en faveur
des familles et des écoles. A l’Etat, il incombe de sensibiliser,
de fournir des éléments d’orientation, y compris contre les stéréotypes
liés au genre, et d’établir des normes minimales. Ces normes minimales
devraient inclure les restrictions d’accès aux contenus violents,
à la pornographie, à la publicité pour le tabac et les boissons
alcoolisées, et aux jeux d’argent. Ces restrictions d’accès pourraient
être mises en œuvre au moyen de filtres utilisés par les parents,
les enseignants, les bibliothécaires ou d’autres, sur les dispositifs
d’accès, de même que par les fournisseurs de contenus ou de services
pour les mineurs.
11. Concernant les réseaux d’ordinateurs, la sécurité technique
est en constante amélioration. Les pare-feu et les dispositifs individuels
de sécurité installés sur les ordinateurs personnels sont en permanence perfectionnés
pour suivre le rythme des progrès techniques de ceux qui tentent
de franchir les barrières de sécurité. Partant, l’Assemblée estime
qu’il sera utile, concernant les mineurs en particulier, de développer
des réseaux d’ordinateurs sécurisés en accès restreint, autrement
dit réservés à un groupe d’utilisateurs identifiés – souvent appelés
intranets, «walled gardens» (jardins
clôturés) ou «gated communities» (communautés protégées)
–, qui exigent généralement de se conformer à un code de conduite,
relèvent d’un ensemble clair de dispositions juridiques et de la
juridiction d’un pays donné, et filtrent les contenus préjudiciables
aux mineurs. Toutefois, les systèmes de sécurité techniques ne pourront
jamais remplacer une éducation appropriée largement accessible.
12. L’Assemblée insiste sur le fait que quiconque produit ou met
à disposition des contenus ou des services illégaux doit être tenu
responsable par la loi. Ces dernières années, les comportements
et les contenus illégaux en ligne ont malheureusement augmenté,
multipliant ainsi les risques pour les mineurs. Ce développement
est aggravé par l’augmentation constante de l’utilisation de l’internet,
la multiplication des contenus produits par des utilisateurs individuels
à la place des fournisseurs de contenus institutionnels, l’expansion
rapide des réseaux sociaux en ligne, souvent désignés par le terme
de web 2.0, et les progrès technologiques concernant la transmission
et l’accès aux contenus audiovisuels. En revanche, les médias traditionnels,
comme la presse écrite, la radio et la télévision, enregistrent
une chute de popularité parmi les enfants et les adolescents, ce
qui réduit l’efficacité des politiques traditionnelles concernant
les médias pour la protection des mineurs.
13. L’Assemblée rappelle la Convention sur la cybercriminalité
du Conseil de l’Europe (STE no 185),
de 2001, qui institue le cadre juridique de la coopération internationale
contre les comportements et les contenus illégaux sur l’internet
et d’autres réseaux informatiques. Elle déplore que cette convention
n’ait pas été signée par l’Andorre, Monaco, la Russie, Saint-Marin
et la Turquie, et que l’Autriche, l’Azerbaïdjan, la Belgique, la République
tchèque, la Géorgie, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg,
Malte, le Monténégro, la Pologne, le Portugal, l’Espagne, la Suède,
la Suisse et le Royaume-Uni, mais aussi le Canada, le Japon et la République
d’Afrique du Sud, ne l’aient pas encore ratifiée alors qu’ils l’ont
signée.
14. L’Assemblée salue le programme de l’Union européenne 2009-2013
pour un internet plus sûr, «Safer Internet Programme 2009-2013»,
de même que les initiatives volontaires pour la sécurité de l’enfant
relatives à l’internet, par l’industrie des médias en ligne et par
la société civile. Les permanences téléphoniques internet, mises
en place par les membres de l’International Association of Internet
Hotlines (INHOPE) – association internationale de services d’assistance
en ligne –, par exemple, sont un outil précieux grâce auquel les
enfants et les parents peuvent signaler les contenus et les comportements
illégaux ou potentiellement préjudiciables. Sur une base volontaire,
les fournisseurs de contenus peuvent procéder à une classification
des contenus susceptibles d’être préjudiciables aux mineurs, conformément
aux normes développées par l’Internet Content Rating Association
(ICRA), association de classification du contenu de l’internet;
cette démarche permet ensuite le filtrage parental des sites web
pour adultes, par exemple.
15. L’Assemblée appelle les parlements des Etats membres et observateurs:
15.1. à évaluer les possibilités technologiques
d’augmenter la sécurité des mineurs qui utilisent les services de
médias en ligne et sur internet, y compris les télécommunications
audiovisuelles mobiles, en particulier les systèmes de filtrage
et les technologies de restriction d’accès;
15.2. à lancer, conjointement avec l’industrie de l’internet
et les organisations de protection de l’enfance, des campagnes de
sensibilisation du public ciblées sur les risques et les opportunités
des mineurs qui utilisent les services de médias en ligne et sur
internet, ainsi que sur les possibilités techniques d’apporter des
restrictions aux contenus préjudiciables;
15.3. à apporter leur appui à la création et à la commercialisation
de services adaptés aux enfants et aux adolescents, y compris les
réseaux en accès restreint décrits au paragraphe 11 ci-dessus, de
même que des logiciels gratuits pour permettre aux parents de filtrer
les contenus qu’ils estiment potentiellement dangereux pour leurs
enfants;
15.4. à promouvoir, en coopération avec l’industrie de l’internet
et les organisations de protection de l’enfance et de défense de
l’égalité des chances, ainsi que d’autres organisations de la société
civile, des normes publiques concernant la qualité des contenus
et la classification des services de médias en ligne et sur internet
adaptés aux mineurs, et à faire en sorte que l’accès aux contenus
pour adultes soit effectivement restreint au moyen de systèmes de
contrôle de l’âge installés par les fournisseurs de tels contenus;
15.5. à encourager les établissements d’enseignement publics
ou privés, les musées, les orchestres et les autres institutions
culturelles, de même que les diffuseurs du service public, à fournir
des contenus en ligne et sur internet pour les enfants et les adolescents.
Ils contribueraient ce faisant au renforcement de la compétitivité
et de l’attractivité du patrimoine culturel européen pour les mineurs
via les médias en ligne et sur internet;
15.6. à ratifier sans plus attendre la Convention sur la cybercriminalité
et le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité,
relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis
par le biais de systèmes informatiques (STE no 189),
ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201),
si leurs gouvernements les ont déjà signés.
16. L’Assemblée recommande que le Comité des Ministres, conformément
à la décision prise lors du Sommet de Varsovie en 2005:
16.1. aide les Etats membres à appliquer
cette recommandation, de même que les recommandations pertinentes
du Comité des Ministres visant une utilisation plus sûre de l’internet
et des médias en ligne, en particulier par les mineurs;
16.2. promeuve des politiques en vue de rendre l’internet plus
sûr pour les enfants, dans le cadre du Dialogue européen sur la
gouvernance de l’internet (EuroDIG) et du Forum des Nations Unies
sur la gouvernance de l’internet, et fournisse un appui général
à EuroDIG, comprenant l’assistance à son secrétariat;
16.3. établisse une coopération avec le programme Safer Internet
de l’Union européenne et s’efforce d’obtenir des fonds supplémentaires
pour l’action du Conseil de l’Europe par le biais de contributions volontaires
des Etats membres et du secteur privé;
16.4. charge son comité directeur compétent d’analyser les risques
psychologiques potentiels que courent les enfants et les adolescents
qui utilisent excessivement internet et des médias en ligne, en particulier
les réseaux sociaux suggérant une réalité virtuelle comme Second
Life, les sites présentant des stéréotypes de genre avilissants,
ou encore les jeux en ligne et réseaux violents comme World of Warcraft,
et de proposer des actions appropriées à mener par le Conseil de
l’Europe et les Etats membres;
16.5. appelle les Etats membres qui n’ont pas encore signé la
Convention sur la cybercriminalité et son Protocole additionnel
à le faire sans plus tarder, et lance une campagne internationale
en faveur de l’adhésion d’Etats non européens à la Convention sur
la cybercriminalité afin de couvrir le plus largement possible le
territoire global du cyberespace et d’éviter les zones géographiques
non couvertes;
16.6. commence à travailler au renforcement de la responsabilité
juridique des fournisseurs de services internet en ce qui concerne
les contenus illégaux, que ces derniers proviennent ou non de tiers ou
des utilisateurs; ces travaux pourraient exiger la rédaction d’un
nouveau protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité;
16.7. analyse la faisabilité de l’établissement de normes juridiques
pour la réglementation des jeux d’argent et d’autres activités commerciales
en ligne susceptibles d’être préjudiciables aux mineurs et auxquels
la législation nationale apporte généralement des restrictions lorsqu’ils
sont proposés offline.
17. L’Assemblée appelle les Etats membres à créer une institution
nationale pour permettre la coopération entre les industries de
l’internet et des médias, les organisations de la société civile
et leur gouvernement concernant l’élaboration et l’application de
la régulation des services de médias en ligne et sur internet.
18. L’Assemblée invite la Conférence permanente des ministres
européens de l’Education à définir des principes directeurs de politique
pour l’enseignement de la culture médiatique aux enfants, aux adolescents, aux
parents et aux enseignants, ciblés plus particulièrement sur les
services de médias en ligne et sur internet, de manière à leur apprendre
à détecter les opportunités de même que les risques associés à de
tels services.
19. L’Assemblée appelle l’industrie des médias en ligne à élaborer
et à appliquer des codes de conduite en ce qui concerne la protection
de la vie privée, l’égalité des chances, les activités commerciales
ciblant les mineurs et les contenus qui pourraient leur être préjudiciables.
La gestion des permanences téléphoniques internet et d’autres mécanismes
de plaintes contre les contenus ou les comportements potentiellement
illégaux ou préjudiciables devrait être confiée à des fournisseurs
de contenus et de services internet. Les services commerciaux proposés
conformément à des standards éthiques élevés et à une haute protection
de la sécurité des mineurs seront de plus en plus demandés sur un
marché des médias en ligne et sur un internet en pleine expansion.