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Résolution 1683 (2009)

La guerre entre la Géorgie et la Russie: un an après

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (29e et 30e séances) (voir Doc. 12010, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), corapporteurs: MM. Van den Brande et Eörsi; et Doc. 12039, avis de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: Mme Jonker). Texte adopté par l’Assemblée le 29 septembre 2009 (30e séance).

1. Un an après le déclenchement de la guerre tragique entre deux de ses Etats membres, la Géorgie et la Russie, l’Assemblée parlementaire réaffirme ses Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009), adoptées respectivement le 2 octobre 2008 et le 28 janvier 2009. Elle estime que les demandes formulées à l’endroit de la Géorgie et de la Russie, ainsi que des autorités de facto en Abkhazie et en Ossétie du Sud, continuent de fournir une feuille de route transparente, impartiale et réaliste, destinée à faire face aux conséquences de cette guerre, à l’intention non seulement des parties concernées, mais aussi de l’Assemblée elle-même. L’Assemblée réaffirme son attachement à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie, ainsi qu’à l’inviolabilité de ses frontières.
2. S’agissant de l’enquête internationale indépendante sur les origines et le déroulement du conflit ouverte par l’Union européenne, l’Assemblée note que le mandat de la mission d’enquête a été prorogé jusqu’au 30 septembre 2009 par le Conseil européen. L’Assemblée se félicite de la coopération constructive tant de la Géorgie que de la Russie avec la mission, et décide de revenir sur la question des causes et des circonstances précises du déclenchement de la guerre après la présentation du rapport de la mission d’enquête internationale.
3. L’Assemblée est gravement préoccupée par la tension et les provocations persistantes le long des frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, qui ne peuvent que déstabiliser la région tout entière. Elle estime que la seule manière de prévenir l’escalade des tensions et la reprise des combats et des hostilités est d’autoriser l’accès immédiat et sans restriction des observateurs internationaux aux deux côtés des frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, ainsi que le déploiement dans la région d’une nouvelle force internationale de maintien de la paix impartiale. A cet égard, l’Assemblée:
3.1. déplore que la Russie et les autorités de facto refusent toujours d’autoriser l’accès des observateurs de l’Union européenne en Abkhazie et en Ossétie du Sud, et leur demande d’accorder à ces observateurs l’accès immédiat et sans condition aux territoires qui sont de facto sous leur contrôle;
3.2. déplore la clôture de la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG) à la suite du veto opposé par la Russie au Conseil de sécurité des Nations Unies;
3.3. regrette profondément que la proposition de la présidence grecque de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de maintenir une présence continue de l’OSCE, y compris son opération de contrôle des forces armées, n’ait pas permis de parvenir à un consensus, et invite la Russie à reconsidérer ses objections à cette proposition.
4. L’Assemblée note les progrès modestes réalisés par le premier groupe de travail, dans le cadre des pourparlers de Genève, sur les modalités de la sécurité et de la stabilité en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Elle se félicite en particulier des réunions régulières tenues entre les parties concernées à propos des mécanismes de prévention et de règlement des incidents, mais regrette que des progrès similaires n’aient pas été enregistrés par le second groupe de travail qui s’est chargé des questions humanitaires et de la liberté de circulation.
5. L’Assemblée s’inquiète particulièrement du fait que la fermeture des frontières administratives de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, à la suite du transfert du contrôle de la frontière administrative aux gardes-frontière russes du Service fédéral de sécurité (FSB), conduise à un nouvel exode des Géorgiens de souche du district de Gali en Abkhazie et de celui d’Akhalgori en Ossétie du Sud. L’Assemblée est notamment préoccupée par les pressions accrues exercées sur eux pour qu’ils acceptent de prendre un passeport abkhaze ou sud-ossète et par l’absence totale à l’heure actuelle d’une présence internationale dans ces régions. L’Assemblée invite de ce fait la Russie et les autorités de facto d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud à lever toute entrave à la liberté de circulation des citoyens géorgiens de part et d’autre des limites administratives.
6. L’Assemblée reste profondément préoccupée par les conséquences humanitaires de cette guerre et par conséquent:
6.1. elle réaffirme ses prises de position sur ce point formulées dans ses Résolutions 1648 (2009) et 1664 (2009);
6.2. elle invite la Géorgie, la Russie et les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud à mettre en œuvre pleinement et effectivement les six principes du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe visant à protéger d’urgence les droits de l’homme et à assurer la sécurité humanitaire, et demande plus particulièrement à la Russie et aux autorités de facto en Abkhazie et en Ossétie du Sud d’assurer pleinement et inconditionnellement le droit au retour des personnes déplacées à la suite des hostilités d’août 2008, et de respecter pleinement leurs droits de propriété;
6.3. elle en appelle aux parties au conflit concernées pour qu’elles s’abstiennent de prendre des mesures pouvant conduire à une nouvelle vague de déplacements intérieurs, y compris de menaces à la sécurité, de «passeportisation» forcée, d’interférence avec l’enseignement dans la langue maternelle, de conscription et de restrictions à la liberté de mouvement;
6.4. elle invite à tenir compte de l’expérience du Conseil de l’Europe sur les plans humanitaire et des droits de l’homme dans les discussions de Genève, en particulier dans le cadre des activités du second groupe de travail chargé des questions humanitaires et de la liberté de mouvement.
7. L’Assemblée regrette profondément que la Russie et les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud continuent de faire peser des restrictions excessives sur l’accès des organisations humanitaires et internationales à ces deux régions, y compris à des fins d’aide humanitaire, et que la Géorgie mette également en place des restrictions d’accès. De plus, la Russie et les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud continuent d’imposer des restrictions excessives injustifiées aux populations locales qui souhaitent traverser la frontière administrative. A cet égard, l’Assemblée:
7.1. demeure profondément inquiète au sujet des conséquences humanitaires de «la loi sur les territoires occupés de Géorgie» et de son application, bien qu’elle se félicite de la bonne volonté affichée par les autorités géorgiennes de résoudre les problèmes soulevés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son récent avis sur cette loi, et prend note des amendements qui ont été déposés au sein du Parlement géorgien et envoyés pour avis à la Commission de Venise;
7.2. prend note des efforts de la Russie pour fournir une aide humanitaire à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud, et appelle la Russie et les autorités de facto d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud à lever immédiatement toutes les restrictions d’accès, y compris en ce qui concerne les points d’entrée, imposées aux organisations internationales et humanitaires, et à l’aide humanitaire dans ces deux régions;
7.3. en appelle à toutes les parties pour qu’elles assurent un approvisionnement ininterrompu de gaz, d’eau et d’autres ressources humanitaires de base à travers les frontières administratives, en particulier durant les prochains mois d’hiver.
8. L’Assemblée ne peut accepter l’apparente réticence de la Géorgie et de la Russie à enquêter de façon crédible sur les graves allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire commises durant et après la guerre, par leurs propres forces, ou par des milices ou des civils se trouvant sous leur contrôle ou leur juridiction de fait. Elle note que l’enquête de l’Union européenne couvrira également les allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, ainsi que les crimes de guerre présumés commis par les deux parties durant le conflit. C’est pourquoi:
8.1. elle décide de revenir sur cette question, y compris sur les éventuelles conséquences pour les deux Etats membres concernés, à la lumière des conclusions de la mission d’enquête de l’Union européenne;
8.2. elle encourage le procureur de la Cour pénale internationale à demander de manière officielle à la Chambre préliminaire de la cour l’ouverture d’une enquête sur les présumés crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par les deux parties durant et après les hostilités d’août 2008.
9. L’Assemblée condamne la Russie et les autorités de facto d’Ossétie du Sud pour ne pas avoir mis résolument un terme au nettoyage ethnique des Géorgiens de souche qui, aux dires de tous, a eu lieu en Ossétie du Sud durant et après la guerre, et pour ne pas avoir sérieusement enquêté sur ce sujet ni traduit leurs auteurs en justice. Elle rappelle que, au regard du droit international, la Russie porte la responsabilité des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans ces régions, qui se trouvent sous son contrôle de facto.
10. L’Assemblée déplore le fait que, un an après les hostilités d’août 2008, peu de progrès tangibles aient été enregistrés pour faire face aux conséquences de cette guerre et que, dans plusieurs régions, la situation ait même régressé. Alors que la Géorgie s’est conformée, sinon à la totalité, du moins à la plupart des demandes de l’Assemblée exprimées dans ses Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009), la Russie n’a pas satisfait à la grande majorité des principales demandes formulées dans ces résolutions.
11. L’Assemblée a pleinement conscience de l’argument de la Russie selon lequel son non-respect des demandes de l’Assemblée est directement lié à sa position divergente quant au statut des deux régions. L’Assemblée souligne que la plupart de ses demandes n’ont aucun rapport avec le statut des deux régions et ne peut donc pas comprendre que la Russie n’ait pas réussi à se conformer à ces demandes. Par conséquent, elle estime que le non-respect de ses demandes souligne, de la part de la Russie, un manque de volonté politique de faire face aux conséquences de la guerre de la manière qui incombe à un Etat membre du Conseil de l’Europe. En outre, l’Assemblée regrette profondément que les dirigeants à la fois de la Douma d’Etat et du Conseil de la Fédération, ainsi que les membres de la délégation russe auprès de l’Assemblée, se soient publiquement opposés aux demandes de l’Assemblée, et aient rejeté la possibilité, pour la Russie, de s’y conformer.
12. En conséquence, tout en soulignant la nécessité et l’importance que la Fédération de Russie satisfasse intégralement à toutes ses demandes formulées dans ses Résolutions 1633 (2008) et 1647 (2009), l’Assemblée demande en particulier la pleine application de l’accord de cessez-le-feu conclu sous les auspices de l’Union européenne, concernant notamment le retrait des troupes sur les positions d’avant le conflit et la recherche de nouvelles modalités internationales pour le maintien de la paix et les forces de police. Elle exhorte instamment les autorités russes, avant la fin de l’année:
12.1. à accorder aux observateurs de l’Union européenne un accès sans restriction à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud conformément au paragraphe 22.2 de la Résolution 1633 (2008) et au paragraphe 9.8 de la Résolution 1647 (2009);
12.2. à octroyer aux civils géorgiens une liberté de circulation leur permettant de franchir les limites administratives, et à lever les restrictions – y compris aux points d’entrée – à l’accès des deux régions pour les organisations internationales et humanitaires ainsi que pour l’aide humanitaire;
12.3. à reconnaître officiellement et effectivement à toutes les personnes déplacées, y compris celles déplacées au cours de la guerre de 2008, le droit au retour, dans la sécurité et la dignité, dans leur lieu de résidence d’origine en Abkhazie et en Ossétie du Sud conformément aux paragraphes 9.9 et 9.11 de la Résolution 1647 (2009);
12.4. à ouvrir une enquête crédible sur les actes présumés de nettoyage ethnique commis par les forces d’Ossétie du Sud alliées, ou par des civils placés sous leur contrôle et leur juridiction de fait, et à mettre en œuvre des mesures pour réparer ces actes ou, si cela est impossible, à prévoir des compensations;
12.5. à soumettre pour avis à la Commission de Venise la loi portant modification de la loi sur la défense de la Fédération de Russie et à appliquer intégralement les recommandations que la commission pourra formuler.
13. L’Assemblée invite sa commission de suivi à contrôler les suites données par la Géorgie et la Russie aux demandes de l’Assemblée, et à proposer toute nouvelle mesure à prendre par l’Assemblée si la situation l’exige, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du paragraphe 12 de la présente résolution.