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Recommandation 1908 (2010) Version finale

Le lobbying dans une société démocratique (code européen de bonne conduite en matière de lobbying)

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 avril 2010 (11e séance) (voir Doc. 11937, rapport de la commission des questions économiques et du développement, rapporteur: M. Mendes Bota). Texte adopté par l’Assemblée le 26 avril 2010 (11e séance).

1. L’Assemblée parlementaire constate que, durant ces dernières décennies, les activités de différents groupes d’intérêt ont été en augmentation constante. Ce phénomène est avéré aussi bien au niveau des Etats membres du Conseil de l’Europe qu’à celui des institutions européennes. Par ailleurs, avec le processus d’unification et l’élargissement de l’Union européenne, on a également pu constater une forte augmentation et concentration des activités de lobbying tant à Bruxelles qu’à Strasbourg. Aujourd’hui, on estime que plus de 15 000 groupes d’intérêt travaillent à Bruxelles dont plus de 2 600 y disposent de bureaux permanents et mènent des activités de lobbying auprès des institutions de l’Union européenne.
2. L’Assemblée est convaincue que le pluralisme des intérêts est une caractéristique importante de la démocratie et qu’il est parfaitement légitime que des membres de la société s’organisent et fassent progresser leurs causes. Cependant, le lobbying non réglementé et occulte, en tant que tel, peut miner les principes démocratiques et la bonne gouvernance. Dans une démocratie, les intérêts de tous devraient être dûment pris en compte et tous les citoyens devraient avoir un même accès à la justice et à la prise de décision.
3. L’Assemblée constate que très peu d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont, d’une manière ou d’une autre, réglementé les activités de lobbying. Ainsi, les études montrent que, parmi les 14 pays où les activités de lobbying ont été réglementées ou examinées par les parlements, seulement quatre pays européens ont voté une loi en la matière.
4. L’Assemblée est préoccupée par le fait que dans les Etats membres du Conseil de l’Europe aux traditions démocratiques peu enracinées, où l’absence de vrais contrepoids et de mécanismes de contrôle exercés par la société civile constitue un danger, une telle situation peut saper les principes démocratiques et la bonne gouvernance.
5. L’Assemblée se félicite du fait que le Parlement européen soit la première institution européenne à avoir réglementé les activités de lobbying la concernant. Un registre du lobbying a été instauré, ainsi qu’un code de déontologie que les lobbyistes doivent respecter. L’ouverture par la Commission européenne du premier registre des lobbyistes européens le 23 juin 2008 constitue, de plus, un pas important car il permet de normaliser ces activités au niveau européen, de renforcer la culture de dialogue et de consultation, d’augmenter la transparence et également, à terme, d’améliorer l’image négative des lobbyistes dans l’opinion publique.
6. L’Assemblée constate que les Etats-Unis et le Canada ont tous deux réglementé les activités de lobbying. Elle considère que l’expérience législative de ces deux pays en la matière, ainsi que les problèmes résultant de la mise en œuvre de leur législation pourraient inspirer les Etats membres du Conseil de l’Europe. Toutefois, il n’existe pas de réponses identiques à toutes les interrogations concernant les activités de lobbying.
7. L’Assemblée rappelle ses recommandations et résolutions concernant le rôle des parlements dansla lutte contre la corruption (Résolution 1214 (2000)), le financement des partis politiques (Recommandation 1516 (2001)), la bonne conduite en matière électorale et concernant les partis politiques (Résolution 1264 (2001) et Résolution 1546 (2007)), l’éthique d’entreprise en Europe (Résolution 1392 (2004)), le conflit d’intérêts (Résolution 1554 (2007)) et la situation de la démocratie et des droits de l’homme en Europe (Résolution 1547 (2007) et Recommandation 1791 (2007)), textes auxquels viennent s’ajouter une série de rapports de l’Assemblée sur les Etats membres, au titre de la procédure de suivi de leurs obligations et engagements.
8. L’Assemblée note avec une certaine préoccupation que ces dernières décennies témoignent d’une chute de confiance dramatique des citoyens vis-à-vis de la politique dans un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Le manque de transparence dans les activités de lobbying politique et économique peut être considéré comme l’une des causes de ce phénomène.
9. L’Assemblée est convaincue que, dans une société démocratique, les citoyens ont le droit de savoir quelles sont les organisations de lobbying qui influencent les décisions des acteurs politiques et économiques, et les votes des parlementaires. Par conséquent, une plus grande transparence dans les activités de lobbying peut responsabiliser davantage encore les acteurs politiques et économiques, et restaurer la confiance des citoyens dans le fonctionnement démocratique des pouvoirs publics.
10. Les citoyens considèrent l’accès aux décideurs politiques afin de les informer et d’essayer d’influencer leurs décisions comme un de leurs droits démocratiques. Encore faut-il que cet accès ou cette possibilité de lobbying soit équitable, transparent(e) et conforme aux règles démocratiques. Si les citoyens ont le sentiment de ne pas pouvoir réellement influencer les décideurs politiques, la démocratie peut être fragilisée.
11. Compte tenu de l’importance des activités des différents groupes d’intérêt dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe élabore un code européen de bonne conduite en matière de lobbying fondé sur les principes suivants:
11.1. les activités de lobbying devraient être définies très clairement, en faisant une distinction entre les activités professionnelles rémunérées et les activités des organisations de la société civile, sans oublier les entités qui pratiquent l’autorégulation dans différents secteurs économiques;
11.2. la transparence dans les activités de lobbying devrait être renforcée;
11.3. des normes applicables aux responsables politiques, aux fonctionnaires, aux membres des groupes de pression et aux entreprises devraient être établies, y compris le principe des conflits d’intérêts potentiels et la durée de la période, après la fin de mandat, durant laquelle il est interdit d’exercer des activités de lobbying;
11.4. les entités impliquées dans les activités de lobbying devraient s’enregistrer;
11.5. les organisations de lobbyistes devraient être préalablement consultées sur tout projet de texte de loi en la matière;
11.6. des activités de lobbying bien définies, transparentes et honnêtes devraient être encouragées afin de valoriser l’image des personnes impliquées dans les activités de lobbying.