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Résolution 1729 (2010) Version finale
Protection des «donneurs d’alerte»
1. L’Assemblée parlementaire reconnaît
l’importance des «donneurs d’alerte» – toute personne soucieuse qui
tire la sonnette d’alarme afin de faire cesser des agissements pouvant
représenter un risque pour autrui – car ils permettent de renforcer
la responsabilisation et de mieux lutter contre la corruption et
la mauvaise gestion, dans le secteur tant public que privé.
2. Les donneurs d’alerte potentiels sont souvent découragés par
crainte de représailles, ou parce qu’aucune suite n’est donnée à
leur alerte, au détriment de l’intérêt public pour une gestion efficace
et une responsabilisation dans les affaires publiques et les entreprises
privées.
3. Une série de catastrophes qui auraient pu être évitées a poussé
le Royaume-Uni à adopter des dispositions législatives innovantes
pour la protection des donneurs d’alerte lorsqu’ils agissent dans
l’intérêt public. Les Etats-Unis d’Amérique sont eux aussi dotés
depuis plusieurs années d’une législation similaire, qui donne des
résultats globalement satisfaisants.
4. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ne disposent
pas de texte législatif complet pour la protection des donneurs
d’alerte, même si bon nombre d’entre eux possèdent dans leurs systèmes juridiques
des réglementations couvrant différents aspects de la question et
régissant les relations de travail, la procédure pénale, les médias,
ainsi que des mesures spécifiques de lutte contre la corruption.
5. Pour «donner l’alerte», il faut du courage et de la détermination;
les donneurs d’alerte devraient avoir au moins une chance que leurs
avertissements soient entendus, sans pour autant que leurs moyens
de subsistance, ainsi que ceux de leur famille, soient mis en péril.
C’est pourquoi la législation de protection des donneurs d’alerte
doit avant toute chose offrir une alternative sûre au silence, tout
en évitant de représenter pour des donneurs d’alerte potentiels
un «bouclier en carton», piège qui leur donnerait une fausse impression de
sécurité.
6. L’Assemblée invite tous les Etats membres à passer en revue
leur législation sur la protection des donneurs d’alerte, en gardant
à l’esprit les principes directeurs suivants:
6.1. La législation pour la protection des donneurs d’alerte
devrait être complète:
6.1.1. la définition des révélations
protégées doit inclure tous les avertissements de bonne foi à l’encontre
de divers types d’actes illicites, y compris toutes les violations
graves des droits de l’homme, qui affectent ou menacent la vie,
la santé, la liberté et tout autre intérêt légitime des individus
en tant que sujets de l’administration publique ou contribuables,
ou en tant qu’actionnaires, employés ou clients de sociétés privées;
6.1.2. la législation devrait donc couvrir les donneurs d’alerte
des secteurs à la fois public et privé, y compris les membres des
forces armées et des services de renseignements; et
6.1.3. elle devrait codifier les points pertinents dans les domaines
du droit suivants:
6.1.3.1. droit du travail – en particulier
protection contre les licenciements abusifs et les autres formes
de représailles liées à l’emploi;
6.1.3.2. droit pénal et procédure pénale – en particulier protection
contre des poursuites pénales pour diffamation, ou violation du
secret commercial ou du secret d’Etat, et protection des témoins;
6.1.3.3. droit des médias – en particulier protection des sources
journalistiques; et
6.1.3.4. mesures spécifiques de lutte contre la corruption, telles
que celles prévues par la Convention civile sur la corruption (STE
no 174) du Conseil de l’Europe.
6.2. La législation relative aux donneurs d’alerte devrait
chercher avant toute chose à offrir une alternative sûre au silence.
6.2.1. Elle devrait prévoir des incitations appropriées pour
les pouvoirs publics et les décideurs au sein des entreprises afin
qu’ils mettent en place des procédures internes dans ce domaine pour:
6.2.1.1. que les dénonciations concernant des problèmes possibles
fassent l’objet d’une véritable enquête et que les informations
pertinentes soient transmises à la direction en temps voulu, en
contournant, si nécessaire, la hiérarchie normale; et
6.2.1.2. que l’identité du donneur d’alerte ne soit divulguée qu’avec
son consentement, ou si cela permet d’éviter des menaces graves
et imminentes pour l’intérêt public.
6.2.2. Cette législation devrait protéger quiconque utilise,
de bonne foi, les canaux internes existants pour donner l’alerte
contre toute forme de représailles (licenciement abusif, harcèlement
ou tout autre traitement discriminatoire ou sanction).
6.2.3. Lorsqu’il n’existe pas de voies internes pour donner l’alerte,
ou qu’elles ne fonctionnent pas correctement, voire qu’il ne serait
pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elles fonctionnent correctement
étant donné la nature du problème dénoncé par le donneur d’alerte,
il conviendrait de la même manière de protéger celui qui utilise
des voies externes, y compris les médias.
6.2.4. Tout donneur d’alerte doit être considéré comme agissant
de bonne foi, sous réserve qu’il ait des motifs raisonnables de
penser que l’information divulguée était vraie, même s’il s’avère
par la suite que tel n’était pas le cas, et à condition qu’il n’ait
pas d’objectifs illicites ou contraires à l’éthique.
6.2.5. La législation pertinente devrait assurer aux donneurs
d’alerte de bonne foi une protection fiable contre toute forme de
représailles par le biais d’un mécanisme d’application qui permettrait
de vérifier la réalité des agissements dénoncés par le donneur d’alerte
et de demander à l’employeur de remédier à la situation, y compris
temporairement, en attendant que toute la lumière soit faite, et
par le biais d’un dédommagement financier approprié, si les conséquences
des représailles ne peuvent pas être raisonnablement annulées.
6.2.6. Cette législation devrait également établir un risque,
pour tout auteur d’un acte de représailles, que le donneur d’alerte
victimisé contre-attaque pour obtenir son renvoi ou toute autre
sanction appropriée.
6.2.7. Des programmes de protection des donneurs d’alerte doivent
également assurer une protection appropriée contre des accusations
proférées de mauvaise foi.
6.3. En ce qui concerne la charge de la preuve, il doit incomber
à l’employeur d’établir au-delà de tout doute raisonnable que toute
mesure prise à l’encontre d’un donneur d’alerte a été motivée par
des raisons autres que l’acte de signalement par ce dernier.
6.4. La mise en œuvre et l’effet de la législation pertinente
en matière de protection effective des donneurs d’alerte devraient
faire l’objet d’un suivi et être évalués à intervalles réguliers
par des organismes indépendants.
7. L’Assemblée souligne que les améliorations législatives nécessaires
doivent s’accompagner d’une évolution positive des comportements
culturels à l’égard du donneur d’alerte, et qu’il ne faut plus associer
ce dernier à des notions de déloyauté ou de trahison.
8. Elle reconnaît le rôle important joué par les organisations
non gouvernementales qui contribuent à faire évoluer positivement
les mentalités à l’égard des donneurs d’alerte, et qui conseillent
les employeurs souhaitant instaurer des procédures internes permettant
de dénoncer d’éventuels problèmes, les donneurs d’alerte potentiels
et les victimes de représailles.
9. Dans un souci d’exemplarité, l’Assemblée invite le Conseil
de l’Europe à mettre en place une solide procédure interne, couvrant
le Conseil lui-même et tous ses accords partiels.