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Résolution 1728 (2010) Version finale
Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
que l’orientation sexuelle est une fraction profonde de l’identité
de chaque être humain et qu’elle englobe l’hétérosexualité, la bisexualité
et l’homosexualité. L’Assemblée rappelle également que l’homosexualité
est désormais dépénalisée dans tous les Etats membres du Conseil de
l’Europe. L’identité de genre désigne l’expérience intime et personnelle
de son genre telle que vécue par chacun. Une personne transgenre
est quelqu’un dont l’identité de genre ne correspond pas au genre
qui lui a été assigné à sa naissance.
2. Au regard du droit international, tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits. L’orientation sexuelle
et l’identité de genre sont reconnues comme des motifs de discrimination
interdits. Au regard de la Cour européenne des droits de l’homme,
une différence de traitement est discriminatoire si elle n’a aucune
justification objective ni raisonnable. L’orientation sexuelle constituant
un aspect très intime de la vie privée d’une personne, la Cour considère
que les différences de traitement fondées sur l’orientation sexuelle
ne peuvent se justifier que par des raisons particulièrement graves.
Dans son arrêt de 1999 dans l’affaire Lustig-Prean
et Beckett c. Royaume-Uni, elle a souligné que les attitudes
négatives d’une majorité hétérosexuelle envers une minorité homosexuelle
ne sauraient constituer une justification suffisante pour discriminer,
pas plus que le même type de comportement négatif envers un sexe,
une origine ou une couleur différents.
3. Pourtant, les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres
(LGBT), de même que les défenseurs des droits de l’homme œuvrant
pour les droits des personnes LGBT se heurtent à des préjugés, à une
hostilité et à une discrimination profondément enracinés et largement
répandus dans toute l’Europe. Le manque de connaissances et de compréhension
au sujet de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est un
défi que doit relever la majorité des Etats membres du Conseil de
l’Europe, car il engendre de nombreuses violations des droits de
l’homme qui touchent à la vie de millions de personnes. Parmi les
principaux sujets de préoccupation figurent les violences physique
et verbale (crimes et/ou discours de haine), les restrictions injustifiées
de la liberté d’expression, de réunion et d’association, les violations
du droit au respect de la vie privée et familiale, les violations
des droits à l’éducation, au travail et à la santé, ainsi que la
stigmatisation récurrente. Par conséquent, dans toute l’Europe,
de nombreuses personnes LGBT vivent dans la crainte et doivent cacher
leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
4. Les personnes transgenres se trouvent confrontées à un cycle
de discrimination et de privation de leurs droits dans bon nombre
d’Etats membres du Conseil de l’Europe en raison des attitudes discriminatoires
et des obstacles qu’elles rencontrent pour obtenir un traitement
de conversion sexuelle et une reconnaissance juridique de leur nouveau
sexe. De ce fait, les taux de suicide sont relativement élevés parmi
les personnes transgenres.
5. La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité
de genre peut être exacerbée en raison du sexe et du genre, les
femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, en particulier, courant
un risque accru de violence. La communauté LGBT elle-même n’est
pas à l’abri de la discrimination sexuelle.
6. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la violation
des droits à la liberté de réunion et d’expression des personnes
LGBT dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe puisque
ces droits sont des piliers de la démocratie. Cette situation a
été illustrée par l’interdiction (ou les tentatives d’interdiction) de
rassemblements ou de manifestations pacifiques de personnes LGBT
et de leurs sympathisants, ainsi que par le soutien explicite ou
tacite apporté par certains responsables politiques à des contre-manifestations violentes.
7. Les discours de haine prononcés par certains responsables
politiques, religieux et autres représentants de la société civile,
et les discours de haine véhiculés par les médias et internet sont
également un grave sujet de préoccupation. L’Assemblée rappelle
qu’il est du devoir ultime de tous les pouvoirs publics non seulement de
protéger concrètement et efficacement les droits stipulés par les
instruments des droits de l’homme, mais aussi de s’abstenir de discours
susceptibles de légitimer et d’alimenter la discrimination ou la
haine fondées sur l’intolérance. La frontière entre le discours
de haine incitant au crime et la liberté d’expression doit être définie
conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme.
8. L’homophobie et la transphobie ont des conséquences particulièrement
graves pour les jeunes LGBT. Ils se trouvent couramment confrontés
à des brutalités, à des enseignants parfois peu coopératifs et hostiles, et
à des programmes scolaires qui ignorent les questions relatives
aux LGBT ou qui favorisent des attitudes homophobes ou transphobes.
Attitudes discriminatoires au sein de la société et rejet par la
famille peuvent être extrêmement préjudiciables à la santé mentale
des jeunes LGBT, comme en atteste leur taux de suicide beaucoup
plus élevé que dans le reste de la population jeune.
9. Il est important de ne pas critiquer l’orientation sexuelle
perçue ou déclarée des jeunes, en particulier lorsqu’ils sont scolarisés
et âgés de moins de 18 ans, et d’être conscient que toute exploitation
de leur identité sexuelle perçue ou déclarée, ou toute humiliation,
tout traitement dégradant fondés sur cette identité peuvent être
à la fois inconvenants et potentiellement dommageables pour leur
bien-être et leur épanouissement, à ce stade comme plus tard dans
leur vie.
10. Il faut également remédier au déni des droits des «familles
LGBT» de fait dans de nombreux Etats membres, notamment par la reconnaissance
juridique et la protection de ces familles.
11. Par ailleurs, l’Assemblée se félicite que, dans certains cas,
les autorités politiques et judiciaires aient pris des mesures contre
la discrimination qui affecte les personnes LGBT.
12. Dans cette perspective, l’Assemblée salue les travaux du Comité
des Ministres, qui a adopté le 31 mars 2010 la Recommandation CM/Rec(2010)5
sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, la haute priorité
accordée à cette question par le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, ainsi que les récents rapports de l’Agence
des droits fondamentaux de l’Union européenne sur l’homophobie et
la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans les Etats
membres de l’Union européenne.
13. Rappelant ses Recommandations
1474 (2000) sur la situation des lesbiennes et des gays
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, et 1117 (1989), relative
à la condition des transsexuels, l’Assemblée réitère sa condamnation
des diverses formes de discrimination subies par les personnes LGBT
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Les personnes LGBT
ne devraient pas avoir à craindre d’être stigmatisées ni persécutées,
tant dans la sphère publique que dans la vie privée.
14. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe a le devoir
de promouvoir un message clair de respect et de non-discrimination,
afin que tout un chacun puisse vivre dans la dignité dans tous ses
Etats membres.
15. Par ailleurs, l’éradication de l’homophobie et de la transphobie
nécessite la volonté politique des Etats membres de mettre en œuvre
une approche cohérente en matière de droits de l’homme et de se
lancer dans un vaste éventail d’initiatives. A cet égard, l’Assemblée
souligne que les parlementaires ont la responsabilité spécifique
d’initier et de soutenir des changements dans la législation et
les politiques appliquées par les Etats membres du Conseil de l’Europe.
16. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres à traiter
ces questions et, en particulier:
16.1. à assurer le respect des droits fondamentaux des personnes
LGBT, notamment la liberté d’expression, de réunion et d’association,
conformément aux normes internationales en matière de droits de
l’homme;
16.2. à prévoir des recours juridiques pour les victimes et
à mettre un terme à l’impunité de ceux qui violent les droits fondamentaux
des personnes LGBT, en particulier leur droit à la vie et à la sécurité;
16.3. à reconnaître que les femmes lesbiennes, bisexuelles et
transgenres courent un risque accru de violence fondée sur le genre
(notamment le viol, la violence sexuelle et le harcèlement, ainsi
que les mariages forcés), et à leur offrir une protection en rapport
avec le risque accru;
16.4. à condamner les discours de haine et les déclarations
discriminatoires, et à assurer une protection efficace des personnes
LGBT contre ces déclarations tout en respectant le droit à la liberté d’expression,
conformément à la Convention européenne des droits de l’homme et
à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
16.5. à adopter et à appliquer une législation antidiscrimination
incluant l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les
motifs de discrimination prohibés, ainsi que des sanctions pour
les infractions;
16.6. à abroger les dispositions législatives non conformes
à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
16.7. à garantir que la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre peut être effectivement signalée
à des instances judiciaires et non judiciaires, et à veiller à ce
que des structures nationales de défense des droits de l’homme et
des organes de promotion de l’égalité traitent ces questions;
16.8. à signer et à ratifier le Protocole no 12
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177),
qui prévoit une interdiction générale de la discrimination;
16.9. à garantir la reconnaissance juridique des couples de
même sexe lorsque la législation nationale prévoit une telle reconnaissance,
comme déjà recommandé par l’Assemblée en 2000, en prévoyant:
16.9.1. les mêmes droits et obligations pécuniaires que ceux établis
pour les couples hétérosexuels;
16.9.2. le statut de «proche»;
16.9.3. lorsque l’un des partenaires d’un couple de même sexe
est étranger, des mesures permettant à ce partenaire de bénéficier
des mêmes droits de résidence que ceux dont bénéficierait un partenaire
étranger dans un couple hétérosexuel;
16.9.4. la reconnaissance des dispositions adoptées par d’autres
Etats membres qui produisent des effets similaires;
16.10. à prévoir la possibilité d’une responsabilité parentale
commune des enfants de chacun des deux partenaires, en tenant compte
des intérêts des enfants;
16.11. à traiter la discrimination et les violations des droits
de l’homme visant les personnes transgenres et, en particulier,
à garantir dans la législation et la pratique les droits de ces
personnes:
16.11.1. à la sécurité;
16.11.2. à des documents officiels reflétant l’identité de genre
choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation ou
d’autres procédures médicales comme une opération de conversion sexuelle
ou une thérapie hormonale;
16.11.3. à un traitement de conversion sexuelle et à l’égalité
de traitement en matière de soins de santé;
16.11.4. à l’égalité d’accès à l’emploi, aux biens, aux services,
au logement et autres, sans discrimination;
16.11.5. à la reconnaissance des unions, conformément à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme;
16.12. à mettre en place ou à développer des programmes antidiscrimination
et des programmes de sensibilisation favorisant la tolérance, le
respect et la compréhension des personnes LGBT, en particulier à
l’intention des agents publics, des instances judiciaires, des forces
de l’ordre et des forces armées, mais aussi des établissements d’enseignement,
des médias, de la profession médicale et des milieux sportifs;
16.13. à promouvoir la recherche en matière de discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ainsi
qu’à établir et/ou à entretenir des contacts réguliers avec les
défenseurs des droits de l’homme œuvrant pour les droits des personnes
LGBT, et à consulter ces instances sur les questions liées à ce
type de discrimination;
16.14. à encourager le dialogue fondé sur un respect mutuel entre
les institutions nationales de défense des droits de l’homme, les
organes de promotion de l’égalité, les défenseurs des droits de
l’homme œuvrant pour les droits des personnes LGBT et les institutions
religieuses, afin de faciliter les débats publics et les réformes
sur les questions concernant ces personnes;
16.15. à reconnaître la persécution des personnes LGBT comme
motif d’asile et à appliquer la note d’orientation publiée en 2008
par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés concernant les
demandes de reconnaissance du statut de réfugié relatives à l’orientation
sexuelle et à l’identité de genre;
16.16. à appliquer pleinement dans leur législation et leur pratique
la recommandation du Comité des Ministres sur des mesures visant
à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
ou l’identité de genre.
17. Les Etats membres peuvent exempter les institutions et organisations
religieuses lorsque ces institutions et organisations sont engagées
dans des activités religieuses ou lorsque des obligations légales sont
en conflit avec les principes d’une conviction et d’une doctrine
religieuses ou contraindraient ces institutions et organisations
à abandonner une partie de leur autonomie religieuse, et si ces
exceptions sont compatibles avec la Convention européenne des droits
de l’homme, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits
de l’homme.