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Résolution 1741 (2010) Version finale

Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 22 juin 2010 (22e séance) (voir Doc. 12168, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: Mme Strik). Texte adopté par l’Assemblée le 22 juin 2010 (22e séance). Voir également la Recommandation 1925 (2010).

1. Les accords de réadmission reprennent et précisent l’obligation pour un Etat de réadmettre ses propres nationaux, et énoncent les conditions dans lesquelles les Etats parties à de tels accords sont contraints de réadmettre les ressortissants de pays tiers ayant transité par leur territoire. Ils facilitent et accélèrent l’exécution des décisions de retour relatives aux migrants en situation irrégulière et peuvent aussi inciter les pays d’origine ou de transit à renforcer leur contrôle des migrations. Selon le point de vue où l’on se place, les accords de réadmission peuvent être considérés comme un élément important des stratégies de gestion des migrations des Etats membres du Conseil de l’Europe, ou comme un moyen de faciliter les décisions de retour contestables ou encore comme un composant des politiques critiquées «d’externalisation du contrôle des migrations» des pays européens.
2. On peut avancer que les accords de réadmission assurent la transparence puisqu’ils énoncent clairement les conditions procédurales de réadmission avant l’exécution d’une décision de retour. Si l’on fait montre de prudence dans leur mise en œuvre, les accords peuvent contribuer à réduire la période d’incertitude ou de détention du migrant en facilitant et en accélérant l’exécution des décisions de retour. Les partisans des accords de réadmission soulignent la neutralité de ces accords en termes de droits de l’homme et les qualifient de simple outil d’éloignement des migrants en situation irrégulière. C’est habituellement la prise de décision d’expulser la personne concernée, en d’autres termes la décision de retour, qui peut soulever certaines inquiétudes en matière de droits de l’homme et non l’exécution de cette décision au moyen d’un accord de réadmission, à moins que la situation dans le pays de réadmission ait changé dans l’intervalle.
3. Les accords de réadmission risquent néanmoins de constituer une menace, directe ou indirecte, pour les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière ou des demandeurs d’asile. Il s’agit notamment du risque que le pays d’envoi ou de réadmission n’honore pas ses obligations au titre de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (la Convention de Genève de 1951) et son Protocole de 1967 ainsi que de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), puis recoure à un accord de réadmission pour faire appliquer une décision erronée. Le processus de retour doit être considéré dans son ensemble, les accords de réadmission en constituant un élément important.
4. La principale source de préoccupation a trait à la réadmission de ressortissants de pays tiers. Les migrants en situation irrégulière qui sont renvoyés dans un pays autre que leur pays d’origine risquent de se retrouver dans une situation insupportable. Les ressortissants de pays tiers risquent de faire l’objet de ce qu’il est convenu d’appeler un refoulement «en chaîne», en d’autres termes d’être renvoyés dans leur pays d’origine sans avoir eu la possibilité de soumettre une demande d’asile ou sans que celle-ci n’ait été examinée dans aucun des pays traversés. Certains accords de réadmission prévoient des procédures accélérées aux frontières, susceptibles d’empêcher les migrants de présenter une demande d’asile ou de donner lieu à une évaluation de leur cas de piètre qualité.
5. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. La situation des personnes éloignées est rarement évaluée. Ce manque d’informations empêche toute appréciation approfondie de ces instruments.
6. Il est essentiel de négocier et d’appliquer les accords de réadmission en prenant pleinement en compte les droits de l’homme des migrants en situation irrégulière concernés. Pour mieux comprendre et évaluer ces instruments, il est par ailleurs indispensable de recueillir des données relatives à leurs effets induits et à leur mise en œuvre. C’est pourquoi l’Assemblée parlementaire appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à ne conclure des accords de réadmission qu’avec les pays qui se conforment pleinement aux normes pertinentes en matière de droits de l’homme et à la Convention de Genève de 1951, ont mis en place de véritables systèmes d’asile, protègent le droit à la liberté de circulation de leurs ressortissants et n’érigent pas en infraction pénale les entrées ou les départs irréguliers du pays en question;
6.2. à respecter pleinement les obligations qui leur incombent au titre de la Convention européenne des droits de l’homme et notamment de son article 3, de la Convention de Genève de 1951 et d’autres instruments des droits de l’homme, et à appliquer les 20 principes directeurs du Comité des Ministres sur le retour forcé lorsqu’ils réadmettent des migrants en situation irrégulière en application d’un accord de réadmission ou qu’ils demandent l’exécution d’une décision de retour d’un migrant en situation irrégulière en vertu d’un tel accord;
6.3. à ratifier et à respecter pleinement le Protocole no 4 à la Convention européenne des droits de l’homme (STCE no 46), qui interdit notamment les expulsions collectives d’étrangers;
6.4. à respecter les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures d’asile accélérées;
6.5. à s’assurer que, préalablement à la mise en œuvre d’un accord de réadmission, les demandeurs d’asile ont eu la possibilité de soumettre une demande d’asile et ont bénéficié du droit à un recours effectif avec effet suspensif, qui implique un examen de l’affaire en fait et en droit par une autorité nationale indépendante;
6.6. à vérifier, en cas d’application du concept de «pays tiers sûr» vis-à-vis de demandeurs d’asile dont les requêtes ne font pas l’objet d’un examen au fond, que le pays de destination est sûr pour la personne concernée, notamment qu’il respectera ses droits de l’homme, offrira l’accès à une procédure d’asile et se conformera à la Convention de Genève de 1951;
6.7. à inclure dans les accords de réadmission une disposition exigeant d’un pays d’envoi qu’il s’efforce systématiquement en premier lieu de renvoyer la personne concernée dans son pays d’origine, avant de solliciter sa réadmission dans un pays où elle n’aura fait que transiter;
6.8. à inclure dans les accords de réadmission une disposition imposant au pays requérant, avant toute demande de réadmission par un pays tiers, de vérifier que le pays sollicité en vue de la réadmission accordera à la personne concernée l’accès aux droits sociaux minimaux. Si cette vérification s’avère impossible, il ne doit pas être procédé à la réadmission et le pays requérant doit accorder l’accès à ces droits à la personne concernée pour toute la durée de son séjour dans ce pays;
6.9. à veiller à ce que le ressortissant d’un pays tiers réadmis ne reste pas bloqué dans un pays de transit sans possibilité de retour dans son pays d’origine;
6.10. à étudier l’impact des dispositions des accords de réadmission prévoyant la mise en œuvre de procédures accélérées pour les migrants appréhendés près de la frontière entre les Parties aux fins d’évaluer si ces pratiques ne sont pas contestables;
6.11. à s’assurer que les accords de réadmission contiennent les garanties juridiques appropriées afin de protéger les migrants contre toute violation de leurs droits de l’homme et énoncent clairement leurs droits, s’agissant notamment des catégories vulnérables;
6.12. à veiller à ce qu’aucune preuve ou information relative à une demande d’asile déposée dans le pays d’envoi ne soit communiquée au pays d’origine de la personne concernée;
6.13. à veiller à ce que les accords de réadmission prévoient l’instauration d’un système permettant de suivre et d’évaluer correctement leur mise en œuvre, ainsi que l’élaboration, par les autorités compétentes du pays de réadmission, d’un rapport public annuel donnant au minimum des indications statistiques sur le sort des personnes réadmises (détention, mise en liberté, expulsion, accès au système d’asile, etc.);
6.14. à abandonner les anciens accords bilatéraux de réadmission et à les remplacer par des accords plus actuels et pleinement respectueux des normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme;
6.15. à entreprendre des études quantitatives et qualitatives sur le fonctionnement et l’impact des accords de réadmission auxquels ils sont parties, aussi bien dans les pays de réadmission que d’envoi, afin d’évaluer s’ils sont susceptibles de donner lieu à des abus des droits de l’homme;
6.16. à veiller à ce que les accords de réadmission soient toujours rendus publics;
6.17. à éviter le recours à des accords de réadmission informels, ou du moins à veiller à l’application également aux accords de ce type des recommandations formulées dans la présente résolution;
6.18. à solliciter la coopération de la Commission européenne afin de mettre en place des organes de suivi appropriés et de coordonner la collecte et l’analyse de données statistiques sur les accords de réadmission;
6.19. à mettre en place des systèmes de formation pour les gardes-frontière, les fonctionnaires et autres personnes impliquées dans la mise en œuvre des accords de réadmission, tant dans les pays d’envoi que de réadmission;
6.20. à envisager, le cas échéant, des programmes de régularisation comme alternative au retour des migrants en situation irrégulière.
7. L’Assemblée invite l’Union européenne à prendre en compte les recommandations formulées dans la présente résolution lorsqu’elle négocie et promeut ses accords de réadmission, en veillant à ce que ces derniers soient cohérents avec les normes pertinentes en matière de droits de l’homme, notamment l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et qu’ils n’incitent pas les Etats membres à adopter des politiques de retour contraires à ces normes, à publier toutes les statistiques relatives aux réadmissions et à instaurer un mécanisme de suivi concernant les accords de réadmission. En particulier, l’Union européenne est invitée:
7.1. à examiner attentivement la situation en matière de droits de l’homme et la présence d’un système d’asile efficace dans un pays avant d’engager avec ce dernier des négociations sur la conclusion d’un accord de réadmission;
7.2. à user de sa position de force dans les négociations pour faire insérer dans les accords de réadmission des dispositions qui protègent les droits de l’homme des personnes auxquelles ces accords seront appliqués;
7.3. à inclure dans ses accords de réadmission une condition d’application établissant que le demandeur d’asile concerné aura eu accès au préalable dans l’Etat membre de l’Union européenne à un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, et que ces accords ne seront pas appliqués tant que les autorités compétentes n’auront pas statué sur le recours du demandeur d’asile;
7.4. à inclure dans ses accords de réadmission une condition d’application établissant que les ressortissants de pays tiers ne sont pas envoyés dans des pays de transit où leur dignité humaine risque d’être menacée en termes de droits sociaux;
7.5. à charger une instance appropriée de suivre la mise en œuvre par les Etats membres des accords de réadmission négociés sous l’égide de l’Union européenne et d’assurer une formation pertinente aux Etats membres de l’Union européenne;
7.6. à coopérer étroitement avec ses Etats membres dans la collecte et l’analyse de données statistiques relatives à la mise en œuvre des accords de réadmission, et à garantir la publication de ces données;
7.7. à examiner l’interaction entre les règles régissant le concept de «pays tiers sûr», l’application des accords de réadmission et les éventuelles imperfections dans le système;
7.8. à étudier l’impact de la conclusion d’accords de réadmission pour les ressortissants de pays tiers, en tant que condition préalable à toute libéralisation des visas et de la coopération, dans le contexte de la politique européenne de voisinage et de la politique de développement international de l’Union européenne.