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Résolution 1741 (2010) Version finale
Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière
1. Les accords de réadmission reprennent
et précisent l’obligation pour un Etat de réadmettre ses propres nationaux,
et énoncent les conditions dans lesquelles les Etats parties à de
tels accords sont contraints de réadmettre les ressortissants de
pays tiers ayant transité par leur territoire. Ils facilitent et
accélèrent l’exécution des décisions de retour relatives aux migrants
en situation irrégulière et peuvent aussi inciter les pays d’origine ou
de transit à renforcer leur contrôle des migrations. Selon le point
de vue où l’on se place, les accords de réadmission peuvent être
considérés comme un élément important des stratégies de gestion
des migrations des Etats membres du Conseil de l’Europe, ou comme
un moyen de faciliter les décisions de retour contestables ou encore
comme un composant des politiques critiquées «d’externalisation
du contrôle des migrations» des pays européens.
2. On peut avancer que les accords de réadmission assurent la
transparence puisqu’ils énoncent clairement les conditions procédurales
de réadmission avant l’exécution d’une décision de retour. Si l’on
fait montre de prudence dans leur mise en œuvre, les accords peuvent
contribuer à réduire la période d’incertitude ou de détention du
migrant en facilitant et en accélérant l’exécution des décisions
de retour. Les partisans des accords de réadmission soulignent la
neutralité de ces accords en termes de droits de l’homme et les
qualifient de simple outil d’éloignement des migrants en situation
irrégulière. C’est habituellement la prise de décision d’expulser
la personne concernée, en d’autres termes la décision de retour,
qui peut soulever certaines inquiétudes en matière de droits de
l’homme et non l’exécution de cette décision au moyen d’un accord
de réadmission, à moins que la situation dans le pays de réadmission
ait changé dans l’intervalle.
3. Les accords de réadmission risquent néanmoins de constituer
une menace, directe ou indirecte, pour les droits de l’homme des
migrants en situation irrégulière ou des demandeurs d’asile. Il
s’agit notamment du risque que le pays d’envoi ou de réadmission
n’honore pas ses obligations au titre de la Convention de Genève relative
au statut des réfugiés (la Convention de Genève de 1951) et son
Protocole de 1967 ainsi que de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5), puis recoure à
un accord de réadmission pour faire appliquer une décision erronée.
Le processus de retour doit être considéré dans son ensemble, les
accords de réadmission en constituant un élément important.
4. La principale source de préoccupation a trait à la réadmission
de ressortissants de pays tiers. Les migrants en situation irrégulière
qui sont renvoyés dans un pays autre que leur pays d’origine risquent
de se retrouver dans une situation insupportable. Les ressortissants
de pays tiers risquent de faire l’objet de ce qu’il est convenu
d’appeler un refoulement «en chaîne», en d’autres termes d’être
renvoyés dans leur pays d’origine sans avoir eu la possibilité de
soumettre une demande d’asile ou sans que celle-ci n’ait été examinée dans
aucun des pays traversés. Certains accords de réadmission prévoient
des procédures accélérées aux frontières, susceptibles d’empêcher
les migrants de présenter une demande d’asile ou de donner lieu
à une évaluation de leur cas de piètre qualité.
5. Il est difficile d’obtenir des statistiques sur le nombre
de retours forcés sous couvert d’accords de réadmission. Les Etats
n’en ont pas dressées ou sont peu enclins à les publier. La situation
des personnes éloignées est rarement évaluée. Ce manque d’informations
empêche toute appréciation approfondie de ces instruments.
6. Il est essentiel de négocier et d’appliquer les accords de
réadmission en prenant pleinement en compte les droits de l’homme
des migrants en situation irrégulière concernés. Pour mieux comprendre
et évaluer ces instruments, il est par ailleurs indispensable de
recueillir des données relatives à leurs effets induits et à leur mise
en œuvre. C’est pourquoi l’Assemblée parlementaire appelle les Etats
membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à
ne conclure des accords de réadmission qu’avec les pays qui se conforment
pleinement aux normes pertinentes en matière de droits de l’homme
et à la Convention de Genève de 1951, ont mis en place de véritables
systèmes d’asile, protègent le droit à la liberté de circulation
de leurs ressortissants et n’érigent pas en infraction pénale les
entrées ou les départs irréguliers du pays en question;
6.2. à respecter pleinement les obligations qui leur incombent
au titre de la Convention européenne des droits de l’homme et notamment
de son article 3, de la Convention de Genève de 1951 et d’autres instruments
des droits de l’homme, et à appliquer les 20 principes directeurs
du Comité des Ministres sur le retour forcé lorsqu’ils réadmettent
des migrants en situation irrégulière en application d’un accord de
réadmission ou qu’ils demandent l’exécution d’une décision de retour
d’un migrant en situation irrégulière en vertu d’un tel accord;
6.3. à ratifier et à respecter pleinement le Protocole no 4
à la Convention européenne des droits de l’homme (STCE no 46),
qui interdit notamment les expulsions collectives d’étrangers;
6.4. à respecter les Lignes directrices du Conseil de l’Europe
sur la protection des droits de l’homme dans le contexte des procédures
d’asile accélérées;
6.5. à s’assurer que, préalablement à la mise en œuvre d’un
accord de réadmission, les demandeurs d’asile ont eu la possibilité
de soumettre une demande d’asile et ont bénéficié du droit à un
recours effectif avec effet suspensif, qui implique un examen de
l’affaire en fait et en droit par une autorité nationale indépendante;
6.6. à vérifier, en cas d’application du concept de «pays tiers
sûr» vis-à-vis de demandeurs d’asile dont les requêtes ne font pas
l’objet d’un examen au fond, que le pays de destination est sûr
pour la personne concernée, notamment qu’il respectera ses droits
de l’homme, offrira l’accès à une procédure d’asile et se conformera
à la Convention de Genève de 1951;
6.7. à inclure dans les accords de réadmission une disposition
exigeant d’un pays d’envoi qu’il s’efforce systématiquement en premier
lieu de renvoyer la personne concernée dans son pays d’origine, avant
de solliciter sa réadmission dans un pays où elle n’aura fait que
transiter;
6.8. à inclure dans les accords de réadmission une disposition
imposant au pays requérant, avant toute demande de réadmission par
un pays tiers, de vérifier que le pays sollicité en vue de la réadmission
accordera à la personne concernée l’accès aux droits sociaux minimaux.
Si cette vérification s’avère impossible, il ne doit pas être procédé
à la réadmission et le pays requérant doit accorder l’accès à ces
droits à la personne concernée pour toute la durée de son séjour
dans ce pays;
6.9. à veiller à ce que le ressortissant d’un pays tiers réadmis
ne reste pas bloqué dans un pays de transit sans possibilité de
retour dans son pays d’origine;
6.10. à étudier l’impact des dispositions des accords de réadmission
prévoyant la mise en œuvre de procédures accélérées pour les migrants
appréhendés près de la frontière entre les Parties aux fins d’évaluer
si ces pratiques ne sont pas contestables;
6.11. à s’assurer que les accords de réadmission contiennent
les garanties juridiques appropriées afin de protéger les migrants
contre toute violation de leurs droits de l’homme et énoncent clairement
leurs droits, s’agissant notamment des catégories vulnérables;
6.12. à veiller à ce qu’aucune preuve ou information relative
à une demande d’asile déposée dans le pays d’envoi ne soit communiquée
au pays d’origine de la personne concernée;
6.13. à veiller à ce que les accords de réadmission prévoient
l’instauration d’un système permettant de suivre et d’évaluer correctement
leur mise en œuvre, ainsi que l’élaboration, par les autorités compétentes
du pays de réadmission, d’un rapport public annuel donnant au minimum
des indications statistiques sur le sort des personnes réadmises
(détention, mise en liberté, expulsion, accès au système d’asile,
etc.);
6.14. à abandonner les anciens accords bilatéraux de réadmission
et à les remplacer par des accords plus actuels et pleinement respectueux
des normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme;
6.15. à entreprendre des études quantitatives et qualitatives
sur le fonctionnement et l’impact des accords de réadmission auxquels
ils sont parties, aussi bien dans les pays de réadmission que d’envoi, afin
d’évaluer s’ils sont susceptibles de donner lieu à des abus des
droits de l’homme;
6.16. à veiller à ce que les accords de réadmission soient toujours
rendus publics;
6.17. à éviter le recours à des accords de réadmission informels,
ou du moins à veiller à l’application également aux accords de ce
type des recommandations formulées dans la présente résolution;
6.18. à solliciter la coopération de la Commission européenne
afin de mettre en place des organes de suivi appropriés et de coordonner
la collecte et l’analyse de données statistiques sur les accords
de réadmission;
6.19. à mettre en place des systèmes de formation pour les gardes-frontière,
les fonctionnaires et autres personnes impliquées dans la mise en
œuvre des accords de réadmission, tant dans les pays d’envoi que
de réadmission;
6.20. à envisager, le cas échéant, des programmes de régularisation
comme alternative au retour des migrants en situation irrégulière.
7. L’Assemblée invite l’Union européenne à prendre en compte
les recommandations formulées dans la présente résolution lorsqu’elle
négocie et promeut ses accords de réadmission, en veillant à ce
que ces derniers soient cohérents avec les normes pertinentes en
matière de droits de l’homme, notamment l’article 3 de la Convention
européenne des droits de l’homme et l’article 19 de la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne, et qu’ils n’incitent
pas les Etats membres à adopter des politiques de retour contraires
à ces normes, à publier toutes les statistiques relatives aux réadmissions
et à instaurer un mécanisme de suivi concernant les accords de réadmission.
En particulier, l’Union européenne est invitée:
7.1. à examiner attentivement la
situation en matière de droits de l’homme et la présence d’un système
d’asile efficace dans un pays avant d’engager avec ce dernier des
négociations sur la conclusion d’un accord de réadmission;
7.2. à user de sa position de force dans les négociations pour
faire insérer dans les accords de réadmission des dispositions qui
protègent les droits de l’homme des personnes auxquelles ces accords seront
appliqués;
7.3. à inclure dans ses accords de réadmission une condition
d’application établissant que le demandeur d’asile concerné aura
eu accès au préalable dans l’Etat membre de l’Union européenne à un
recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention européenne
des droits de l’homme, et que ces accords ne seront pas appliqués
tant que les autorités compétentes n’auront pas statué sur le recours
du demandeur d’asile;
7.4. à inclure dans ses accords de réadmission une condition
d’application établissant que les ressortissants de pays tiers ne
sont pas envoyés dans des pays de transit où leur dignité humaine
risque d’être menacée en termes de droits sociaux;
7.5. à charger une instance appropriée de suivre la mise en
œuvre par les Etats membres des accords de réadmission négociés
sous l’égide de l’Union européenne et d’assurer une formation pertinente
aux Etats membres de l’Union européenne;
7.6. à coopérer étroitement avec ses Etats membres dans la
collecte et l’analyse de données statistiques relatives à la mise
en œuvre des accords de réadmission, et à garantir la publication
de ces données;
7.7. à examiner l’interaction entre les règles régissant le
concept de «pays tiers sûr», l’application des accords de réadmission
et les éventuelles imperfections dans le système;
7.8. à étudier l’impact de la conclusion d’accords de réadmission
pour les ressortissants de pays tiers, en tant que condition préalable
à toute libéralisation des visas et de la coopération, dans le contexte
de la politique européenne de voisinage et de la politique de développement
international de l’Union européenne.