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Résolution 1757 (2010) Version finale
Droits de l’homme et entreprises
1. La mondialisation de l’économie
pose la question de l’efficacité de la protection des droits de
l’homme au niveau international. De grandes entreprises multinationales
ont été critiquées pour avoir violé les droits de l’homme, notamment
dans les pays en développement. Le travail des enfants dans l’industrie
textile, les catastrophes environnementales causées par l’industrie
pétrolière ou encore, dans les entreprises de télécommunication,
les atteintes au droit au respect de la vie privée en sont des exemples
préoccupants.
2. Bien que ce soit avant tout aux Etats de protéger les droits
de l’homme, les entreprises ont, elles aussi, des obligations dans
ce domaine, tout particulièrement lorsque les Etats ont «privatisé»
des fonctions étatiques traditionnelles, comme certains secteurs
du maintien de l’ordre ou des activités militaires. L’Assemblée parlementaire
appelle à combler le vide juridique dans ce domaine, ainsi qu’elle
l’avait fait précédemment dans sa Recommandation 1858 (2009) «Sociétés privées à vocation militaire ou sécuritaire
et érosion du monopole étatique du recours à la force».
3. L’Assemblée note que de nombreuses allégations d’atteintes
aux droits de l’homme par des entreprises se produisent dans des
pays tiers, en particulier hors de l’Europe, et qu’il est aujourd’hui
difficile de saisir les juridictions nationales ou la Cour européenne
des droits de l’homme (la Cour) en cas de violation extraterritoriale
par des entreprises.
4. L’Assemblée s’inquiète aussi des différences observées dans
le champ de la protection des droits de l’homme entre les entreprises
et les particuliers. Alors qu’une entreprise a la possibilité de
porter une affaire devant la Cour si elle estime que ses droits,
protégés par la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention,
STE no 5), ont été violés par une instance étatique, un individu
invoquant une violation de ses droits par une société de droit privé
ne peut saisir cette même juridiction de ses réclamations.
5. L’Assemblée note que, au cours des dernières décennies, un
certain nombre de cadres et de boîtes à outils ont été adoptés aux
niveaux international et européen afin de définir les obligations
incombant aux entreprises. Ces outils s’appuient principalement
sur le concept de «responsabilité sociale des entreprises». Ce ne
sont fondamentalement que des instruments non contraignants ou des
codes volontaires de bonne conduite. Ils ne sont pas assortis de
mécanismes judiciaires effectifs ou juridiquement contraignants
pour protéger les victimes d’atteintes à leurs droits par les entreprises
et ne fournissent pas à ces dernières des conseils pertinents sur
les mesures à prendre pour prévenir les atteintes aux droits de
l’homme.
6. L’Assemblée souligne que la crise économique ne saurait excuser
la non-observation des normes en matière de droits de l’homme. En
effet, l’avenir de l’économie sociale de marché en tant que modèle
de développement économique raisonnablement juste et efficace doit
passer par le respect, par l’ensemble des acteurs économiques, des
principes fondamentaux d’équité.
7. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à encourager les entreprises
à être respectueuses des droits de l’homme et à les responsabiliser en
la matière, notamment:
7.1.1. en
adoptant, pour les marchés publics et l’investissement de fonds
publics, des lignes directrices visant à exclure les entreprises
associées à des atteintes aux droits de l’homme;
7.1.2. en mettant en place des instances chargées de conseiller
les gouvernements en matière d’éthique et d’investissement;
7.1.3. en incluant, dans les contrats de marchés publics et dans
les contrats d’investissement, des clauses qui rappellent l’obligation
de protéger les droits de l’homme;
7.2. à encourager l’application des Normes sur la responsabilité
en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et
autres entreprises des Nations Unies par les entités commerciales enregistrées
dans leur juridiction;
7.3. à légiférer, le cas échéant, pour protéger les individus
des atteintes par les entreprises aux droits énoncés dans la Convention
et dans la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163);
7.4. à diffuser les normes en matière de droits de l’homme
du Conseil de l’Europe auprès des entreprises, notamment:
7.4.1. en concevant une boîte à outils
pour l’intégration de bonnes pratiques dans le domaine de la protection
des droits de l’homme à tous les niveaux de l’entreprise et pour
la conduite d’études permettant d’évaluer l’impact des droits de
l’homme, en coopération avec des groupements d’entreprises et des
groupes de défense des droits de l’homme;
7.4.2. en coopérant avec des institutions nationales de droits
de l’homme pour diffuser les informations pertinentes auprès des
entreprises, évaluer les avancées et repérer les éventuels problèmes.
8. L’Assemblée invite également les Etats membres à renforcer
leur coopération avec d’autres instances internationales, en particulier
avec l’union européenne, les Nations Unies, l’Organisation internationale
du travail et l’Organisation de coopération et de développement
économiques, dans le but de consolider les normes cohérentes sur
la responsabilité des entreprises dans le domaine de la protection
des droits de l’homme.