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Résolution 1768 (2010) Version finale

Les demandeurs d’asile roms en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 12 novembre 2010 (voir Doc. 12393, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: M. Pupovac). Voir également la Recommandation 1941 (2010).

1. Au cours des dernières années, dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, les Roms ont été la cible d’attaques racistes qui se sont soldées par au moins neuf morts, de nombreux blessés et la destruction de biens. Cette vague de violence fait suite à un regain de visibilité et d’activité de groupes néonazis.
2. L’Assemblée parlementaire note avec préoccupation que les auteurs de ces actes n’ont que rarement été traduits en justice et estime particulièrement inquiétant le fait que, confrontés à la peur, aux menaces et au manque de réaction adéquate de la part des autorités, plusieurs milliers de Roms ont quitté leur pays pour chercher asile ailleurs.
3. Si des centaines de Roms originaires de la République tchèque et de Hongrie ont obtenu le statut de réfugié au Canada, les demandes d’asile déposées dans des pays de l’Union européenne ont automatiquement été rejetées en se fondant sur la législation de l’Union européenne, qui stipule que tous les Etats membres de l’Union européenne sont considérés comme des «pays d’origine sûrs», s’agissant des demandes d’asile déposées par des citoyens de ces pays.
4. Si un citoyen d’un Etat membre de l’Union européenne souhaite séjourner plus de trois mois sur le territoire d’un autre Etat membre de l’Union européenne, il est tenu de justifier de ressources financières suffisantes ou d’un emploi dans ce pays. Comme beaucoup de Roms des pays de l’Union européenne ne sont pas en mesure de satisfaire à ces exigences, il leur est impossible non seulement de demander l’asile dans un autre pays de l’Union européenne, mais aussi de résider plus de trois mois dans un autre Etat membre. Les seules options qui leur restent sont de chercher asile ailleurs que dans l’Union européenne, de vivre en tant que migrants clandestins ou de retourner dans leur pays d’origine au risque de subir des persécutions. Toutes ces options sont clairement insatisfaisantes.
5. Beaucoup de demandeurs d’asile roms, déplacés il y a plusieurs années à l’occasion des conflits dans les Balkans et vivant dans des Etats membres du Conseil de l’Europe, sont désormais menacés de retour forcé au Kosovo 
			(1) 
			Toute référence au Kosovo
dans ce texte, qu’il s’agisse de son territoire, de ses institutions
ou de sa population, doit être entendue dans le plein respect de
la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo.. Le conflit du Kosovo a amené quelque 120 000 Roms à quitter ce territoire et à demander asile dans d’autres pays européens. Un grand nombre de ces demandes ont été rejetées, mais environ 50 000 Roms du Kosovo vivent toujours dans des pays d’Europe occidentale et 50 000 autres dans des pays voisins, où ils bénéficient d’une certaine forme de protection temporaire ou sont simplement «tolérés».
6. Les Etats membres ont pris des mesures pour préparer le retour d’un nombre important de ces Roms, en dépit des sérieux avertissements du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui affirme que ces personnes connaîtront une situation sociale insoutenable, n’auront que fort peu de chances de réintégration et verront leur sécurité personnelle gravement menacée après leur retour. Beaucoup de ces Roms ont des enfants qui sont nés ou ont vécu toute leur vie dans les pays d’où ils sont renvoyés. En date de mai 2010, rien qu’en Allemagne, environ 10 000 Roms du Kosovo ont été menacés d’expulsion, dont la moitié a moins de 18 ans.
7. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a déclaré que, sur l’ensemble de ces Roms renvoyés de force au Kosovo, de 70 à 75 % n’ont pas pu s’y réintégrer et ont gagné une autre destination ou sont retournés dans les pays qui les avaient expulsés. Non seulement les retours forcés provoquent une grande souffrance humaine, mais ils génèrent également des dépenses inutiles.
8. Les pays qui expulsent des Roms devraient réaliser que le Kosovo n’est pas en mesure de réintégrer un grand nombre de rapatriés. Une telle situation peut déboucher sur des troubles sociaux, qui toucheront les Roms en premier et le plus durement. Le Kosovo est encore fragile et les autorités ne disposent pas des ressources nécessaires.
9. Par ailleurs, l’Assemblée réfute l’idée que les Roms et les groupes apparentés doivent être renvoyés au Kosovo aux fins de réaliser ou réinstaurer le pluralisme ethnique. Si le pluralisme ethnique peut être en soi une bonne chose et qu’il convient, pour l’encourager, de donner aux Roms du Kosovo une chance réelle et durable de retour, il devrait se réaliser sur la base du volontariat et certainement pas au prix de la sécurité et des droits humains des individus concernés.
10. Pour régler de façon satisfaisante le problème des Roms du Kosovo dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il sera nécessaire d’adopter une démarche globale, prenant en compte les droits et les responsabilités des Roms, qui associe tous les pays de la région, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et la société civile. L’Union européenne et le Conseil de l’Europe devront également suivre une stratégie commune et il serait souhaitable que la société civile soit invitée à jouer un rôle plus important dans le processus de réintégration.
11. Une coopération prometteuse s’est instaurée entre les autorités des pays de l’ex-Yougoslavie en vue de trouver une solution durable pour les Roms déplacés et de s’assurer qu’ils obtiennent des papiers d’identité qui établissent clairement leur statut, qui leur donnent un accès aux droits et aux prestations auxquels ils peuvent prétendre et qui, le cas échéant, leur permettent d’introduire une demande de titre de séjour de longue durée ou de naturalisation. L’Assemblée soutient ce processus, auquel il conviendrait d’associer le Kosovo, et encourage les pays de l’ex-Yougoslavie à persévérer dans cette voie jusqu’à ce que des solutions satisfaisantes soient trouvées. Elle les invite instamment à ne pas renvoyer les Roms au Kosovo avant que et à moins que des solutions réellement viables aient été mises en place.
12. Dans ce contexte, et se référant à sa Résolution 1740 (2010) sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
12.1. à veiller à ce que toutes les demandes d’asile soient examinées individuellement sur le fond, conformément à des procédures équitables et efficaces de détermination du statut de réfugié;
12.2. à être attentifs à la situation critique des Roms et à chercher des moyens d’accueillir ceux qui sont citoyens d’un Etat membre de l’Union européenne et dont la demande d’asile a été rejetée dans un autre Etat membre de l’Union européenne;
12.3. à se conformer pleinement à leurs obligations au titre de la législation internationale des droits de l’homme, y compris la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), en prévenant les agressions des Roms et en mettant un terme à l’impunité de fait de leurs auteurs au moyen d’enquêtes efficaces et rapides sur tous les crimes commis à leur encontre. Il s’agit notamment d’examiner les éventuelles motivations racistes des infractions, de déférer en justice leurs auteurs et de les punir s’ils sont jugés coupables;
12.4. à améliorer la sûreté et la sécurité des Roms et à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éradiquer le racisme et la xénophobie en œuvrant activement et avec persistance, tant au plan national que local, afin de renforcer la compréhension et le dialogue entre Roms et non-Roms dans la société. A cet effet, les Etats membres devraient utiliser, inter alia, la boîte à outils de la campagne Dosta! du Conseil de l’Europe: «Dosta!/Assez! Dépassons les préjugés, allons à la rencontre des Roms»;
12.5. à veiller, dans les limites du droit à la liberté d’expression garanti à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, à ce que les médias s’abstiennent de propager des discours de haine ou de diaboliser les migrants et demandeurs d’asile roms.
13. L’Assemblée demande à tous les responsables politiques des Etats membres de condamner fermement et publiquement toutes les formes de racisme et de stigmatisation des Roms.
14. L’Assemblée appelle l’Union européenne à réexaminer ses règles relatives aux demandeurs d’asile citoyens d’un Etat membre de l’Union européenne qui déposent leurs demandes dans un autre Etat membre, et à veiller à ce que la législation et la pratique dans ses Etats membres prévoient la possibilité de réfuter la présomption de sûreté de leur pays d’origine, y compris en cas de fuite au sein de l’Union européenne, afin de garantir que les demandeurs d’asile roms et autres en provenance d’Etats membres de l’Union européenne ne se trouvent pas dans une impasse.
15. Rappelant sa Recommandation 1923 (2010) sur la situation au Kosovo et le rôle du Conseil de l’Europe, l’Assemblée appelle par ailleurs les Etats membres:
15.1. à réexaminer leurs politiques de retour à l’égard des demandeurs d’asile roms du Kosovo dont les demandes ont été rejetées et à envisager de leur offrir des possibilités d’intégration, y compris de naturalisation, en tenant compte de leurs liens avec leur pays d’accueil et de la durée de leur déplacement;
15.2. à apporter une réponse attentive à la question du retour des Roms au Kosovo afin de s’assurer que leurs droits fondamentaux sont pleinement garantis, que le retour est organisé de manière durable et que les éléments propres à chaque cas, y compris les liens établis avec le pays d’accueil, sont examinés. 
16. Si et lorsque des Roms sont renvoyés au Kosovo, l’Assemblée invite instamment les autorités des Etats membres et les organisations impliquées à prendre toutes les mesures appropriées pour garantir:
16.1. que toutes les personnes concernées ont effectivement la possibilité de voir leurs besoins de protection internationale évalués avant leur retour;
16.2. que les retours sont effectués de manière méthodique, progressive et digne, et en coopération avec les autorités concernées;
16.3. que les retours sont coordonnés de façon à éviter les problèmes liés à la capacité d’accueil et d’intégration, et que les autorités du Kosovo sont dûment prévenues du retour de rapatriés vulnérables;
16.4. que, si des Roms sont renvoyés au Kosovo aux termes d’accords de réadmission, ces retours s’effectuent dans la transparence et dans le respect de la législation relative aux réfugiés et des normes internationales en matière de droits de l’homme;
16.5. que les 20 principes directeurs du Conseil de l’Europe sur le retour forcé sont respectés.
17. L’Assemblée appelle les autorités du Kosovo et les parties prenantes internationales à intensifier leurs efforts pour intégrer pleinement les Roms qui sont renvoyés au Kosovo, et pour garantir le respect et la protection de leurs droits fondamentaux ainsi que leur accès à la justice.
18. L’Assemblée invite le Commissaire aux droits de l’homme à continuer de suivre la situation en ce qui concerne la violence raciste dont sont victimes les Roms dans les Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que les problèmes liés au retour des Roms au Kosovo et la compatibilité de ces retours avec les normes du Conseil de l’Europe qui s’appliquent.
19. L’Assemblée invite la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance:
19.1. à donner la priorité, dans le cadre de ses travaux pays par pays, au problème de la violence raciste, qui incite les Roms à partir à l’étranger pour demander asile;
19.2. à formuler des recommandations aux Etats membres sur la façon de lutter contre l’antitsiganisme.