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Résolution 1767 (2010) Version finale

L’avenir démographique de l’Europe et les migrations

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 12 novembre 2010 (voir Doc. 12429, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteur: Mme Hajibayli).

1. D’après les prévisions actuelles, la population mondiale devrait augmenter de plus de 40 % au cours des quarante prochaines années si le taux de fécondité ne diminue pas très fortement dans les pays en développement. Pendant la même période, la population des Etats membres du Conseil de l’Europe devrait diminuer d’environ 6 %, ramenant la part de l’Europe dans la population mondiale à 7 %. En outre, les caractéristiques démographiques de l’Europe connaissent des changements considérables. Ces tendances entraîneront de nouveaux défis pour l’Europe en termes de compétitivité sur le marché mondial et de viabilité des systèmes de sécurité sociale tels qu’ils existent actuellement.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle les deux débats qu’elle a tenus récemment sur la question des mesures politiques qui influent sur les tendances démographiques et sur les défis que ces tendances obligent à relever sous l’angle de la cohésion sociale. Elle réaffirme son soutien aux recommandations adoptées à l’issue de ces débats (Recommandation 1683 (2004) sur les tendances en matière de population en Europe et leur sensibilité aux mesures des pouvoirs publics, Recommandation 1749 (2006) et Résolution 1502 (2006) sur la cohésion sociale face aux défis démocratiques). 
3. L’Assemblée regrette qu’il ait été mis un terme au travail important qu’effectuait le Comité européen sur la population. Elle demeure convaincue que les questions de population et de migrations méritent une attention intergouvernementale continue de la part du Conseil de l’Europe.
4. La baisse de la population, son vieillissement, et les migrations sont des phénomènes étroitement liés qui doivent être examinés conjointement afin de déterminer l’évolution de la population ainsi que les besoins de productivité de l’Europe. La fécondité, le vieillissement et les migrations devraient être gérés par des politiques globales, de manière à prendre en compte les nouvelles réalités démographiques.
5. Pour la gestion de la population européenne, la question essentielle, aujourd’hui, est de savoir comment parvenir à accroître à la fois le taux de fécondité et la participation des nationaux à la force de travail, afin de stimuler la productivité de l’Europe et de maintenir l’efficacité des systèmes de protection sociale, en particulier les systèmes de retraite. L’Assemblée est d’avis que les décideurs européens, les entreprises et les citoyens devraient repenser conjointement l’organisation de l’ensemble de la vie en relation avec le travail, la parentalité et la retraite.
6. L’augmentation de l’immigration est aussi un moyen d’aider à atténuer à moyen terme les effets de la diminution de la population. L’immigration est aujourd’hui le principal facteur positif de croissance de la population dans plusieurs pays européens et l’on prévoit que les besoins en la matière augmenteront avec la reprise de l’économie. Néanmoins, l’Assemblée est convaincue que l’immigration ne constitue pas à elle seule un moyen adéquat – ni une option souhaitable des politiques publiques – pour compenser le «grisonnement» de la population et qu’elle ne saurait se substituer aux réformes économiques.
7. L’Assemblée estime que, bien que les migrations soient sources de diversité et de dynamisme pour les sociétés européennes, les mouvements migratoires futurs devront être mieux gérés. Ils devront en particulier répondre à des exigences spécifiques de l’économie, sur la base d’une évaluation réaliste des besoins du marché du travail et de procédures de mise en œuvre visant à assurer que les migrations continuent de répondre à ces exigences tout en respectant les besoins de développement des pays d’origine.
8. Les principaux obstacles à la réalisation du potentiel de l’immigration sont liés aux migrations irrégulières et à l’intégration des migrants et de leurs descendants au sein des sociétés européennes. Ces deux questions ont des implications en termes de droits de l’homme et mettent en évidence le danger que représenterait pour les sociétés européennes le développement d’un nouveau sous-prolétariat. C’est pourquoi l’Assemblée considère les migrations ciblées et le développement des possibilités d’emploi légal comme la bonne voie pour gérer les migrations à l’avenir.
9. L’Assemblée est d’avis que, bien que les migrations temporaires et circulaires soient sources d’avantages plus nombreux pour les pays d’origine car elles permettent de réduire l’impact de la fuite des cerveaux, de maximiser les envois de fonds et d’encourager les transferts de connaissances et de technologies, une grande partie des besoins de main-d’œuvre des Etats membres du Conseil de l’Europe seront par nature des besoins de longue durée reposant sur des compétences propres à un type d’emploi particulier et dont l’acquisition demande un certain temps. Il est donc nécessaire d’aborder les questions démographiques et les questions qui se rapportent aux migrations dans une perspective à moyen et à long terme à la fois.
10. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée appelle instamment les Etats membres à introduire conjointement dans leurs politiques, s’ils ne l’ont déjà fait, les mesures générales suivantes:
10.1. eu égard à l’augmentation du taux de natalité:
10.1.1. permettre aux individus et aux couples d’exercer leur droit de décider librement et de façon responsable du nombre de leurs enfants et de l’espacement des naissances;
10.1.2. créer les conditions nécessaires pour que les femmes puissent concilier plus facilement vie de famille et travail, par exemple en développant l’accès aux services de garde d’enfants, les horaires de travail flexibles, le télétravail, les congés paternels;
10.1.3. permettre aux jeunes de commencer à travailler et de fonder une famille plus facilement, par exemple grâce à des mesures en faveur d’un environnement mieux adapté à l’enfant et à la famille dans tous les domaines de la vie sociale – tout particulièrement dans les zones urbaines –, notamment en ce qui concerne le logement, la garde des enfants, le travail flexible ou à temps partiel, les politiques fiscales et les équipements de loisirs;
10.1.4. développer les mesures de santé publique visant à atténuer l’infécondité involontaire;
10.2. eu égard au vieillissement de la population et afin de renforcer la participation à la vie active:
10.2.1. faciliter l’emploi légal par des mesures comme la réduction des coûts de l’emploi, la libéralisation du Code du travail et la suppression des coûts inutiles liés aux licenciements;
10.2.2. continuer à encourager l’emploi des femmes à l’aide de mesures incitatives permettant de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle;
10.2.3. introduire les changements législatifs nécessaires pour relever progressivement l’âge de la retraite;
10.2.4. promouvoir la vie active des personnes âgées en donnant la possibilité de travailler plus longtemps à celles qui sont encore en bonne santé et qui souhaitent travailler, et en prêtant plus attention au nombre d’années de travail effectif qu’à l’âge de la retraite;
10.2.5. élaborer des politiques diversifiées afin de permettre aux individus de travailler plus longtemps dans des conditions saines, y compris par la promotion des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie et de la reconversion professionnelle;
10.2.6. développer les formes atypiques d’emploi pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas travailler à plein-temps;
10.3. eu égard aux migrations:
10.3.1. mettre en place des mécanismes permettant d’identifier et de contrôler les pénuries de main-d’œuvre autochtone au niveau national, et créer des voies d’immigration légales pour combler ces pénuries;
10.3.2. faire comprendre à la population la nécessité de poursuivre, voire d’accroître, l’immigration de main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée, en veillant, en même temps, à la mise en place de mesures appropriées pour la gestion des migrations et l’intégration des migrants; développer, en particulier, des stratégies pour attirer les migrants ayant le profil recherché;
10.3.3. dans les pays qui connaissent une perte nette de main-d’œuvre due à l’émigration, mettre à profit les sources de main-d’œuvre locales et chercher à retenir les talents en renforçant l’excellence académique, en introduisant des incitations salariales et en développant les possibilités de formation et de reconversion professionnelle;
10.3.4. développer les moyens officiels de recrutement des migrants afin de réduire les facteurs pouvant inciter les employeurs à les recruter sur le marché du travail informel et d’empêcher le trafic et l’exploitation de migrants; examiner la possibilité d’introduire des visas pour la recherche d’emploi comme moyen adapté de recrutement des migrants répondant à certains profils;
10.3.5. examiner les possibilités de réintégrer dans la légalité les migrants en situation irrégulière et les emplois illégaux. De tels dispositifs devraient être accessibles à tous les niveaux de qualification, présenter un caractère de longue durée et inclure des mesures visant à inciter employeurs et immigrants à respecter les règles en vigueur;
10.3.6. favoriser l’intégration réussie des migrants et de leurs familles, en particulier les migrants originaires de pays non européens, dans la société d’accueil européenne, notamment en prenant des mesures pour régler les questions d’éducation des immigrés et de leurs enfants, remédier aux problèmes liés au regroupement géographique et à l’isolement social, et aider les immigrés de deuxième génération à surmonter les difficultés à entrer sur le marché de l’emploi;
10.3.7. accorder une plus grande attention à l’équilibre du débat public sur l’immigration, en évitant tout discours justifiant ou même renforçant les comportements discriminatoires à l’égard des migrants.
11. L’Assemblée note que nombre de ces mesures figurent déjà sur l’agenda de l’Union européenne. Elle félicite cette dernière pour le programme et le plan d’action de Stockholm adoptés récemment, qui reconnaissent le rôle de l’immigration pour aider l’Union à faire face aux enjeux démographiques et lui assurer de solides performances économiques à long terme. Etant donné que les politiques de l’Union européenne ont un impact important sur les pays candidats à l’adhésion et sur les Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’appartiennent pas à l’Union européenne, l’Assemblée invite, en outre, l’Union européenne:
11.1. à chercher à mettre en place un dispositif réellement unifié d’admission des migrants en réexaminant l’idée d’introduire un système de «carte bleue» sur la base du modèle initial proposé en 2001;
11.2. à réaliser une étude approfondie des besoins de main-d’œuvre de l’Europe à court, moyen et long terme;
11.3. à poursuivre le développement de partenariats pour la mobilité avec les Etats membres du Conseil de l’Europe dans le cadre du partenariat oriental;
11.4. à examiner de toute urgence les possibilités de régulariser la situation des millions de migrants en situation irrégulière employés dans les secteurs affectés par une pénurie de main-d’œuvre.
12. L’Assemblée appelle, en outre, les organisations internationales spécialisées à mener de nouvelles études intégrant des données détaillées sur les tendances de la démographie et de l’évolution des migrations en Europe. De telles données seraient utiles pour contrer certaines attitudes populistes ou xénophobes et aider les gouvernements à adopter une approche plus globale et plus réaliste lors de l’élaboration des politiques nationales.