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Résolution 1790 (2011) Version finale

La situation au Bélarus après l’élection présidentielle

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2011 (8e séance) (voir Doc. 12494, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: Mme Hurskainen; et Doc. 12503, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Pourgourides). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2011 (8e séance).

1. L’Assemblée parlementaire est consternée par la vague sans précédent de violences, d’intimidations, d’arrestations massives et de persécutions à l’encontre d’opposants politiques, de défenseurs des droits de l’homme, de professionnels des médias, d’étudiants et de citoyens du Bélarus, qui a suivi l’annonce des résultats de l’élection présidentielle organisée au Bélarus le 19 décembre 2010.
2. Plus de 600 personnes ont été arrêtées, dont des candidats à l’élection présidentielle, alors que des agressions étaient perpétrées et des perquisitions menées au domicile de dirigeants de l’opposition, de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes, ainsi que dans les locaux de plusieurs organisations non gouvernementales et d’organes de médias. La répression a continué de manière plus ciblée dans le mois qui a suivi l’élection et aucun signe d’accalmie n’est encore perceptible à ce jour. Une répression aussi violente de la contestation politique et celle, ciblée, menée contre les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les professionnels des médias constituent non seulement une réponse disproportionnée à l’action des protestataires, mais sont également le signe d’un mépris pur et simple des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe.
3. Se félicitant de la résolution adoptée par le Parlement européen le 20 janvier 2011 sur la situation au Bélarus, l’Assemblée condamne en particulier l’incarcération par les forces de sécurité, depuis le 19 décembre 2010, d’Irina Khalip, une journaliste internationalement reconnue qui travaille pour le quotidien russe Novaya Gazeta, et d’Andrei Sannikov, le candidat à l’élection présidentielle blessé de manière brutale, ainsi que les menaces proférées par les autorités qui envisageaient de placer leur fils âgé de 3 ans dans un orphelinat de l’Etat. L’Assemblée condamne également le maintien en détention de Natalya Radina, rédactrice en chef du site internet Charter 97, qui a été arrêtée à la suite de la rafle réalisée dans ses bureaux par les forces de sécurité, le 20 décembre 2010 à Minsk.
4. L’Assemblée réaffirme sa conviction que les libertés politiques doivent être pleinement respectées et que tous les individus et groupes doivent être en mesure d’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion, y compris lorsqu’ils critiquent sévèrement les autorités ou la conduite des élections.
5. L’Assemblée regrette que, selon l’évaluation préliminaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de la dernière élection présidentielle, et en dépit des améliorations spécifiques apportées à la législation électorale et au déroulement de la campagne électorale, le Bélarus ait encore un long chemin à parcourir avant de respecter les engagements pris envers l’OSCE, y compris un certain nombre de normes internationales clés pour des élections démocratiques, telles que la transparence et la responsabilisation lors du décompte des voix. Ces élections ont été marquées par l’absence d’accès équitable aux médias pour l’ensemble des candidats et l’utilisation déloyale des ressources de l’Etat pour soutenir le Président en exercice.
6. L’Assemblée déplore par ailleurs la décision des autorités bélarussiennes de ne pas prolonger le mandat du Bureau de l’OSCE à Minsk, qui assurait une présence dans le pays depuis 1998.
7. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite instamment les autorités bélarussiennes:
7.1. à libérer immédiatement tous les candidats de l’opposition et leurs partisans, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme détenus pour des motifs politiques;
7.2. à mettre un terme aux actes de harcèlement et d’intimidation contre les responsables politiques de l’opposition, les médias et les représentants de la société civile;
7.3. à mener une enquête transparente sur le recours abusif et disproportionné à la force par la police et les forces de sécurité contre les manifestants;
7.4. à mettre un terme aux renvois d’étudiants des universités et aux licenciements de personnes en raison de leur participation à la manifestation;
7.5. à reconsidérer leur décision de fermer le Bureau de l’OSCE à Minsk, et à prolonger son mandat en 2011 et au-delà;
7.6. à achever le processus de réforme de la législation et de la pratique électorales en tenant compte de l’ensemble des recommandations formulées par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE et par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);
7.7. à exiger des responsables présumés des disparitions de Yuri Zakharenko, Victor Gonchar, Anatoly Krasovsky et Dmitri Zavadsky qu’ils rendent des comptes, conformément à la Résolution 1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus;
7.8. à décréter un moratoire sur les exécutions, comme première étape vers l’abolition de la peine de mort, conformément à la Résolution 1671 (2009) sur la situation au Bélarus.
8. L’Assemblée est convaincue que toute sanction et toute restriction appliquées aux contacts et relations avec les responsables de ces événements, y compris les plus hauts responsables du pays, ne devraient pas mener à un isolement accru du peuple bélarussien.
9. L’Assemblée est également convaincue de l’intérêt de sanctions ciblées, visant les personnes directement responsables des actes de répression les plus flagrants, sous réserve qu’elles soient infligées selon une procédure équitable et transparente. Elle invite par conséquent tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris ceux qui ne sont pas membres de l’Union européenne, à souscrire aux sanctions dirigées par l’Union européenne contre les personnalités officielles bélarussiennes.
10. L’Assemblée décide en conséquence de renforcer le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus, la société civile, les groupes d’opposition, les médias libres et les défenseurs des droits de l’homme. Dans le même esprit, l’Assemblée appelle tous les Etats membres du Conseil de l’Europe:
10.1. à maintenir et à renforcer le dialogue avec la société civile bélarussienne et à investir dans des contacts interpersonnels avec le Bélarus à tous les niveaux;
10.2. à envisager de faciliter l’octroi de visas aux citoyens ordinaires du Bélarus ainsi que la possibilité de prévoir de manière temporaire des lieux de refuge sûrs pour les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les professionnels des médias qui sont menacés;
10.3. à encourager les universités à ouvrir leurs portes aux étudiants bélarussiens renvoyés en raison de leurs activités politiques;
10.4. à appuyer la poursuite des activités du Bureau de l’OSCE à Minsk dans le cadre du mandat qui lui a été confié;
10.5. à s’abstenir explicitement de toute reconnaissance du résultat des élections présidentielles du Bélarus;
10.6. à encourager et à appuyer les efforts déployés pour recueillir et conserver des preuves contre les auteurs de violations graves des droits de l’homme en vue de sanctions ciblées et de futures poursuites pénales.
11. S’agissant de ses relations avec le Bélarus, l’Assemblée rappelle que, dans sa Résolution 1727 (2010) sur la situation au Bélarus: développements récents, adoptée en avril 2010, après un débat selon la procédure d’urgence provoqué essentiellement par l’exécution de deux détenus en mars 2010, elle avait décidé de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarussiennes, réaffirmant qu’il ne pouvait y avoir de progrès dans le dialogue sans progrès vers les normes du Conseil de l’Europe.
12. Au vu du nouveau recul sérieux constaté, l’Assemblée réaffirme sa décision de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau avec les autorités bélarussiennes. Elle appelle par ailleurs le Bureau de l’Assemblée à ne pas lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus:
12.1. jusqu’à ce qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités bélarussiennes compétentes;
12.2. jusqu’à ce qu’il y ait des progrès substantiels, tangibles et vérifiables en termes de respect des valeurs et principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe.
13. L’Assemblée appelle tous les partis politiques des Etats membres du Conseil de l’Europe et du Parlement européen à prendre des mesures énergiques pour soutenir leurs partis frères au Bélarus en intensifiant l’aide personnelle aux dirigeants incarcérés et aux membres de leur famille, en soutenant financièrement le fonctionnement des partis et en invitant ces derniers à participer activement aux réunions européennes des partis, à tous les niveaux.