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Résolution 1803 (2011)

Education contre la violence à l'école

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 13 avril 2011 (15e séance) (voir Doc. 12513, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Flego). Texte adopté par l’Assemblée le 13 avril 2011 (15e séance). Voir également la Recommandation 1965 (2011).

1. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par le fait que, en Europe, un nombre trop élevé d’écoles continue de se trouver confronté à de très graves actes de violence. Les incidents comprennent des attaques perpétrées par des élèves, avec ou sans armes, des brimades et du harcèlement entre élèves, de la violence sexuelle, des actes d’hostilité et même des agressions d’enseignants par des élèves, ainsi que le recours à la violence par des enseignants à l’encontre d’élèves.
2. Bien que de tels événements puissent demeurer sporadiques, l’Assemblée estime qu’ils méritent la plus grande attention car ils produisent toujours des effets très importants – sinon dramatiques – sur les personnes impliquées et sur leur entourage immédiat, provoquant des sentiments d’impuissance, de crainte et d’insécurité. Ils révèlent de manière inquiétante que, en dépit d’efforts considérables, le phénomène de la violence à l’école et dans la société en général n’a pas été correctement traité.
3. Humanisme, comportement non violent, tolérance et respect mutuel sont des valeurs fondamentales communes soutenues par le Conseil de l’Europe depuis sa fondation il y a soixante ans et, depuis longtemps, l’Organisation met un point d’honneur à combattre tous les types de violence, en particulier lorsque les enfants en sont victimes.
4. Des garanties fondamentales sont prescrites par les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et par la Charte sociale européenne révisée (STE no 163). A l’article 17, cette dernière stipule que les enfants et les adolescents seront protégés contre la négligence, la violence ou l’exploitation, en vue de leur assurer l’exercice effectif du droit de grandir dans un milieu favorable à l’épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales.
5. L’Assemblée a traité ces questions dans bon nombre de textes, notamment la Recommandation 561 (1969) sur la protection des mineurs contre les mauvais traitements, la Recommandation 1666 (2004) «Interdire le châtiment corporel des enfants en Europe»; la Recommandation 1778 (2007) sur les enfants victimes:éradiquons toutes les formes de violence, d’exploitation et d’abus; la Recommandation 1905 (2010) et la Résolution 1714 (2010) sur les enfants témoins de violence domestique, et, enfin, la Recommandation 1934 (2010) sur les sévices sur des enfants placés en établissement: garantir la protection pleine et entière des victimes.
6. Des normes pour la protection des enfants contre la violence figurent également dans la Recommandation du Comité des Ministres no R (79) 17 concernant la protection des enfants contre les mauvais traitements, la Recommandation no R (85) 4 sur la violence au sein de la famille et la Recommandation CM/Rec(2009)10 sur les stratégies nationales intégrées de protection des enfants contre la violence.D’autre part, l’Assemblée rappelle la Recommandation de politique générale no 10: lutter contre le racisme et la discrimination raciale dans et à travers l’éducation scolaire de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance.
7. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, adoptée en 1989, garantit le développement harmonieux et sans danger de chaque enfant, et son article 19 porte explicitement sur la protection de l’enfant contre la violence. L’Assemblée se félicite, dans ce contexte, des travaux menés par la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants.
8. L’Assemblée rappelle que, en vertu de l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes ethniques ou religieux.
9. Malgré une condamnation universelle, la violence semble malheureusement être un aspect des relations humaines très difficile à éradiquer. Elle se rencontre partout, entre les individus et les groupes, de même qu’au sein des familles, des groupes sociaux et de la société. Elle peut se manifester par une agression physique directe ou prendre des formes psychologiques moins évidentes, mais tout aussi pernicieuses. La violence à l’école et la violence dans la société sont étroitement liées; aussi n’est-il pas surprenant de rencontrer également au sein de l’environnement scolaire diverses formes de violence.
10. Pour autant, l’Assemblée continuera de lutter avec la plus grande détermination contre toutes les formes de violence, en particulier celles visant les enfants et les adolescents. A cet égard, il est de la plus haute importance de traiter la violence le plus tôt possible dans la vie scolaire des enfants et d’introduire et/ou de développer l’éducation contre la violence à l’école.
11. Les transformations radicales intervenues dans les politiques de l’éducation montrent qu’il est possible d’obtenir des résultats et de changer les mentalités: les méthodes d’enseignement autoritaires ont progressivement cédé le pas à un style non autoritaire, qui promeut souvent une approche critique de l’autoritarisme. Ces changements se retrouvent au sein des relations parent-enfant et de la société en général.
12. De nombreux pays ont mené des études sur la violence à l’école et plusieurs gouvernements ont mis en place des programmes nationaux pour lutter contre ce type de violence. L’Assemblée tient aussi à saluer les travaux réalisés dans ce domaine par le Réseau européen des défenseurs des enfants. Quoique les résultats soient encourageants, un regain d’efforts s’impose pour réduire la violence à l’école.
13. Si ce problème n’est pas traité comme il se doit, les coûts sociaux et financiers résultants dépasseront nettement ceux nécessaires à la mise en place de programmes plus vastes pour traiter la violence efficacement, sans parler de la souffrance humaine inacceptable des enfants qui sont ou ont été exposés à la violence.
14. Il est crucial, bien entendu, que la violence soit interdite et que les actes de violence tombant sous le coup de mesures pénales ou disciplinaires soient soumis à l’application de la loi ou à des autorités disciplinaires et que des sanctions correspondantes soient prononcées et appliquées. Reste que les sanctions sont l’ultime recours, et non un remède. Une action préventive et le soutien des victimes sont encore plus nécessaires. Il ne faut pas oublier que les enfants violents sont les plus susceptibles d’être eux-mêmes des victimes. De surcroît, il faut garantir la plus grande transparence, tout en respectant la dignité et la vie privée des victimes.
15. Etant donné la complexité de notre société et la pluralité des facteurs pouvant engendrer un comportement violent, il est nécessaire d’agir à différents niveaux et d’impliquer tous les acteurs clés, en particulier les familles, les enseignants et les élèves, pour lutter efficacement contre la violence à l’école.
16. Les médias produisent et diffusent des contenus violents sous de multiples formes depuis des décennies et, depuis lors, l’incidence de ces contenus a toujours fait débat. Avec le développement de nouvelles formes de médias en ligne interactifs, un impact psychologique potentiellement plus fort a été identifié et devrait être examiné plus avant. Néanmoins, l’enfant passant de plus en plus de temps à utiliser les médias, leurs effets positifs en tant que moyen d’éducation informelle méritent un examen plus approfondi.
17. En conséquence, l’Assemblée adopte les principes directeurs suivants pour une éducation contre la violence à l’école et invite les parlements membres et observateurs à les approuver au niveau national, à veiller à ce que les autorités gouvernementales compétentes apportent aux écoles un soutien administratif, logistique et financier, et, enfin, à superviser la mise en œuvre de ces principes:
17.1. Cadre juridique et pratiques administratives:
17.1.1. des normes pénales et/ou disciplinaires devraient clairement interdire tous les actes commis à l’école pouvant être qualifiés de «violents», notamment les châtiments corporels ou humiliants à l’encontre des élèves, la violence exercée par le personnel scolaire sur les élèves, la violence infligée aux élèves par des tiers au sein de l’enceinte scolaire ainsi que le comportement violent d’élèves à l’encontre d’autres élèves, du personnel scolaire ou des équipements scolaires;
17.1.2. les sanctions pénales et/ou disciplinaires devraient être proportionnelles à la gravité de ces actes; toutefois, s’agissant des jeunes auteurs de violence, il faudrait tenir compte des lignes directrices contenues dans la Recommandation CM/Rec(2008)11 sur les règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, ainsi que du document thématique de 2009 sur «Les enfants et la justice des mineurs: pistes d’améliorations», publié par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe;
17.1.3. tous les actes de violence devraient faire l’objet d’une enquête et d’un procès-verbal, et, s’ils présentent un caractère suffisamment grave, devraient être soumis aux autorités de répression compétentes; dans cette perspective, il conviendrait de mettre en place dans l’environnement scolaire des mécanismes adéquats de réception des plaintes pour les élèves;
17.1.4. des procédures administratives en rapport avec les actes de violence à l’école devraient garantir le droit des parents à être pleinement et rapidement informés, ainsi que le droit à la protection de la vie privée des victimes;
17.1.5. les directeurs d’établissements scolaires devraient être tenus professionnellement responsables de la mise en œuvre effective des obligations ci-dessus;
17.2. Sensibilisation et formation:
17.2.1. une culture de la démocratie et des droits de l’homme devrait être promue à l’école en conformité avec la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, adoptée dans le cadre de la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2010)7;
17.2.2. la sensibilisation à la réduction de la violence, à la résolution non violente des conflits et aux droits de l’enfant, en particulier à l’école, devrait faire partie des programmes scolaires généraux; la violence devrait être abordée de différents points de vue et dans différentes disciplines – par exemple l’histoire, la littérature, les médias, les arts, la musique, le sport, la sociologie, la psychologie, la philosophie et la religion ou la morale;
17.2.3. les enseignants et le personnel scolaire devraient recevoir une formation obligatoire pour mieux comprendre les différentes formes de violence (physique, psychologique, verbale et comportementale) et pour apprendre à combattre cette violence et à respecter le droit des enfants à une école non violente;
17.2.4. les programmes de formation du personnel scolaire devraient prendre en compte les besoins spécifiques liés à ses responsabilités, mais aussi les besoins des élèves, en particulier des plus vulnérables;
17.3. Mesures de prévention et de soutien:
17.3.1. des mesures rigoureuses de sécurité devraient être prises pour faire respecter l’interdiction d’introduire des armes et de la drogue à l’école, ainsi que pour empêcher les actes criminels dans l’enceinte scolaire;
17.3.2. les méthodes d’enseignement devraient contribuer à traiter les causes de la violence et viser à éviter que des élèves se retrouvent en situation d’isolement ou d’exclusion; à cette fin, l’école devrait fournir une aide spécifique aux élèves confrontés à des difficultés d’apprentissage, physiques, sociales ou autres, réduire les tendances à la compétition dans les cours, favoriser le travail d’équipe, la coopération et la tolérance, et, enfin, donner la possibilité aux élèves de contrôler leurs tensions physiques ou psychologiques de manière non violente par le biais d’activités sportives, musicales et/ou artistiques;
17.3.3. le personnel scolaire devrait comprendre des personnes de confiance spécialisées, formées pour aider les élèves ayant subi ou commis des actes de violence à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école; en outre, des médiateurs et des psychologues devraient être à la disposition des élèves, de leurs parents et de leurs enseignants;
17.3.4. au niveau de chaque circonscription scolaire, des équipes spécialisées dotées de connaissances et d’un savoir-faire devraient être constituées, pour fournir des conseils aux écoles rencontrant des difficultés particulières;
17.4. Implication des élèves et de leur famille:
17.4.1. les écoles devraient mettre en place des projets pratiques et des activités extrascolaires sur le problème de la violence à l’école – par exemple des forums, des tables rondes et des journées portes ouvertes – qui réuniraient enseignants, élèves et parents; une attention particulière devrait être portée à une approche non sensationnaliste des médias (presse écrite, musique, télévision, films, internet, téléphones mobiles, etc.) vis-à-vis de la violence à l’école et de la violence sociale dans la vie quotidienne (par exemple la violence familiale, la violence de groupe et la violence criminelle);
17.4.2. l’école devrait organiser des programmes bénévoles avec les parents pour les aider à assumer leurs responsabilités parentales ainsi que la pleine reconnaissance et le plein respect des droits des enfants;
17.4.3. pour la mise en œuvre de certains projets et de certaines activités, les écoles devraient envisager de collaborer avec des ONG bénéficiant de connaissances et d’expérience dans le domaine de l’éducation contre la violence;
17.5. Suivi et évaluation:
17.5.1. les autorités nationales devraient établir un système pour centraliser des données statistiques sur la violence à l’école et les résultats obtenus au moyen de différentes mesures appliquées pour lutter contre ce phénomène;
17.5.2. des enquêtes nationales devraient être réalisées pour identifier les bonnes pratiques, et la coopération entre écoles aux niveaux national et européen devrait être encouragée.
18. L’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à garantir que les travaux sur les enfants et la violence resteront une priorité de l’Organisation dans ses futurs programmes d’activité.
19. L’Assemblée invite le Conseil mixte pour la jeunesse ainsi que la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe à se joindre aux efforts que l’Assemblée et le Comité des Ministres déploient pour combattre la violence à l’encontre des enfants et la violence à l’école, et ce en organisant des activités dans leurs secteurs respectifs.