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Résolution 1819 (2011)

La situation en Tunisie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 21 juin 2011 (22e séance) (voir Doc. 12624, rapport de la commission des questions politiques, rapporteur: Mme Brasseur). Texte adopté par l’Assemblée le 21 juin 2011 (22e séance). Voir également la Recommandation 1972 (2011).

1. L’Assemblée parlementaire se réfère à la Résolution 1791 (2011) relative à la situation en Tunisie, adoptée en janvier 2011 à l’issue d’un débat selon la procédure d’urgence, deux semaines seulement après la révolution de jasmin qui a mis fin au régime de Ben Ali. Elle réitère son hommage au courage et à la détermination du peuple tunisien qui, malgré la violence et la répression, a clairement montré sa volonté de mettre fin au régime autoritaire et de faire de la Tunisie un pays libre, ouvert et démocratique.
2. Cinq mois après la révolution, l’Assemblée constate avec satisfaction que le processus de transition démocratique en Tunisie est bien engagé et a déjà apporté les premiers résultats en matière de démantèlement des structures de l’ancien régime et de mise en place d’éléments d’un système politique tourné vers la démocratie.
3. L’Assemblée salue le courage, la compétence et la détermination des membres du gouvernement provisoire, des instances nouvellement créées ainsi que des représentants de la société civile.
4. L’Assemblée réaffirme sa disponibilité pour faire bénéficier les institutions transitoires et les futures institutions permanentes ainsi que la société civile tunisiennes de son expérience en matière d’accompagnement de transitions démocratiques et de création de nouvelles institutions dans les jeunes démocraties en Europe. Ce faisant, elle n’a nullement l’intention de donner de leçons ou d’imposer de modèles, et respecte les choix souverains des Tunisiens. Tout soutien et toute aide doivent être régis par le respect des Tunisiens et de leur dignité.
5. L’Assemblée soutient l’intention des autorités transitoires d’organiser aussi rapidement que possible les élections d’une assemblée nationale constituante, pour assurer une légitimité démocratique des transformations en cours. Elle félicite les autorités d’avoir élaboré un cadre juridique pour les élections et d’avoir confié leur organisation à une instance indépendante. Cependant, elle est consciente que l’organisation matérielle des élections présente beaucoup de difficultés sur le plan pratique. Elle note que, à la suite de la proposition de l’Instance supérieure indépendante pour les élections et de la consultation entre le gouvernement transitoire et les principales forces politiques du pays, les élections initialement prévues le 24 juillet 2011 devraient se tenir le 23 octobre 2011.
6. En même temps, l’Assemblée est préoccupée par une dégradation considérable de la situation économique et sociale dans le pays, notamment par une forte progression du taux de chômage. Elle prend note des efforts du gouvernement provisoire visant à relancer l’économie et à créer des emplois, mais estime qu’un effort international de solidarité est nécessaire pour soutenir la Tunisie en pleine transition.
7. La révolution a suscité beaucoup d’enthousiasme et d’attentes au sein de la population tunisienne. Faute d’améliorations concrètes en matière économique, le soutien envers la révolution peut vite s’essouffler et laisser la place aux sentiments de désillusion et de déception.
8. Le brusque sursaut de tension politique début mai 2011 a montré que la stabilité apparente de la situation politique en Tunisie reste très fragile et que le mécontentement d’une partie considérable de la population peut facilement être instrumentalisé pour déstabiliser le pays à la veille des élections. L’Assemblée invite instamment toutes les forces politiques et civiles tunisiennes à faire preuve de responsabilité et à ne pas mettre en péril le processus de transformation en cours.
9. Les autorités doivent veiller de façon prioritaire à renforcer la sécurité intérieure qui est très fragile.
10. L’Assemblée se félicite du fait que la définition des priorités et l’élaboration du programme de réformes se déroulent essentiellement dans un climat politique inclusif, avec une large participation des acteurs de la société civile.
11. Elle note avec satisfaction que des contacts ont pu être établis entre la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et la Haute Instance tunisienne pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, et elle encourage la haute instance à pleinement utiliser l’expérience et l’expertise de la Commission de Venise dans la préparation de la future Constitution.
12. L’Assemblée est prête à contribuer à l’organisation et à l’observation des élections de l’Assemblée nationale constituante, et se félicite de l’intention des autorités de l’inviter à observer ces élections.
13. L’Assemblée insiste sur l’importance de prendre des mesures pour endiguer la corruption et le népotisme, et pour enquêter sur les abus de pouvoir commis par les anciennes élites dirigeantes de Tunisie. Elle prend note du fait que le procès par contumace de l’ex-Président Ben Ali a eu lieu le 20 juin 2011. Elle encourage la Commission d’enquête sur les malversations et la corruption à faire toute la lumière sur les abus commis par les anciens dirigeants tunisiens et leurs proches. Elle appelle les autorités transitoires et les futures autorités tunisiennes à mettre en place un dispositif efficace pour combattre la corruption.
14. L’Assemblée appelle les autorités transitoires tunisiennes:
14.1. à garantir, dans le cadre de la campagne électorale pour l’Assemblée nationale constituante, le respect des libertés politiques fondamentales telles que la liberté de réunion, la liberté d’association, la liberté d’expression et la liberté des médias, ainsi que les droits individuels;
14.2. à veiller au respect du principe démocratique essentiel de séparation des pouvoirs temporel et spirituel;
14.3. à assurer la stricte neutralité de toutes les forces de l’ordre de l’Etat et leur non-ingérence dans le processus électoral;
14.4. à créer des conditions équitables et transparentes pour la campagne électorale, et notamment à assurer l’accès égal des différentes forces politiques aux médias et le droit des citoyens à accéder à l’information pour pouvoir effectuer des choix politiques éclairés;
14.5. à assurer la transparence du financement des partis politiques et de la campagne électorale;
14.6. à créer des conditions pour le suivi, en toute transparence, du processus électoral par des observateurs nationaux et étrangers;
14.7. à assurer un examen rapide et objectif de toute contestation possible.
15. L’Assemblée appelle les forces politiques et civiles tunisiennes:
15.1. à mener la campagne électorale dans un climat de sérénité et de respect mutuel;
15.2. à s’abstenir de toute tentative de provocation ou d’aggravation de tensions politiques, économiques ou sociales, ou d’atteinte à l’ordre public;
15.3. à respecter la législation électorale et les décisions des institutions chargées de l’organisation des élections;
15.4. à accepter et à respecter les résultats du vote.
16. L’Assemblée encourage les acteurs de la société civile à rester activement engagés dans l’organisation et le suivi du processus électoral et, au-delà des élections, dans la promotion des principes et des valeurs démocratiques dans le cadre des réformes.
17. Au-delà de l’élection de l’Assemblée nationale constituante, l’Assemblée invite les futures autorités tunisiennes:
17.1. à veiller à sauvegarder les acquis positifs de la société tunisienne, en particulier le haut niveau d’éducation et le statut de la femme;
17.2. à mettre en place des conditions pour que la jeunesse tunisienne puisse s’engager activement dans la vie publique et l’action politique, et ainsi mettre en œuvre son désir d’être une force active du changement;
17.3. à poursuivre le processus de réformes politiques en s’inspirant des principes et des valeurs universels, et de l’expérience de la transition démocratique accumulée au sein du Conseil de l’Europe;
17.4. à approfondir à cet effet le dialogue avec les organes, les mécanismes et les structures appropriés du Conseil de l’Europe. A cette fin, l’Assemblée réitère les éléments contenus au paragraphe 13 de la Résolution 1791 (2011) et invite à nouveau les futures autorités tunisiennes:
17.4.1. à adhérer aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe qui sont ouverts aux Etats non membres, en particulier dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit;
17.4.2. à exploiter pleinement l’adhésion de la Tunisie à la Commission de Venise dans le processus de réforme constitutionnelle à venir;
17.4.3. à adhérer aux accords partiels élargis du Conseil de l’Europe tels que le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) et l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs EUR-OPA;
17.4.4. à établir des contacts entre le Conseil de l’Europe et les autorités tunisiennes chargées des questions de justice, de développement durable, de culture, d’éducation et d’enseignement supérieur, de jeunesse et de sport, d’égalité entre les sexes et de droits des enfants;
17.4.5. à étudier et à utiliser, dans leurs activités respectives, l’expérience des institutions des droits de l’homme et des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, notamment de la Cour européenne des droits de l’homme et du Commissaire aux droits de l’homme;
17.4.6. à favoriser les contacts entre les représentants parlementaires et ceux de la société civile, tunisiens et européens;
17.4.7. à examiner les perspectives de dialogue parlementaire offertes par le statut de Partenaire pour la démocratie récemment créé par l’Assemblée.
18. L’Assemblée invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe:
18.1. à renforcer les contacts et à envisager des mesures de soutien en faveur de la société civile tunisienne;
18.2. à examiner dans quelle mesure la Tunisie pourrait bénéficier de l’expérience des écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe;
18.3. à examiner les moyens d’associer des représentants de la jeunesse tunisienne aux activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de la jeunesse;
18.4. à examiner la possibilité d’inviter des représentants tunisiens à l’Université d’été de la démocratie;
18.5. à soulever, dans ses contacts avec les partenaires internationaux du Conseil de l’Europe, en premier lieu l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la nécessité d’une coordination efficace des efforts d’assistance à la transition démocratique en Tunisie.
19. L’Assemblée invite la Commission européenne à revoir sa décision de retirer son soutien financier au réseau existant des écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe.
20. L’Assemblée appelle les principaux partenaires internationaux de la Tunisie, en particulier l’Union européenne, à faire preuve d’une véritable solidarité envers ce pays en pleine transition, et à apporter rapidement un soutien réel à la relance économique et touristique, et au redressement de la situation sociale.
21. Elle estime tout à fait inapproprié de ternir l’image de la Tunisie, pays qui vient de se libérer d’un régime autoritaire et a fait le choix de la démocratie, comme pays source de migrants en situation irrégulière.
22. L’Assemblée confirme sa détermination, déjà exprimée dans la Résolution 1791 (2011), à continuer à suivre attentivement l’évolution politique en Tunisie et à renforcer son dialogue avec les forces politiques et les acteurs de la société civile tunisienne. Elle est prête à établir des contacts avec la future Assemblée nationale constituante, et à inviter ses représentants à être présents à Strasbourg lors de ses sessions plénières, sur la base de sa Résolution 1598 (2008) «Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb».
23. L’Assemblée décide d’inviter des représentants de la future Assemblée nationale constituante et du futur Parlement tunisien à participer au Forum pour l’avenir de la démocratie.
24. L’Assemblée demande aux parlements nationaux des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe et aux fondations bénéficiant d’un soutien parlementaire de promouvoir des contacts avec les instances parlementaires tunisiennes.