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Résolution 1832 (2011) Version finale
La souveraineté nationale et le statut d’Etat dans le droit international contemporain: nécessité d’une clarification
1. L’Assemblée parlementaire observe
qu’un certain nombre d’entités territoriales d’Etats membres du Conseil
de l’Europe aspirent à être reconnues en tant qu’Etats indépendants.
2. Elle note que, dans le cadre du droit international contemporain,
la question des critères déterminant le statut d’Etat reste sujette
à polémique.
3. L’absence de définition claire des critères déterminant le
statut d’Etat et la sécession licite, d’une part, et les violations
des droits des minorités et des droits de l’homme ainsi que le manque
de démocratie et de participation, d’autre part, ont favorisé l’émergence
de nombreux mouvements sécessionnistes, ce qui constitue une menace
pour la paix, la stabilité et l’intégrité territoriale des Etats
existants, y compris en Europe.
4. L’Assemblée note que les concepts de souveraineté nationale
et de statut d’Etat ont évolué ces dernières années. Les principaux
développements ont été résumés en 2001 par une commission de haut niveau
– la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté
des Etats (CIISE) –, sous l’égide des Nations Unies et avec le soutien
du Canada. Ses conclusions ont été reprises par l’Assemblée générale des
Nations Unies.
5. Une approche multilatérale de la «responsabilité de protéger»,
telle qu’elle est préconisée par la CIISE, se substitue actuellement
aux interventions unilatérales arbitraires et au système des garanties
bilatérales:
5.1. les interventions
militaires telles que celles de la Turquie à Chypre en 1974, de
l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en République
fédérale de Yougoslavie en 1999 et de la Fédération de Russie en
Géorgie en 2008, bien que motivées – à juste titre ou non – par
la nécessité de mettre fin aux graves violations des droits de l’homme,
ont elles-mêmes conduit à de nombreuses violations des droits de
l’homme et n’ont pas permis le règlement durable des problèmes de
fond;
5.2. les garanties bilatérales telles que celles apportées
dans le contexte de l’indépendance de Chypre n’ont pas empêché les
conflits. Bien au contraire, dans le cas de Chypre, elles ont servi
de prétexte à une intervention militaire unilatérale, contrevenant
à l’article 2.4 de la Charte des Nations Unies ainsi qu’à une règle
impérative du droit international qui interdit l’usage de la force.
6. L’intégration et la coopération européennes ont conduit au
transfert volontaire de certains aspects de la souveraineté nationale,
en particulier:
6.1. les droits
et libertés individuels sont protégés par le mécanisme de contrôle
de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5); les
Etats parties à la Convention ont accepté l’obligation d’exécuter
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, les considérations
de souveraineté nationale passant au second plan;
6.2. l’intégration européenne, notamment la mise en place de
l’euro, monnaie officielle de la zone euro, comporte le transfert
à l’Union européenne d’un certain nombre de secteurs qui relevaient traditionnellement
de la souveraineté nationale, particulièrement en matière économique
et monétaire, et influe de plus en plus sur les choix en matière
fiscale et sociale. Cette intégration économique croissante produit
des effets similaires, même sur des pays non membres de la zone
euro ou de l’Union européenne.
7. L’Assemblée considère que, même si le droit international
venait à reconnaître un droit à l’autodétermination aux minorités
nationales ou ethniques ou même, dans certains cas, aux majorités nationales,
un tel droit n’équivaudrait pas automatiquement à un droit de sécession.
Le droit à l’autodétermination doit être appliqué avant tout par
le biais de la protection des droits des minorités, telle qu’elle
est prévue dans la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour
la protection des minorités nationales (STE no 157), dans la Résolution
1334 (2003) de l’Assemblée, «Expériences positives des régions autonomes comme
source d’inspiration dans la résolution de conflits en Europe»,
et dans d’autres instruments pertinents du droit international.
8. Par conséquent, l’Assemblée:
8.1. invite une nouvelle fois les Etats membres qui ne l’ont
pas encore fait à signer, à ratifier et à mettre en œuvre la convention-cadre
précitée et à respecter les principes fondamentaux énoncés dans la
Résolution 1334 (2003) de l’Assemblée dans les plus brefs délais;
8.2. continuera d’analyser l’origine et les tendances des mouvements
revendiquant le droit à l’autodétermination, en se préoccupant des
facteurs les plus importants, notamment les cas de tensions croissantes
parmi les groupes minoritaires ou ethniques, et d’aider les parlements
nationaux à traiter les revendications en matière d’autodétermination
par le dialogue et la réconciliation, afin de prévenir le recours
à la violence et la sécession;
8.3. invite tous les Etats membres à s’abstenir de reconnaître
ou de soutenir, de quelque manière que ce soit, les autorités de
fait de territoires ayant fait sécession de manière illicite, notamment
celles soutenues par une intervention militaire étrangère;
8.4. observe que les conflits devraient être réglés exclusivement
par des moyens pacifiques sur la base du droit international;
8.5. propose, dans le cadre d’une conférence de suivi des travaux
de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté
des Etats, un examen approfondi des critères déterminants du statut
d’Etat, y compris ceux légitimant la naissance de nouveaux Etats
par sécession légale, ainsi que des modalités de protection de la
souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale des Etats.