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Résolution 1859 (2012) Version finale
Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients
1. On s’accorde à penser, sur la base
de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5) concernant le droit au respect de la vie privée, qu’aucune
intervention ne peut être pratiquée sur une personne sans qu’elle
ait donné son consentement. De ce droit fondamental découlent les
principes d’autonomie personnelle et de consentement en vertu desquels
tout patient majeur capable ne doit pas être manipulé et, si sa
volonté est clairement exprimée, elle doit prévaloir même si cela
signifie le refus d’un traitement: nul ne peut être contraint de
subir un traitement médical contre sa volonté.
2. Le Conseil de l’Europe a incorporé ce principe dans la Convention
pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être
humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine:
Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (Convention
d’Oviedo, STEno 164), qui oblige juridiquement la majorité des Etats
membres. La convention s’applique aussi au cas où le patient ne
peut plus exprimer sa volonté, car elle prévoit que les souhaits
précédemment exprimés au sujet d'une intervention médicale par un patient
qui, au moment de l'intervention, n'est pas en état d'exprimer sa
volonté «seront pris en compte».
3. Ces souhaits peuvent être formalisés par des directives anticipées,
des testaments de vie ou des procurations permanentes. Dans sa Recommandation
CM/Rec(2009)11 sur les principes concernant les procurations permanentes
et les directives anticipées ayant trait à l'incapacité, le Comité
des Ministres a recommandé aux Etats membres d’encourager ces pratiques
et a défini un certain nombre de principes pour aider les Etats
membres à les réglementer.
4. Cependant, la situation varie en réalité beaucoup d’un Etat
à l’autre en Europe, depuis l’absence totale de législation sur
les directives anticipées jusqu’à des textes de loi spécifiques
qui donnent à celles-ci un caractère contraignant. Même quand il
existe une législation spécifique, elle n’est pas toujours pleinement
mise en œuvre. En conséquence, aujourd’hui, seule une très faible
minorité des 800 millions de citoyens du Conseil de l'Europe ont
effectivement recours à des directives anticipées, à des testaments
de vie et/ou à des procurations permanentes, ce qui rend difficile,
voire impossible, de prendre en compte leurs souhaits précédemment
exprimés, et donc de protéger efficacement leurs droits humains
et leur dignité.
5. La présente résolution ne vise pas à traiter les questions
d’euthanasie ou de suicide assisté. L’euthanasie, au sens de tuer
intentionnellement, par action ou par omission, une personne dépendante,
dans l’intérêt allégué de celle-ci, doit toujours être interdite.
La présente résolution se limite donc à la question des directives
anticipées, des testaments de vie et des procurations permanentes.
6. L’Assemblée parlementaire juge essentiel que des progrès rapides
soient faits dans ce domaine par les Etats membres, de manière à
ce que les droits humains et la dignité des personnes soient garantis
sur l’ensemble du continent. Elle recommande donc aux Etats membres:
6.1. de signer, de ratifier et de
mettre pleinement en œuvre la Convention d’Oviedo, s’ils ne l’ont
pas déjà fait;
6.2. d’appliquer la Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité
des Ministres sur les principes concernant les procurations permanentes
et les directives anticipées ayant trait à l’incapacité;
6.3. de revoir, si nécessaire, leur législation à ce sujet
afin de l’améliorer s’il y a lieu:
6.3.1. pour les pays
n’ayant pas de législation spécifique en la matière, en établissant
une «feuille de route» pour se doter de dispositions législatives
en faveur de directives anticipées, de testaments de vie et/ou de
procurations permanentes, sur la base de la Convention d’Oviedo
et de la Recommandation CM/Rec(2009)11, en consultant toutes les
parties prenantes avant l’adoption de la législation au parlement
et en prévoyant, après son adoption, une campagne d’information
et de sensibilisation destinée au grand public, ainsi qu’aux professionnels
de la santé et du droit;
6.3.2. pour les pays ayant une législation spécifique en la matière,
en veillant à ce qu’elle respecte les normes pertinentes du Conseil
de l'Europe, et à ce que le grand public et les professionnels de
la santé et du droit aient une connaissance suffisante de cette
législation et l’utilisent en pratique.
7. L’Assemblée, rappelant sa Recommandation 1418 (1999) sur la
protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables
et des mourants, recommande que les parlements nationaux, lorsqu’ils légifèrent
dans ce domaine, respectent les principes suivants, en complément
de ceux qui sont énoncés dans la Convention d’Oviedo et dans la
Recommandation CM/Rec(2009)11 du Comité des Ministres:
7.1. l’autodétermination des majeurs
capables en prévision de leur éventuelle incapacité future, par des
directives anticipées, des testaments de vie et/ou des procurations
permanentes, devrait être encouragée et avoir priorité sur les autres
mesures de protection;
7.2. les directives anticipées, les testaments de vie et/ou
les procurations permanentes devraient, en principe, se présenter
sous forme écrite et être pleinement pris en compte lorsqu’ils ont
été correctement validés et enregistrés (idéalement dans des registres
publics);
7.3. la fonction consistant à représenter l’intéressé devrait
pouvoir être exercée par deux personnes: l’une aurait procuration
permanente pour les biens de la personne et l’autre pour veiller
à sa santé et à son bien-être; il faudrait aussi prévoir la possibilité
qu’une autorité publique désigne un représentant, dans les cas où
l’intéressé n’en a pas désigné lui-même, si cela est dans l’intérêt
supérieur de l’intéressé;
7.4. les instructions préalables contenues dans des directives
anticipées et/ou des testaments de vie qui sont contraires à la
loi ou aux bonnes pratiques, ou bien celles qui ne correspondent
plus à la situation de fait telle que l’intéressé(e) l’avait prévue
au moment de la signature du document, ne devraient pas être applicables;
7.5. les directives anticipées, les testaments de vie et/ou
les procurations permanentes devraient être accessibles à tous;
il faudrait donc éviter les formulaires compliqués et les formalités
onéreuses;
7.6. les majeurs capables devraient être encouragés à revoir
leurs directives anticipées, testaments de vie et/ou procurations
permanentes à intervalles réguliers (par exemple une fois par an),
et ils devraient pouvoir les révoquer et/ou les modifier à tout
moment;
7.7. pour lutter contre les abus, il faudrait instaurer un
système de contrôle par lequel une autorité compétente serait habilitée
à enquêter et, si nécessaire, à intervenir, notamment dans les cas
où le mandataire n’agit pas conformément à la procuration permanente
ou dans l’intérêt du mandant;
7.8. il ne devrait pas être toléré que des décisions soient
prises par une personne subrogée qui se fonde sur des jugements
de valeur généraux; en cas de doute, la décision doit toujours se
prendre en faveur de la vie et de la prolongation de la vie.