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Résolution 1868 (2012) Version finale

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 9 mars 2012 (voir Doc. 12880, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Pourgourides). Voir également la Recommandation 1995 (2012).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle que le problème des disparitions forcées et des personnes disparues est loin d’être réglé, y compris en Europe. Quelque 14 000 personnes sont toujours portées disparues rien que dans l’ouest des Balkans, 2 300 dans la région du Caucase du Nord en Fédération de Russie et près de 2 000 autres à Chypre. D’innombrables personnes ont également disparu à l’occasion des conflits du Caucase du Sud.
2. La souffrance constante des proches et des amis des personnes disparues, qui s’apparente aux yeux de la Cour européenne des droits de l’homme à une torture et à un traitement inhumain et dégradant, demeure un obstacle redoutable à une paix et à une réconciliation durables.
3. L’Assemblée se félicite par conséquent des initiatives considérables déjà entreprises par la communauté internationale pour élucider le sort des personnes disparues, notamment dans l’ouest des Balkans, où la Commission internationale pour les personnes disparues (CIPD) a pu rendre compte de 26 000 des 40 000 personnes portées disparues après les conflits de la région. De même, à Chypre, le Comité sur les personnes disparues, organe bicommunautaire placé sous l’égide des Nations Unies, a repris ses activités en 2006 et a, à ce jour, identifié et restitué à leur famille les corps de 300 personnes.
4. L’Assemblée souligne l’importance d’une véritable volonté politique de toutes les parties au conflit pour qu’apparaisse la vérité, indépendamment des contextes ethniques, religieux ou politiques des victimes et des auteurs supposés. En particulier, la recherche des lieux d’inhumation par des experts dûment mandatés doit être autorisée partout, même dans les zones militaires ou les autres zones interdites d’accès, sur la base d’indications raisonnables.
5. La communauté internationale dans son ensemble doit faire montre de volonté politique, en consacrant suffisamment de ressources aux actions de recherche et d’identification, compte tenu de leur durée importante, et en établissant un cadre juridique international de protection approprié contre les disparitions forcées.
6. Pour ces motifs, l’Assemblée se félicite vivement de l’entrée en vigueur, en décembre 2010, de la Convention internationale des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après «la Convention des Nations Unies») qu’elle appelait de ses vœux dans sa Résolution 1463 (2005) sur les disparitions forcées.
6.1. L’Assemblée se félicite notamment de ce que la Convention des Nations Unies:
6.1.1. reconnaisse expressément un nouveau droit de l’homme, celui de ne pas être soumis à une disparition forcée;
6.1.2. impose aux Etats des obligations spécifiques pour prévenir les disparitions forcées et lutter contre l’impunité;
6.1.3. donne une définition large du terme «victime» d’une disparition forcée;
6.1.4. consacre de nouveaux droits, comme le droit à la vérité et à la prise de mesures appropriées pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues;
6.1.5. établisse un nouveau type de mécanisme de suivi international: le Comité des disparitions forcées.
6.2. L’Assemblée, reconnaissant que la Convention des Nations Unies est nécessairement un compromis, regrette néanmoins que certaines de ses recommandations formulées dans la Résolution 1463 (2005) n’aient pas été prises en compte dans cette convention, notamment parce qu’elle:
6.2.1. n’inclut pas pleinement dans la définition des disparitions forcées la responsabilité des acteurs non étatiques;
6.2.2. reste muette sur la nécessité d’établir un élément intentionnel subjectif constitutif du crime de disparition forcée;
6.2.3. s’abstient de limiter les amnisties ou les immunités de juridiction et autres;
6.2.4. limite fortement la compétence temporelle du Comité des disparitions forcées.
6.3. L’Assemblée constate également à regret que seuls 35 Etats membres du Conseil de l’Europe ont à ce jour signé la Convention des Nations Unies et que seuls 9 d’entre eux l’ont ratifiée.
7. L’Assemblée se félicite des faits nouveaux survenus au sein du Conseil de l’Europe, qui sont favorables à la lutte contre les disparitions forcées, notamment:
7.1. la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui étend sa compétence temporelle aux disparitions forcées, en soulignant le caractère persistant de l’obligation procédurale de mener une enquête sur une disparition;
7.2. l’adoption par le Comité des Ministres des Lignes directrices pour éliminer l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme (30 mars 2001).
8. L’Assemblée rappelle sa Résolution 1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus, à laquelle les autorités bélarusses n’ont toujours pas donné suite, et observe que de récentes évolutions juridiques pourraient permettre aux autorités d’autres pays d’engager des poursuites à l’encontre des suspects nommés dans son rapport.
9. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite:
9.1. les autorités compétentes des Etats membres du Conseil de l’Europe à mener des enquêtes complètes et rapides sur toutes les affaires pour lesquelles on peut raisonnablement soupçonner qu’une disparition forcée a pu se produire et relève de leur juridiction, et à utiliser tous les moyens judiciaires dont elles disposent pour étendre leur juridiction aux affaires survenues dans d’autres pays, lorsqu’aucune mesure adéquate n’a été prise par les autorités;
9.2. les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention des Nations Unies. Elle invite aussi les Etats membres qui ont ratifié la convention à contribuer activement au fonctionnement de cet instrument, notamment par des déclarations faites au titre des articles 31 et 32 de la convention, qui reconnaissent la compétence du Comité des disparitions forcées à examiner les communications de particuliers qui affirment être victimes de violations de cette convention, en suivant l’exemple de la Belgique, de l’Espagne, de la France, du Monténégro, des Pays-Bas et de la Serbie;
9.3. les Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.3.1. à envisager l’engagement du processus d’élaboration d’une convention européenne pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en se fondant sur les réalisations de la Convention des Nations Unies;
9.3.2. à accorder leur soutien politique sans faille et à mettre les moyens humains, techniques et financiers nécessaires à la disposition des initiatives nationales et internationales déjà existantes ou nouvelles, qui visent à remédier aux graves crises humanitaires causées par les nombreux cas non élucidés de personnes disparues à travers l’Europe.
10. L’Assemblée invite le Comité des disparitions forcées élu en mai 2011 à faire pleinement usage des compétences que lui attribue la Convention des Nations Unies, afin de contribuer activement à la prévention et à l’élucidation des disparitions forcées, en étroite coopération et coordination avec le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et son Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires (GTDF), dont l’action humanitaire sans limite géographique mérite un soutien constant.
11. Enfin, l’Assemblée encourage la Cour européenne des droits de l’homme et les Etats membres à continuer à utiliser résolument tous les instruments disponibles au titre de la Convention européenne des droits de l’homme, en vue d’assurer une protection contre les disparitions forcées et de garantir que leurs auteurs aient à rendre des comptes.