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Résolution 1868 (2012) Version finale
La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
que le problème des disparitions forcées et des personnes disparues
est loin d’être réglé, y compris en Europe. Quelque 14 000 personnes
sont toujours portées disparues rien que dans l’ouest des Balkans,
2 300 dans la région du Caucase du Nord en Fédération de Russie
et près de 2 000 autres à Chypre. D’innombrables personnes ont également
disparu à l’occasion des conflits du Caucase du Sud.
2. La souffrance constante des proches et des amis des personnes
disparues, qui s’apparente aux yeux de la Cour européenne des droits
de l’homme à une torture et à un traitement inhumain et dégradant,
demeure un obstacle redoutable à une paix et à une réconciliation
durables.
3. L’Assemblée se félicite par conséquent des initiatives considérables
déjà entreprises par la communauté internationale pour élucider
le sort des personnes disparues, notamment dans l’ouest des Balkans,
où la Commission internationale pour les personnes disparues (CIPD)
a pu rendre compte de 26 000 des 40 000 personnes portées disparues
après les conflits de la région. De même, à Chypre, le Comité sur
les personnes disparues, organe bicommunautaire placé sous l’égide
des Nations Unies, a repris ses activités en 2006 et a, à ce jour,
identifié et restitué à leur famille les corps de 300 personnes.
4. L’Assemblée souligne l’importance d’une véritable volonté
politique de toutes les parties au conflit pour qu’apparaisse la
vérité, indépendamment des contextes ethniques, religieux ou politiques
des victimes et des auteurs supposés. En particulier, la recherche
des lieux d’inhumation par des experts dûment mandatés doit être
autorisée partout, même dans les zones militaires ou les autres
zones interdites d’accès, sur la base d’indications raisonnables.
5. La communauté internationale dans son ensemble doit faire
montre de volonté politique, en consacrant suffisamment de ressources
aux actions de recherche et d’identification, compte tenu de leur
durée importante, et en établissant un cadre juridique international
de protection approprié contre les disparitions forcées.
6. Pour ces motifs, l’Assemblée se félicite vivement de l’entrée
en vigueur, en décembre 2010, de la Convention internationale des
Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre
les disparitions forcées (ci-après «la Convention des Nations Unies»)
qu’elle appelait de ses vœux dans sa Résolution 1463 (2005) sur les disparitions
forcées.
6.1. L’Assemblée se félicite
notamment de ce que la Convention des Nations Unies:
6.1.1. reconnaisse
expressément un nouveau droit de l’homme, celui de ne pas être soumis
à une disparition forcée;
6.1.2. impose aux Etats des obligations spécifiques pour prévenir
les disparitions forcées et lutter contre l’impunité;
6.1.3. donne une définition large du terme «victime» d’une disparition
forcée;
6.1.4. consacre de nouveaux droits, comme le droit à la vérité
et à la prise de mesures appropriées pour la recherche, la localisation
et la libération des personnes disparues;
6.1.5. établisse un nouveau type de mécanisme de suivi international:
le Comité des disparitions forcées.
6.2. L’Assemblée, reconnaissant que la Convention des Nations
Unies est nécessairement un compromis, regrette néanmoins que certaines
de ses recommandations formulées dans la Résolution 1463 (2005) n’aient pas
été prises en compte dans cette convention, notamment parce qu’elle:
6.2.1. n’inclut pas pleinement dans la définition des disparitions
forcées la responsabilité des acteurs non étatiques;
6.2.2. reste muette sur la nécessité d’établir un élément intentionnel
subjectif constitutif du crime de disparition forcée;
6.2.3. s’abstient de limiter les amnisties ou les immunités de
juridiction et autres;
6.2.4. limite fortement la compétence temporelle du Comité des
disparitions forcées.
6.3. L’Assemblée constate également à regret que seuls 35 Etats
membres du Conseil de l’Europe ont à ce jour signé la Convention
des Nations Unies et que seuls 9 d’entre eux l’ont ratifiée.
7. L’Assemblée se félicite des faits nouveaux survenus au sein
du Conseil de l’Europe, qui sont favorables à la lutte contre les
disparitions forcées, notamment:
7.1. la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui étend
sa compétence temporelle aux disparitions forcées, en soulignant
le caractère persistant de l’obligation procédurale de mener une
enquête sur une disparition;
7.2. l’adoption par le Comité des Ministres des Lignes directrices
pour éliminer l’impunité pour les violations graves des droits de
l’homme (30 mars 2001).
8. L’Assemblée rappelle sa Résolution
1371 (2004) sur les personnes disparues au Bélarus, à
laquelle les autorités bélarusses n’ont toujours pas donné suite,
et observe que de récentes évolutions juridiques pourraient permettre
aux autorités d’autres pays d’engager des poursuites à l’encontre
des suspects nommés dans son rapport.
9. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée invite:
9.1. les autorités compétentes des
Etats membres du Conseil de l’Europe à mener des enquêtes complètes
et rapides sur toutes les affaires pour lesquelles on peut raisonnablement
soupçonner qu’une disparition forcée a pu se produire et relève
de leur juridiction, et à utiliser tous les moyens judiciaires dont
elles disposent pour étendre leur juridiction aux affaires survenues
dans d’autres pays, lorsqu’aucune mesure adéquate n’a été prise
par les autorités;
9.2. les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont
pas encore fait à signer et à ratifier la Convention des Nations
Unies. Elle invite aussi les Etats membres qui ont ratifié la convention
à contribuer activement au fonctionnement de cet instrument, notamment
par des déclarations faites au titre des articles 31 et 32 de la
convention, qui reconnaissent la compétence du Comité des disparitions forcées
à examiner les communications de particuliers qui affirment être
victimes de violations de cette convention, en suivant l’exemple
de la Belgique, de l’Espagne, de la France, du Monténégro, des Pays-Bas
et de la Serbie;
9.3. les Etats membres du Conseil de l’Europe:
9.3.1. à
envisager l’engagement du processus d’élaboration d’une convention
européenne pour la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées, en se fondant sur les réalisations de la Convention
des Nations Unies;
9.3.2. à accorder leur soutien politique sans faille et à mettre
les moyens humains, techniques et financiers nécessaires à la disposition
des initiatives nationales et internationales déjà existantes ou
nouvelles, qui visent à remédier aux graves crises humanitaires
causées par les nombreux cas non élucidés de personnes disparues
à travers l’Europe.
10. L’Assemblée invite le Comité des disparitions forcées élu
en mai 2011 à faire pleinement usage des compétences que lui attribue
la Convention des Nations Unies, afin de contribuer activement à
la prévention et à l’élucidation des disparitions forcées, en étroite
coopération et coordination avec le Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies et son Groupe de travail sur les disparitions
forcées et involontaires (GTDF), dont l’action humanitaire sans
limite géographique mérite un soutien constant.
11. Enfin, l’Assemblée encourage la Cour européenne des droits
de l’homme et les Etats membres à continuer à utiliser résolument
tous les instruments disponibles au titre de la Convention européenne
des droits de l’homme, en vue d’assurer une protection contre les
disparitions forcées et de garantir que leurs auteurs aient à rendre
des comptes.