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Résolution 1877 (2012) Version finale

La protection de la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 avril 2012 (15e séance) (voir Doc. 12874 et addendum, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteure: Mme Postanjyan). Texte adopté par l’Assemblée le 25 avril 2012 (15e séance). Voir également la Recommandation 1998 (2012).

1. L’Assemblée parlementaire rappelle le droit universel à la liberté d’expression et d’information consacré par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, ci-après «la Convention») et l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Ce droit s’exerce le plus souvent par le biais des médias et, aujourd’hui en particulier, par les médias fondés sur les nouvelles technologies d’information et de communication (ci-après «TIC») comme l’internet et les médias en ligne, dont les moyens de communication mobiles.
2. S’alignant sur la Déclaration du Millénaire des Nations Unies du 8 septembre 2000, l’Assemblée se félicite de la rapide croissance de l’accès du grand public en général aux services médiatiques fondés sur les TIC. Aujourd’hui, il paraît beaucoup plus difficile pour les régimes non démocratiques de priver leur population de l’information et de l’échange de points de vue nécessaires à tout contrôle du gouvernement par le peuple. L’Assemblée condamne fermement les restrictions d’accès à l’internet et aux médias en ligne imposées par les Gouvernements de la Chine, du Bélarus et d’autres pays.
3. L’Assemblée se félicite aussi des nouvelles possibilités offertes aux particuliers de partager publiquement, grâce à l’internet et aux médias en ligne, des informations d’intérêt public, par exemple sur les dysfonctionnements du pouvoir, la corruption et la criminalité organisée, ainsi que sur les violations des droits de l’homme. A cet égard, l’Assemblée apprécie les efforts des journalistes et des médias pour recueillir, analyser et diffuser avec professionnalisme les informations brutes fournies par des sources provenant de l’internet.
4. Rappelant sa Résolution 1729 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte», l’Assemblée réaffirme le droit de tout un chacun de divulguer des informations d’intérêt public, correspondant au droit des citoyens d’être informés, selon les termes de l’article 10 de la Convention. Les Etats membres ne doivent pas limiter le droit à l’information du public en restreignant le droit des personnes de divulguer des informations d’intérêt public, par exemple en appliquant des lois sur la diffamation et l’insulte, ou des lois relatives à la sécurité nationale et à l’antiterrorisme, de manière disproportionnée et trop large.
5. Se référant aux articles 10, paragraphe 2, et 17 de la Convention, l’Assemblée rappelle cependant qu’aucun Etat, aucun groupe ou aucune personne ne peut exercer la liberté d’expression et d’information au détriment des droits et libertés reconnus par la Convention, notamment le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection de la propriété. L’Assemblée insiste fortement sur l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, qui stipule que toute propagande en faveur de la guerre et que tout appel à la haine nationale, raciste ou religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence sont interdits par la loi.
6. Rappelant sa Recommandation 1543 (2001) sur le racisme et la xénophobie dans le cyberespace, l’Assemblée regrette que certains Etats membres n’aient pas encore signé et ratifié le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189). Ce protocole pourrait s’appliquer, par exemple, à l’incitation par le biais d’internet à la violence et au terrorisme fondés sur l’extrémisme raciste ou religieux.
7. Se référant aux nombreuses critiques et aux préoccupations concernant les restrictions des libertés et des droits fondamentaux, et plus particulièrement de la liberté d’expression et de la confidentialité des communications privées, exprimées par les parties prenantes de l’internet et par les gouvernements à l’encontre de l’Accord commercial anticontrefaçon (ACAC) du 1er octobre 2011, l’Assemblée invite les Etats membres signataires de l’ACAC à poursuivre les consultations publiques sur la future législation nationale découlant de l’ACAC, en tenant compte de la Résolution 1744 (2010) de l’Assemblée sur les acteurs extra-institutionnels dans un régime démocratique. La législation nationale en question doit notamment respecter les articles 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’article 1 de son Protocole additionnel (STE no 9). Les Parties à l’ACAC qui sont également parties à la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185) ou à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108) ne devraient pas déroger aux conventions en question, conformément à l’article 1 de l’ACAC.
8. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme interdit aux pouvoirs publics de restreindre la liberté d’expression et d’information, mais prévoit également l’obligation pour les Etats membres de veiller à ce que cette liberté fondamentale ne soit pas menacée par des participants du secteur privé ou du secteur non gouvernemental. Dans ce contexte, l’Assemblée se réfère également à la Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public d’internet, ainsi qu’à la Déclaration du Comité des Ministres du 29 septembre 2010 sur la neutralité du réseau.
9. L’Assemblée note que ce sont principalement des intermédiaires privés qui déterminent l’accès des particuliers et du grand public à des services médiatiques fondés sur les TIC. Nombre de ces intermédiaires, comme les fournisseurs de services ou d’accès à internet ainsi que les compagnies de télécommunications ou de téléphonie mobile, ont une position dominante vis-à-vis des utilisateurs parce qu’ils ont une importance significative pour le système ou qu’ils exercent une emprise considérable sur le marché. Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite de la Résolution 17/4 sur les droits de l’homme et les sociétés transnationales et autres entreprises, adoptée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 16 juin 2011.
10. L’Assemblée craint que les intermédiaires des services médiatiques fondés sur les TIC ne restreignent de manière abusive la diffusion d’informations, ainsi que l’accès à ces dernières, pour des raisons commerciales ou autres, sans en informer leurs usagers et en violation des droits des usagers. En raison des structures techniques et entrepreneuriales complexes de ces intermédiaires, de leur localisation sociale souvent floue et de leur coopération avec des entreprises partenaires à l’étranger, les usagers peuvent avoir des difficultés à déterminer la compétence des tribunaux dans ce type d’affaire.
11. Afin de protéger la liberté d’expression et d’information sur l’internet et les médias en ligne, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à garantir, conformément à l’article 10 de la Convention et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le respect de la liberté d’expression et d’information sur l’internet et les médias en ligne par les pouvoirs publics et les organes privés, tout en protégeant la vie privée et les données à caractère personnel;
11.2. à encourager les intermédiaires de médias fondés sur les TIC à mettre en place des codes de conduite autorégulés en vue de respecter le droit de leurs usagers à la liberté d’expression et d’information, et à créer ou à adhérer à des associations commerciales dotées de tels codes de conduite ainsi que du pouvoir d’intervenir contre les membres qui ne les respecteraient pas;
11.3. à veiller à ce que les intermédiaires des médias fondés sur les TIC fassent preuve de transparence vis-à-vis du public et informent leurs usagers de toute mesure pouvant avoir des répercussions sur leur droit à la liberté d’expression et d’information; cette transparence peut imposer la publication des politiques d’entreprise touchant à la diffusion d’informations et d’opinions, ou l’accès à ces contenus;
11.4. à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public d’internet; une attention particulière devrait être accordée à l’obligation de ne pas refuser ou de ne pas fournir de manière discriminatoire leurs services aux usagers, ou de ne pas y mettre fin sans avoir le droit de le faire;
11.5. à tenir les intermédiaires de médias fondés sur les TIC pour responsables de tout contenu illicite, s’ils en sont les auteurs ou si, en vertu du droit national, ils sont obligés de retirer des contenus illicites de tiers; une attention particulière devrait être accordée à la pédopornographie et aux contenus incitant à la discrimination xénophobe et raciste, à la haine, à la violence ou au terrorisme;
11.6. à chercher à assurer que les intermédiaires de médias fondés sur les TIC pourront être tenus responsables des violations du droit à la liberté d’expression et d’information de leurs usagers, y compris en veillant à ce que les tribunaux nationaux soient compétents en cas de violation, conformément aux articles 10 et 13 de la Convention;
11.7. à réviser, si nécessaire, le mandat de leurs autorités nationales de régulation pour les médias audiovisuels et les télécommunications afin de renforcer la liberté d’expression et d’information sur l’internet et dans les médias en ligne, conformément à la présente résolution.