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Résolution 1877 (2012) Version finale
La protection de la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
le droit universel à la liberté d’expression et d’information consacré par
l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5, ci-après «la Convention») et l’article 19 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Ce droit
s’exerce le plus souvent par le biais des médias et, aujourd’hui
en particulier, par les médias fondés sur les nouvelles technologies
d’information et de communication (ci-après «TIC») comme l’internet
et les médias en ligne, dont les moyens de communication mobiles.
2. S’alignant sur la Déclaration du Millénaire des Nations Unies
du 8 septembre 2000, l’Assemblée se félicite de la rapide croissance
de l’accès du grand public en général aux services médiatiques fondés
sur les TIC. Aujourd’hui, il paraît beaucoup plus difficile pour
les régimes non démocratiques de priver leur population de l’information
et de l’échange de points de vue nécessaires à tout contrôle du
gouvernement par le peuple. L’Assemblée condamne fermement les restrictions
d’accès à l’internet et aux médias en ligne imposées par les Gouvernements
de la Chine, du Bélarus et d’autres pays.
3. L’Assemblée se félicite aussi des nouvelles possibilités offertes
aux particuliers de partager publiquement, grâce à l’internet et
aux médias en ligne, des informations d’intérêt public, par exemple
sur les dysfonctionnements du pouvoir, la corruption et la criminalité
organisée, ainsi que sur les violations des droits de l’homme. A
cet égard, l’Assemblée apprécie les efforts des journalistes et
des médias pour recueillir, analyser et diffuser avec professionnalisme
les informations brutes fournies par des sources provenant de l’internet.
4. Rappelant sa Résolution
1729 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte»,
l’Assemblée réaffirme le droit de tout un chacun de divulguer des
informations d’intérêt public, correspondant au droit des citoyens d’être
informés, selon les termes de l’article 10 de la Convention. Les
Etats membres ne doivent pas limiter le droit à l’information du
public en restreignant le droit des personnes de divulguer des informations
d’intérêt public, par exemple en appliquant des lois sur la diffamation
et l’insulte, ou des lois relatives à la sécurité nationale et à
l’antiterrorisme, de manière disproportionnée et trop large.
5. Se référant aux articles 10, paragraphe 2, et 17 de la Convention,
l’Assemblée rappelle cependant qu’aucun Etat, aucun groupe ou aucune
personne ne peut exercer la liberté d’expression et d’information
au détriment des droits et libertés reconnus par la Convention,
notamment le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le
droit au respect de la vie privée et le droit à la protection de
la propriété. L’Assemblée insiste fortement sur l’article 20 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques des
Nations Unies, qui stipule que toute propagande en faveur de la
guerre et que tout appel à la haine nationale, raciste ou religieuse constituant
une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence
sont interdits par la loi.
6. Rappelant sa Recommandation
1543 (2001) sur le racisme et la xénophobie dans le cyberespace, l’Assemblée
regrette que certains Etats membres n’aient pas encore signé et
ratifié le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité,
relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe
commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189). Ce protocole
pourrait s’appliquer, par exemple, à l’incitation par le biais d’internet
à la violence et au terrorisme fondés sur l’extrémisme raciste ou
religieux.
7. Se référant aux nombreuses critiques et aux préoccupations
concernant les restrictions des libertés et des droits fondamentaux,
et plus particulièrement de la liberté d’expression et de la confidentialité
des communications privées, exprimées par les parties prenantes
de l’internet et par les gouvernements à l’encontre de l’Accord
commercial anticontrefaçon (ACAC) du 1er octobre 2011, l’Assemblée
invite les Etats membres signataires de l’ACAC à poursuivre les
consultations publiques sur la future législation nationale découlant
de l’ACAC, en tenant compte de la Résolution 1744 (2010) de l’Assemblée
sur les acteurs extra-institutionnels dans un régime démocratique.
La législation nationale en question doit notamment respecter les articles
6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, et
l’article 1 de son Protocole additionnel (STE no 9). Les Parties
à l’ACAC qui sont également parties à la Convention sur la cybercriminalité (STE
no 185) ou à la Convention pour la protection des personnes à l’égard
du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE
no 108) ne devraient pas déroger aux conventions en question, conformément
à l’article 1 de l’ACAC.
8. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme
interdit aux pouvoirs publics de restreindre la liberté d’expression
et d’information, mais prévoit également l’obligation pour les Etats
membres de veiller à ce que cette liberté fondamentale ne soit pas
menacée par des participants du secteur privé ou du secteur non
gouvernemental. Dans ce contexte, l’Assemblée se réfère également
à la Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres sur des
mesures visant à promouvoir la valeur de service public d’internet,
ainsi qu’à la Déclaration du Comité des Ministres du 29 septembre
2010 sur la neutralité du réseau.
9. L’Assemblée note que ce sont principalement des intermédiaires
privés qui déterminent l’accès des particuliers et du grand public
à des services médiatiques fondés sur les TIC. Nombre de ces intermédiaires, comme
les fournisseurs de services ou d’accès à internet ainsi que les
compagnies de télécommunications ou de téléphonie mobile, ont une
position dominante vis-à-vis des utilisateurs parce qu’ils ont une
importance significative pour le système ou qu’ils exercent une
emprise considérable sur le marché. Dans ce contexte, l’Assemblée
se félicite de la Résolution 17/4 sur les droits de l’homme et les
sociétés transnationales et autres entreprises, adoptée par le Conseil
des droits de l’homme des Nations Unies le 16 juin 2011.
10. L’Assemblée craint que les intermédiaires des services médiatiques
fondés sur les TIC ne restreignent de manière abusive la diffusion
d’informations, ainsi que l’accès à ces dernières, pour des raisons commerciales
ou autres, sans en informer leurs usagers et en violation des droits
des usagers. En raison des structures techniques et entrepreneuriales
complexes de ces intermédiaires, de leur localisation sociale souvent
floue et de leur coopération avec des entreprises partenaires à
l’étranger, les usagers peuvent avoir des difficultés à déterminer
la compétence des tribunaux dans ce type d’affaire.
11. Afin de protéger la liberté d’expression et d’information
sur l’internet et les médias en ligne, l’Assemblée invite les Etats
membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à
garantir, conformément à l’article 10 de la Convention et à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme, le respect de la liberté
d’expression et d’information sur l’internet et les médias en ligne
par les pouvoirs publics et les organes privés, tout en protégeant
la vie privée et les données à caractère personnel;
11.2. à encourager les intermédiaires de médias fondés sur les
TIC à mettre en place des codes de conduite autorégulés en vue de
respecter le droit de leurs usagers à la liberté d’expression et d’information,
et à créer ou à adhérer à des associations commerciales dotées de
tels codes de conduite ainsi que du pouvoir d’intervenir contre
les membres qui ne les respecteraient pas;
11.3. à veiller à ce que les intermédiaires des médias fondés
sur les TIC fassent preuve de transparence vis-à-vis du public et
informent leurs usagers de toute mesure pouvant avoir des répercussions
sur leur droit à la liberté d’expression et d’information; cette
transparence peut imposer la publication des politiques d’entreprise
touchant à la diffusion d’informations et d’opinions, ou l’accès
à ces contenus;
11.4. à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)16 du
Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la valeur
de service public d’internet; une attention particulière devrait
être accordée à l’obligation de ne pas refuser ou de ne pas fournir
de manière discriminatoire leurs services aux usagers, ou de ne
pas y mettre fin sans avoir le droit de le faire;
11.5. à tenir les intermédiaires de médias fondés sur les TIC
pour responsables de tout contenu illicite, s’ils en sont les auteurs
ou si, en vertu du droit national, ils sont obligés de retirer des
contenus illicites de tiers; une attention particulière devrait
être accordée à la pédopornographie et aux contenus incitant à la
discrimination xénophobe et raciste, à la haine, à la violence ou
au terrorisme;
11.6. à chercher à assurer que les intermédiaires de médias
fondés sur les TIC pourront être tenus responsables des violations
du droit à la liberté d’expression et d’information de leurs usagers,
y compris en veillant à ce que les tribunaux nationaux soient compétents
en cas de violation, conformément aux articles 10 et 13 de la Convention;
11.7. à réviser, si nécessaire, le mandat de leurs autorités
nationales de régulation pour les médias audiovisuels et les télécommunications
afin de renforcer la liberté d’expression et d’information sur l’internet
et dans les médias en ligne, conformément à la présente résolution.