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Résolution 1878 (2012) Version finale

La situation en Syrie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 avril 2012 (16e séance) (voir Doc. 12906, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Marcenaro; et Doc. 12911, avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Santini). Texte adopté par l’Assemblée le 26 avril 2012 (16e séance).

1. L’Assemblée parlementaire est consternée par la situation en Syrie où, au cours des treize derniers mois, plus de 11 000 personnes ont été tuées, des dizaines de milliers ont fui le pays et des centaines de milliers d’autres ont été déplacées dans leur propre pays, victimes directes de la répression brutale par le pouvoir autocratique syrien d’un soulèvement aux aspirations démocratiques.
2. L’Assemblée condamne fermement les violations des droits de l’homme généralisées, systématiques et graves, constituant des crimes contre l’humanité, commises par les forces militaires et de sécurité syriennes, et, notamment, le recours à la force contre les civils, les exécutions arbitraires, l’assassinat et la persécution des manifestants, les disparitions forcées, la torture et les violences sexuelles, y compris contre des enfants. Elle condamne également les violations des droits de l’homme perpétrées par certains des groupes armés combattant le régime.
3. L’Assemblée réitère qu’il ne peut y avoir aucune impunité pour ceux qui commettent des crimes contre l’humanité, quels qu’en soient leurs auteurs. Toutes les allégations de violations et de crimes doivent faire l’objet d’une enquête sérieuse et leurs auteurs doivent être traduits en justice, y compris, le cas échéant, devant la Cour pénale internationale.
4. Deux projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies condamnant la violence en Syrie ont fait l’objet d’un veto de la part de la Russie et de la Chine en octobre 2011 et en mars 2012. Alors que, pendant plus d’un an, la communauté internationale a été incapable de convenir d’une action sur la Syrie, l’Assemblée note aujourd’hui l’émergence progressive d’une position commune: deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies les 14 et 21 avril 2012, autorisant le déploiement en Syrie d’observateurs militaires non armés des Nations Unies pour rendre compte de la mise en œuvre de la cessation totale de la violence armée. Cette unité naissante peut enfin contribuer à jeter les bases d’une action effective de la communauté internationale face à une situation dont l’urgence et la gravité ne sauraient s’accommoder de considérations géopolitiques de pays particuliers.
5. L’Assemblée soutient pleinement le plan de paix en six points proposé par l’envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue des Etats arabes, M. Kofi Annan, et appelle à sa mise en œuvre pleine et entière par l’ensemble des parties au conflit. Bien qu’il y ait eu une diminution très nette des violences depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 12 avril, l’Assemblée déplore les violations persistantes du cessez-le-feu et le nombre croissant de morts. Elle appelle au retrait immédiat des troupes et des armes déployées par le gouvernement dans les zones peuplées.
6. Il convient de donner toutes les chances de réussite au plan de paix de Kofi Annan afin d’éviter une véritable guerre civile. L’Assemblée se félicite par conséquent du déploiement sur le terrain d’observateurs des Nations Unies et appelle les autorités syriennes et la communauté internationale à assurer aux observateurs une liberté de circulation totale et un accès sans entrave à l’ensemble du territoire, ainsi que tous les moyens nécessaires pour contrôler le respect du cessez-le-feu et du droit de manifester pacifiquement.
7. L’Assemblée souligne toutefois que le plan de paix de Kofi Annan ne porte pas uniquement sur l’instauration d’un cessez-le-feu sous supervision des Nations Unies et la fourniture d’une aide humanitaire dont le pays a un besoin urgent. Sa mise en œuvre et l’arrêt total des violences devraient au final garantir la création d’un espace permettant la réalisation pacifique de la transformation démocratique en Syrie. Il convient de ce fait de créer progressivement les conditions propices à la mise en place « d’un processus politique, dirigé par les Syriens», comme le préconise le plan de paix, et, à terme, à la conduite d’élections libres et équitables. Le peuple syrien devrait être libre de construire son propre avenir. Pour faciliter l’atteinte de cet objectif, l’Assemblée demande au Conseil de sécurité des Nations Unies de mettre en place d’urgence un embargo sur l’importation d’armes et de matériel militaire en Syrie.
8. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient faire tout leur possible afin de garantir le respect du plan de paix approuvé, y compris à travers les sanctions convenues par l’Union européenne, la Ligue des Etats arabes et certains Etats particuliers, et dont la mise en œuvre est coordonnée par le groupe des Amis du peuple syrien. L’Assemblée souligne que ces sanctions ne visent pas le peuple syrien mais les personnes et les institutions impliquées dans la répression ou celles qui soutiennent ou profitent du régime.
9. La dictature qui a opprimé le peuple syrien durant des décennies n’a aucun avenir. Il est impossible de prévoir le temps qu’il faudra et les souffrances supplémentaires qui seront endurées, mais il semble clair que le régime Assad touche à sa fin. Cette situation fait peser une lourde responsabilité sur la communauté internationale et l’opposition nationale.
10. La population syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques, culturels et religieux, et cette diversité, au même titre que l’intégrité territoriale de la Syrie, doit être préservée dans une future Syrie post- Assad. L’Assemblée invite les divers groupes d’opposition nationale à s’unir afin de se présenter en tant qu’alternative légitime offrant à tous les citoyens syriens, quelles que soient leur origine ethnique, leur culture et leur religion, la perspective d’une Syrie pacifique, démocratique et pluraliste. Compte tenu de la sous-représentation des chrétiens au sein du Conseil national syrien, tout avenir post-Assad doit garantir la tolérance religieuse dont les chrétiens ont bénéficié jusqu’ici.
11. L’Assemblée souligne que le respect des droits de l’homme, la reconnaissance des minorités ethniques, culturelles et religieuses, et le choix en faveur du dialogue et de la démocratie ne constituent pas de simples déclarations de principe, mais les conditions préalables à l’unification et au renforcement de l’opposition. Cette dernière est actuellement divisée en raison d’un manque de clarté quant à ces principes fondamentaux et de la crainte qui s’ensuit, au sein des divers groupes minoritaires, d’un changement perçu comme une menace.
12. Par conséquent, l’Assemblée insiste sur le fait que les droits de l’homme doivent désormais être respectés et les violations, y compris celles commises par l’opposition, dénoncées avec force et stoppées sur-le-champ pour apporter une preuve crédible d’un respect effectif des droits de l’homme et des minorités dans une nouvelle Syrie. La construction de cette nouvelle Syrie nécessitera l’engagement actif de l’ensemble des composantes de la société syrienne dans un effort sincère de pacification et de reconstruction après une année dramatique marquée par la division et les violences.
13. L’Assemblée soutient pleinement tous les efforts déployés, aux plans tant international que national, pour aider à la création d’une nouvelle Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des droits de l’homme et des droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses. Elle appelle la communauté internationale à soutenir les initiatives visant à unir l’opposition en vue de réaliser la transformation démocratique en Syrie. Elle préconise la plus grande prudence à l’égard des forces qui, en raison d’intérêts géopolitiques spécifiques ou pour des raisons sectaires – en Syrie comme dans d’autres pays du Printemps arabe – fournissent un appui politique et financier aux groupes extrémistes.
14. En toute priorité, compte tenu du million et demi de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire urgente, l’Assemblée appelle instamment à la fourniture sans entrave d’une aide humanitaire aux blessés, aux réfugiés, aux personnes déplacées et à toutes celles dans le besoin. La fourniture de moyens et de services humanitaires doit s’opérer dans des conditions qui assurent la protection des civils et des travailleurs humanitaires. L’Assemblée, reconnaissante de l’hospitalité offerte par la Turquie et félicitant les autorités turques, considère qu’il est important de construire, le cas échéant, d’éventuels camps de réfugiés à une plus grande distance de la frontière avec la Syrie, afin de permettre une meilleure sécurité des réfugiés.
15. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à répondre positivement aux appels lancés par les agences concernées des Nations Unies afin de satisfaire les besoins humanitaires des dizaines de milliers de réfugiés fuyant la Syrie vers la Turquie, le Liban, l’Irak et la Jordanie, ainsi que ceux du million et demi de personnes qui, selon les estimations, sont touchées par la crise au sein même de la Syrie. L’Assemblée encourage vivement tous les pays voisins à permettre aux personnes fuyant la Syrie d’entrer sur leur territoire et à leur donner accès à une protection sans crainte d’être refoulées, et appelle tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à accorder une protection adéquate – qu’il s’agisse de l’asile ou d’une protection subsidiaire – à tout demandeur d’asile syrien.