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Résolution 1878 (2012) Version finale
La situation en Syrie
1. L’Assemblée parlementaire est consternée
par la situation en Syrie où, au cours des treize derniers mois,
plus de 11 000 personnes ont été tuées, des dizaines de milliers
ont fui le pays et des centaines de milliers d’autres ont été déplacées
dans leur propre pays, victimes directes de la répression brutale
par le pouvoir autocratique syrien d’un soulèvement aux aspirations
démocratiques.
2. L’Assemblée condamne fermement les violations des droits de
l’homme généralisées, systématiques et graves, constituant des crimes
contre l’humanité, commises par les forces militaires et de sécurité
syriennes, et, notamment, le recours à la force contre les civils,
les exécutions arbitraires, l’assassinat et la persécution des manifestants,
les disparitions forcées, la torture et les violences sexuelles,
y compris contre des enfants. Elle condamne également les violations
des droits de l’homme perpétrées par certains des groupes armés combattant
le régime.
3. L’Assemblée réitère qu’il ne peut y avoir aucune impunité
pour ceux qui commettent des crimes contre l’humanité, quels qu’en
soient leurs auteurs. Toutes les allégations de violations et de
crimes doivent faire l’objet d’une enquête sérieuse et leurs auteurs
doivent être traduits en justice, y compris, le cas échéant, devant
la Cour pénale internationale.
4. Deux projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations
Unies condamnant la violence en Syrie ont fait l’objet d’un veto
de la part de la Russie et de la Chine en octobre 2011 et en mars
2012. Alors que, pendant plus d’un an, la communauté internationale
a été incapable de convenir d’une action sur la Syrie, l’Assemblée
note aujourd’hui l’émergence progressive d’une position commune:
deux résolutions ont été adoptées à l’unanimité par le Conseil de
sécurité des Nations Unies les 14 et 21 avril 2012, autorisant le déploiement
en Syrie d’observateurs militaires non armés des Nations Unies pour
rendre compte de la mise en œuvre de la cessation totale de la violence
armée. Cette unité naissante peut enfin contribuer à jeter les bases
d’une action effective de la communauté internationale face à une
situation dont l’urgence et la gravité ne sauraient s’accommoder
de considérations géopolitiques de pays particuliers.
5. L’Assemblée soutient pleinement le plan de paix en six points
proposé par l’envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la
Ligue des Etats arabes, M. Kofi Annan, et appelle à sa mise en œuvre
pleine et entière par l’ensemble des parties au conflit. Bien qu’il
y ait eu une diminution très nette des violences depuis l’entrée en
vigueur du cessez-le-feu le 12 avril, l’Assemblée déplore les violations
persistantes du cessez-le-feu et le nombre croissant de morts. Elle
appelle au retrait immédiat des troupes et des armes déployées par
le gouvernement dans les zones peuplées.
6. Il convient de donner toutes les chances de réussite au plan
de paix de Kofi Annan afin d’éviter une véritable guerre civile.
L’Assemblée se félicite par conséquent du déploiement sur le terrain
d’observateurs des Nations Unies et appelle les autorités syriennes
et la communauté internationale à assurer aux observateurs une liberté
de circulation totale et un accès sans entrave à l’ensemble du territoire,
ainsi que tous les moyens nécessaires pour contrôler le respect
du cessez-le-feu et du droit de manifester pacifiquement.
7. L’Assemblée souligne toutefois que le plan de paix de Kofi
Annan ne porte pas uniquement sur l’instauration d’un cessez-le-feu
sous supervision des Nations Unies et la fourniture d’une aide humanitaire dont
le pays a un besoin urgent. Sa mise en œuvre et l’arrêt total des
violences devraient au final garantir la création d’un espace permettant
la réalisation pacifique de la transformation démocratique en Syrie.
Il convient de ce fait de créer progressivement les conditions propices
à la mise en place « d’un processus politique, dirigé par les Syriens»,
comme le préconise le plan de paix, et, à terme, à la conduite d’élections
libres et équitables. Le peuple syrien devrait être libre de construire
son propre avenir. Pour faciliter l’atteinte de cet objectif, l’Assemblée
demande au Conseil de sécurité des Nations Unies de mettre en place
d’urgence un embargo sur l’importation d’armes et de matériel militaire
en Syrie.
8. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient faire tout
leur possible afin de garantir le respect du plan de paix approuvé,
y compris à travers les sanctions convenues par l’Union européenne,
la Ligue des Etats arabes et certains Etats particuliers, et dont
la mise en œuvre est coordonnée par le groupe des Amis du peuple
syrien. L’Assemblée souligne que ces sanctions ne visent pas le
peuple syrien mais les personnes et les institutions impliquées
dans la répression ou celles qui soutiennent ou profitent du régime.
9. La dictature qui a opprimé le peuple syrien durant des décennies
n’a aucun avenir. Il est impossible de prévoir le temps qu’il faudra
et les souffrances supplémentaires qui seront endurées, mais il
semble clair que le régime Assad touche à sa fin. Cette situation
fait peser une lourde responsabilité sur la communauté internationale
et l’opposition nationale.
10. La population syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques,
culturels et religieux, et cette diversité, au même titre que l’intégrité
territoriale de la Syrie, doit être préservée dans une future Syrie
post- Assad. L’Assemblée invite les divers groupes d’opposition
nationale à s’unir afin de se présenter en tant qu’alternative légitime
offrant à tous les citoyens syriens, quelles que soient leur origine
ethnique, leur culture et leur religion, la perspective d’une Syrie
pacifique, démocratique et pluraliste. Compte tenu de la sous-représentation
des chrétiens au sein du Conseil national syrien, tout avenir post-Assad
doit garantir la tolérance religieuse dont les chrétiens ont bénéficié
jusqu’ici.
11. L’Assemblée souligne que le respect des droits de l’homme,
la reconnaissance des minorités ethniques, culturelles et religieuses,
et le choix en faveur du dialogue et de la démocratie ne constituent
pas de simples déclarations de principe, mais les conditions préalables
à l’unification et au renforcement de l’opposition. Cette dernière
est actuellement divisée en raison d’un manque de clarté quant à
ces principes fondamentaux et de la crainte qui s’ensuit, au sein
des divers groupes minoritaires, d’un changement perçu comme une
menace.
12. Par conséquent, l’Assemblée insiste sur le fait que les droits
de l’homme doivent désormais être respectés et les violations, y
compris celles commises par l’opposition, dénoncées avec force et
stoppées sur-le-champ pour apporter une preuve crédible d’un respect
effectif des droits de l’homme et des minorités dans une nouvelle
Syrie. La construction de cette nouvelle Syrie nécessitera l’engagement
actif de l’ensemble des composantes de la société syrienne dans
un effort sincère de pacification et de reconstruction après une
année dramatique marquée par la division et les violences.
13. L’Assemblée soutient pleinement tous les efforts déployés,
aux plans tant international que national, pour aider à la création
d’une nouvelle Syrie démocratique et pluraliste, respectueuse des
droits de l’homme et des droits des minorités ethniques, culturelles
et religieuses. Elle appelle la communauté internationale à soutenir
les initiatives visant à unir l’opposition en vue de réaliser la
transformation démocratique en Syrie. Elle préconise la plus grande
prudence à l’égard des forces qui, en raison d’intérêts géopolitiques
spécifiques ou pour des raisons sectaires – en Syrie comme dans
d’autres pays du Printemps arabe – fournissent un appui politique
et financier aux groupes extrémistes.
14. En toute priorité, compte tenu du million et demi de personnes
ayant besoin d’une aide humanitaire urgente, l’Assemblée appelle
instamment à la fourniture sans entrave d’une aide humanitaire aux
blessés, aux réfugiés, aux personnes déplacées et à toutes celles
dans le besoin. La fourniture de moyens et de services humanitaires
doit s’opérer dans des conditions qui assurent la protection des
civils et des travailleurs humanitaires. L’Assemblée, reconnaissante
de l’hospitalité offerte par la Turquie et félicitant les autorités turques,
considère qu’il est important de construire, le cas échéant, d’éventuels
camps de réfugiés à une plus grande distance de la frontière avec
la Syrie, afin de permettre une meilleure sécurité des réfugiés.
15. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe
à répondre positivement aux appels lancés par les agences concernées
des Nations Unies afin de satisfaire les besoins humanitaires des
dizaines de milliers de réfugiés fuyant la Syrie vers la Turquie,
le Liban, l’Irak et la Jordanie, ainsi que ceux du million et demi
de personnes qui, selon les estimations, sont touchées par la crise
au sein même de la Syrie. L’Assemblée encourage vivement tous les
pays voisins à permettre aux personnes fuyant la Syrie d’entrer
sur leur territoire et à leur donner accès à une protection sans
crainte d’être refoulées, et appelle tous les Etats membres du Conseil
de l’Europe à accorder une protection adéquate – qu’il s’agisse
de l’asile ou d’une protection subsidiaire – à tout demandeur d’asile
syrien.