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Rapport | Doc. 12929 | 09 mai 2012

Protection et mise à disposition du patrimoine culturel audiovisuel

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Doris FIALA, Suisse, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc 12077, Renvoi 3627 du 25 janvier 2010. 2012 - Commission permanente de mai

Résumé

L’éducation à la culture se fait très largement par le biais des médias. L’avènement des médias numériques donne de nouveaux moyens de conserver et de consulter, ainsi que d’évaluer et de sélectionner des échantillons des matériels audiovisuels. Dans certains cas, les droits d’auteur sur les matériels audiovisuels limitent la distribution de ces matériels via internet. Or, les matériels audiovisuels qui font partie du patrimoine culturel audiovisuel devraient pouvoir être utilisés à des fins éducatives et de recherche.

Par conséquent, un second protocole additionnel à la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel (STE n° 183) pourrait aider à constituer des bibliothèques audiovisuelles publiques en instaurant un système d’évaluation, de sélection ou d’échantillonnage des matériels audiovisuels à mettre à disposition à des fins d’éducation et de recherche.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 25 avril
2012.

(open)
1. La culture est un élément d’une importance cruciale dans nos sociétés. En les formant à la culture, on peut réellement donner aux individus et aux groupes les moyens de pleinement comprendre, apprécier, respecter et exercer les droits de l’homme et la démocratie.
2. De nos jours, l’éducation à la culture se fait très largement par le biais des médias. Les médias audiovisuels fournissent au public dans son ensemble une base solide d’expériences culturelles communes. Toutefois, les films et enregistrements anciens disparaissent à cause de leur fragilité matérielle. L’avènement des médias numériques donne de nouveaux moyens de conserver et de consulter des matériels audiovisuels. Parallèlement, les contenus produits par les internautes gonflent la production de matériels audiovisuels. Or, étant donné qu’il est impossible de préserver l’ensemble des matériels audiovisuels produits du seul fait de leur volume, il s’avérera de plus en plus nécessaire d’évaluer, de sélectionner ou d'échantillonner ces matériels pour préserver le patrimoine culturel audiovisuel.
3. Dans certains cas, les droits d’auteur sur les matériels audiovisuels limitent la distribution de ces matériels via internet. Il est important que les intérêts des auteurs, des acteurs et des autres ayants droit soient pris en compte dans la recherche de solutions satisfaisantes pour permettre un large accès public aux matériels audiovisuels. Une attention particulière devrait être accordée aux objectifs de recherche et d’éducation autorisés par les lois sur les droits d’auteur.
4. Se félicitant d’initiatives telles que la création de «portails européens du film» et le projet de bibliothèque numérique «Europeana» de la Commission européenne, l’Assemblée parlementaire reconnaît la nécessité d’établir des réseaux d’institutions publiques et privées s’occupant activement du patrimoine audiovisuel en Europe. Elle prend acte également des projets commerciaux comme «Book Library Project» de Google, mais souligne que, pour garantir la diversité du patrimoine audiovisuel, un soutien public peut aussi se révéler nécessaire, notamment lorsque le matériel audiovisuel ne suscite pas l’intérêt d’une audience suffisamment large et commercialement importante.
5. L’Assemblée apprécie des initiatives nationales comme celles de la France avec l’Institut national de l’audiovisuel (Ina), de la Suisse avec l’association «Memoriav» pour la préservation du patrimoine audiovisuel et de l’Allemagne avec le musée du film et de la télévision «Kinemathek». Un nombre accru d’Etats membres devrait suivre ces exemples et constituer des archives, bibliothèques et musées publics de l’audiovisuel.
6. Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient recenser et protéger leur patrimoine culturel audiovisuel à l’échelon national et, le cas échéant, au niveau régional, et élaborer des stratégies pour permettre un accès plus facile et permanent à leur patrimoine culturel audiovisuel.
7. Alors que les bibliothèques publiques traditionnelles renfermant des ouvrages imprimés perdent relativement de leur importance, les pouvoirs publics devraient créer des bibliothèques audiovisuelles ou développer celles qui existent déjà en les rendant accessibles à des utilisateurs présents physiquement dans les locaux des bibliothèques ou à des usagers d’internet. Comme il est courant s’agissant des bibliothèques, les droits d’auteur peuvent être limités à des objectifs d’éducation et de recherche en vertu du droit national.
8. Les radiodiffuseurs de service public et les sociétés de production sont à l’origine de grandes quantités de matériels audiovisuels et détiennent une vaste collection d’archives du patrimoine audiovisuel. Ces œuvres sont d’une valeur considérable pour le public. Il faut tout faire pour régler les problèmes de droits d’auteur et veiller à ce que les auteurs, acteurs et autres ayants droit reçoivent une rétribution juste et équitable pour leur travail, tout en faisant en sorte que ces matériels audiovisuels soient aussi, dans toute la mesure du possible, à la fois préservés et accessibles au public grâce aux archives. L’Assemblée demande instamment de rechercher les moyens d'assurer que le patrimoine audiovisuel n’est pas en permanence soustrait au regard du public, mais qu’il est dûment enregistré et préservé dans l’optique d’une conservation professionnelle et d’une éventuelle présentation au public.
9. Certains établissements scolaires ont mis en place des formations destinées à doter les élèves de compétences en matière de médias. Ces formations devraient être élargies et les matériels audiovisuels qui font partie du patrimoine culturel audiovisuel utilisés à des fins éducatives et de recherche.
10. L’Assemblée souligne l’importance accordée par la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel (STE n° 183) et son Protocole additionnel (STE n° 184) à la conservation des ressources audiovisuelles pour nos sociétés en Europe. Il faudrait promouvoir la ratification de ces instruments par tous les Etats membres. Cependant, les évolutions technologiques pourraient nécessiter de nouvelles règles particulières.
11. L’Assemblée estime que l’élaboration d’un second protocole additionnel à la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel pourrait aider les Etats membres à rendre le patrimoine culturel audiovisuel accessible par le biais d’archives et de bibliothèques audiovisuelles. Un tel protocole renforcerait la protection du patrimoine culturel audiovisuel grâce à la constitution de bibliothèques audiovisuelles publiques et permettrait d'éclairer les Etats sur les possibilités d’utiliser le matériel audiovisuel protégé par les droits d’auteur à des fins d’éducation et de recherche.
12. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
12.1. d’appeler les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et son Protocole additionnel;
12.2. de charger son comité directeur compétent d’étudier la faisabilité d’élaborer un second protocole additionnel à la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel qui pourrait aider les Etats à constituer des bibliothèques audiovisuelles publiques en instaurant un système d’évaluation, de sélection ou d’échantillonnage des matériels audiovisuels à rendre accessibles à des fins d’éducation et de recherche;
12.3. d’inviter son comité directeur compétent à élaborer des lignes directrices pour garantir aux personnes handicapées l’accès au patrimoine audiovisuel, par exemple en ajoutant des sous-titres ou une interprétation en langue des signes pour les déficients auditifs et un système d’audio description pour les déficients visuels;
12.4. compte tenu du Mémorandum d’accord signé entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne de radiotélévision, d’inviter cette dernière à mettre en place, en partenariat avec le Conseil de l'Europe, des stratégies et des mesures concrètes afin de protéger les matériels audiovisuels détenus par les radiodiffuseurs de service public en Europe et de faciliter l’accès à ces matériels.

B. Exposé des motifs, par Mme Fiala, rapporteure

(open)

1. Introduction

1.1. Origine du rapport

1. Le présent rapport part du constat que les radiodiffuseurs de service public, tout comme les diffuseurs commerciaux, ont accumulé un volume considérable de ressources audiovisuelles qui ne sont pas toujours systématiquement archivées de manière à garantir leur conservation. Comme les nouvelles technologies numériques permettent aujourd'hui de copier des matériels audiovisuels sur de nouveaux supports, il faut que les Etats soutiennent ce type de préservation tout en concevant des politiques visant à les mettre à la disposition du grand public. La proposition de recommandation à l’origine du rapport 
			(2) 
			Doc. 12077 du 29 octobre 2009. invite les Etats membres à signer et à ratifier la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel (STE n° 183) et recommande aux Etats et aux sociétés de médias de coopérer à des projets visant à ce que des prestataires internet et des bibliothèques mettent en ligne des livres et ouvrages de la presse écrite sur internet afin de protéger effectivement le patrimoine audiovisuel européen.
2. Ce rapport a pour but d’examiner la situation en matière de préservation du patrimoine culturel audiovisuel et la façon dont les pratiques dans ce domaine sont liées à des valeurs fondamentales en garantissant l'égalité d'accès aux ressources audiovisuelles, l'information et la liberté d'expression, et le respect des cadres juridiques. Des exemples de bonnes pratiques dans les Etats membres seront étudiés en vue de faire des recommandations qui pourraient être mises en œuvre dans un contexte plus vaste.

1.2. Méthodologie

3. Cet exposé des motifs est, en grande partie, fondé sur un rapport de synthèse élaboré par Mme Catherine Saracco (expert, Strasbourg), en prenant pour fil conducteur les questions et problèmes recensés. Je lui suis très reconnaissante de son engagement.
4. La première partie du rapport comprend une description des défis auxquels doit faire face la préservation du patrimoine audiovisuel et une explication des projets de la Commission européenne sur la numérisation du patrimoine audiovisuel et de son travail sur le patrimoine cinématographique. Ensuite, trois exemples de bonnes pratiques nationales mettent en exergue le travail de l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) français, le réseau suisse pour la sauvegarde des archives audiovisuelles, «Memoriav», et la cinémathèque allemande «Deutsche Kinemathek: Museum für Film und Fernsehen». Le rapport étudie enfin les implications et les défis de la «révolution internet» ainsi que les réponses à ces défis, notamment le rôle des politiques publiques dans l'organisation des connaissances audiovisuelles sur internet. Les recommandations indiquent des pistes pour les futures politiques nationales et la coopération internationale dans ce domaine.

2. Les défis de la préservation du patrimoine audiovisuel

5. Aujourd’hui, la question de la numérisation des contenus culturels est au cœur des préoccupations de nombreux organismes traditionnellement responsables de la sauvegarde des collections audiovisuelles (diffuseurs, instituts de recherche, bibliothèques, musées, archives, etc.). Ces institutions se retrouvent confrontées à des défis d'ordre organisationnel, technique et juridique en prenant la responsabilité de la migration des formats analogiques vers des formats numériques.
6. Les chantiers de numérisation répondent à des enjeux majeurs liés à l’exercice même de la culture démocratique: sauvegarder des pans entiers de l’histoire audiovisuelle 
			(3) 
			Le XXe siècle a constitué
un nouveau genre d'héritage culturel lié aux technologies audiovisuelles.
L'UNESCO évalue à 200 millions, dont environ 50 millions en Europe,
le nombre d'heures de documents audiovisuels au niveau mondial. menacée par l'obsolescence technique et la détérioration physique des collections, accroître les volumes sauvegardés et valoriser le patrimoine audiovisuel en garantissant un accès plus large au public. Le présent rapport examine les stratégies déployées par les archives audiovisuelles en France, en Allemagne et en Suisse afin de répondre aux défis de la numérisation. Que signifie de passer d’une mémoire analogique qui se dégrade à une nouvelle mémoire soi- disant immortelle, plus exhaustive et sans vrais critères de sélection? Comment ces institutions assurent-elles une conservation pérenne de leurs archives et reconsidèrent-elles l’accès à leurs ressources?
7. Par ailleurs, la numérisation s’est accompagnée d’une bataille généralisée des contenus avec l’apparition de la «convergence technologique» 
			(4) 
			La convergence technologique
est le fruit de la technologie numérique qui permet de diffuser
différents types de contenu (audio, vidéo, texte) sur de multiples
technologies comme l'ordinateur, le téléphone mobile et la télévision. Internet
pratique la mixité en faisant converger tous les médias antérieurs
qu’il accueille et diffuse. Alors que jusqu’au début des années
2000, la toile était constituée à 95 % d’hypertexte, le web a vite
été submergé par l’arrivée successive des sons, de la musique et,
enfin, de l’image animée avec les plates-formes de partage de vidéos
YouTube et Dailymotion. dès 2006. Avec l’inflation des contenus audiovisuels sur le web, les serveurs et internet se retrouvent désormais au cœur même du système d’archive. Le périmètre des archives audiovisuelles s’en trouve profondément modifié, ayant été jusqu’ici cantonné aux activités de stockage, de sauvegarde, d’indexation et de mise à disposition – souvent restreinte – des ressources. Aujourd’hui, les archives audiovisuelles basculent d’un système «d’archive-stock» à un système «d’archive- flux». Aussi voit-on émerger de nouvelles activités comme la mise en ligne des archives de télévision ou encore la production ciblée de contenus éducatifs et culturels. Nous montrerons en quoi ces développements répondent à des usages de plus en plus spécifiques liés à l’image, où les interfaces dynamiques entre les usagers et les contenus audiovisuels jouent un rôle croissant.
8. Enfin, face au caractère extrêmement volatil des contenus audiovisuels, l’institutionnalisation de politiques de mémoire est plus que jamais essentielle. La mémoire audiovisuelle du web revêt désormais une valeur patrimoniale qui justifie une extension des réglementations de type dépôt légal. Cela implique par ricochet de mettre en œuvre une organisation culturelle des savoirs audiovisuels que seules les politiques publiques peuvent porter.

3. Etat des lieux des initiatives européennes en matière de sauvegarde du patrimoine audiovisuel

9. La volonté de définir un cadre législatif favorisant l’accès au patrimoine audiovisuel débute dans les années 1970. La préservation des sources audiovisuelles comme partie intégrante du patrimoine culturel s’affirme comme objectif primordial d’organisations internationales telles que l’UNESCO ou la Fédération internationale des archives de télévision (FIAT/IFTA) 
			(5) 
			<a href='http://fiatifta-pilot.org/'>http://fiatifta-pilot.org/.</a>. L’une des dispositions principales de la recommandation pour la sauvegarde et la conservation des images en mouvement, adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO en 1980, vise à instituer des systèmes de dépôt légal de la production nationale d’images en mouvement.
10. Depuis les années 1990, l’Union européenne ainsi que le Conseil de l’Europe ont intégré à leur tour les sources audiovisuelles au sein du patrimoine culturel européen et définissent ensemble des règles particulières pour l’application d’un système de dépôt légal 
			(6) 
			En 1994, le Conseil
de l’Europe lançait la préparation d'un projet de convention européenne
relative à la protection du patrimoine audiovisuel qui fixait pour
la première fois l’obligation de dépôt légal. En 1998, débutaient
les travaux de préparation d’un projet de protocole additionnel
traitant pour la première fois de la protection des productions
télévisuelles.. En 2001, le Conseil de l’Europe a adopté la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel (STE n° 183), entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Organisée autour du principe du dépôt légal obligatoire pour les images en mouvement, la convention insiste sur la nécessaire mise à disposition de ces matériels pour des consultations à des fins scientifiques ou de recherches, tout en respectant les réglementations internationales et nationales en matière de droits d'auteurs. Cette convention et son Protocole sur la protection des productions télévisuelles (STE n° 184) sont les premiers instruments internationaux contraignants qui instituent une systématisation de l'archivage des œuvres audiovisuelles.

3.1. Projets de la Commission européenne sur la numérisation du patrimoine audiovisuel

11. Entamé le 1er février 2004, PrestoSpace 
			(7) 
			<a href='http://prestospace.org/'>http://prestospace.org/.</a> est un ambitieux projet européen coordonné par l'Institut national de l’audiovisuel français. Les recherches entreprises par les 34 partenaires issus de neuf pays ont permis d’accélérer la sauvegarde du patrimoine audiovisuel mondial à grande échelle selon les critères de qualité, de rapidité et de réduction des coûts.
12. L’accent a été mis sur l’intégration des facteurs économiques dans la mise en œuvre des services de sauvegarde. Compte tenu du fait que les principaux détenteurs d'archives, comme les diffuseurs, avaient déjà commencé à numériser leurs vastes collections, à des coûts très élevés et en utilisant des technologies complexes, il était nécessaire de s'orienter vers une approche globale et concertée de type «usine de sauvegarde»: l'approche «usine» est approximativement 50 % meilleur marché que l'approche «à la demande».
13. Le projet a permis de développer des systèmes intégrés et des solutions techniques pour la sauvegarde en numérique de tous types de collections audiovisuelles pour une exploitation et une diffusion plus large aux professionnels ainsi qu'au grand public.
14. Dans le sillage de PrestoSpace, le projet PrestoPRIME 
			(8) 
			PrestoPRIME est un
projet de recherche européen du 7e Programme-cadre
pour la recherche et le développement technologique de l’Union européenne.
Piloté par Ina SUP, ce projet rassemble 15 partenaires dont la BBC,
la RAI, Technicolor, les universités de Liverpool, d’Innsbruck et
d’Amsterdam. vient d’être développé, se focalisant sur la permanence des collections, une fois numérisées.
15. PrestoPRIME développe des solutions pratiques pour la préservation à long terme des collections numériques de médias et l’amélioration de l’accès aux contenus numériques, sachant que la technologie de l'information qui contient et distribue ces contenus évolue sans cesse (que ce soit les données elles-mêmes ou la technologie d’accès).
16. En ce qui concerne la préservation à long terme, PrestoPRIME mise sur la comparaison internationale des stratégies pour la conservation audiovisuelle, y compris des approches polyvalentes d'émulation et de migration, et la création d’un modèle de données standard pour la conservation des contenus audiovisuels. Afin d’assurer l’accès à long terme, PrestoPRIME développe des services pour suivre l’exploitation des contenus audiovisuels en utilisant des techniques de prise d’empreinte digitale (fingerprinting) et de documentation de la provenance des contenus audiovisuels. La modélisation des droits associés aux contenus audiovisuels et le développement de services répondant aux normes pour la gestion des droits d'archives sont également des priorités. Enfin, est à l’étude l’intégration des collections aux bibliothèques numériques en ligne telle qu’Europeana 
			(9) 
			<a href='http://www.europeana.eu/'>www.europeana.eu.</a>, la bibliothèque numérique publique européenne lancée en 2008.
17. Notons que ces travaux ont débouché sur la création d’un centre de compétence européen sur les technologies numériques de préservation et de migration, PrestoCentre. Ce centre, géré en réseau, a pour objectif de fournir des conseils sur les normes et des services numériques avancés conjointement avec la European Digital Library Foundation.

3.2. Les axes de travail de la Commission européenne sur le patrimoine cinématographique

18. S’agissant du patrimoine cinématographique, la Direction générale de la société de l'information et des médias de la Commission européenne a publié en 2010 un rapport 
			(10) 
			Voir <a href='http://ec.europa.eu/avpolicy/reg/cinema/index_fr.htm'>http://ec.europa.eu/avpolicy/reg/cinema/index_fr.htm.</a> sur les stratégies numériques liées au patrimoine cinématographique.
19. Ce rapport met en évidence la menace qui pèse sur ce patrimoine puisqu’on estime que 80 % des films muets sont déjà perdus, ainsi que les nouveaux films de l'ère numérique, étant donné l’obsolescence des supports. L’Union européenne préconise ainsi la généralisation des techniques de migration des contenus vers de nouveaux formats ou supports pour la conservation et la consultation du patrimoine cinématographique. L'interopérabilité des bases de données et des catalogues cinématographiques européens dans le sens d’une plus grande homogénéisation des pratiques de l'accès à ce patrimoine est également fortement encouragée.
20. Dans ce contexte, le projet «European Film Gateway» (EFG) mérite d’être souligné. Ce projet est la continuation du programme MIDAS 
			(11) 
			<a href='http://www.midas-film.org/index.htm'>http://www.midas-film.org/index.htm.</a> (Moving Image Database for Access and Re-Use of European Film Collections) que la Commission européenne a piloté de 2006 à 2009.
21. Le principal objectif du projet MIDAS était de faire converger les bases de données de 18 archives de films vers un seul point d’accès en veillant à standardiser les catalogues de films et les systèmes documentaires. Cependant, avec l’évolution d’internet, les usagers (programmateurs, étudiants, chercheurs, directeurs de festivals, etc.) ne se satisfont plus de l’accès à des catalogues: ils souhaitent pouvoir accéder à des films ou extraits de films numérisés, si possible gratuitement et à partir de chez eux: «Le projet EFG se distingue du projet MIDAS en ce qu’il vise à donner aux utilisateurs à travers le monde la possibilité de rechercher et de visionner les archives numérisées à domicile sur internet. Par ailleurs, alors que le projet MIDAS était orienté vers des collections cinématographiques, EFG a une portée plus large qui comprend non seulement les images animées, mais aussi d’autres éléments détenus dans des archives filmographiques tels que les documents écrits et des images, ou dans une moindre mesure les fichiers audio. Par conséquent, l’objectif nouveau de l’EFG par rapport à MIDAS est la constitution d’une «vitrine» pour les collections d’archives filmographiques et cinématographiques européennes» 
			(12) 
			Julia
Welter, «The latest achievements of the EFG project» dans: Actes
du colloque Archimages: Recherche/ Archives: numériser les images,
et après?, Institut national du patrimoine, Paris, 2009..
22. En tant que portail web pour les contenus numériques des archives cinématographiques européennes, le projet EFG est aussi un agrégateur de contenus destinés à alimenter Europeana.
23. Soulignons toutefois que la viabilité du projet EFG achoppe encore sur la levée des droits puisque, aujourd’hui, la plupart des archives de films européennes ne détiennent les droits que sur une infime partie de leurs collections. Pour 80 % à 90 % des films, seuls des accords avec les ayants droit permettront l’accès aux documents cinématographiques à des fins culturelles. Dans la plupart des pays européens, le réalisateur, le directeur de la photographie ou encore le scénariste sont considérés comme créateurs d'une œuvre cinématographique et détiennent ipso facto les droits sur le film. Ajoutons à cela le fait qu’en Europe 
			(13) 
			Contrairement aux Etats-Unis,
où tous les films avant 1923 sont considérés comme du domaine public,
les réglementations européennes sont plus contraignantes en matière
de droits de compensation pour les ayants droit. les droits d'auteur expirent généralement soixante-dix ans après la mort du dernier auteur survivant, ce qui restreint considérablement l’accès aux œuvres cinématographiques. Par ailleurs, la documentation régulière des droits, souvent longue et coûteuse en raison d'une multitude de titulaires de droits d'une œuvre cinématographique, n’est pas une pratique partagée par l’ensemble des archives ou cinémathèques européennes.
24. Des recommandations européennes en matière de droit d’auteur sont donc indispensables: certains mécanismes juridiques permettant au producteur d’un film d'accorder des droits d'utilisation à des fins non commerciales pour une institution publique 
			(14) 
			L'Espagne et le Danemark
peuvent être cités en exemple: l'Institut cinématographique danois
a le droit de projeter des films subventionnés dans ses propres
salles et de mettre en ligne des documentaires et des courts métrages subventionnés
sans paiement de droits d’auteur. L'Espagne peut, quant à elle,
organiser des projections à des fins culturelles de films subventionnés
deux ans après leur première mise en distribution. chargée du patrimoine cinématographique sont à l’étude.

4. Les archives audiovisuelles à la croisée des dimensions: mise en perspective des pratiques et des réflexions

4.1. L’Institut national de l’audiovisuel (Ina)

4.1.1. Conséquences des chantiers de numérisation

25. A partir de la fin des années 1990, un certain nombre d’évolutions se sont produites au sein de l’Ina. La plus importante a été le colossal projet de transfert d’un million et demi d’heures de radio et de télévision de l’analogique au format numérique, permettant ainsi la sauvegarde et l’accès à ce fonds unique. Désormais, plus de 50 % du fonds patrimonial est numérisé.
26. Ce vaste chantier de numérisation a posé d’abord des questions techniques: étant donné que les supports numériques offrent de piètres garanties en matière d’archivage à long terme 
			(15) 
			Selon différentes estimations,
un CD-Rom n’aurait qu’une durée de vie de 10 à 25 ans et de seulement
5 à 10 ans dans le cas d’un CD gravé. Quant aux disques durs, disques
optiques et mémoire flash, une étude réalisée par Google sur son
propre parc informatique a révélé que 8 % des disques vieux de 2
à 3 ans devaient être remplacés en raison de leur défaillance., l’Ina a évolué d’une priorité de préservation et de restauration des supports vers une priorité de sauvegarde des contenus. Puisqu’à l’ère du numérique la survie du contenu ne dépend plus de la pérennité de son support 
			(16) 
			En
fait beaucoup d’informations ne sont déjà plus stockées à un endroit
précis: elles sont en circulation permanente sur différents réseaux
et serveurs. A l’avenir, le support ne comptera peut-être plus du
tout., l’Ina a misé sur la migration technologique. Les informations étant transmissibles et duplicables à volonté sans dégradation, il suffit de les faire migrer d’un contenant à un autre pour en assurer la survie. Cependant, même si dans le domaine de la conservation d’informations numériques à long terme, le choix de la migration des données reste la solution la plus partagée, «la prudence conseille de n’engager l’exercice de la migration que lorsque le saut technologique est important, de conserver les matériels et les données sur une ou deux générations technologiques et d’exercer une gestion serrée des systèmes et des formats» 
			(17) 
			Gauthier Francine,
«L’impact des technologies numériques sur la préservation», p. 85,
dans: Les archives audiovisuelles: politiques
et pratiques dans la société de l’information, Editions
Françoise Hiraux, 2009..
27. Il était logique que ce chantier de numérisation aboutisse à la mise en ligne des archives de l’Ina en 2006 grâce au site www.ina.fr. Jusque-là réservées à l'usage des professionnels et des chercheurs (par le biais du dispositif de dépôt légal de l’audiovisuel voté en 1992), ces archives sont désormais accessibles au grand public. L’Ina 
			(18) 
			Au sein
de l'Ina, le département «Droits et archives» conserve, gère et
exploite un patrimoine de quelque 500 000 heures de télévision,
600 000 heures de radio et plus d'un million de photos. Ces fonds
d'archives représentent 2,5 millions de documents répartis sur 80
kilomètres de rayonnage. Au titre du dépôt légal, l'Inathèque de
France conserve et communique un patrimoine de 700 000 heures de
télévision et 400 000 heures de radio, soit plus de 2 millions de documents. est désormais la première banque d'images et de sons numérisés au monde. Ce sont plus de 100 000 émissions (soit un total de 10 000 heures 
			(19) 
			5 000 nouvelles heures
de programmes viendront s'ajouter à l'offre actuelle chaque année. de programmes) sélectionnées parmi les grands moments de radio et télévision qui peuvent être téléchargées et visionnées gratuitement sur internet.
28. Depuis 2006, plus de 20 millions d’internautes ont visité ce site qui propose une offre référencée et cataloguée par moteur de recherche, mots-clés associés, ou via un espace personnalisé, et un partage: le succès de ce site montre que ce patrimoine numérisé rencontre un appétit de mémoire chez le public.
29. Notons qu’environ 80 % des contenus sont visibles gratuitement, le reste peut être visionné en location ou téléchargé définitivement, selon une grille tarifaire allant de 1 euro pour les programmes courts à 12 euros pour les émissions ou les séries les plus longues. Sur les revenus ainsi générés, 46 % seront reversés aux ayants droit, 32 % réinvestis par l'Ina dans la numérisation et la valorisation du patrimoine audiovisuel, et 22 % doivent couvrir les différents frais financiers (TVA et autres taxes).
30. S’agissant de la protection des droits d’auteur sur internet, l’Ina s’est doté d’un système de tatouage vidéo et d’une protection supplémentaire avec un système de gestion numérique des droits (DRM) afin de sécuriser les contenus. Au moment de l’achat d’un fichier, un code spécifique contenant le numéro de commande de l'internaute est inséré dans les images. Cette solution de traçage des œuvres permet de prévenir la diffusion des contenus sur les réseaux peer-to-peer.
31. Grâce à son volet recherche et développement, l’Ina a accompagné sa politique de numérisation de recherches très poussées sur la normalisation audiovisuelle: le développement de la norme MPEG-7 permettant l’indexation automatique des documents audiovisuels permet de garantir plus de cohérence dans l’accès aux documents. On retrouve cette exigence de qualité documentaire grâce à la mise au point de logiciels permettant l’extraction d’informations dans des grandes masses de données, la structuration et la navigation dans les documents audiovisuels ou encore l’annotation partagée de document. Cela constitue toute une série d’axes de travail dans lequel le numérique constitue la porte d’entrée vers de nouveaux usages liés à l’image.

4.1.2. Diversification des actions de mise en valeur du patrimoine audiovisuel

32. L’essor des réseaux a conduit l’Ina à évoluer d’une mission de sauvegarde de ses archives à une mission de services. Cela correspond de manière générale à un repositionnement des institutions patrimoniales non plus en termes de stockage, mais de plus en plus en termes d’activités de diffusion en direction des usagers.
33. L’Ina est donc une entreprise qui intervient sur l’ensemble de la chaîne numérique: de la conservation de ses archives – qui est sa mission principale – en passant par la valorisation et la diffusion de son patrimoine.
34. S’agissant de la valorisation, l’Ina a développé des activités de formation professionnelle et de recherche. Grâce à Ina SUP 
			(20) 
			<a href='http://www.ina-sup.com/'>www.ina-sup.com.</a>, pôle européen des sciences et métiers de l'image et du son, l’Ina joue un rôle fondamental dans la transmission des savoirs audiovisuels.
35. Dans le contexte du développement de sa mission de recherche, l’Ina a lancé en 2010 une revue web InaGlobal dont l’objectif est de se consacrer aux médias et aux industries créatives en se situant dans une perspective de long terme et une réflexion de fond. Dotée d’une équipe de plus de 400 spécialistes de 30 pays, cette revue entend questionner les évolutions des industries de contenu prises au sens large – du cinéma aux mangas, en passant par internet, la télévision, le jeu vidéo, l’édition et la presse.
36. Par ailleurs, l’Ina a développé plusieurs lignes éditoriales en proposant l’intégralité de 440 numéros cultes d’Apostrophes sur www.babelio.com, l’une des plateformes collaboratives pour les amoureux de la lecture. L’Ina a également monté un partenariat avec la chaîne de télévision LCP-AN pour deux nouveaux concepts d’émissions: Ca va, ca vient ou comment un sujet a évolué au fil des ans et Filigranes sur les relations entre culture et politique vues par des personnalités du monde des arts. L’Ina est aussi impliquée dans des activités de production en participant à une soixantaine de films par an, essentiellement des documentaires.
37. Notons enfin que l’Ina a su tirer profit de la convergence technologique en signant un partenariat avec Dailymotion, permettant aux internautes d’accéder à plus de 50 000 vidéos d’archives, notamment tous les journaux télévisés français de 1971 à 2008 ainsi que des extraits de programmes (fiction, humour, jeux, magazines, etc.). En positionnant l’hébergeur comme vitrine de vidéos, l’Ina mise nettement sur la diversification des services et produits audiovisuels dans la mesure où, avec cet accord, l’audience des vidéos de l’Ina est élargie en direction des plus jeunes. Ce fonds de vidéo est accessible sur l’espace réservé à l’Ina sur le site de Dailymotion ainsi que sur sa déclinaison mobile.

4.2. Memoriav: réseau national pour la sauvegarde de la mémoire audiovisuelle suisse

4.2.1. Etat des lieux des plans de numérisation

38. A la différence de l’Ina, Memoriav 
			(21) 
			<a href='http://www.memoriav.ch/'>www.memoriav.ch.</a> est un réseau national pour la sauvegarde de la mémoire audiovisuelle suisse qui a été créé sous forme d’association en 1995 par les plus grandes institutions de production et d’archivage de l’audiovisuel au niveau national. Les sept membres fondateurs sont les Archives fédérales, la Bibliothèque nationale, la Phonothèque et la Cinémathèque nationales, l’Office fédéral de la communication, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR) ainsi que l’Institut suisse pour la conservation de la photographie. S’ajoutent à ce premier cercle 160 membres collectifs tels que des archives, bibliothèques et musées des 26 cantons de la Confédération suisse.
39. Memoriav s’est vu confier la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine audiovisuel suisse par la confédération à travers un mandat de prestation de l’Office fédéral de la culture.
40. Le financement est réglé par la loi fédérale sur le financement de Memoriav de 2006. De fait, l’association a pour mission d’initier des projets de conservation, de restauration, de catalogage et de numérisation (dans certains cas), et de mise en valeur de fonds audiovisuels avec comme partenaires des institutions publiques et privées détentrices de fonds audiovisuels. Memoriav se définit avant tout comme un réseau de compétences et de coordination entre les institutions du patrimoine et les spécialistes de la restauration et de la conservation des documents audiovisuels.
41. S’agissant de la constitution et de la mise à disposition des collections audiovisuelles suisses, les bases légales restent encore assez peu développées: en effet, la Suisse ne connaît pas de dépôt légal et seulement trois cantons de Suisse romande ont une disposition légale de ce type dont une seule inclut explicitement l’audiovisuel. Afin d’œuvrer en faveur de la conservation des archives de télévision, Memoriav a travaillé, depuis sa création, en étroite collaboration avec les archives des trois télévisions publiques de langue allemande, française et italienne, afin de sauvegarder l’émission principale d’information de la télévision suisse le Téléjournal sur les supports film 16 mm et U-matic.
42. Ce n’est qu’en 1990 que les «téléjournaux» ont été enregistrés et archivés intégralement. Jusqu’en 1980 un seul téléjournal était produit en trois langues; dès 1981, la Télévision suisse romande produisait son propre téléjournal, suivie en 1987 par la Suisse italienne. Les films 16 mm et les U-matic furent copiés sur des cassettes Digibeta en deux exemplaires, l’une conservée aux archives de la télévision, l’autre aux Archives fédérales 
			(22) 
			Régies par la loi du
26 juin 1998, les Archives fédérales s’emploient à prendre en charge
les archives et les documents provenant de personnes de droit privé
ou de droit public et qui sont d’importance nationale. Elles peuvent conclure
des contrats réglant la conservation de telles archives. Du côté
des diffuseurs, il n’existe aucune obligation de déposer des émissions
dans une institution de conservation du patrimoine. La loi sur la
radio et la télévision de 1991 mentionne simplement la possibilité
pour le Conseil fédéral d’instaurer une telle obligation sans que
celle-ci soit assortie de dispositions concrètes concernant le financement.
Lors de la révision de la loi, la situation s’est améliorée grâce
à l’ajout d’un paragraphe qui mentionne la possibilité d’un financement
par les caisses fédérales, mais l’article ne fixe toujours pas d'obligation
de dépôt. A partir de 2006, un contrat-cadre a été conclu entre
Memoriav et la SRG SSR concernant des projets communs pour la sauvegarde
et la mise à disposition des archives de la télévision et de la
radio. Les difficultés achoppent sur la gestion des droits d’auteurs
(la SRG SSR ne voulant endosser aucune responsabilité) ainsi que
sur la difficulté à définir des standards techniques communs. à Berne, accompagnée d’un fichier de métadonnées.
43. Memoriav garantit l’accès aux archives grâce à la banque de données Memobase 
			(23) 
			<a href='http://fr.memoriav.ch/memobase/introduction/default.aspx'>http://fr.memoriav.ch/memobase/introduction/default.aspx</a>. qui permet une recherche thématique à travers les collections et donne également accès aux fichiers descriptifs de plus de 200 000 documents audiovisuels. Cependant, la consultation reste jusqu’à aujourd’hui limitée à la salle de lecture des Archives fédérales.
44. Les téléjournaux produits sur BetaSP et Digibeta après 1989 sont actuellement numérisés dans le cadre du projet de numérisation de masse «Beta-Suisse», organisé et financé par les trois télévisions sans l’appui de Memoriav.
45. Les projets de Memoriav avec les télévisions se concentrent pour l’essentiel sur les informations régionales et les magazines télévisés comme Temps Présent ou Carrefour pour ne citer que les plus connus en langue française.
46. A l’heure actuelle, Memoriav poursuit sa collaboration avec les trois télévisions suisses avec comme priorité la numérisation des fonds historiques sur 16 mm en choisissant des émissions de préférence dans les domaines de l’information et de la culture. Avec l’abandon de la copie sur cassette, les fichiers MPEG sont stockés sur les serveurs des télévisions et seules les métadonnées sont transférées sur la plateforme Memobase. Ces métadonnées contiennent un lien vers le serveur permettant à l’utilisateur d’y accéder, cela dans un environnement protégé grâce à l’aménagement de places de travail dans des institutions publiques.

4.2.2. Présentation de projets de diffusion du patrimoine

47. S’agissant du volet diffusion et sensibilisation au patrimoine audiovisuel suisse à des fins culturelles, Memoriav organise des projections commentées de films historiques du domaine de la non-fiction et participe régulièrement à des manifestations à caractère scientifique.
48. Elle est aussi à l’initiative d’un grand projet de numérisation des journaux télévisés et magazines politiques des trois chaînes linguistiques de la télévision suisse, intitulé «Information politique». Ce projet a consisté à numériser l’intégralité de ces émissions depuis 1950 jusqu’à nos jours. Celles-ci sont consultables dans une salle de visionnement aux Archives fédérales, de même que les métadonnées ont été revues, complétées et mise à disposition en accès libre.
49. Par ailleurs, Memoriav utilise son site à la fois pour documenter ses activités et mettre ses services à disposition. Elle accorde une large importance aux manifestations publiques afin de sensibiliser et faire connaître son travail auprès des décideurs politiques. Une des actions emblématiques est sans doute la série de manifestations réunies sous le titre «Réalités suisses» où Memoriav montre chaque année dans différentes villes suisses des documents audiovisuels sur un sujet d’actualité politico-culturelle tandis que des experts et des témoins commentent les documents historiques.

4.3. Richesses et complexités de la mémoire audiovisuelle en Allemagne

4.3.1. Retour sur la question de la numérisation et de l’accès aux archives

50. A la différence de la France, l’Allemagne n’a pas de système de dépôt légal. Etant donné que le secteur audiovisuel est autonome vis-à-vis des prérogatives de l’Etat, la conservation définitive des archives audiovisuelles incombe directement aux chaînes publiques et privées. Le patrimoine audiovisuel se répartit entre les deux archives de radiodiffusion allemande «Deutsches Rundfunkarchiv» (DRA), l’une située à Francfort (avec essentiellement des fonds sonores), l’autre à Potsdam Babelsberg qui conserve les archives de télévision de l’ex-RDA.
51. Cependant, les archives de la télévision publique depuis 1949 sont conservées au sein même des organismes publics de radiodiffusion de l’ARD. ZDF est gestionnaire de ses propres archives ainsi que les chaînes privées (RTL, Pro Sieben).
52. Voici quelques éléments constitutifs du patrimoine audiovisuel allemand:

La création d’une archive nationale allemande de l’audiovisuel: véritable gageure!

53. Cela tient au fait que le modèle culturel allemand rend très difficile voire impraticable la création d’institutions culturelles centralisées. Par conséquent, l’Allemagne défend une culture de l’archive davantage horizontale et centrifuge. Le fait que, pour des raisons historiques, le domaine audiovisuel soit séparé de la sphère politique est également un obstacle à la création d’une archive nationale.

La difficile légalisation de l’accès aux archives à des fins culturelles

54. La revendication d’autonomie des offices publics de radiodiffusion a freiné l’accès aux archives de télévision: les chaînes considèrent que leur mission originaire est celle «d’archives de production» (Produktionsarchive) destinées à alimenter leurs propres programmes avant d’être des prestataires de services.
55. Bien que les télévisions allemandes aient souscrit aux obligations de la Convention européenne du Conseil de l'Europe relative à la protection du patrimoine audiovisuel et qu’elles aient garanti un accès à leurs collections à des fins culturelles et scientifiques, la convention n’a pas, à ce jour, été ratifiée par le Parlement allemand.
56. Voici comment Edgar Lersch, directeur des archives de télévision du SWR TV-Archiv, décrit la situation du point de vue des droits d'auteur:
«Les conditions actuelles d’accès aux archives télévisuelles allemandes se caractérisent par le fait qu’il n’est pas encore possible de regarder des programmes de télévision historiques sur internet. Même la législation allemande sur les droits d’auteur interdit la distribution des programmes sans l’autorisation de chaque détenteur de droits. L’autorisation de chacun doit être sollicitée jusqu’au moment de la conclusion du contrat sur la licence de diffuser entre les auteurs, producteurs et autres, et les institutions de diffusion. La nouvelle loi sur les droits d’auteur entrée en vigueur en janvier 2008 permet la distribution sans autorisation. Cela signifie que le propriétaire des droits peut s'opposer à la diffusion sur internet pendant quelques mois, et qu’elle devient gratuite ensuite. De toute façon, la diffusion sur internet est payante.» 
			(24) 
			Edgar Lersch, directeur
des archives du SWR TV-Archiv (Stuttgart), à l’occasion du colloque
Archimages/INP sur le thème «Cinéma et audiovisuel: quelles mémoires
numériques pour l’Europe?», INP, Paris, 2008.
57. Actuellement, de nouvelles voies de distribution via internet sont à l’étude, mais uniquement pour des programmes actuels et pas sur des émissions à caractère historique.

Des plans de numérisation indexés sur des collections phares

58. Au sein des offices publics de radiodiffusion, la politique de sauvegarde-numérisation est guidée par des nécessités techniques de préservation de contenus menacés par l'obsolescence des appareils de lecture et par la vétusté des supports. En outre, les chaînes publiques privilégient la numérisation des collections emblématiques de la radio-télévision. La numérisation obéit davantage à une question de formats de production qu'à une question de genre étant donné les coûts financiers inhérents à toute action de numérisation: sont ainsi privilégiées les émissions constituées de courtes séquences comme l'information et les magazines.
59. Enfin, les plans de numérisation se concentrent sur des programmes souvent réutilisés soit dans des nouvelles productions numériques, soit pour répondre aux nouveaux moyens de distribution du type «video podcasting» ou «vidéo à la demande».

4.4. Valorisation des archives audiovisuelles au Musée de la télévision (Berlin)

60. Inauguré en 2006, le Musée de la télévision à Berlin vient compléter la Deutsche Kinemathek et devient ainsi la première House of Moving Images en Europe. Inspiré du Museum of Television and Radio à New York, le musée se décline autour d’une exposition permanente sur l’histoire de la télévision allemande, des expositions thématiques, des séminaires et une salle de consultation équipée de bornes audiovisuelles. Pour la consultation, la "galerie des programmes" permet aux visiteurs de choisir parmi environ 3 400 émissions.
61. S’agissant des critères qui ont prévalu à la constitution de la collection, le Musée de la télévision a conclu un accord avec les chaînes publiques et privées (ARD, ZDF, RTL, Pro Sieben) lui permettant de copier des émissions selon des critères de sélection définis conjointement avec les chaînes: il s’agit des émissions qui ont enregistré le plus d’audimat ainsi que celles qui ont été récompensées par un prix (par exemple le Adolf Grimme Preis). Viennent s’ajouter les émissions politiques et d’actualité, les émissions emblématiques dans les domaines de la culture et de l’art, ainsi que l’exhaustivité de feuilletons télévisés célèbres comme Tatort, compte tenu de leur valeur de témoignage de l’histoire socioculturelle allemande.
62. Parmi les actions emblématiques du musée dont l’ambition est de transmettre le patrimoine audiovisuel à des fins culturelles, deux projets méritent d’être soulignés:
  • «Wir waren so frei» – Ce projet est une archive centralisée accessible via internet 
			(25) 
			<a href='http://www.wir-waren-so-frei.de/'>http://www.wir-waren-so-frei.de.</a> et dédiée à la révolution de 1989. Le musée a pu acquérir gratuitement les films d’auteurs privés et de témoins de cette période historique pour une utilisation non commerciale. Il est prévu d’enrichir cette archive avec les émissions des chaînes privées et publiques de la même époque si le musée obtient des licences d’exploitation à des fins non commerciales.
  • «First we take Berlin / Archivierung "24h – Berlin"» – Depuis 2010, le musée archive tous les rushs issus de tournages 24h sur 24 de 11 équipes réparties sur l’ensemble de la capitale berlinoise. Le musée a également obtenu les droits d’exploitation à des fins non commerciales pour les matériaux d’accompagnement sonores. En partenariat avec des institutions culturelles nationales et internationales, ce projet vise à élaborer une archive vivante de la réalité sociale et culturelle berlinoise. Pour l’instant, ce projet est en cours de construction et les images collectées doivent être encore indexées dans des moteurs de recherche pertinents.

5. La révolution internet et la mise en ligne des archives audiovisuelles

5.1. Le dépôt légal du web à l’Ina: enjeux et perspectives

63. Dans la prolongation du dépôt légal de l’audiovisuel de 1992, le législateur a confié la mise en œuvre d’un dépôt légal du web à l’Ina et à la Bibliothèque nationale de France. Cette mission, inscrite dans la loi du 1er août 2006, vient enrichir les collections de la radio et de la télévision. Pour sa part, l’Ina collecte, indexe et met à disposition les sites français relevant des médias audiovisuels alors que la Bibliothèque nationale de France se charge de l’archivage des autres domaines du web. A ce jour, les collectes menées sur l'ensemble du domaine web médias délimitent un périmètre de plus de 7 000 sites, dominé par les sites édités par des diffuseurs et groupes média et les sites qui les documentent (blog, sites de fans, etc.). Les premières collectes expérimentales du domaine de l’Ina ont été lancées début 2009.

Mise en œuvre technique de la collecte

64. Les sites sont captés par l’outil WebCollecte à des fréquences et des profondeurs variables selon leur profil déterminé en fonction de leur fréquence de mise à jour observée et de leur taille. Ainsi, les pages d’accueil des sites les plus actifs sont captées plusieurs fois par jour (TF1, France 2, etc.), alors que les pages les plus profondes des sites les moins actifs ne sont captées qu’une fois par an (Skyblog, etc.).
65. La difficulté réside dans le fait que le web est construit sur une logique d’interaction puisque la consultation d’un site web suit en permanence un cheminement de questions/réponses et chaque contenu envoyé par le site fait écho à une requête de l’utilisateur. La collecte complète d’un site web à un moment donné correspond ainsi à la copie de l’ensemble des réponses reçues à chacune des interactions possibles.

Approche multi-crawler

66. Pour s'adapter aux contenus à interaction riche, WebCollecte utilise en parallèle plusieurs types de robots de collectes, aux capacités différentes. Cette méthode permet d'augmenter la qualité globale de l'archive en recoupant les qualités de chaque robot utilisé.

La consultation

67. La consultation du web est désormais pleinement intégrée à la station de lecture audiovisuelle du dispositif de consultation à l’Inathèque et sera déployée en région dans le cadre de la décentralisation de la consultation.
68. La création du dépôt légal du web constitue un véritable défi car les contenus sur le web ne possèdent pas d’unité documentaire stable alors que l’archivage relève d’une logique de fixation des contenus et de définition documentaire: les contenus sont archivés dans une version de référence et selon une délimitation donnée. La difficulté consiste alors à fonder cette documentarisation sur la nature des contenus et l’exploitation visée. Au-delà des difficultés techniques, ce projet répond à la volonté de «civiliser» l'internet et la culture numérique en la cartographiant puisque désormais l'internet est un acteur essentiel de notre histoire.

5.2. La mémoire du web: statut et nouveaux usages

69. Même si l’internet est un outil extraordinaire au service de la connaissance, le web se caractérise avant tout par le règne de l’éphémère: nouveauté des logiciels, des applications, des formats d’écriture, l’évolution technologique perpétuelle nourrit la vitalité du réseau mais fragilise aussi la conservation de l’archive numérique. Sans traitement, ni migration, un e-contenu actuel sera illisible dans 10 ans.
70. Puisque cette amnésie numérique représente une menace sociale, il est essentiel que les missions d’intérêt public soient renforcées, comme les projets de dépôt légal appliqué au web. La fondation américaine «Internet Archive» qui collecte le web mondial en pratiquant des campagnes de capture aléatoire est un exemple de dérive de privatisation de la mémoire collective. Il est nécessaire que des coopérations entre e- acteurs se développent afin de contrebalancer la multiplication d’initiatives privées souvent synonymes de rentabilisation économique 
			(26) 
			Dans le domaine du
patrimoine écrit, l’annonce en décembre 2010 par Google de la création
de la première bibliothèque universelle avec 15 millions de livres
en ligne est édifiante. Au projet philanthropique d’une bibliothèque universelle
s’est substituée une librairie en ligne «Google books» proposant
3 millions d’ouvrages, les 12 millions restants étant qualifiés
d’œuvres orphelines puisque numérisées au mépris de la législation
sur les droits d’auteur. Cela montre que la numérisation soulève
aussi des défis juridiques énormes, notamment en matière du respect
du droit d’auteur..
71. Par ailleurs, face à l’émergence d’une génération de contenu produit par les utilisateurs (user-generated contents) représentée par YouTube et Dailymotion, la culture audiovisuelle légitimée (par les institutions publiques de la mémoire) est contrebalancée par des consommateurs d’images devenus eux-mêmes producteurs de mémoire en puissance. Bien qu’intéressant, ce phénomène ne doit pas faire oublier que ce qui différencie l’approche des contenus sur le web (étant bien souvent des fragments) de ceux proposés par les archives ou les bibliothèques réside dans la qualité documentaire et les niveaux d’indexation.

5.3. Le rôle des politiques publiques dans l’organisation des savoirs audiovisuels

72. Les institutions patrimoniales se définissent aujourd’hui de plus en plus en termes d’activités et non plus de stockage.
73. L’exemple de l’Ina est édifiant puisque, depuis 2005, cette institution n’est plus du tout un conservatoire d’archives mais une entreprise qui a fortement modifié son image de marque auprès de tous les publics.
74. De manière générale, l’émergence des réseaux a conduit les institutions patrimoniales à se situer désormais davantage du côté de l’usager et de ses pratiques. Cela signifie qu’elles sont la porte d’entrée vers les contenus culturels en développant des interfaces dynamiques entre les usagers et la connaissance, en s’appuyant sur des outils collaboratifs et des dispositifs de médiation.
75. L’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou a développé un logiciel «Lignes de temps» qui permet à l’usager d’annoter un film, de partager ses annotations en accédant aux critiques de cinéma sur un même film. Il y a fort à parier que ces dispositifs de médiation seront au cœur des pratiques des archives audiovisuelles dans les années à venir.
76. Puisque désormais l’histoire passe par l’écran plutôt que par le texte, il est important d’organiser les connaissances pour produire du sens, cela afin de lutter contre l’indigence de certains contenus notamment dans le domaine de l’image animée (bandes vidéo amateurs...) qui caractérise la culture numérique. Cela doit être au cœur des politiques publiques: les archives audiovisuelles doivent développer de nouvelles stratégies de balisage de cette mémoire audiovisuelle comme clés de lecture et organiser des parcours dans cette mémoire afin de garantir l’appropriation des savoirs audiovisuels. Ces nouveaux repères doivent être culturels, organisés et pensés, et ne peuvent être confiés aux moteurs de recherche obéissant à une hiérarchisation des savoirs souvent aléatoire.

5.4. La voie à suivre

77. Même si l’internet est un outil extraordinaire au service de la connaissance, le web se caractérise avant tout par le règne de l’éphémère: la nouveauté des logiciels, des applications, des formats d’écriture, et l’évolution technologique perpétuelle nourrissent la vitalité du réseau mais fragilisent aussi la conservation de l’archive numérique. Sans traitement, ni migration, un e-contenu actuel sera illisible dans 10 ans.
78. L’émergence des réseaux a conduit les institutions patrimoniales à se situer désormais davantage du côté de l’usager et de ses pratiques. Cela signifie qu’elles sont la porte d’entrée vers les contenus culturels en développant des interfaces dynamiques entre les usagers et la connaissance, en s’appuyant sur des outils collaboratifs et des dispositifs de médiation.
79. Des «centres de mémoire» européens pourraient être créés afin de valider les technologies de pointe dans le domaine de l’archivage numérique et les concepts issus de la recherche. Ces centres de compétences devraient pouvoir mobiliser les connaissances des spécialistes issus des entreprises, des bibliothèques, des archives et des universités. Il faut renforcer les efforts dans le domaine de la préservation sur le long terme des contenus numériques: la préservation du contenu numérique doit être partie intégrante de toute politique de numérisation pour être durable et économiquement viable.