1. Introduction
1.1. Origine
du rapport
1. Le présent rapport part du
constat que les radiodiffuseurs de service public, tout comme les
diffuseurs commerciaux, ont accumulé un volume considérable de ressources
audiovisuelles qui ne sont pas toujours systématiquement archivées
de manière à garantir leur conservation. Comme les nouvelles technologies numériques
permettent aujourd'hui de copier des matériels audiovisuels sur
de nouveaux supports, il faut que les Etats soutiennent ce type
de préservation tout en concevant des politiques visant à les mettre
à la disposition du grand public. La proposition de recommandation
à l’origine du rapport
invite les Etats
membres à signer et à ratifier la Convention européenne relative
à la protection du patrimoine audiovisuel (STE n° 183) et recommande
aux Etats et aux sociétés de médias de coopérer à des projets visant
à ce que des prestataires internet et des bibliothèques mettent
en ligne des livres et ouvrages de la presse écrite sur internet
afin de protéger effectivement le patrimoine audiovisuel européen.
2. Ce rapport a pour but d’examiner la situation en matière de
préservation du patrimoine culturel audiovisuel et la façon dont
les pratiques dans ce domaine sont liées à des valeurs fondamentales
en garantissant l'égalité d'accès aux ressources audiovisuelles,
l'information et la liberté d'expression, et le respect des cadres
juridiques. Des exemples de bonnes pratiques dans les Etats membres
seront étudiés en vue de faire des recommandations qui pourraient
être mises en œuvre dans un contexte plus vaste.
1.2. Méthodologie
3. Cet exposé des motifs est,
en grande partie, fondé sur un rapport de synthèse élaboré par Mme Catherine
Saracco (expert, Strasbourg), en prenant pour fil conducteur les
questions et problèmes recensés. Je lui suis très reconnaissante
de son engagement.
4. La première partie du rapport comprend une description des
défis auxquels doit faire face la préservation du patrimoine audiovisuel
et une explication des projets de la Commission européenne sur la
numérisation du patrimoine audiovisuel et de son travail sur le
patrimoine cinématographique. Ensuite, trois exemples de bonnes
pratiques nationales mettent en exergue le travail de l'Institut
national de l'audiovisuel (Ina) français, le réseau suisse pour
la sauvegarde des archives audiovisuelles, «Memoriav», et la cinémathèque
allemande «Deutsche Kinemathek: Museum für Film und Fernsehen».
Le rapport étudie enfin les implications et les défis de la «révolution
internet» ainsi que les réponses à ces défis, notamment le rôle
des politiques publiques dans l'organisation des connaissances audiovisuelles
sur internet. Les recommandations indiquent des pistes pour les
futures politiques nationales et la coopération internationale dans
ce domaine.
2. Les défis de la préservation du patrimoine
audiovisuel
5. Aujourd’hui, la question de
la numérisation des contenus culturels est au cœur des préoccupations
de nombreux organismes traditionnellement responsables de la sauvegarde
des collections audiovisuelles (diffuseurs, instituts de recherche,
bibliothèques, musées, archives, etc.). Ces institutions se retrouvent confrontées
à des défis d'ordre organisationnel, technique et juridique en prenant
la responsabilité de la migration des formats analogiques vers des
formats numériques.
6. Les chantiers de numérisation répondent à des enjeux majeurs
liés à l’exercice même de la culture démocratique: sauvegarder des
pans entiers de l’histoire audiovisuelle
menacée
par l'obsolescence technique et la détérioration physique des collections,
accroître les volumes sauvegardés et valoriser le patrimoine audiovisuel
en garantissant un accès plus large au public. Le présent rapport
examine les stratégies déployées par les archives audiovisuelles
en France, en Allemagne et en Suisse afin de répondre aux défis
de la numérisation. Que signifie de passer d’une mémoire analogique
qui se dégrade à une nouvelle mémoire soi- disant immortelle, plus
exhaustive et sans vrais critères de sélection? Comment ces institutions
assurent-elles une conservation pérenne de leurs archives et reconsidèrent-elles
l’accès à leurs ressources?
7. Par ailleurs, la numérisation s’est accompagnée d’une bataille
généralisée des contenus avec l’apparition de la «convergence technologique»
dès 2006. Avec l’inflation
des contenus audiovisuels sur le web, les serveurs et internet se
retrouvent désormais au cœur même du système d’archive. Le périmètre
des archives audiovisuelles s’en trouve profondément modifié, ayant
été jusqu’ici cantonné aux activités de stockage, de sauvegarde,
d’indexation et de mise à disposition – souvent restreinte – des
ressources. Aujourd’hui, les archives audiovisuelles basculent d’un
système «d’archive-stock» à un système «d’archive- flux». Aussi
voit-on émerger de nouvelles activités comme la mise en ligne des
archives de télévision ou encore la production ciblée de contenus
éducatifs et culturels. Nous montrerons en quoi ces développements répondent
à des usages de plus en plus spécifiques liés à l’image, où les
interfaces dynamiques entre les usagers et les contenus audiovisuels
jouent un rôle croissant.
8. Enfin, face au caractère extrêmement volatil des contenus
audiovisuels, l’institutionnalisation de politiques de mémoire est
plus que jamais essentielle. La mémoire audiovisuelle du web revêt
désormais une valeur patrimoniale qui justifie une extension des
réglementations de type dépôt légal. Cela implique par ricochet
de mettre en œuvre une organisation culturelle des savoirs audiovisuels
que seules les politiques publiques peuvent porter.
3. Etat
des lieux des initiatives européennes en matière de sauvegarde du
patrimoine audiovisuel
9. La volonté de définir un cadre
législatif favorisant l’accès au patrimoine audiovisuel débute dans
les années 1970. La préservation des sources audiovisuelles comme
partie intégrante du patrimoine culturel s’affirme comme objectif
primordial d’organisations internationales telles que l’UNESCO ou
la Fédération internationale des archives de télévision (FIAT/IFTA)
. L’une des dispositions principales
de la recommandation pour la sauvegarde et la conservation des images
en mouvement, adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO en
1980, vise à instituer des systèmes de dépôt légal de la production
nationale d’images en mouvement.
10. Depuis les années 1990, l’Union européenne ainsi que le Conseil
de l’Europe ont intégré à leur tour les sources audiovisuelles au
sein du patrimoine culturel européen et définissent ensemble des
règles particulières pour l’application d’un système de dépôt légal
. En 2001, le Conseil de l’Europe
a adopté la Convention européenne relative à la protection du patrimoine
audiovisuel (STE n° 183), entrée en vigueur le 1er janvier
2008. Organisée autour du principe du dépôt légal obligatoire pour
les images en mouvement, la convention insiste sur la nécessaire
mise à disposition de ces matériels pour des consultations à des
fins scientifiques ou de recherches, tout en respectant les réglementations
internationales et nationales en matière de droits d'auteurs. Cette
convention et son Protocole sur la protection des productions télévisuelles
(STE n° 184) sont les premiers instruments internationaux contraignants
qui instituent une systématisation de l'archivage des œuvres audiovisuelles.
3.1. Projets
de la Commission européenne sur la numérisation du patrimoine audiovisuel
11. Entamé le 1er février
2004, PrestoSpace
est un ambitieux projet européen
coordonné par l'Institut national de l’audiovisuel français. Les
recherches entreprises par les 34 partenaires issus de neuf pays
ont permis d’accélérer la sauvegarde du patrimoine audiovisuel mondial
à grande échelle selon les critères de qualité, de rapidité et de
réduction des coûts.
12. L’accent a été mis sur l’intégration des facteurs économiques
dans la mise en œuvre des services de sauvegarde. Compte tenu du
fait que les principaux détenteurs d'archives, comme les diffuseurs,
avaient déjà commencé à numériser leurs vastes collections, à des
coûts très élevés et en utilisant des technologies complexes, il
était nécessaire de s'orienter vers une approche globale et concertée
de type «usine de sauvegarde»: l'approche «usine» est approximativement
50 % meilleur marché que l'approche «à la demande».
13. Le projet a permis de développer des systèmes intégrés et
des solutions techniques pour la sauvegarde en numérique de tous
types de collections audiovisuelles pour une exploitation et une
diffusion plus large aux professionnels ainsi qu'au grand public.
14. Dans le sillage de PrestoSpace, le projet PrestoPRIME
vient d’être développé, se focalisant
sur la permanence des collections, une fois numérisées.
15. PrestoPRIME développe des solutions pratiques pour la préservation
à long terme des collections numériques de médias et l’amélioration
de l’accès aux contenus numériques, sachant que la technologie de l'information
qui contient et distribue ces contenus évolue sans cesse (que ce
soit les données elles-mêmes ou la technologie d’accès).
16. En ce qui concerne la préservation à long terme, PrestoPRIME
mise sur la comparaison internationale des stratégies pour la conservation
audiovisuelle, y compris des approches polyvalentes d'émulation
et de migration, et la création d’un modèle de données standard
pour la conservation des contenus audiovisuels. Afin d’assurer l’accès
à long terme, PrestoPRIME développe des services pour suivre l’exploitation
des contenus audiovisuels en utilisant des techniques de prise d’empreinte
digitale (
fingerprinting)
et de documentation de la provenance des contenus audiovisuels.
La modélisation des droits associés aux contenus audiovisuels et
le développement de services répondant aux normes pour la gestion
des droits d'archives sont également des priorités. Enfin, est à
l’étude l’intégration des collections aux bibliothèques numériques
en ligne telle qu’Europeana
, la bibliothèque numérique publique
européenne lancée en 2008.
17. Notons que ces travaux ont débouché sur la création d’un centre
de compétence européen sur les technologies numériques de préservation
et de migration, PrestoCentre. Ce centre, géré en réseau, a pour objectif
de fournir des conseils sur les normes et des services numériques
avancés conjointement avec la European Digital Library Foundation.
3.2. Les
axes de travail de la Commission européenne sur le patrimoine cinématographique
18. S’agissant du patrimoine cinématographique,
la Direction générale de la société de l'information et des médias
de la Commission européenne a publié en 2010 un rapport
sur les stratégies numériques liées
au patrimoine cinématographique.
19. Ce rapport met en évidence la menace qui pèse sur ce patrimoine
puisqu’on estime que 80 % des films muets sont déjà perdus, ainsi
que les nouveaux films de l'ère numérique, étant donné l’obsolescence
des supports. L’Union européenne préconise ainsi la généralisation
des techniques de migration des contenus vers de nouveaux formats
ou supports pour la conservation et la consultation du patrimoine
cinématographique. L'interopérabilité des bases de données et des
catalogues cinématographiques européens dans le sens d’une plus
grande homogénéisation des pratiques de l'accès à ce patrimoine
est également fortement encouragée.
20. Dans ce contexte, le projet «European Film Gateway» (EFG)
mérite d’être souligné. Ce projet est la continuation du programme
MIDAS
(Moving Image Database for Access
and Re-Use of European Film Collections) que la Commission européenne
a piloté de 2006 à 2009.
21. Le principal objectif du projet MIDAS était de faire converger
les bases de données de 18 archives de films vers un seul point
d’accès en veillant à standardiser les catalogues de films et les
systèmes documentaires. Cependant, avec l’évolution d’internet,
les usagers (programmateurs, étudiants, chercheurs, directeurs de
festivals, etc.) ne se satisfont plus de l’accès à des catalogues:
ils souhaitent pouvoir accéder à des films ou extraits de films
numérisés, si possible gratuitement et à partir de chez eux: «Le
projet EFG se distingue du projet MIDAS en ce qu’il vise à donner
aux utilisateurs à travers le monde la possibilité de rechercher
et de visionner les archives numérisées à domicile sur internet.
Par ailleurs, alors que le projet MIDAS était orienté vers des collections
cinématographiques, EFG a une portée plus large qui comprend non seulement
les images animées, mais aussi d’autres éléments détenus dans des
archives filmographiques tels que les documents écrits et des images,
ou dans une moindre mesure les fichiers audio. Par conséquent, l’objectif
nouveau de l’EFG par rapport à MIDAS est la constitution d’une «vitrine»
pour les collections d’archives filmographiques et cinématographiques
européennes»
.
22. En tant que portail web pour les contenus numériques des archives
cinématographiques européennes, le projet EFG est aussi un agrégateur
de contenus destinés à alimenter Europeana.
23. Soulignons toutefois que la viabilité du projet EFG achoppe
encore sur la levée des droits puisque, aujourd’hui, la plupart
des archives de films européennes ne détiennent les droits que sur
une infime partie de leurs collections. Pour 80 % à 90 % des films,
seuls des accords avec les ayants droit permettront l’accès aux documents
cinématographiques à des fins culturelles. Dans la plupart des pays
européens, le réalisateur, le directeur de la photographie ou encore
le scénariste sont considérés comme créateurs d'une œuvre cinématographique
et détiennent
ipso facto les
droits sur le film. Ajoutons à cela le fait qu’en Europe
les
droits d'auteur expirent généralement soixante-dix ans après la
mort du dernier auteur survivant, ce qui restreint considérablement
l’accès aux œuvres cinématographiques. Par ailleurs, la documentation
régulière des droits, souvent longue et coûteuse en raison d'une
multitude de titulaires de droits d'une œuvre cinématographique, n’est
pas une pratique partagée par l’ensemble des archives ou cinémathèques
européennes.
24. Des recommandations européennes en matière de droit d’auteur
sont donc indispensables: certains mécanismes juridiques permettant
au producteur d’un film d'accorder des droits d'utilisation à des
fins non commerciales pour une institution publique
chargée
du patrimoine cinématographique sont à l’étude.
4. Les
archives audiovisuelles à la croisée des dimensions: mise en perspective
des pratiques et des réflexions
4.1. L’Institut
national de l’audiovisuel (Ina)
4.1.1. Conséquences
des chantiers de numérisation
25. A partir de la fin des années
1990, un certain nombre d’évolutions se sont produites au sein de
l’Ina. La plus importante a été le colossal projet de transfert
d’un million et demi d’heures de radio et de télévision de l’analogique
au format numérique, permettant ainsi la sauvegarde et l’accès à
ce fonds unique. Désormais, plus de 50 % du fonds patrimonial est
numérisé.
26. Ce vaste chantier de numérisation a posé d’abord des questions
techniques: étant donné que les supports numériques offrent de piètres
garanties en matière d’archivage à long terme
,
l’Ina a évolué d’une priorité de préservation et de restauration
des supports vers une priorité de sauvegarde des contenus. Puisqu’à l’ère
du numérique la survie du contenu ne dépend plus de la pérennité
de son support
, l’Ina a misé sur la migration technologique.
Les informations étant transmissibles et duplicables à volonté sans
dégradation, il suffit de les faire migrer d’un contenant à un autre
pour en assurer la survie. Cependant, même si dans le domaine de
la conservation d’informations numériques à long terme, le choix
de la migration des données reste la solution la plus partagée,
«la prudence conseille de n’engager l’exercice de la migration que
lorsque le saut technologique est important, de conserver les matériels
et les données sur une ou deux générations technologiques et d’exercer
une gestion serrée des systèmes et des formats»
.
27. Il était logique que ce chantier de numérisation aboutisse
à la mise en ligne des archives de l’Ina en 2006 grâce au site
www.ina.fr. Jusque-là réservées à l'usage des professionnels et des
chercheurs (par le biais du dispositif de dépôt légal de l’audiovisuel
voté en 1992), ces archives sont désormais accessibles au grand public.
L’Ina
est
désormais la première banque d'images et de sons numérisés au monde.
Ce sont plus de 100 000 émissions (soit un total de 10 000 heures
de
programmes) sélectionnées parmi les grands moments de radio et télévision
qui peuvent être téléchargées et visionnées gratuitement sur internet.
28. Depuis 2006, plus de 20 millions d’internautes ont visité
ce site qui propose une offre référencée et cataloguée par moteur
de recherche, mots-clés associés, ou via un espace personnalisé,
et un partage: le succès de ce site montre que ce patrimoine numérisé
rencontre un appétit de mémoire chez le public.
29. Notons qu’environ 80 % des contenus sont visibles gratuitement,
le reste peut être visionné en location ou téléchargé définitivement,
selon une grille tarifaire allant de 1 euro pour les programmes
courts à 12 euros pour les émissions ou les séries les plus longues.
Sur les revenus ainsi générés, 46 % seront reversés aux ayants droit,
32 % réinvestis par l'Ina dans la numérisation et la valorisation
du patrimoine audiovisuel, et 22 % doivent couvrir les différents
frais financiers (TVA et autres taxes).
30. S’agissant de la protection des droits d’auteur sur internet,
l’Ina s’est doté d’un système de tatouage vidéo et d’une protection
supplémentaire avec un système de gestion numérique des droits (DRM)
afin de sécuriser les contenus. Au moment de l’achat d’un fichier,
un code spécifique contenant le numéro de commande de l'internaute
est inséré dans les images. Cette solution de traçage des œuvres
permet de prévenir la diffusion des contenus sur les réseaux peer-to-peer.
31. Grâce à son volet recherche et développement, l’Ina a accompagné
sa politique de numérisation de recherches très poussées sur la
normalisation audiovisuelle: le développement de la norme MPEG-7 permettant
l’indexation automatique des documents audiovisuels permet de garantir
plus de cohérence dans l’accès aux documents. On retrouve cette
exigence de qualité documentaire grâce à la mise au point de logiciels
permettant l’extraction d’informations dans des grandes masses de
données, la structuration et la navigation dans les documents audiovisuels
ou encore l’annotation partagée de document. Cela constitue toute
une série d’axes de travail dans lequel le numérique constitue la
porte d’entrée vers de nouveaux usages liés à l’image.
4.1.2. Diversification
des actions de mise en valeur du patrimoine audiovisuel
32. L’essor des réseaux a conduit
l’Ina à évoluer d’une mission de sauvegarde de ses archives à une mission
de services. Cela correspond de manière générale à un repositionnement
des institutions patrimoniales non plus en termes de stockage, mais
de plus en plus en termes d’activités de diffusion en direction
des usagers.
33. L’Ina est donc une entreprise qui intervient sur l’ensemble
de la chaîne numérique: de la conservation de ses archives – qui
est sa mission principale – en passant par la valorisation et la
diffusion de son patrimoine.
34. S’agissant de la valorisation, l’Ina a développé des activités
de formation professionnelle et de recherche. Grâce à Ina SUP
, pôle européen des sciences et métiers
de l'image et du son, l’Ina joue un rôle fondamental dans la transmission
des savoirs audiovisuels.
35. Dans le contexte du développement de sa mission de recherche,
l’Ina a lancé en 2010 une revue web InaGlobal dont
l’objectif est de se consacrer aux médias et aux industries créatives
en se situant dans une perspective de long terme et une réflexion
de fond. Dotée d’une équipe de plus de 400 spécialistes de 30 pays, cette
revue entend questionner les évolutions des industries de contenu
prises au sens large – du cinéma aux mangas, en passant par internet,
la télévision, le jeu vidéo, l’édition et la presse.
36. Par ailleurs, l’Ina a développé plusieurs lignes éditoriales
en proposant l’intégralité de 440 numéros cultes d’
Apostrophes sur
www.babelio.com, l’une des plateformes collaboratives pour les amoureux
de la lecture. L’Ina a également monté un partenariat avec la chaîne
de télévision LCP-AN pour deux nouveaux concepts d’émissions:
Ca va, ca vient ou comment un sujet
a évolué au fil des ans et
Filigranes sur
les relations entre culture et politique vues par des personnalités
du monde des arts. L’Ina est aussi impliquée dans des activités
de production en participant à une soixantaine de films par an,
essentiellement des documentaires.
37. Notons enfin que l’Ina a su tirer profit de la convergence
technologique en signant un partenariat avec Dailymotion, permettant
aux internautes d’accéder à plus de 50 000 vidéos d’archives, notamment
tous les journaux télévisés français de 1971 à 2008 ainsi que des
extraits de programmes (fiction, humour, jeux, magazines, etc.).
En positionnant l’hébergeur comme vitrine de vidéos, l’Ina mise
nettement sur la diversification des services et produits audiovisuels
dans la mesure où, avec cet accord, l’audience des vidéos de l’Ina
est élargie en direction des plus jeunes. Ce fonds de vidéo est
accessible sur l’espace réservé à l’Ina sur le site de Dailymotion
ainsi que sur sa déclinaison mobile.
4.2. Memoriav:
réseau national pour la sauvegarde de la mémoire audiovisuelle suisse
4.2.1. Etat
des lieux des plans de numérisation
38. A la différence de l’Ina, Memoriav
est un réseau national pour la sauvegarde
de la mémoire audiovisuelle suisse qui a été créé sous forme d’association
en 1995 par les plus grandes institutions de production et d’archivage
de l’audiovisuel au niveau national. Les sept membres fondateurs
sont les Archives fédérales, la Bibliothèque nationale, la Phonothèque
et la Cinémathèque nationales, l’Office fédéral de la communication,
la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR) ainsi
que l’Institut suisse pour la conservation de la photographie. S’ajoutent
à ce premier cercle 160 membres collectifs tels que des archives, bibliothèques
et musées des 26 cantons de la Confédération suisse.
39. Memoriav s’est vu confier la sauvegarde et la mise en valeur
du patrimoine audiovisuel suisse par la confédération à travers
un mandat de prestation de l’Office fédéral de la culture.
40. Le financement est réglé par la loi fédérale sur le financement
de Memoriav de 2006. De fait, l’association a pour mission d’initier
des projets de conservation, de restauration, de catalogage et de numérisation
(dans certains cas), et de mise en valeur de fonds audiovisuels
avec comme partenaires des institutions publiques et privées détentrices
de fonds audiovisuels. Memoriav se définit avant tout comme un réseau
de compétences et de coordination entre les institutions du patrimoine
et les spécialistes de la restauration et de la conservation des
documents audiovisuels.
41. S’agissant de la constitution et de la mise à disposition
des collections audiovisuelles suisses, les bases légales restent
encore assez peu développées: en effet, la Suisse ne connaît pas
de dépôt légal et seulement trois cantons de Suisse romande ont
une disposition légale de ce type dont une seule inclut explicitement l’audiovisuel.
Afin d’œuvrer en faveur de la conservation des archives de télévision,
Memoriav a travaillé, depuis sa création, en étroite collaboration
avec les archives des trois télévisions publiques de langue allemande,
française et italienne, afin de sauvegarder l’émission principale
d’information de la télévision suisse le Téléjournal sur
les supports film 16 mm et U-matic.
42. Ce n’est qu’en 1990 que les «téléjournaux» ont été enregistrés
et archivés intégralement. Jusqu’en 1980 un seul téléjournal était
produit en trois langues; dès 1981, la Télévision suisse romande
produisait son propre téléjournal, suivie en 1987 par la Suisse
italienne. Les films 16 mm et les U-matic furent copiés sur des cassettes
Digibeta en deux exemplaires, l’une conservée aux archives de la
télévision, l’autre aux Archives fédérales
à
Berne, accompagnée d’un fichier de métadonnées.
43. Memoriav garantit l’accès aux archives grâce à la banque de
données Memobase
qui permet une recherche thématique
à travers les collections et donne également accès aux fichiers
descriptifs de plus de 200 000 documents audiovisuels. Cependant,
la consultation reste jusqu’à aujourd’hui limitée à la salle de lecture
des Archives fédérales.
44. Les téléjournaux produits sur BetaSP et Digibeta après 1989
sont actuellement numérisés dans le cadre du projet de numérisation
de masse «Beta-Suisse», organisé et financé par les trois télévisions
sans l’appui de Memoriav.
45. Les projets de Memoriav avec les télévisions se concentrent
pour l’essentiel sur les informations régionales et les magazines
télévisés comme Temps Présent ou Carrefour pour ne citer que les
plus connus en langue française.
46. A l’heure actuelle, Memoriav poursuit sa collaboration avec
les trois télévisions suisses avec comme priorité la numérisation
des fonds historiques sur 16 mm en choisissant des émissions de
préférence dans les domaines de l’information et de la culture.
Avec l’abandon de la copie sur cassette, les fichiers MPEG sont stockés
sur les serveurs des télévisions et seules les métadonnées sont
transférées sur la plateforme Memobase. Ces métadonnées contiennent
un lien vers le serveur permettant à l’utilisateur d’y accéder,
cela dans un environnement protégé grâce à l’aménagement de places
de travail dans des institutions publiques.
4.2.2. Présentation
de projets de diffusion du patrimoine
47. S’agissant du volet diffusion
et sensibilisation au patrimoine audiovisuel suisse à des fins culturelles, Memoriav
organise des projections commentées de films historiques du domaine
de la non-fiction et participe régulièrement à des manifestations
à caractère scientifique.
48. Elle est aussi à l’initiative d’un grand projet de numérisation
des journaux télévisés et magazines politiques des trois chaînes
linguistiques de la télévision suisse, intitulé «Information politique».
Ce projet a consisté à numériser l’intégralité de ces émissions
depuis 1950 jusqu’à nos jours. Celles-ci sont consultables dans
une salle de visionnement aux Archives fédérales, de même que les
métadonnées ont été revues, complétées et mise à disposition en
accès libre.
49. Par ailleurs, Memoriav utilise son site à la fois pour documenter
ses activités et mettre ses services à disposition. Elle accorde
une large importance aux manifestations publiques afin de sensibiliser
et faire connaître son travail auprès des décideurs politiques.
Une des actions emblématiques est sans doute la série de manifestations
réunies sous le titre «Réalités suisses» où Memoriav montre chaque
année dans différentes villes suisses des documents audiovisuels
sur un sujet d’actualité politico-culturelle tandis que des experts
et des témoins commentent les documents historiques.
4.3. Richesses
et complexités de la mémoire audiovisuelle en Allemagne
4.3.1. Retour
sur la question de la numérisation et de l’accès aux archives
50. A la différence de la France,
l’Allemagne n’a pas de système de dépôt légal. Etant donné que le
secteur audiovisuel est autonome vis-à-vis des prérogatives de l’Etat,
la conservation définitive des archives audiovisuelles incombe directement
aux chaînes publiques et privées. Le patrimoine audiovisuel se répartit entre
les deux archives de radiodiffusion allemande «Deutsches Rundfunkarchiv»
(DRA), l’une située à Francfort (avec essentiellement des fonds
sonores), l’autre à Potsdam Babelsberg qui conserve les archives de
télévision de l’ex-RDA.
51. Cependant, les archives de la télévision publique depuis 1949
sont conservées au sein même des organismes publics de radiodiffusion
de l’ARD. ZDF est gestionnaire de ses propres archives ainsi que
les chaînes privées (RTL, Pro Sieben).
52. Voici quelques éléments constitutifs du patrimoine audiovisuel
allemand:
La création d’une archive nationale
allemande de l’audiovisuel: véritable gageure!
53. Cela tient au fait que le modèle
culturel allemand rend très difficile voire impraticable la création d’institutions
culturelles centralisées. Par conséquent, l’Allemagne défend une
culture de l’archive davantage horizontale et centrifuge. Le fait
que, pour des raisons historiques, le domaine audiovisuel soit séparé
de la sphère politique est également un obstacle à la création d’une
archive nationale.
La difficile légalisation de
l’accès aux archives à des fins culturelles
54. La revendication d’autonomie
des offices publics de radiodiffusion a freiné l’accès aux archives
de télévision: les chaînes considèrent que leur mission originaire
est celle «d’archives de production» (Produktionsarchive)
destinées à alimenter leurs propres programmes avant d’être des
prestataires de services.
55. Bien que les télévisions allemandes aient souscrit aux obligations
de la Convention européenne du Conseil de l'Europe relative à la
protection du patrimoine audiovisuel et qu’elles aient garanti un
accès à leurs collections à des fins culturelles et scientifiques,
la convention n’a pas, à ce jour, été ratifiée par le Parlement allemand.
56. Voici comment Edgar Lersch, directeur des archives de télévision
du SWR TV-Archiv, décrit la situation du point de vue des droits
d'auteur:
«Les
conditions actuelles d’accès aux archives télévisuelles allemandes
se caractérisent par le fait qu’il n’est pas encore possible de
regarder des programmes de télévision historiques sur internet.
Même la législation allemande sur les droits d’auteur interdit la
distribution des programmes sans l’autorisation de chaque détenteur
de droits. L’autorisation de chacun doit être sollicitée jusqu’au
moment de la conclusion du contrat sur la licence de diffuser entre
les auteurs, producteurs et autres, et les institutions de diffusion.
La nouvelle loi sur les droits d’auteur entrée en vigueur en janvier
2008 permet la distribution sans autorisation. Cela signifie que
le propriétaire des droits peut s'opposer à la diffusion sur internet
pendant quelques mois, et qu’elle devient gratuite ensuite. De toute
façon, la diffusion sur internet est payante.»
57. Actuellement, de nouvelles voies de distribution via internet
sont à l’étude, mais uniquement pour des programmes actuels et pas
sur des émissions à caractère historique.
Des plans de numérisation indexés
sur des collections phares
58. Au sein des offices publics
de radiodiffusion, la politique de sauvegarde-numérisation est guidée
par des nécessités techniques de préservation de contenus menacés
par l'obsolescence des appareils de lecture et par la vétusté des
supports. En outre, les chaînes publiques privilégient la numérisation
des collections emblématiques de la radio-télévision. La numérisation
obéit davantage à une question de formats de production qu'à une
question de genre étant donné les coûts financiers inhérents à toute
action de numérisation: sont ainsi privilégiées les émissions constituées
de courtes séquences comme l'information et les magazines.
59. Enfin, les plans de numérisation se concentrent sur des programmes
souvent réutilisés soit dans des nouvelles productions numériques,
soit pour répondre aux nouveaux moyens de distribution du type «video podcasting»
ou «vidéo à la demande».
4.4. Valorisation
des archives audiovisuelles au Musée de la télévision (Berlin)
60. Inauguré en 2006, le Musée
de la télévision à Berlin vient compléter la Deutsche Kinemathek
et devient ainsi la première House of
Moving Images en Europe. Inspiré du Museum of Television
and Radio à New York, le musée se décline autour d’une exposition
permanente sur l’histoire de la télévision allemande, des expositions
thématiques, des séminaires et une salle de consultation équipée
de bornes audiovisuelles. Pour la consultation, la "galerie des
programmes" permet aux visiteurs de choisir parmi environ 3 400
émissions.
61. S’agissant des critères qui ont prévalu à la constitution
de la collection, le Musée de la télévision a conclu un accord avec
les chaînes publiques et privées (ARD, ZDF, RTL, Pro Sieben) lui
permettant de copier des émissions selon des critères de sélection
définis conjointement avec les chaînes: il s’agit des émissions
qui ont enregistré le plus d’audimat ainsi que celles qui ont été
récompensées par un prix (par exemple le Adolf Grimme Preis). Viennent
s’ajouter les émissions politiques et d’actualité, les émissions
emblématiques dans les domaines de la culture et de l’art, ainsi
que l’exhaustivité de feuilletons télévisés célèbres comme Tatort, compte tenu de leur valeur
de témoignage de l’histoire socioculturelle allemande.
62. Parmi les actions emblématiques du musée dont l’ambition est
de transmettre le patrimoine audiovisuel à des fins culturelles,
deux projets méritent d’être soulignés:
- «Wir waren so frei» –
Ce projet est une archive centralisée accessible via internet et dédiée à la révolution de 1989.
Le musée a pu acquérir gratuitement les films d’auteurs privés et
de témoins de cette période historique pour une utilisation non
commerciale. Il est prévu d’enrichir cette archive avec les émissions
des chaînes privées et publiques de la même époque si le musée obtient
des licences d’exploitation à des fins non commerciales.
- «First we take Berlin / Archivierung "24h – Berlin"» –
Depuis 2010, le musée archive tous les rushs issus de tournages
24h sur 24 de 11 équipes réparties sur l’ensemble de la capitale
berlinoise. Le musée a également obtenu les droits d’exploitation
à des fins non commerciales pour les matériaux d’accompagnement
sonores. En partenariat avec des institutions culturelles nationales
et internationales, ce projet vise à élaborer une archive vivante
de la réalité sociale et culturelle berlinoise. Pour l’instant,
ce projet est en cours de construction et les images collectées
doivent être encore indexées dans des moteurs de recherche pertinents.
5. La
révolution internet et la mise en ligne des archives audiovisuelles
5.1. Le
dépôt légal du web à l’Ina: enjeux et perspectives
63. Dans la prolongation du dépôt
légal de l’audiovisuel de 1992, le législateur a confié la mise
en œuvre d’un dépôt légal du web à l’Ina et à la Bibliothèque nationale
de France. Cette mission, inscrite dans la loi du 1er août 2006,
vient enrichir les collections de la radio et de la télévision.
Pour sa part, l’Ina collecte, indexe et met à disposition les sites
français relevant des médias audiovisuels alors que la Bibliothèque
nationale de France se charge de l’archivage des autres domaines
du web. A ce jour, les collectes menées sur l'ensemble du domaine
web médias délimitent un périmètre de plus de 7 000 sites, dominé
par les sites édités par des diffuseurs et groupes média et les
sites qui les documentent (blog, sites de fans, etc.). Les premières
collectes expérimentales du domaine de l’Ina ont été lancées début
2009.
Mise en œuvre technique de la
collecte
64. Les sites sont captés par l’outil
WebCollecte à des fréquences et des profondeurs variables selon
leur profil déterminé en fonction de leur fréquence de mise à jour
observée et de leur taille. Ainsi, les pages d’accueil des sites
les plus actifs sont captées plusieurs fois par jour (TF1, France
2, etc.), alors que les pages les plus profondes des sites les moins
actifs ne sont captées qu’une fois par an (Skyblog, etc.).
65. La difficulté réside dans le fait que le web est construit
sur une logique d’interaction puisque la consultation d’un site
web suit en permanence un cheminement de questions/réponses et chaque
contenu envoyé par le site fait écho à une requête de l’utilisateur.
La collecte complète d’un site web à un moment donné correspond
ainsi à la copie de l’ensemble des réponses reçues à chacune des
interactions possibles.
Approche multi-crawler
66. Pour s'adapter aux contenus
à interaction riche, WebCollecte utilise en parallèle plusieurs
types de robots de collectes, aux capacités différentes. Cette méthode
permet d'augmenter la qualité globale de l'archive en recoupant
les qualités de chaque robot utilisé.
La consultation
67. La consultation du web est
désormais pleinement intégrée à la station de lecture audiovisuelle
du dispositif de consultation à l’Inathèque et sera déployée en
région dans le cadre de la décentralisation de la consultation.
68. La création du dépôt légal du web constitue un véritable défi
car les contenus sur le web ne possèdent pas d’unité documentaire
stable alors que l’archivage relève d’une logique de fixation des
contenus et de définition documentaire: les contenus sont archivés
dans une version de référence et selon une délimitation donnée.
La difficulté consiste alors à fonder cette documentarisation sur
la nature des contenus et l’exploitation visée. Au-delà des difficultés
techniques, ce projet répond à la volonté de «civiliser» l'internet
et la culture numérique en la cartographiant puisque désormais l'internet
est un acteur essentiel de notre histoire.
5.2. La
mémoire du web: statut et nouveaux usages
69. Même si l’internet est un outil
extraordinaire au service de la connaissance, le web se caractérise
avant tout par le règne de l’éphémère: nouveauté des logiciels,
des applications, des formats d’écriture, l’évolution technologique
perpétuelle nourrit la vitalité du réseau mais fragilise aussi la
conservation de l’archive numérique. Sans traitement, ni migration,
un e-contenu actuel sera illisible dans 10 ans.
70. Puisque cette amnésie numérique représente une menace sociale,
il est essentiel que les missions d’intérêt public soient renforcées,
comme les projets de dépôt légal appliqué au web. La fondation américaine «Internet
Archive» qui collecte le web mondial en pratiquant des campagnes
de capture aléatoire est un exemple de dérive de privatisation de
la mémoire collective. Il est nécessaire que des coopérations entre
e- acteurs se développent afin de contrebalancer la multiplication
d’initiatives privées souvent synonymes de rentabilisation économique
.
71. Par ailleurs, face à l’émergence d’une génération de contenu
produit par les utilisateurs (user-generated contents)
représentée par YouTube et Dailymotion, la culture audiovisuelle
légitimée (par les institutions publiques de la mémoire) est contrebalancée
par des consommateurs d’images devenus eux-mêmes producteurs de
mémoire en puissance. Bien qu’intéressant, ce phénomène ne doit
pas faire oublier que ce qui différencie l’approche des contenus
sur le web (étant bien souvent des fragments) de ceux proposés par
les archives ou les bibliothèques réside dans la qualité documentaire
et les niveaux d’indexation.
5.3. Le
rôle des politiques publiques dans l’organisation des savoirs audiovisuels
72. Les institutions patrimoniales
se définissent aujourd’hui de plus en plus en termes d’activités
et non plus de stockage.
73. L’exemple de l’Ina est édifiant puisque, depuis 2005, cette
institution n’est plus du tout un conservatoire d’archives mais
une entreprise qui a fortement modifié son image de marque auprès
de tous les publics.
74. De manière générale, l’émergence des réseaux a conduit les
institutions patrimoniales à se situer désormais davantage du côté
de l’usager et de ses pratiques. Cela signifie qu’elles sont la
porte d’entrée vers les contenus culturels en développant des interfaces
dynamiques entre les usagers et la connaissance, en s’appuyant sur
des outils collaboratifs et des dispositifs de médiation.
75. L’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou
a développé un logiciel «Lignes de temps» qui permet à l’usager
d’annoter un film, de partager ses annotations en accédant aux critiques
de cinéma sur un même film. Il y a fort à parier que ces dispositifs
de médiation seront au cœur des pratiques des archives audiovisuelles
dans les années à venir.
76. Puisque désormais l’histoire passe par l’écran plutôt que
par le texte, il est important d’organiser les connaissances pour
produire du sens, cela afin de lutter contre l’indigence de certains
contenus notamment dans le domaine de l’image animée (bandes vidéo
amateurs...) qui caractérise la culture numérique. Cela doit être
au cœur des politiques publiques: les archives audiovisuelles doivent
développer de nouvelles stratégies de balisage de cette mémoire
audiovisuelle comme clés de lecture et organiser des parcours dans
cette mémoire afin de garantir l’appropriation des savoirs audiovisuels.
Ces nouveaux repères doivent être culturels, organisés et pensés,
et ne peuvent être confiés aux moteurs de recherche obéissant à
une hiérarchisation des savoirs souvent aléatoire.
5.4. La
voie à suivre
77. Même si l’internet est un outil
extraordinaire au service de la connaissance, le web se caractérise
avant tout par le règne de l’éphémère: la nouveauté des logiciels,
des applications, des formats d’écriture, et l’évolution technologique
perpétuelle nourrissent la vitalité du réseau mais fragilisent aussi
la conservation de l’archive numérique. Sans traitement, ni migration,
un e-contenu actuel sera illisible dans 10 ans.
78. L’émergence des réseaux a conduit les institutions patrimoniales
à se situer désormais davantage du côté de l’usager et de ses pratiques.
Cela signifie qu’elles sont la porte d’entrée vers les contenus
culturels en développant des interfaces dynamiques entre les usagers
et la connaissance, en s’appuyant sur des outils collaboratifs et
des dispositifs de médiation.
79. Des «centres de mémoire» européens pourraient être créés afin
de valider les technologies de pointe dans le domaine de l’archivage
numérique et les concepts issus de la recherche. Ces centres de
compétences devraient pouvoir mobiliser les connaissances des spécialistes
issus des entreprises, des bibliothèques, des archives et des universités.
Il faut renforcer les efforts dans le domaine de la préservation
sur le long terme des contenus numériques: la préservation du contenu
numérique doit être partie intégrante de toute politique de numérisation
pour être durable et économiquement viable.