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Recommandation 2003 (2012) Version finale
Les migrants Roms en Europe
1. L’Assemblée parlementaire souligne
que les Etats ont légitimement intérêt à gérer les migrations et
à s’assurer que le système d’asile n’est pas utilisé à mauvais escient.
Toutefois, la «gestion des migrations» doit satisfaire aux règles
en vigueur, ce qui, actuellement, n’est pas toujours le cas.
2. L’Assemblée craint que les Roms ne fassent partie des groupes
les plus défavorisés, discriminés, persécutés et brimés d’Europe.
Cette situation perdure, voire empire, comme il est constaté dans
de nombreuses études approfondies et souligné dans la Résolution 1740 (2010) de
l’Assemblée sur la situation des Roms en Europe et les activités
pertinentes du Conseil de l’Europe, ainsi que dans la Déclaration
sur la montée de l’antitsiganisme et de la violence raciste envers
les Roms en Europe, adoptée par le Comité des Ministres le 1er février
2012. Le fait d’être à la fois rom et migrant augmente encore les
désavantages et les discriminations, conséquences de cette double
stigmatisation.
3. Cette double stigmatisation peut être entendue et constatée
lors de débats publics, de reportages dans les médias et de discussions
politiques sur les Roms en Europe. Elle se fonde essentiellement
sur trois préjugés fortement ancrés, à savoir que tous les Roms
sont des nomades, qu’ils viennent tous de l’étranger et que leur
migration est illégale.
4. Pour ce qui est du nomadisme, en réalité, moins de 20 % des
Roms en Europe sont nomades. Pour ce qui est de leur origine étrangère,
on peut constater qu’ils font partie de la société européenne depuis
près de sept cents ans et qu’ils sont en grande majorité des ressortissants
de leur pays de résidence. Enfin, à propos de leur migration illégale,
il est évident que la plupart des Roms se déplacent dans le cadre
de leur droit à la libre circulation inscrit dans la législation
communautaire.
5. Ces préjugés, associés à une tendance répandue d’établir un
lien entre les Roms et la criminalité, ont grandement contribué
à la situation critique des Roms en Europe. En conséquence, l’Assemblée
souhaite attirer l’attention du Comité des Ministres sur un certain
nombre de questions qui méritent d’être étudiées de manière plus
approfondie non seulement par les Etats membres, mais aussi par
le Conseil de l’Europe:
5.1. l’image
généralement négative des Roms répandue par certains médias et certains
responsables politiques;
5.2. la double discrimination des migrants roms en ce qui concerne
l’accès à l’éducation, aux services de santé, à l’emploi et au logement;
5.3. les récentes politiques agressives d’expulsion, qui sont
toujours d’actualité, focalisées sur les migrants roms dans plusieurs
Etats membres du Conseil de l’Europe, qui peuvent s’apparenter à
des expulsions collectives de fait;
5.4. la poursuite des renvois forcés de Roms vers le Kosovo , malgré la recommandation du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée de
suspendre ces renvois jusqu’à ce que la preuve soit faite de leur
sûreté et de leur viabilité;
5.5. la situation précaire des Roms apatrides dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe, essentiellement en Europe orientale,
résultant de la dissolution de l’Union soviétique, de la Yougoslavie et
de la Tchécoslovaquie, mais aussi en Europe occidentale, comme en
Italie ou aux Pays-Bas;
5.6. la criminalisation de la mendicité dans certains Etats
membres du Conseil de l’Europe et ses conséquences sur les Roms,
en tenant compte des droits de l’homme et d’autres préoccupations
liées essentiellement à la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5), à la Charte sociale européenne révisée (STE no 163)
et à d’autres textes normatifs.
6. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres de charger
les comités et organes compétents du Conseil de l’Europe, comme
le Comité ad hoc d’experts sur les questions roms (CAHROM), le Groupe d’experts
sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), le Comité
européen pour les problèmes criminels (CDPC), la Division de la
coordination des migrations et le Comité directeur sur les médias
et la société de l’information (CDMSI):
6.1. d’analyser la législation et les pratiques des Etats membres
qui visent à criminaliser la mendicité et d’en évaluer les conséquences
sur les Roms et les implications au titre de la Convention européenne des
droits de l’homme, de la Charte sociale européenne révisée et d’autres
normes du Conseil de l’Europe;
6.2. de procéder à une analyse approfondie, fondée sur des
normes en matière de droits de l’homme, des diverses mesures prises
par les Etats membres du Conseil de l’Europe et la Commission européenne
pour empêcher les demandeurs d’asile originaires des pays des Balkans
occidentaux de déposer des demandes d’asile dans des pays de l’Union
européenne;
6.3. de veiller particulièrement à déterminer si la communauté
rom est touchée par la traite des êtres humains et/ou y participe,
d’examiner si les normes et mesures énoncées dans la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE no 197) sont effectivement appliquées à l’égard des Roms,
et si des mesures spécifiques complémentaires sont nécessaires,
y compris d’autres actions de la part du Conseil de l’Europe;
6.4. de réfléchir aux moyens de s’attaquer au problème des
stéréotypes négatifs et de la stigmatisation des Roms dans les médias
et le discours politique, dans le respect de la liberté d’expression
et de la liberté des médias.
7. Par ailleurs, l’Assemblée demande au Comité des Ministres:
7.1. d’exhorter les Etats membres
à mettre fin aux actes qui s’apparentent à des expulsions collectives
de Roms et de revoir leurs politiques de renvois forcés des Roms
au Kosovo, en suspendant ces renvois jusqu’à ce qu’il soit prouvé
qu’ils sont sûrs et viables;
7.2. d’inviter les Etats membres à veiller à ce que les besoins
spécifiques des migrants roms soient pris en compte lors de l’élaboration
et de la mise en œuvre de stratégies ou de politiques nationales
en faveur de l’intégration sociale des Roms;
7.3. de demander aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires
pour naturaliser les Roms apatrides et pour signer, ratifier et
mettre en œuvre la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166)
et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas
d’apatridie en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200),
ainsi que la Convention de 1954 des Nations Unies relative au statut
des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas
d’apatridie;
7.4. d’encourager vivement les Etats membres qui ne l’ont pas
encore fait à signer et à ratifier le Protocole no 12 à la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 177);
7.5. de demander aux Etats membres de veiller à ce que les
pratiques policières à l’égard de tous les migrants, y compris des
Roms, soient équitables, impartiales et non discriminatoires;
7.6. de recommander aux Etats membres d’effectuer des analyses
approfondies afin d’identifier les causes, générales et spécifiques
aux différents pays, de la mobilité et des migrations, et d’élaborer
et de mettre en œuvre des mesures susceptibles d’éliminer ces causes;
de plus, de recommander que les Etats membres et l’Union européenne
récoltent des fonds qui pourraient être utilisés à ces fins.
8. Enfin, I’Assemblée informe le Comité des Ministres qu’elle
a décidé de soutenir la campagne «Dosta!» («Dépassons les préjugés,
allons à la rencontre des Roms»), conçue par le Conseil de I’Europe,
en mettant à Ia disposition de ses membres des informations pertinentes
en vue d’une action de sensibilisation au sein des parlements nationaux
et par leur intermédiaire.