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Recommandation 2003 (2012) Version finale

Les migrants Roms en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 juin 2012 (26e séance) (voir Doc. 12950, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Groth; Doc. 12987, avis de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Aligrudić; et Doc. 12982, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Kalmár). Texte adopté par l’Assemblée le 28 juin 2012 (26e séance).

1. L’Assemblée parlementaire souligne que les Etats ont légitimement intérêt à gérer les migrations et à s’assurer que le système d’asile n’est pas utilisé à mauvais escient. Toutefois, la «gestion des migrations» doit satisfaire aux règles en vigueur, ce qui, actuellement, n’est pas toujours le cas.
2. L’Assemblée craint que les Roms ne fassent partie des groupes les plus défavorisés, discriminés, persécutés et brimés d’Europe. Cette situation perdure, voire empire, comme il est constaté dans de nombreuses études approfondies et souligné dans la Résolution 1740 (2010) de l’Assemblée sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe, ainsi que dans la Déclaration sur la montée de l’antitsiganisme et de la violence raciste envers les Roms en Europe, adoptée par le Comité des Ministres le 1er février 2012. Le fait d’être à la fois rom et migrant augmente encore les désavantages et les discriminations, conséquences de cette double stigmatisation.
3. Cette double stigmatisation peut être entendue et constatée lors de débats publics, de reportages dans les médias et de discussions politiques sur les Roms en Europe. Elle se fonde essentiellement sur trois préjugés fortement ancrés, à savoir que tous les Roms sont des nomades, qu’ils viennent tous de l’étranger et que leur migration est illégale.
4. Pour ce qui est du nomadisme, en réalité, moins de 20 % des Roms en Europe sont nomades. Pour ce qui est de leur origine étrangère, on peut constater qu’ils font partie de la société européenne depuis près de sept cents ans et qu’ils sont en grande majorité des ressortissants de leur pays de résidence. Enfin, à propos de leur migration illégale, il est évident que la plupart des Roms se déplacent dans le cadre de leur droit à la libre circulation inscrit dans la législation communautaire.
5. Ces préjugés, associés à une tendance répandue d’établir un lien entre les Roms et la criminalité, ont grandement contribué à la situation critique des Roms en Europe. En conséquence, l’Assemblée souhaite attirer l’attention du Comité des Ministres sur un certain nombre de questions qui méritent d’être étudiées de manière plus approfondie non seulement par les Etats membres, mais aussi par le Conseil de l’Europe:
5.1. l’image généralement négative des Roms répandue par certains médias et certains responsables politiques;
5.2. la double discrimination des migrants roms en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux services de santé, à l’emploi et au logement;
5.3. les récentes politiques agressives d’expulsion, qui sont toujours d’actualité, focalisées sur les migrants roms dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, qui peuvent s’apparenter à des expulsions collectives de fait;
5.4. la poursuite des renvois forcés de Roms vers le Kosovo 
			(1) 
			Toute
référence au Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de
son territoire, de ses institutions ou de sa population, doit être
entendue dans le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du
statut du Kosovo., malgré la recommandation du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée de suspendre ces renvois jusqu’à ce que la preuve soit faite de leur sûreté et de leur viabilité;
5.5. la situation précaire des Roms apatrides dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, essentiellement en Europe orientale, résultant de la dissolution de l’Union soviétique, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie, mais aussi en Europe occidentale, comme en Italie ou aux Pays-Bas;
5.6. la criminalisation de la mendicité dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe et ses conséquences sur les Roms, en tenant compte des droits de l’homme et d’autres préoccupations liées essentiellement à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), à la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et à d’autres textes normatifs.
6. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres de charger les comités et organes compétents du Conseil de l’Europe, comme le Comité ad hoc d’experts sur les questions roms (CAHROM), le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), la Division de la coordination des migrations et le Comité directeur sur les médias et la société de l’information (CDMSI):
6.1. d’analyser la législation et les pratiques des Etats membres qui visent à criminaliser la mendicité et d’en évaluer les conséquences sur les Roms et les implications au titre de la Convention européenne des droits de l’homme, de la Charte sociale européenne révisée et d’autres normes du Conseil de l’Europe;
6.2. de procéder à une analyse approfondie, fondée sur des normes en matière de droits de l’homme, des diverses mesures prises par les Etats membres du Conseil de l’Europe et la Commission européenne pour empêcher les demandeurs d’asile originaires des pays des Balkans occidentaux de déposer des demandes d’asile dans des pays de l’Union européenne;
6.3. de veiller particulièrement à déterminer si la communauté rom est touchée par la traite des êtres humains et/ou y participe, d’examiner si les normes et mesures énoncées dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) sont effectivement appliquées à l’égard des Roms, et si des mesures spécifiques complémentaires sont nécessaires, y compris d’autres actions de la part du Conseil de l’Europe;
6.4. de réfléchir aux moyens de s’attaquer au problème des stéréotypes négatifs et de la stigmatisation des Roms dans les médias et le discours politique, dans le respect de la liberté d’expression et de la liberté des médias.
7. Par ailleurs, l’Assemblée demande au Comité des Ministres:
7.1. d’exhorter les Etats membres à mettre fin aux actes qui s’apparentent à des expulsions collectives de Roms et de revoir leurs politiques de renvois forcés des Roms au Kosovo, en suspendant ces renvois jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’ils sont sûrs et viables;
7.2. d’inviter les Etats membres à veiller à ce que les besoins spécifiques des migrants roms soient pris en compte lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de stratégies ou de politiques nationales en faveur de l’intégration sociale des Roms;
7.3. de demander aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour naturaliser les Roms apatrides et pour signer, ratifier et mettre en œuvre la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200), ainsi que la Convention de 1954 des Nations Unies relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie;
7.4. d’encourager vivement les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 177);
7.5. de demander aux Etats membres de veiller à ce que les pratiques policières à l’égard de tous les migrants, y compris des Roms, soient équitables, impartiales et non discriminatoires;
7.6. de recommander aux Etats membres d’effectuer des analyses approfondies afin d’identifier les causes, générales et spécifiques aux différents pays, de la mobilité et des migrations, et d’élaborer et de mettre en œuvre des mesures susceptibles d’éliminer ces causes; de plus, de recommander que les Etats membres et l’Union européenne récoltent des fonds qui pourraient être utilisés à ces fins.
8. Enfin, I’Assemblée informe le Comité des Ministres qu’elle a décidé de soutenir la campagne «Dosta!» («Dépassons les préjugés, allons à la rencontre des Roms»), conçue par le Conseil de I’Europe, en mettant à Ia disposition de ses membres des informations pertinentes en vue d’une action de sensibilisation au sein des parlements nationaux et par leur intermédiaire.