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Résolution 1897 (2012) Version finale
Garantir des élections plus démocratiques
Garantir des élections plus démocratiques
1. L’Assemblée parlementaire souligne une nouvelle fois
que des élections démocratiques sont décisives pour garantir que
la volonté du peuple est respectée lorsqu’il s’agit de former le
corps législatif et le gouvernement à tous les niveaux et que les
organes élus sont effectivement représentatifs. Elle rappelle à
cet égard sa Résolution 1705 (2010)
sur les seuils électoraux et autres aspects des systèmes électoraux
ayant une incidence sur la représentativité des parlements dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe et sa Résolution 1706 (2010) «Augmenter
la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux».
2. L’Assemblée note qu’en cette période où les citoyens semblent
avoir de moins en moins confiance dans les institutions de la démocratie
représentative, il est d’autant plus essentiel de renforcer le caractère démocratique
des élections et, partant, le lien entre l’expression du peuple
et le résultat effectif du vote.
3. Dix ans après l’élaboration du Code de bonne conduite en matière
électorale par la Commission européenne pour la démocratie par le
droit (Commission de Venise), à l’initiative de l’Assemblée, la
législation et la pratique électorales ont connu des améliorations
considérables dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe.
Cependant, les rapports d’observation d’élections établis par l’Assemblée
relèvent encore trop souvent des irrégularités qui montrent que
la tenue d’élections «libres et équitables» reste un défi majeur à
relever.
4. Si, dans la plupart des Etats membres, la législation électorale
nationale constitue généralement une bonne base pour la tenue d’élections
«libres et équitables», des violations récurrentes se produisent,
résultant principalement d’un défaut de volonté politique au plus
haut niveau – généralement de la part des forces politiques au pouvoir –,
de faire appliquer pleinement et effectivement la loi et d’assurer
les conditions d’une égalité entre tous les candidats. Par ailleurs,
à l’heure actuelle, les violations les plus graves se produisent
le plus souvent pendant la période préélectorale et sont, de ce
fait, plus difficiles à détecter.
5. Sur la base de rapports d'observation d'élections ainsi que
d'autres sources du Conseil de l'Europe, l'Assemblée est préoccupée
par le fait que certaines violations relatives aux élections persistent
toujours dans nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe, telles
que: l’abus de ressources administratives; l’opacité du financement
des campagnes électorales et autres problèmes relatifs au financement
des partis politiques; l’inégalité d’accès aux médias et la partialité
des médias; le manque d’indépendance et de neutralité de l’administration
électorale; les menaces, pressions, violences et intimidations à
l’encontre de candidats ou d’électeurs, la détention arbitraire
de candidats et partisans de l'opposition; les inexactitudes dans
les listes électorales susceptibles d’entraîner des fraudes électorales;
les restrictions du droit d’éligibilité, y compris des conditions
trop strictes pour l’inscription des candidats et des partis politiques;
l’achat de voix, le vote familial, le bourrage d’urnes, la falsification
des procès-verbaux de résultats et autres irrégularités pendant
le dépouillement; et les procédures inopérantes de recours en matière
électorale .
6. Alors que les violations commises le jour du scrutin et lors
du dépouillement sont, dans l’ensemble, plus fréquentes dans les
pays ayant une moins longue tradition démocratique, d’autres, comme
celles liées au financement des campagnes électorales et des partis
politiques, à l’impartialité des médias et à l’utilisation des ressources
administratives, se produisent également dans les Etats membres
où la démocratie est implantée de longue date. Dans certains Etats
membres, des violations graves du droit électoral ont été à l’origine
de périodes d’instabilité et de crise politique et peuvent, d’une
manière générale, nuire à la «sécurité douce» des sociétés.
7. Vu les problèmes récurrents et persistants qui entachent le
processus électoral, les mesures visant à améliorer le caractère
démocratique des élections devraient répondre à trois grands impératifs:
encourager la participation, garantir la transparence et renforcer
le contrôle.
8. En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil
de l’Europe:
8.1. à encourager la
participation des citoyens au processus électoral, notamment:
8.1.1. en établissant les listes électorales de telle sorte que
le plus grand nombre possible d’électeurs s’y inscrivent. L’inscription
initiale devrait être automatique, les listes électorales devraient
être permanentes et le recours à des listes supplémentaires exceptionnel.
Il faudrait prévenir efficacement le vote multiple sans toutefois
enfreindre le principe du secret du vote;
8.1.2. en garantissant la liberté de choix des électeurs en ouvrant
autant que possible l’offre politique conformément au principe du
pluralisme politique. Il convient d’abolir les conditions trop strictes
encadrant l’inscription des candidats et l’enregistrement des partis
politiques;
8.1.3. en ouvrant les listes dans des systèmes électoraux proportionnels
afin de permettre aux citoyens, le cas échéant, de choisir des candidats
individuels à partir de listes différentes;
8.1.4. en renforçant la démocratie interne des partis par l’adoption
d’un cadre législatif pertinent, en particulier en ce qui concerne
la transparence du financement des partis politiques et la sélection
des candidats aux élections, conformément au Code de bonne conduite
en matière de partis politiques de la Commission de Venise;
8.1.5. en optant pour un système électoral qui reflète mieux
l’opinion du peuple et la composition politique de l’électorat,
et qui tienne compte d’autres éléments importants comme la répartition
géographique, le sexe ou l’appartenance ethnique;
8.1.6. en introduisant dans leur législation électorale des mécanismes
pour promouvoir la représentation équilibrée des femmes et des hommes
dans les instances élues à tous les niveaux, ainsi qu’en encourageant
les partis politiques à adopter des règles internes, des politiques
et des initiatives d’action positive afin de promouvoir la participation
et la représentation des femmes dans la vie politique;
8.1.7. en facilitant l’accès à la nationalité, comme le préconise
la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166), et en
accordant aux migrants en situation régulière des droits de vote et/ou
d’autres possibilités de participation politique, comme le propose
la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique
au niveau local (STE no 144). L’on ne sert pas l’intérêt de la légitimité
démocratique en excluant de grands nombres de migrants de la vie politique
et des élections démocratiques;
8.1.8. en veillant à ce que la conception du système électoral
et la délimitation des circonscriptions facilitent la participation
effective des minorités au processus électoral et favorisent ainsi
la représentation des minorités, facteur de paix et de stabilité
interethniques;
8.1.9. en assurant la liberté du discours politique dans les
médias et en garantissant que les campagnes électorales sont ouvertes
et accessibles et qu’elles permettent un véritable débat susceptible
non seulement d’intéresser l’électeur mais également d’éclairer
son choix. Cela suppose notamment que la transparence et le pluralisme
de l’ensemble des médias ainsi que l’égalité d’accès de tous les
candidats et partis politiques aux médias de service public soient assurés
et que ceux-ci soient impartiaux. Toute réglementation nationale
relative aux campagnes électorales devrait ménager un juste équilibre
entre liberté d’expression et égalité des chances;
8.1.10. en exigeant que les partis politiques s’abstiennent en
permanence d’exercer des pressions, des violences et des intimidations
sur la population, et en protégeant les électeurs et les candidats
de telles menaces. Cela nécessite un strict respect du principe
du secret du vote et l’application de sanctions dissuasives mais
proportionnées à l’encontre des auteurs de telles infractions;
8.1.11. en garantissant que tous les moyens possibles sont utilisés
afin de rendre tous les bureaux de vote accessibles;
8.1.12. en permettant à tous les citoyens d’exercer leur droit
de vote, au moyen du vote par procuration, par correspondance ou
électronique, à condition que le secret du vote et la sécurité du
scrutin soient garantis; en facilitant la participation au processus
électoral des citoyens vivant à l’étranger, sous réserve de restrictions
conformes à la législation, telles que la durée de résidence à l’étranger,
tout en veillant à ce que les bureaux de vote éventuellement mis
en place à l’étranger le soient sur la base de critères transparents;
en garantissant le droit de vote des groupes vulnérables (personnes
handicapées, personnes illettrées, etc.) en aménageant les bureaux
de vote et en adaptant le matériel de vote à leurs besoins; en abolissant
les dispositions juridiques qui prévoient la privation générale,
automatique et indifférenciée du droit de vote pour tous les détenus
condamnés, quelle que soit la nature ou la gravité de leurs infractions;
8.1.13. en consolidant la culture démocratique dans son ensemble
grâce à la mise en œuvre de la Charte du Conseil de l’Europe sur
l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits
de l’homme;
8.2. à garantir la transparence du processus électoral, notamment:
8.2.1. dans l’organisation des élections: celles-ci devraient
être organisées par des organes indépendants et impartiaux, ce qui
devrait conduire à généraliser la mise en place de commissions électorales
centrales, en s’assurant que des ressources adéquates sont mises
à disposition pour permettre une inscription effective des électeurs
et une organisation efficace du scrutin. Les commissions électorales
devraient agir de manière transparente, efficace et professionnelle.
Les commissions électorales composées de membres nommés par les
partis, qui jouissent depuis peu d’une certaine faveur, ne semblent
pas être la meilleure solution. Dans les cas où cette formule est
retenue, il convient d’instaurer des garanties afin que la composition des
commissions soit équilibrée sur le plan politique et leur fonctionnement
transparent tout au long du processus électoral;
8.2.2. dans le financement des campagnes électorales et des partis:
une législation dans ce domaine est nécessaire, non seulement pour
réglementer l’origine des fonds et fixer un plafond des dépenses,
mais aussi pour permettre à chaque électeur d’avoir accès aux informations concernant
la nature et le montant des dépenses de campagne et des dépenses
des partis. Pour que cette législation soit strictement appliquée,
toute infraction devrait être punie par des sanctions proportionnées;
8.2.3. dans le déroulement du scrutin: il convient de veiller
à l’aménagement approprié des bureaux de vote, à l’utilisation d’urnes
transparentes, à la présence d’isoloirs, à la publicité du dépouillement
et à la bonne réglementation du vote à distance. La présence d’observateurs internationaux
devrait être facilitée, conformément à la Déclaration de principe
pour l’observation internationale d’élections et aux lignes directrices
de la Commission de Venise relatives à un statut internationalement
reconnu des observateurs d’élections. Les observateurs nationaux,
y compris ceux issus de la société civile, devraient être admis
dans tous les Etats membres, conformément à la Déclaration des principes
internationaux pour l’observation et la surveillance impartiales
des élections par les organisations citoyennes et au Code de conduite
à l’usage des citoyens observateurs et superviseurs impartiaux des
élections de la Commission de Venise. Les procédures d’accréditation
devraient être simples et aisément accessibles;
8.3. à renforcer le contrôle en veillant à la mise en place
d’un mécanisme de recours efficace, transparent et accessible, afin
de mettre fin à la culture de l’impunité pour les infractions en
matière électorale et d’accroître la confiance de la population
dans le processus électoral. A cette fin, il convient notamment:
8.3.1. que le contrôle soit confié à un juge (que celui-ci soit
spécialisé, ordinaire ou constitutionnel), au moins en dernier ressort,
et qu’il porte sur la totalité du processus électoral. Le système
de la vérification parlementaire des pouvoirs pratiqué dans plusieurs
Etats ne semble pas de nature à garantir l’impartialité nécessaire;
8.3.2. que l’accès à la justice soit facilité par des procédures
simplifiées et gratuites prévoyant des délais courts mais raisonnables.
Les électeurs devraient être bien informés des procédures de recours
existantes et pouvoir accéder aisément aux formulaires voulus;
8.3.3. que des sanctions dissuasives mais proportionnées soient
prévues en cas de fraude, de manipulation ou de trucage. Ces sanctions
doivent pouvoir être appliquées non seulement à l’auteur direct
(qui est rarement le candidat lui-même) mais aussi au commanditaire
de la fraude. Le public et les observateurs internationaux devraient
être informés des sanctions infligées.
9. Enfin, à la lumière de l’expérience en matière d’observation
d’élections acquise au cours des vingt dernières années, pendant
lesquelles elle a observé plus de 140 élections législatives et
présidentielles avec la participation de quelque 1 900 de ses membres,
l’Assemblée estime qu’il y a lieu de renforcer les synergies et
d’améliorer le suivi des observations d’élections tant au sein du
Conseil de l’Europe qu’en coopération avec d’autres organisations
internationales spécialisées.
10. En conséquence, l’Assemblée:
10.1. décide de renforcer le suivi des recommandations formulées
dans les rapports internationaux d’observation d’élections dans
le contexte des travaux de sa commission de suivi, notamment lors
des visites des corapporteurs dans les Etats concernés et de la
rédaction de leurs rapports ainsi que, le cas échéant, dans le cadre
du rapport d’activité annuel de la commission;
10.2. rappelle, dans ce contexte, que les corapporteurs de la
commission de suivi pour un pays donné ont le droit, conformément
aux lignes directrices pour l’observation des élections par l’Assemblée parlementaire,
de participer ex officio à
une commission ad hoc pour observer une élection dans ce pays;
10.3. décide de renforcer les synergies avec d’autres organisations
internationales et organisations non gouvernementales ayant une
expertise en matière électorale, y compris après l’observation des élections,
afin de faire connaître les recommandations formulées par la communauté
internationale et de veiller à leur mise en application;
10.4. décide de promouvoir des consultations régulières visant
à accroître la complémentarité entre les différents organes du Conseil
de l’Europe qui ont une expertise en la matière, notamment l’Assemblée parlementaire,
la Commission de Venise et le Groupe d’Etats contre la corruption
(GRECO). L’Organisation possède là des ressources exceptionnelles
qui pourraient être mieux exploitées;
10.5. soutient la Déclaration des principes internationaux pour
l’observation et la surveillance impartiales des élections par les
organisations citoyennes et le Code de conduite à l’usage des citoyens observateurs
et superviseurs impartiaux des élections;
10.6. invite le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à
renforcer les programmes d’assistance électorale de l’Organisation
à moyen et à long terme en les axant davantage sur les problèmes observés.