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Résolution 1901 (2012) Version finale

Les droits de l’homme et la politique étrangère

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2012 (33e séance) (voir Doc. 13020, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Marcenaro). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2012 (33e séance). Voir également la Recommandation 2004 (2012).

1. L’Assemblée parlementaire reconnaît le rôle et la longue expérience du Conseil de l’Europe en faveur de la promotion des normes les plus élevées concernant les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit.
2. Elle relève avec satisfaction que, ces dernières années, l’Organisation s’est préoccupée de plus en plus de développer et de consolider ces normes à l’intérieur comme à l’extérieur de la zone du Conseil de l’Europe, grâce notamment à l’instauration d’une politique du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat et à l’établissement de nouvelles formes de partenariat comme le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée.
3. Elle considère toutefois que les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient faire davantage pour intégrer ces normes dans leurs stratégies nationales de politique extérieure et, en particulier, dans leurs relations avec les pays – au sein du Conseil de l’Europe et au-delà –, dont les gouvernements font manifestement fi des droits de l’homme et des principes démocratiques fondamentaux.
4. L’Assemblée estime qu’il faut établir un juste équilibre entre les intérêts nationaux et le respect des droits de l’homme dans les politiques extérieures des Etats membres, et observe que, lorsque la politique extérieure néglige trop longtemps les droits de l’homme et se concentre uniquement sur les intérêts économiques et géopolitiques stratégiques, des crises en rapport avec les droits de l’homme peuvent se déclencher et des «interventions humanitaires» d’urgence devenir des impératifs moraux.
5. Les ministères des Affaires étrangères des Etats membres du Conseil de l’Europe peuvent jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité des initiatives internationales destinées à promouvoir et à protéger les droits de l’homme dans le monde entier, en mettant en œuvre des actions concrètes visant à instaurer des normes universelles en matière de droits de l’homme et à garantir une approche conjointe dans la zone du Conseil de l’Europe, y compris par le biais de ses mécanismes de suivi.
6. L’Assemblée considère qu’il faut favoriser le développement de la démocratie de l’intérieur, en soutenant les mouvements de défense des droits de l’homme et l’action de la société civile. Le point de vue des médias, des organisations non gouvernementales (ONG) et des défenseurs des droits de l’homme reste d’une importance cruciale dans toute stratégie de politique extérieure.
7. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe:
7.1. à œuvrer de manière active et constructive, dans le cadre des Nations Unies, au renforcement de la capacité de la communauté internationale dans son ensemble à sauvegarder et à promouvoir les droits de l’homme;
7.2. à contribuer à l’exécution effective des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, en exerçant des pressions sur les gouvernements des Etats où l’exécution des arrêts souffre de retards préoccupants, tels qu’ils sont identifiés dans la Résolution 1787 (2011) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;
7.3. à intégrer tous les aspects (civils, politiques, sociaux, économiques et culturels) des activités et préoccupations en matière de droits de l’homme dans divers domaines d’action, en particulier la prévention des conflits, la sécurité, la lutte contre le terrorisme, les questions de migration et d’asile, les politiques commerciales et la coopération au développement, afin de mener une politique des droits de l’homme cohérente et axée sur les résultats;
7.4. à s’efforcer de garantir le respect des droits de l’homme dans l’ensemble des Etats membres, en tant que condition indispensable pour les affirmer et les promouvoir dans le contexte du dialogue avec les pays voisins;
7.5. à adopter des plans nationaux de protection des droits de l’homme et à articuler la politique extérieure autour des principes universels des droits de l’homme applicables à tous les Etats, de manière à se prémunir contre l’accusation éventuelle d’appliquer deux poids, deux mesures;
7.6. à concevoir des stratégies nationales destinées à promouvoir la ratification pleine et entière des principaux instruments des droits de l’homme et, après leur ratification, à garantir leur mise en œuvre;
7.7. à établir des mécanismes institutionnels permettant d’examiner et d’évaluer l’ensemble des actions gouvernementales relatives aux droits de l’homme dans le cadre de la politique extérieure, ainsi que l’application de la politique des droits de l’homme à l’étranger, en veillant aussi à ce que les droits de l’homme soient pleinement pris en considération au niveau national;
7.8. à faire un usage cohérent et judicieux de la «clause de conditionnalité» dans tous les accords bilatéraux et à prendre en compte les violations des droits de l’homme dans leur dialogue politique et économique avec des pays tiers;
7.9. à accorder une place prépondérante aux droits de l’homme dans la politique extérieure en définissant, en matière de droits de l’homme, des normes et des pratiques communes applicables à l’action diplomatique, notamment:
7.9.1. en envisageant de créer une section consacrée aux droits de l’homme sur le site web du ministère des Affaires étrangères, afin de diffuser des informations et des connaissances sur les droits de l’homme, et de permettre l’accès à l’ensemble de la documentation et des outils disponibles émanant du système des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et, le cas échéant, de l’Union européenne;
7.9.2. en soulignant la situation des droits de l’homme tant sur le plan interne qu’externe par des déclarations ou des discours publics aux niveaux national, européen et/ou international;
7.9.3. en veillant à ce que les questions des droits de l’homme figurent à l’ordre du jour des visites et des échanges de vues à tous les échelons, en particulier lors des sommets des chefs d’Etat et de gouvernement ou d’autres types de dialogue politique à haut niveau avec des pays tiers;
7.10. à élaborer des rapports réguliers à soumettre au parlement sur la situation des droits de l’homme dans différents pays du monde, à tirer parti des travaux et de l’expertise des organisations non gouvernementales, et à consulter les défenseurs des droits de l’homme, y compris par le biais d’auditions;
7.11. à considérer les politiques relatives à la lutte contre la pauvreté, aux migrations, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés non seulement comme faisant partie de leur programme d’action national, mais aussi en tant qu’éléments fondamentaux de leur politique extérieure;
7.12. à mettre en œuvre des politiques fondées sur le dialogue et sur une coopération constructive avec les gouvernements agissant en violation flagrante des principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l’homme, à exercer des pressions politiques sur eux, et à soumettre ces politiques à un suivi régulier.
8. S’agissant plus particulièrement de l’action diplomatique, l’Assemblée exhorte les Etats membres:
8.1. à charger tous les ambassadeurs de prendre systématiquement en considération la situation des droits de l’homme dans leur pays d’affectation, quel que soit le bilan dudit pays dans ce domaine, évitant ainsi d’être éventuellement accusés d’appliquer deux poids, deux mesures:
8.2. à encourager les ambassadeurs – ou les hauts responsables des ambassades – des Etats membres à se rencontrer régulièrement pour échanger des informations sur les questions de droits de l’homme:
8.3. à inviter leurs ambassades, quel que soit le bilan du pays concerné en matière de droits de l’homme:
8.3.1. à associer à leur action les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme du pays hôte, et à instaurer un dialogue régulier entre les diplomates et les défenseurs des droits de l’homme:
8.3.2. à apporter systématiquement un soutien aux victimes de graves violations des droits de l’homme, notamment en réagissant publiquement à ces violations, en suivant de près les affaires et en accordant un visa ou l’asile aux victimes:
8.3.3. à soutenir les médias libres et indépendants dans les pays qui restreignent ou interdisent la libre circulation de l’information.
9. Se référant également à la Résolution 1773 (2010) «Promouvoir la diplomatie parlementaire», l’Assemblée invite les parlements nationaux:
9.1. à encourager et à soutenir la diplomatie parlementaire en incitant les parlementaires à participer aux activités des organisations internationales, donnant ainsi une impulsion nouvelle à leur action de promotion du pluralisme politique et des normes de la démocratie parlementaire dans le monde entier:
9.2. à créer des commissions ou sous-commissions parlementaires des droits de l’homme travaillant en liaison avec les commissions parlementaires des affaires étrangères:
9.3. à encourager la formation de groupes d’amitié parlementaire et de groupes similaires entre parlements nationaux pour favoriser l’échange de bonnes pratiques, notamment dans les domaines parlementaire et politique.
10. L’Assemblée prend note de la création par l’Union européenne du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), dirigé par le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, qui entretient des relations diplomatiques avec la quasi-totalité des pays du monde par le biais d’un réseau de délégations de l’Union européenne.
11. Elle prend acte également de l’adoption récente d’un cadre stratégique et d’un plan d’action de l’Union européenne sur les droits de l’homme et la démocratie, qui désigne le Conseil de l’Europe comme un partenaire stratégique pour renforcer la cohérence des politiques. L’Assemblée y voit une occasion d’améliorer les synergies entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ainsi que d’améliorer notablement l’efficacité des actions internationales visant à promouvoir et à protéger les droits de l’homme dans le monde entier.
12. Se référant aussi à la Résolution 1836 (2011) et à la Recommandation 1982 (2011) relatives à l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe, l’Assemblée encourage l’Union européenne, notamment par l’intermédiaire de son haut représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité:
12.1. à mettre pleinement à profit le mémorandum d’accord de 2007 entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe:
12.2. à consulter le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, en particulier en ce qui concerne leurs rôles et compétences clés respectifs, et à mieux tirer parti des évaluations comparatives ainsi que des fonctions consultatives et du savoir-faire du Conseil de l’Europe en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit dans la stratégie de politique extérieure commune de l’Union européenne:
12.3. à promouvoir, selon les besoins, son adhésion aux principales conventions du Conseil de l’Europe et à ses mécanismes et organes de suivi correspondants dans le contexte de ses politiques en matière d’élargissement, de voisinage et de relations extérieures:
12.4. à charger toutes les délégations de l’Union européenne compétentes de suivre la situation des droits de l’homme dans le pays hôte et de promouvoir la ratification des instruments internationaux fondamentaux en matière de droits de l’homme par les gouvernements des pays hôtes:
12.5. à intégrer un nombre suffisant de spécialistes des droits de l’homme dans le Service européen pour l’action extérieure et à veiller à ce que la situation des droits de l’homme fasse l’objet de rapports réguliers.