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Rapport | Doc. 13060 | 12 novembre 2012

Droits de l’homme et tribunaux des affaires familiales

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Christopher CHOPE, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11742, Renvoi 3597 du 28 septembre 2009. 2012 - Commission permanente de novembre

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme se penche sur le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales en Europe. Elle se montre particulièrement préoccupée par certaines affaires dans lesquelles des enfants ont été retirés à leur famille contre la volonté de leurs parents biologiques, notamment en Allemagne, en Croatie, au Portugal, en République tchèque et au Royaume-Uni.

Les enfants ne devraient être séparés de leurs parents biologiques qu’en dernier ressort, car c’est l’environnement familial qui offre les meilleures conditions pour l’épanouissement de l’enfant. L’adoption ou le placement en institution devrait se faire toujours dans le respect des principes établis dans la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants de 1989 et de la Convention européenne des droits de l’homme, le juge devant donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, les Etats membres sont invités à apporter une aide concrète aux familles en difficulté, afin de réduire, autant que possible, le nombre des cas dans lesquels les enfants sont retirés à leurs parents.

Enfin, les Etats membres sont invités à signer et/ou ratifier toutes les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe concernant les droits de l’enfant et à mettre en œuvre les Lignes directrices du Comité des Ministres de 2010 sur une justice adaptée aux enfants.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 juin
2012.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe, en particulier dans des affaires où des enfants sont retirés à leur famille contre la volonté de leurs parents biologiques et en violation du droit au respect de la vie familiale et du principe de procès équitable.
2. Rappelant ses travaux antérieurs sur le sujet et, notamment, sa Recommandation 874 (1979) relative à une Charte européenne des droits de l’enfant et sa Recommandation 1121 (1990) sur les droits des enfants, l’Assemblée réaffirme sa volonté de défendre et de promouvoir les droits et le bien-être des enfants.
3. L’Assemblée rappelle que c’est l’environnement familial qui offre les conditions les plus propices à l’épanouissement de l’enfant. Avant de confier un enfant à des tiers ou à une institution, il faudrait apporter à sa famille toute l’aide nécessaire pour faire face à ses difficultés.
4. C’est pourquoi les enfants ne devraient être séparés de leurs parents biologiques qu’en des circonstances très exceptionnelles, sous réserve d’un contrôle judiciaire et dans le respect des exigences découlant de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989.
5. Par conséquent, l’Assemblée appelle les Etats membres:
5.1. à mettre pleinement en œuvre la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
5.2. s’ils ne l’ont pas encore fait, à signer et/ou ratifier toutes les conventions pertinentes du Conseil de l’Europe concernant les droits de l’enfant, en particulier la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202) et la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160);
5.3. à promouvoir et diffuser les Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants (2010) et à assurer le suivi de leur mise en œuvre;
5.4. à veiller à ce que les procédures internes concernant l’adoption et le placement d’enfants se déroulent conformément aux principes issus de la Convention européenne des droits de l’homme;
5.5. à veiller à ce que les autorités internes compétentes, en statuant sur l’adoption et/ou le placement d’enfants:
5.5.1. prennent en compte les exigences découlant de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
5.5.2. donnent la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant;
5.5.3. apportent une aide concrète aux familles dans le besoin, de manière à réduire autant que possible le nombre d’affaires dans lesquelles un enfant doit être séparé de ses parents;
5.5.4. agissent rapidement, de manière à éviter que la vie de famille des parties ne subisse des dommages irréparables;
5.6. à continuer de soutenir les activités des organes du Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection et du bien-être des enfants.

B. Exposé des motifs, par M. Chope, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La proposition de résolution intitulée «Droits de l’homme et tribunaux des affaires familiales» (Doc. 11742) a été renvoyée pour rapport à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 28 septembre 2009. Le 16 novembre 2009, la commission a nommé M. Paul Rowen (Royaume-Uni, ADLE) rapporteur. Puis, M. Rowen ayant quitté l’Assemblée parlementaire, la commission m’a nommé rapporteur lors de sa réunion du 8 mars 2011 et a décidé de demander au Bureau une prolongation du mandat jusqu’au 30 juin 2012, ce que le Bureau a accepté le 15 avril 2011.
2. Le 21 mai 2012, la commission a procédé à un échange de vues avec la participation:
  • de Mme Judith Masson, professeur d’études sociales et juridiques, faculté de droit de l’université de Bristol (Royaume-Uni);
  • du juge Daniel Pical, président de la section européenne de l’Association internationale des magistrats de la jeunesse et de la famille, président honoraire de chambre à la cour d’appel de Versailles (France).
3. La proposition de résolution précitée se focalise sur la protection de l’enfant intégrée dans le cadre plus global de la protection des droits de l’homme. Les enfants constituent une catégorie particulièrement vulnérable, et ceux et celles qui sont chargés de les protéger doivent assumer la responsabilité des actions qu’ils mènent dans ce domaine et agir de manière à protéger les droits de l’homme de tous ceux et celles à qui ils/elles ont affaire – y compris les droits des parents. Les procédures judiciaires liées à des affaires familiales peuvent soulever des questions non seulement sous l’angle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale, mais aussi dans les domaines couverts par l’article 6 (droit à un procès équitable) et l’article 13 (droit à un recours effectif).
4. La proposition de résolution se réfère notamment à quelques cas préoccupants concernant le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales en Croatie, au Portugal et au Royaume-Uni, et demande une enquête approfondie sur la situation dans ces Etats membres du Conseil de l’Europe. Le texte de la proposition rappelle l’arrêt rendu en 2008 par la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») dans l’affaire X. c. Croatie 
			(2) 
			Requête no 11223/04,
arrêt du 17 juillet 2008., dans lequel la Cour a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention, en raison de l’exclusion de la requérante de la procédure judiciaire ayant abouti à l’adoption de sa fille. De plus, les auteurs de la proposition de résolution s’inquiètent d’éventuelles violations, commises par le Royaume-Uni, des articles 6, 8 et 13 de la Convention dans certaines affaires portées devant les tribunaux des affaires familiales, ainsi que du système d’adoption «forcée» au Portugal – système qui permet l’adoption d’enfants contre la volonté de leurs parents. De plus, comme le montrent certaines études récentes, de trop nombreux enfants sont séparés de leur famille biologique et placés en établissement. Par exemple, selon l’UNICEF, le nombre d’enfants vivant en établissement en Europe centrale et orientale et dans la Communauté d’Etats indépendants est le plus élevé au monde – plus de 626 000 enfants pour les 22 pays de cette région 
			(3) 
			At home or in a home? Formal care and adoption
of children in Eastern Europe and Central Asia, UNICEF, septembre
2010, p. 4: <a href='http://www.unicef.org/protection/Web-Unicef-rapport-home-20110623v2.pdf'>www.unicef.org/protection/Web-Unicef-rapport-home-20110623v2.pdf</a>. Pour des données plus détaillées, voir: <a href='http://www.transmonee.org/'>www.transmonee.org/.</a>, et le taux d’enfants placés en établissement s’accroît 
			(4) 
			Ibid, p. 5.. Signalons par ailleurs que la situation en Europe occidentale est également loin d’être parfaite; en France, par exemple, sur 15 millions d’enfants, près de 148 000 ne vivent pas avec leurs parents biologiques. Parmi ces derniers, 48 600 sont placés en établissement 
			(5) 
			Voir le rapport 2011
du Défenseur des droits français consacré aux droits de l’enfant: Enfants confiés, enfants placés: défendre et
promouvoir leurs droits, p. 4: 
			(5) 
			<a href='http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/defense_des_droits_des_enfants/rapport_ddd_2011_simples.pdf'>www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/defense_des_droits_des_enfants/rapport_ddd_2011_simples.pdf.</a>. En Angleterre, le nombre d’enfants placés a récemment augmenté 
			(6) 
			Selon
le Cafcass, les autorités locales ont saisi les tribunaux à 903
reprises en janvier 2011 pour placer des enfants, chiffre le plus
élevé depuis sa création en 2001; voir <a href='http://www.bbc.co.uk/news/uk-16958373'>www.bbc.co.uk/news/uk-16958373</a> (du 9 février 2012)..
5. C’est pourquoi le présent rapport étudiera le fonctionnement des systèmes de justice familiale dans le contexte de la protection des droits de l’homme notamment dans les pays précédemment mentionnés. Un rappel des normes juridiques internationales en vigueur concernant les droits de l’enfant et un examen plus détaillé de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme au cours des vingt dernières années relative à l’adoption ou au placement d’enfants seront utiles pour identifier toute faille ou lacune en ce domaine. Des exemples concernant d’autres Etats membres seront également pris en compte. Quant aux préoccupations que suscite le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales dans mon pays natal, à l’origine de la proposition de résolution précitée, j’appuierai mes travaux sur la précieuse contribution du professeur Masson à l’audition organisée par la commission en mai 2012.

2. Droits de l’enfant dans les textes juridiques internationaux

2.1. La Convention relative aux droits de l’enfant

6. Comme tout être humain, les enfants jouissent de droits fondamentaux garantis par des traités internationaux. Toutefois, comme il s’agit d’une population particulièrement vulnérable, certains droits ont pour eux été ajoutés ou renforcés dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, adoptée à New York le 20 novembre 1989 («la CDE») 
			(7) 
			<a href='http://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-11&chapter=4&lang=fr&clang=_fr'>http://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-11&chapter=4&lang=fr&clang=_fr.</a>. La CDE a été ratifiée par la quasi-totalité des Etats (à l’exception de la Somalie et des Etats-Unis) 
			(8) 
			<a href='http://www.unicef.fr/contenu/info-humanitaire-unicef/la-convention-internationale-des-droits-de-lenfant?gclid=CP3Oj5qbl7MCFanItAodzG0A9Q'>www.unicef.fr/contenu/info-humanitaire-unicef/la-convention-internationale-des-droits-de-lenfant?gclid=CP3Oj5qbl7MCFanItAodzG0A9Q.</a>.
7. Les obligations découlant de la CDE sont de nature plutôt générale et requièrent des mesures d’application (législatives, administratives et autres) au niveau national. Tout en faisant obligation aux Etats parties de reconnaître divers droits de l’enfant, la CDE leur impose également de respecter les droits et devoirs des parents (article 5). La séparation des enfants de leurs parents biologiques doit être une mesure exceptionnelle. Aux termes de l’article 20, tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat (paragraphe 1) et à une protection de remplacement (paragraphe 2). L’adoption n’est admise que dans l’intérêt supérieur de l’enfant, avec l’autorisation des autorités compétentes, et assortie de garanties appropriées pour l’enfant et les parents (articles 9 et 21). La CDE réaffirme que les parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et que l’Etat doit leur accorder l’aide appropriée dans l’exercice de cette responsabilité (article 18). Les Etats parties adoptent ainsi les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents à offrir à leur enfant un niveau de vie suffisant, et fournissent en cas de besoin une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement et le logement (article 27, paragraphes 1 et 3).
8. La CDE et son protocole facultatif de 2000 concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants 
			(9) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/french/law/crc-sale.htm'>www2.ohchr.org/french/law/crc-sale.htm.</a> contiennent diverses dispositions relatives à l’évolution vers ce que l’on appelle une «justice adaptée aux enfants». Cette notion recouvre l’idée que les tribunaux peuvent constituer un instrument efficace pour influer positivement sur la vie des enfants tout en reconnaissant que, dans les faits, les contacts avec le système judiciaire sont trop souvent pour les enfants une source de traumatismes supplémentaires plutôt qu’un secours 
			(10) 
			Voir le site web du
réseau d’information des droits de l’enfant (CRIN): 
			(10) 
			<a href='http://crin.org/resources/infodetail.asp?id=24828'>http://crin.org/resources/infodetail.asp?id=24828#Child-Friendly%20Justice%20and%20the%20laCDE|outline.</a>. Aussi faut-il que les décideurs élaborent des politiques pour régler la situation précaire des enfants au sein du système judiciaire. Certains grands principes concernant une justice adaptée aux enfants figurent dans les dispositions de la CDE, en particulier:
a. l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale (article 3);
b. l’enfant ne peut être séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant (article 9);
c. un enfant capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, dans toute procédure judiciaire ou administrative (article 12);
d. les Etats doivent prendre toutes les mesures appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, etc. (article 19).
9. Les dispositions de l’article 12 de la CDE relatives aux droits de l’enfant d’être entendu ont été développées dans l’Observation générale no 12 du Comité des droits de l’enfant sur le droit de l’enfant d’être entendu, datée du 1er juillet 2009 
			(11) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/crc/docs/AdvanceVersions/CRC-C-GC-12_fr.pdf'>www2.ohchr.org/english/bodies/crc/docs/AdvanceVersions/CRC-C-GC-12_fr.pdf.</a>. Le Comité y a souligné ceci: « Un enfant ne peut se faire entendre efficacement si le contexte est intimidant, hostile, peu réceptif ou inadapté à son âge. La procédure doit être à la fois accessible et adaptée à l’enfant. Il faut veiller en particulier à offrir à l’enfant des informations qui lui sont adaptées et à l’aider à défendre sa cause, et prêter attention à la mise à disposition d’un personnel spécialement formé, à l’apparence des salles d’audience, à l’habillement des juges et des avocats, et à la présence de paravents et de salles d’attente séparées. 
			(12) 
			Ibid.,
paragraphe 34.»

2.2. Activités du Conseil de l’Europe en matière de protection de l’enfance

10. Diverses initiatives de promotion des droits de l’enfant et de protection de l’enfance en général ont également été prises sous l’égide du Conseil de l’Europe 
			(13) 
			Par exemple, le programme
«Construire une Europe pour et avec les enfants», lancé en novembre
2011, ou encore la campagne «UN sur CINQ» contre les abus sexuels
à l’égard des enfants.. Le Conseil de l’Europe a notamment été à l’origine de l’adoption de plusieurs conventions en ce domaine 
			(14) 
			Pour
une liste de ces conventions, voir <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/conventions_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/conventions_FR.asp.</a>; malheureusement, certaines d’entre elles n’ont été ratifiées que par quelques Etats membres (en particulier, la Convention européenne en matière d’adoption des enfants (révisée) (STCE no 202) 
			(15) 
			Adoptée le 27 novembre
2008 à Strasbourg. N’a été ratifiée à ce jour que par six Etats
membres. et la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160) 
			(16) 
			Adoptée le 25 novembre
1996 à Strasbourg. N’a été ratifiée à ce jour que par 17 Etats membres. ). Le Comité des Ministres a adopté une série de recommandations et de résolutions sur divers aspects du bien-être et de la protection de l’enfant 
			(17) 
			Pour
une liste des résolutions et recommandations, voir <a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/resolutions_recommendations_cm_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/resolutions_recommendations_cm_FR.asp.</a>, y compris sur des questions telles que le placement 
			(18) 
			Voir,
en particulier, la Recommandation Rec(2005)5 relative aux droits
des enfants vivant en institution et la Résolution (77) 33 sur le
placement des enfants. et les responsabilités parentales 
			(19) 
			Voir,
en particulier, la Recommandation no R
(84) 4 sur les responsabilités parentales et la Recommandation no R (87)
6 sur les familles nourricières..
11. Ces dernières années, l’Assemblée a adopté plusieurs rapports, résolutions et recommandations concernant les droits des enfants, et plus particulièrement les droits des enfants témoins de violences familiales, les enfants placés, et la garantie du droit à l’éducation pour les enfants malades ou handicapés 
			(20) 
			Par,
exemple, les Résolution
1714 (2010) et Recommandation
1905 (2010) sur les enfants témoins de violence domestique, les Résolution 1762 (2010) et Recommandation
1939 (2010) «Enfants privés de soins parentaux: nécessité d’agir
d’urgence», les Recommandation
1864 (2009) «Promouvoir la participation des enfants aux décisions
qui les concernent» ou Résolution
1761 (2010) «Garantir le droit à la scolarisation des enfants malades
ou handicapés». Pour une liste de documents, voir: 
			(20) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/resolutions%20and%20recommendations_pa_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/resolutions%20and%20recommendations_pa_FR.asp.</a>. Cependant, le présent rapport n’a pas pour but de décrire l’ensemble des activités du Conseil de l’Europe en matière de bien-être de l’enfant.
12. Le Conseil de l’Europe a également conçu un certain nombre de règles relatives à une justice adaptée aux enfants. Le 17 novembre 2010, le Comité des Ministres a adopté ses Lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants 
			(21) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/childjustice/Lignes directrices sur une justice adapt%C3%A9e aux enfants et leur expos%C3%A9 des motifs F _2_.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/childjustice/Lignes%20directrices%20sur%20une%20justice%20adapt%C3%A9e%20aux%20enfants%20et%20leur%20expos%C3%A9%20des%20motifs%20F%20_2_.pdf.</a>, en se référant au programme du Conseil de l’Europe «Construire une Europe pour et avec les enfants». Ces lignes directrices sont les premières normes régionales en leur genre. Elles devraient s’appliquer dans tous les domaines – civil, administratif ou pénal – et ne sont pas seulement une déclaration de principes, mais aspirent à être un guide pratique pour la mise en œuvre des normes internationales, reconnues et contraignantes, dans les procédures judiciaires et non judiciaires 
			(22) 
			Lignes directrices,
p. 16.. Elles visent à faire en sorte que, dans toute procédure impliquant des enfants, tous les droits de ceux-ci (notamment le droit à l’information, à la représentation, à la participation et à la protection) soient pleinement respectés, en tenant dûment compte du niveau de maturité et de compréhension de l’enfant, ainsi que des circonstances de l’espèce. Cependant, respecter les droits des enfants ne devrait pas léser les droits des autres parties concernées (partie I. Champ d’application et finalité). L’existence des Lignes directrices ne doit pas empêcher les Etats membres d’adopter ou d’appliquer des normes supérieures ou des mesures plus favorables 
			(23) 
			Voir le Préambule aux
Lignes directrices..
13. Du point de vue des procédures des tribunaux des affaires familiales, il est important que les Lignes directrices soulignent que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer sur toute autre considération dans toutes les affaires concernant directement ou indirectement des enfants (partie III.B. Intérêt supérieur de l’enfant, paragraphe 1). Elles se concentrent également sur la protection des données à caractère personnel des enfants (partie IV.A.2. Protection de la vie privée et familiale, paragraphes 6-10). Elles préconisent des procédures à huis clos: en vertu du paragraphe 9, «[l]es auditions et témoignages d’enfants dans des procédures judiciaires, non judiciaires ou dans d’autres actions devraient de préférence, quand cela est possible, avoir lieu à huis clos»; elles sont également en faveur d’une approche multidisciplinaire réunissant des professionnels travaillant avec ou pour des enfants (avocats, psychologues, médecins, policiers, fonctionnaires de l’immigration, travailleurs sociaux et médiateurs). Les Lignes directrices insistent par ailleurs sur la nécessité pour les tribunaux de faire preuve d’une diligence exceptionnelle dans les affaires relevant du droit de la famille afin d’éviter de faire peser des conséquences dommageables et souvent irréparables sur les relations familiales (partie IV.D.4. Eviter les retards injustifiés, paragraphes 50-53).

3. Le droit au respect de la vie familiale (article 8 de la Convention) dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

3.1. Questions relatives à l’adoption et au placement de l’enfant

14. En vertu de l’article 8 de la Convention, les Etats ont l’obligation positive de réunir parents et enfants. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les mesures visant à priver définitivement les parents de tout contact avec leurs enfants ou de leur droit de garde doivent rester exceptionnelles et ne peuvent se justifier que par l’exigence prioritaire de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, comme indiqué dans l’arrêt Johansen c. Norvège 
			(24) 
			Voir
en particulier Johansen c. Norvège,
Requête no 17383/90, arrêt du 7 août
1996, paragraphe 78.. L’intérêt supérieur de l’enfant demeure pour la Cour le principal critère, bien qu’il ne figure pas dans la Convention européenne des droits de l’homme. Les droits de l’enfant englobent deux éléments distincts: le droit à une prise en charge au sein de la famille et le droit à des soins adaptés 
			(25) 
			Neulinger et Shuruk c. Suisse, Requête
no 41615/07, arrêt du 6 juillet 2010,
paragraphe 136: «L’intérêt de l’enfant présente un double aspect.
D’une part, il prévoit que les liens entre lui et sa famille soient
maintenus, sauf dans les cas où celle-ci se serait montrée particulièrement
indigne. En conséquence, seules des circonstances tout à fait exceptionnelles peuvent
en principe conduire à une rupture du lien familial et tout doit
être mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et,
le cas échéant, le moment venu, “reconstituer” la famille. D’autre
part, il est certain que garantir à l’enfant une évolution dans
un environnement sain relève de cet intérêt et que l’article 8 ne
saurait autoriser un parent à prendre des mesures préjudiciables
à la santé et au développement de son enfant.».
15. Etant donné le caractère éventuellement irréversible des décisions des tribunaux et autres autorités chargées de traiter les affaires familiales, la Cour a également établi que certains droits étaient implicitement inscrits dans la notion de «droit au respect de la vie familiale» garanti par l’article 8 de la Convention. Les parents et, le cas échéant, d’autres membres de la famille doivent être autorisés à participer à toute décision concernant leurs enfants, à un niveau qui permette de protéger comme il se doit l’intérêt de l’enfant 
			(26) 
			U.
Kilkelly, Un guide sur la mise en œuvre
de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme,
Précis sur les droits de l’homme no 1,
2003, Conseil de l’Europe, p. 58.. Par conséquent, les autorités compétentes doivent faire preuve d’une diligence particulière dans tous les cas où un retard des procédures peut porter atteinte, de manière irréversible, à la vie familiale des parties concernées 
			(27) 
			H.
c. Royaume-Uni, Requête no 9580/81,
arrêt du 8 juillet 1987, paragraphe 85. . Etant donné que les obligations que l’article 8 de la Convention fixe aux Etats sont entre autres d’ordre procédural, la Cour, lorsqu’elle examine d’éventuels dysfonctionnements dans une affaire familiale, se réfère à cet article plutôt qu’à l’article 6 de la Convention, qui garantit le droit à un procès équitable 
			(28) 
			Voir, par exemple, Bajrami c. Albanie, Requête no 35853/04,
arrêt du 12 décembre 2006.. L’article 8 est de portée plus générale que l’article 6 en ce qui concerne les affaires familiales; en effet, il inclut non seulement les procédures judiciaires, mais aussi les décisions prises avant qu’un tribunal soit saisi de l’affaire et après, lors de l’exécution des décisions de justice. Cependant, dans certains cas, la Cour a pu conclure également à une violation de l’article 13 (droit à un recours effectif), si les requérants n’ont pas été en mesure d’interjeter un appel effectif, au niveau national, pour défendre leur droit au respect de la vie familiale 
			(29) 
			Voir,
par exemple, T.P et K.M. c. Royaume-Uni,
Requête no 28945/95, arrêt du 10 décembre
1999..
16. L’article 8 de la Convention couvre les questions de fond et de procédure liées à l’autorisation d’adoption et/ou la privation des droits parentaux. A plusieurs reprises, la Cour a statué au sujet de carences procédurales; il s’agit de cas où l’enfant a été retiré trop rapidement à ses parents biologiques 
			(30) 
			Par exemple, Haase c. Allemagne, Requête no 11057/02,
arrêt du 8 avril 2004., où l’adoption a été décidée de manière trop rapide ou bien que l’enfant a été placé trop rapidement dans une famille d’accueil 
			(31) 
			Par
exemple, Keegan c. Irlande,
Requête no 16969/90, arrêt du 26 mai
1994., où les parents biologiques n’ont pas été suffisamment associés au processus ou bien que l’adoption a été décidée sans leur consentement 
			(32) 
			Par exemple, Haase c. Allemagne et Keegan c. Irlande., où le père biologique n’a pas bénéficié de la capacité d’ester lors de la procédure d’adoption 
			(33) 
			Par
exemple, Keegan c. Irlande. ou que la procédure qui doit permettre l’accès des parents biologiques à leur enfant ou conduire au placement de l’enfant dans une institution publique a été trop longue 
			(34) 
			Par
exemple, E.P. c. Italie, Requête
no 31127/96, arrêt du 16 novembre 1999,
et B. c. Royaume-Uni, Requête no 9840/82,
arrêt du 8 juillet 1987.. Cependant, la Cour ne confère aucun droit à l’adoption 
			(35) 
			Fretté
c. France, Requête no 36515/97,
arrêt du 26 mai 2002., bien qu’ayant conclu à des violations de l’article 8 en raison de défaillances de tribunaux nationaux dans le cadre de procédures d’adoption 
			(36) 
			Par exemple, Pini et Bertani c. Roumanie, Requêtes
nos 78028/01 et 78030/01, arrêt du 22
juin 2004; Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg,
Requête no 76240/01, arrêt du 28 juin
2007.. Dans les affaires d’adoption, la Cour doit toujours trouver un équilibre entre les droits des parents biologiques et des parents adoptifs; les liens de l’enfant avec sa famille biologique ne peuvent être rompus que dans des circonstances exceptionnelles 
			(37) 
			Voir également le discours
de I. Berro-Lefèvre, juge à la Cour européenne des droits de l’homme,
prononcé lors de la conférence du Conseil de l’Europe intitulée
«Les enjeux dans les procédures d’adoption en Europe: garantir l’intérêt supérieur
de l’enfant», Strasbourg, 30 novembre 2009: 
			(37) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/Adoption conference/Presentation I  BERRO-LEFEVRE REV.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/Adoption%20conference/Presentation%20I%20%20BERRO-LEFEVRE%20REV.pdf.</a>.
17. La Cour s’est également penchée sur de nombreuses affaires relatives à des enfants placés 
			(38) 
			Par exemple, W.H., O., B. et R. c. Royaume-Uni,
arrêts du 8 juillet 1987., en appréciant la proportionnalité des mesures prises par les autorités locales; lorsque des parents n’avaient pas été suffisamment associés au processus décisionnel, la Cour a conclu à des violations de l’article 8 
			(39) 
			Olsson
c. Suède (no 1), arrêt du
24 mars 1998, et Eriksson c. Suède,
arrêt du 22 juin 1989.. Selon la Cour, la décision de la prise en charge d’un enfant ne met pas fin aux relations avec la famille biologique. Les parents biologiques peuvent conserver un droit de visite qui fait partie de la vie familiale et l’Etat doit prendre les mesures nécessaires pour réunir la famille en offrant aux parents et aux enfants la possibilité de se retrouver et de maintenir ou de rétablir des liens étroits 
			(40) 
			B.
c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, paragraphe 60.. Il est clair que la Cour attache une grande importance au maintien de contacts entre parents et enfants lorsqu’un enfant est placé sous tutelle; toute limitation de ces contacts doit être en rapport avec les objectifs recherchés 
			(41) 
			U.
Kilkelly, voir note 27, p. 54..

3.2. Jurisprudence récente de la Cour concernant certains Etats parties à la Convention

3.2.1. Croatie

18. Dans l’arrêt X. c. Croatie, la Cour s’est élevée contre l’argument d’«incapacité mentale» invoqué par les autorités croates pour empêcher une personne de prendre part à l’avenir de ses enfants. Dans cette affaire, la fille de la requérante a fait l’objet d’une procédure d’adoption sans que la requérante en ait été informée, ou y ait consenti ou participé, et ce, alors que la requérante n’avait jamais été officiellement privée de ses droits parentaux. La requérante a été jugée dans l’incapacité d’agir en raison de troubles mentaux et de problèmes d’addiction. La Cour a contesté le point de vue des autorités croates selon lesquelles toute personne jugée incapable d’agir doit être automatiquement privée de toute participation à la procédure d’adoption de son enfant; sur cette base, elle a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention. La Cour a jugé que la requérante aurait dû être entendue et en mesure d’exprimer son point de vue au sujet d’une éventuelle adoption de sa fille 
			(42) 
			Paragraphe
53 de l’arrêt.. Cette affaire est en cours d’examen par le Comité des Ministres, qui supervise l’exécution par la Croatie de l’arrêt en question 
			(43) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/reports/pendingcases_FR.asp?CaseTitleOrNumber=&StateCode=CRO&SectionCode'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution/reports/pendingcases_FR.asp?CaseTitleOrNumber=&StateCode=CRO&SectionCode.</a>.
19. La Cour examine actuellement une affaire similaire (A.K. et L.K. c. Croatie) 
			(44) 
			Requête no 37956/11,
communiquée le 6 juillet 2011., dans laquelle les requérants – une mère souffrant de légers troubles mentaux et son fils – considèrent qu’il y a eu violation de leur droit au respect de la vie familiale, par la privation de la première requérante (la mère) de ses droits parentaux vis-à-vis de son fils, et l’adoption du second requérant (le fils) sans l’accord de la mère, et sans même que celle-ci en ait été informée.

3.2.2. Portugal

20. Au Portugal, certains éléments tendent à prouver le caractère arbitraire, voire discriminatoire, du processus d’adoption. Dans l’affaire Salgueiero da Silva Mouta c. Portugal 
			(45) 
			Requête
no 33290/96, arrêt du 21 décembre 1999., il a été établi que la cour d’appel avait pris sa décision d’accorder à l’ex-épouse la responsabilité parentale de sa fille au seul motif de l’orientation homosexuelle du requérant. La Cour a conclu à une violation de l’article 8 combiné avec l’article 14 de la Convention. Après une large diffusion de cet arrêt auprès des autorités concernées et le réexamen de la question de la responsabilité parentale, le Comité des Ministres a clos le processus de supervision de l’exécution de l’arrêt en question 
			(46) 
			Résolution
ResDH(2007)89, adoptée le 20 juin 2007.. Dans deux affaires récentes, Santos Nunes c. Portugal 
			(47) 
			Santos Nunes c. Portugal, Requête
no 61173/08, arrêt du 22 mai 2012, pas
encore définitif. et Pontes c. Portugal 
			(48) 
			Pontes c. Portugal, Requête no 19554/09,
arrêt 10 avril 2012, pas encore définitif., la Cour a conclu à des violations de l’article 8. Dans la première affaire, la violation était due à la lenteur présumée de la part des autorités, en particulier de la police, dans l’exécution de la décision d’accorder au requérant la garde de son enfant, confié aux soins d’un autre couple. Dans la deuxième affaire, l’un des enfants des requérants leur avait été retiré et avait finalement été adopté, et ils avaient été déchus de l’autorité parentale. La Cour a conclu que les autorités n’avaient pas pris de mesures permettant aux requérants d’entretenir des contacts réguliers avec leur fils et que la décision de le placer en vue de l’adoption n’était pas fondée sur des raisons pertinentes et suffisantes (deux violations de l’article 8). D’autre part, dans l’affaire Assunção Chaves c. Portugal 
			(49) 
			Assunção
Chaves c. Portugal, Requête no 61226/08,
arrêt du 31 janvier 2012., dans laquelle le requérant, un ressortissant brésilien, se plaignait du placement de sa fille dans une institution après sa naissance dans un hôpital et de la déchéance de ses droits parentaux, la Cour n’a pas constaté de violation de l’article 8 
			(50) 
			Avec
une majorité de 4 à 3. La Cour a considéré que le requérant et ses
parents étaient responsables de la rupture des liens avec leur fille;
ils avaient en effet déménagé en Espagne et n’exerçaient pas leur
droit de visite de l’enfant. , mais seulement de son droit d’accès à un tribunal (article 6, paragraphe 1), le requérant n’ayant pas été dûment informé de ses droits procéduraux.
21. Eu égard au calendrier et à la nature des affaires, il serait prématuré de tirer des conclusions généralisées sur le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales dans ce pays. De nombreux autres arrêts rendus par la Cour contre le Portugal révèlent certaines failles et certains retards dans le fonctionnement de la justice en général (violations de l’article 6); leur exécution est suivie de près par le Comité des Ministres 
			(51) 
			Figueiredo
Simoes c. Portugal, Requête no 51806/99,
arrêt du 30 janvier 2003. Voir également Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)108
du Comité des Ministres sur la durée excessive de procédures au
Portugal.. Le rapport du médiateur français de 2011 cite le Portugal comme exemple de bonnes pratiques à la suite de la publication de lignes directrices pour les personnes travaillant avec des enfants placés en établissement 
			(52) 
			voir note 6 ci-dessus,
p. 93.. C’est pourquoi il conviendrait d’analyser le problème du fonctionnement des tribunaux des affaires familiales dans un contexte plus large.

3.2.3. Royaume-Uni

22. Dans un certain nombre d’affaires portées contre le Royaume-Uni, la Cour a considéré que l’action des services publics britanniques n’était pas adaptée à la situation, et donc contraire aux dispositions de la Convention. Par exemple, en révélant les problèmes que pouvaient poser le caractère irréversible des ordonnances d’adoption et l’absence de recherches, par les autorités, de solutions autres que le retrait d’un enfant à ses parents biologiques, l’affaire P., C. et S. c. Royaume-Uni a soulevé une véritable polémique 
			(53) 
			Requête
no 56547/00, arrêt du 16 juillet 2002.
La Cour a aussi conclu à une violation de l’article 6 de la Convention, car
les parents requérants n’ont pas été assistés dans la procédure
par un avocat compétent.. Sur la base de ces deux dysfonctionnements, la Cour a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention. Sept ans auparavant, l’affaire McMichael c. Royaume-Uni 
			(54) 
			Requête
no 16426/90, arrêt du 24 février 1995., dont les faits étaient similaires, avait connu la même issue 
			(55) 
			La supervision de l’exécution
de l’arrêt concerné s’est achevée par la Résolution DH(97)508 du
Comité des Ministres, suite à l’entrée en vigueur de la réglementation
sur les auditions d’enfants de 1996 en Ecosse..
23. De même, en ce qui concerne l’affaire A.D. et O.D. c. Royaume-Uni 
			(56) 
			Requête no 28680/06,
arrêt du 16 mars 2010, arrêt définitif le 16 juin 2010., la Cour a conclu à une violation du droit des requérants (une mère et son fils) au respect de leur vie privée et familiale, en raison des erreurs des services sociaux locaux. Le constat de violation reposait sur les éléments suivants: le fils nouveau-né souffrant de blessures inexpliquées, la requérante et son partenaire avaient été déplacés vers un centre familial où ils sont restés près de trois mois. L’enfant avait été placé dans un foyer d’accueil pendant quatre mois, faute d’une évaluation correcte de la situation par les pouvoirs locaux. Après évaluation, le retour de l’enfant – souffrant selon les médecins d’une maladie osseuse rare – dans sa famille d’origine avait pris plus de temps qu’il n’était raisonnable. La Cour a considéré que, si «des mesures de protection étaient pertinentes et raisonnablement justifiées, les dysfonctionnements constatés par la suite ont prolongé et aggravé l’atteinte au droit des requérants au respect de leur vie familiale et n’étaient pas proportionnés au but légitime de protection des requérants 
			(57) 
			Paragraphe 91 de l’arrêt.».
24. Dans l’affaire R.K. et A.K. c. Royaume-Uni 
			(58) 
			R. K. et A. K. c. Royaume-Uni, Requête
no 38000/05, arrêt du 30 septembre 2008; A.D. et O.D. c. Royaume-Uni, voir note
57 ci-dessus., la Cour a conclu à une violation de l’article 13 de la Convention, dans la mesure où les requérants n’avaient pas eu de recours effectif pour pouvoir établir la responsabilité des autorités locales concernant le préjudice subi du fait du placement de leur fille en garde à court terme. De la même manière, dans l’affaire T.P. et K.M. c. Royaume-Uni 
			(59) 
			Requête no 28945/95,
arrêt du 10 décembre 1999., la Cour a conclu à une violation de l’article 13 du fait qu’une mère (T.P.) n’avait pas pu suffisamment participer à la décision et avait été privée de tout recours approprié pour remettre en question la garde de sa fille: la Cour a considéré que la requérante ne disposait pas d’un recours effectif. Toutefois, il faut noter que, de l’avis du Comité des Ministres – qui supervise l’exécution des arrêts de la Cour – le problème a été résolu grâce à l’entrée en vigueur du Human Rights Act, le 2 février 2000 
			(60) 
			Résolution CM/ResDH(2010)25,
adoptée le 4 mars 2010, et Résolution CM/ResDH(2008)84, adoptée
le 8 octobre 2008..
25. A l’heure actuelle, la Cour examine une nouvelle requête d’une ressortissante britannique: cette dernière, qui présente des troubles d’apprentissage importants, a porté plainte, en invoquant l’article 8 de la Convention, contre la décision de placer sa fille sous la tutelle des autorités locales et de la faire adopter (affaire R.P et autres c. Royaume-Uni) 
			(61) 
			Requête no 38245/08,
arrêt du 9 octobre 2012.. La requérante a également invoqué l’article 6 de la Convention, en faisant valoir que, du fait de la nomination de l’Official Solicitor, elle n’avait pas été en mesure de porter son affaire devant les tribunaux en vue de remettre en cause la position des pouvoirs locaux. La requérante n’avait, en particulier, pas eu la possibilité de remettre en cause le rapport du psychologue.

3.2.4. Autres Etats parties à la Convention

26. Après examen d’un certain nombre de plaintes contre d’autres Etats membres, on peut affirmer que le système d’adoption/de placement pourrait également être défectueux dans d’autres Etats membres – notamment en Allemagne et en République tchèque où des cas particulièrement choquants ont été rapportés.
27. Dans l’affaire Görgülü c. Allemagne 
			(62) 
			Requête no 74969/01,
arrêt du 26 février 2004., dans laquelle la mère du fils du requérant (le père biologique) a confié l’enfant à l’adoption sans le consentement du requérant, les autorités ont dénié à celui-ci le droit d’accès à son fils et le droit de garde, alors que sa capacité et sa volonté n’avaient pas été mises en cause. La Cour a considéré que les droits des parents d’accueil avaient été placés, sans justification aucune, au-dessus des droits du requérant. En conséquence, la Cour a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention 
			(63) 
			Cette affaire a été
close par le Comité des Ministres à la suite de la décision d’accorder
au requérant la garde exclusive de son fils; Résolution CM/ResDH(2009)4
du 9 janvier 2009.. Dans l’affaire Kutzner c. Allemagne 
			(64) 
			Requête no 46544/99,
arrêt du 26 février 2002., l’enfant a été placé en famille d’accueil du fait que l’on a considéré les parents comme intellectuellement déficients – ce qui a constitué également une violation de l’article 8 de la Convention 
			(65) 
			Cette affaire a été
close par le Comité des Ministres après que l’enfant a été rendu
à sa famille biologique; Résolution CM/ResDH (2004)40 du 20 juillet
2004.. Ces deux affaires ont été closes par le Comité des Ministres à la suite de l’adoption de mesures à la fois individuelles et générales. Dans l’affaire Haase c. Allemagne 
			(66) 
			Requête
no 11057/02, arrêt du 8 avril 2004., les requérants se sont vu retirer leurs enfants – y compris un nouveau-né (de sexe féminin) – dans le cadre d’une décision non conforme aux exigences de l’article 8 de la Convention. L’examen de cette affaire a été clos par le Comité des Ministres après que des contacts ont été rétablis entre les requérants et leurs enfants 
			(67) 
			Résolution CM/ResDH(2011)213
adoptée le 2 décembre 2011.. Enfin, plus récemment, la Cour a également conclu à des violations de l’article 8 dans deux affaires dans lesquelles les requérants (les pères, en l’occurrence) se sont vu refuser l’accès à leurs enfants biologiques (Anayo c. Allemagne 
			(68) 
			Requête no 20578/07,
arrêt du 21 décembre 2010. et Schneider c. Allemagne 
			(69) 
			Requête no 17080/07,
arrêt du 15 septembre 2011.).
28. En République tchèque, l’affaire Wallowa et Walla c. République tchèque 
			(70) 
			Requête no 23848/04,
arrêt du 26 octobre 2006. a permis de réaffirmer l’obligation des pouvoirs locaux de respecter le droit à la vie familiale. Les enfants des requérants leur ont été retirés en raison de la pauvreté du foyer familial. La précarité en matière d’hébergement était totale, et les parents n’étaient guère en mesure d’améliorer les choses sur le plan financier (le père n’avait pas d’emploi stable, la mère était au chômage, et aucun des deux parents n’avait procédé aux formalités qui leur auraient permis de toucher des allocations sociales). Les enfants ont été séparés de leurs parents pendant cinq ans – les deux enfants les plus jeunes ayant été placés au sein d’une autre famille. La Cour a établi que ces enfants avaient été retirés à leurs parents pour des raisons matérielles, mais qu’il aurait fallu remédier à cette situation autrement que par le placement des enfants dans des familles d’accueil. Les parents auraient dû être informés en temps opportun de leurs droits à la sécurité sociale, de l’existence de logements sociaux et autres moyens qui auraient pu améliorer leur situation. La Cour a conclu que, en dépit de la légitimité des préoccupations des services sociaux, les circonstances particulières de cette affaire ne justifiaient pas une ingérence dans le droit garanti par l’article 8. Dans une affaire assez semblable – Havelka et autres c. République tchèque, la Cour a conclu à une violation de l’article 8 
			(71) 
			Requête no 23499/06,
arrêt du 21 juin 2007.. Ces deux affaires sont en attente d’exécution devant le Comité des Ministres.

4. Les tribunaux des affaires familiales en Europe

4.1. L’exemple du Royaume-Uni

29. La proposition de résolution se concentrant sur le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales au Royaume-Uni, il est nécessaire d’examiner plus avant ce point. Dans ce pays, les questions relatives à la protection de l’enfance sont essentiellement régies par la loi sur l’enfance (Children Act) de 1989 
			(72) 
			<a href='http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/contents'>www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/contents.</a>.
30. Comme il est dit dans la proposition de résolution précitée, certains aspects du fonctionnement des tribunaux des affaires familiales anglais et gallois sont préoccupants. En Angleterre et au pays de Galles, il y aurait eu apparemment de nombreux cas dans lesquels une instance publique (l’«Official Solicitor») s’est substituée à un parent dans une procédure susceptible d’aboutir à l’adoption d’un ou plusieurs de ses enfants. Des mères se sont vu retirer leurs enfants parce qu’elles étaient victimes de violences domestiques, ou pour des raisons médicales, sans qu’un deuxième avis ait été sollicité. Certaines plaintes avaient également trait au fait que, dans les affaires familiales, les tribunaux anglais prononcent généralement leur jugement à huis clos (ce qui peut constituer une violation de l’article 6 de la Convention; en effet, s’il peut être justifié de préserver l’anonymat des parties concernées, le secret ne doit pas s’appliquer à l’argumentation du tribunal, qui échappe sinon à tout contrôle). En outre, la proposition de résolution se montre critique vis-à-vis du fonctionnement du Cafcass (Children and Family Court Advisory and Support Service/Service de conseil et de soutien des tribunaux des affaires familiales) qui désigne des tuteurs ad litem dans les affaires de garde d’enfants en Angleterre et au pays de Galles (le Cafcass Cymru fonctionne au pays de Galles) 
			(73) 
			Le
Cafcass ne fonctionne pas en Ecosse et en Irlande du Nord, pays
qui ont leurs propres dispositifs de suivi en matière d’aide sociale.. En 2008, l’OFSTED (Office for Standards in Education/Agence pour l’application et le maintien de normes dans l’éducation) est devenu l’autorité de surveillance du Cafcass. Depuis lors, cet organisme a publié des rapports au sujet des normes appliquées par le Cafcass 
			(74) 
			<a href='http://www.ofsted.gov.uk/children-and-families-services/for-all-other-users/inspecting-children-and-families-services/inspecting-cafcass'>www.ofsted.gov.uk/children-and-families-services/for-all-other-users/inspecting-children-and-families-services/inspecting-cafcass</a>..
31. Comme l’a souligné la professeure Masson lors de l’audition de mai 2012, en Angleterre, les procédures relatives à la protection de l’enfance concernent annuellement environ 3 enfants de moins de 16 ans pour 1 000 et les affaires portées devant la justice sont – de par leur nature – exceptionnelles. Parmi les enfants faisant l’objet d’une action judiciaire destinée à assurer leur protection, un peu moins de la moitié font l’objet d’une ordonnance instaurant une garde partagée entre les parents et l’Etat («ordonnances de placement»). Les autres emménagent chez d’autres membres de la famille ou, plus rarement, restent avec le parent qui en avait la charge au début de la procédure 
			(75) 
			Children
Act [Loi sur les enfants] de 1989, article 22C(7); la primauté du
bien-être de l’enfant détermine l’ordonnance rendue. Les autorités
et tribunaux locaux étudient systématiquement si des membres de
la famille sont aptes à prendre en charge un enfant faisant l’objet
d’une procédure de placement; une hiérarchie de placement – parents,
famille/amis, personnes non apparentées est fixée par la loi.. Des ordonnances de placement auprès de personnes non apparentées et/ou des programmes d’adoption ne sont imposés que lorsqu’aucun membre de la famille ne peut s’occuper de l’enfant. Habituellement, les tribunaux prévoient des arrangements pour le maintien des contacts avec les enfants faisant l’objet d’une procédure de garde, non seulement pendant le déroulement de la procédure, mais aussi lorsque la décision finale est rendue; cette obligation est définie par la loi 
			(76) 
			Children Act [Loi sur
les enfants] de 1989, article 34.. Des programmes d’adoption sont mis sur pied pour environ un quart des enfants faisant l’objet d’une ordonnance de placement 
			(77) 
			La recherche universitaire
fournit d’excellentes preuves des pratiques des tribunaux des affaires
familiales. Par exemple: J. Brophy, J. Jhutti-Johal et E. McDonald, Minority ethnic parents, their solicitors and
child protection litigation, Londres, Département des
affaires constitutionnelles (DCA); J. Brophy, Research
review: child care proceedings under the Children Act 1989,
DCA Research Series 5/06, Département des affaires constitutionnelles,
Londres; C. Davies et H. Ward, Safeguarding
children across services, Jessica Kingsley Publishers,
Londres, 2012; J. Hunt et A. Macleod, Outcomes
of applications to court for contact orders after parental separation
and divorce, 2011, ministère de la Justice, Londres;
J. Masson et al, Care Profiling Study,
2008, Research study 4/08, ministère de la Justice, Londres; J. Pearce
et al., Just Following
Instructions? The representation of parents in care proceedings,
université de Bristol, faculté de droit, Bristol, 2011..
32. Concernant l’Official Solicitor, qui officie en Angleterre et au pays de Galles, il/elle est un fonctionnaire et un juriste qualifié, qui n’intervient que dans des affaires où il/elle estime que le parent est inapte, et requiert généralement des éléments de preuve auprès d’un psychiatre consultant pour établir cette inaptitude. En toute hypothèse, toute intervention obligatoire de protection d’un enfant nécessite d’obtenir une décision du tribunal des affaires familiales.
33. Cependant, selon la professeure Masson, la violence domestique demeure un problème 
			(78) 
			Il
ressort d’une vaste étude sur les affaires de protection de l’enfance
portées devant les tribunaux anglais en 2004 que près de la moitié
des mères connaissaient des problèmes conjoints de violences familiales
et de toxicomanie. qui peut conduire à imposer des interventions obligatoires de protection de l’enfance 
			(79) 
			J. Masson et
al., 2008, voir note 78 ci-dessus.; contester des preuves médicales dans de telles affaires n’entraîne pas de «droit à un deuxième avis» à la lumière de l’article 8 de la Convention. Bien que les décisions sur les expertises, nécessaires pour statuer sur une affaire, soient officiellement du ressort du juge, les parties ont à cet égard une influence considérable par l’intermédiaire de leurs représentants légaux. Ces décisions peuvent également être contestées. Dans plus de 90 % des affaires de protection de l’enfance portées devant les tribunaux anglais, il est fait appel au témoignage d’experts indépendants. Le coût occasionné aux parents ou aux enfants par les experts est pris en charge par le fonds d’aide judiciaire.
34. Entre 2006 et 2010, la question de la «transparence judiciaire», et tout spécialement de l’accès des médias aux tribunaux et de la publication des arrêts, a fait l’objet d’un examen de la part des services gouvernementaux et d’un débat public en Angleterre et au pays de Galles 
			(80) 
			Dans
le cadre de ce processus s’inscrivaient des recherches auprès d’enfants
ayant fait l’objet d’une procédure devant un tribunal des affaires
familiales. Il était manifeste que la majorité des enfants n’était
pas favorable à un renforcement de la couverture médiatique de leur
affaire. Les enfants estimaient que des informations privées seraient divulguées
à leur communauté et qu’ils seraient alors stigmatisés; en l’absence
de confidentialité ils n’étaient pas prêts à coopérer avec les experts
ou dans d’autres processus judiciaires. J. Brophy 2010, voir note
78 ci-dessus.. Malgré la levée de certaines restrictions à l’accès de la presse aux tribunaux, de strictes restrictions demeurent concernant la communication d’informations. Par conséquent, la présence de la presse dans les tribunaux des affaires familiales est extrêmement rare et se limite généralement aux affaires impliquant des «célébrités». Les reportages de presse ne constituent pas un moyen efficace d’assurer la transparence; dans les procédures familiales, les preuves incontestées ne sont pas fournies oralement, mais seulement par écrit, et les affaires ne sont pas examinées en continu, mais en une série de brèves audiences. Le fait qu’il n’y ait pas de jugement public ne signifie pas que les raisons l’ayant motivé ne sont pas communiquées aux parties. Tout tribunal ayant à connaître d’affaires familiales fournit les raisons de ses décisions. Dans l’affaire B et P c. Royaume-Uni 
			(81) 
			Arrêt du 24 avril 2001,
Requêtes nos 36337/97 et 35974/97., la Cour a estimé que la pratique consistant à juger certaines affaires familiales en chambre à huis clos (en excluant ainsi le public et la presse) n’était pas contraire à l’article 6 de la Convention et que la nature des procédures familiales, et en particulier la vie privée des enfants, justifiaient des audiences à huis clos dans les affaires familiales.
35. Quant aux fonctionnaires du Cafcass en Angleterre et au pays de Galles 
			(82) 
			Pour
plus d’informations, voir <a href='http://www.norfolk-fjc.org.uk/publications/the_role_of_cafcass.pdf'>www.norfolk-fjc.org.uk/publications/the_role_of_cafcass.pdf</a>., c’est devant les tribunaux, et non devant leur employeur qu’ils assument la responsabilité du jugement professionnel qu’ils ont porté dans leurs affaires. Ils fournissent également des rapports sociaux dans des conflits parentaux devant les tribunaux des affaires familiales. Selon la professeure Masson, étant donné que le Cafcass ne fournit de rapports sociaux que dans les cas les plus litigieux, soit environ 10 % des affaires, il n’est pas surprenant qu’il ne se prononce que rarement contre l’opportunité d’une décision de justice. En juillet 2011, le Commission de la justice de la Chambre des communes 
			(83) 
			<a href='http://www.publications.parliament.uk/pa/cm201012/cmselect/cmjust/518/51809.htm'>www.publications.parliament.uk/pa/cm201012/cmselect/cmjust/518/51809.htm#a48</a>. a fortement critiqué le Cafcass, à qui il reprochait de ne pas accorder assez d’attention à l’intérêt supérieur de l’enfant. Il a notamment appelé à un changement dans sa gestion, afin de permettre à son personnel de passer plus de temps avec les enfants 
			(84) 
			<a href='http://www.nagalro.com/feeds/news/cafcass-requires-major-change-says-justice-committee.aspx'>www.nagalro.com/feeds/news/cafcass-requires-major-change-says-justice-committee.aspx</a>..
36. En Angleterre et au pays de Galles, les tribunaux des affaires familiales et les pratiques en matière de protection de l’enfance ont fait l’objet d’une série de contrôles au cours de ces dernières années 
			(85) 
			Dont notamment
un examen effectué conjointement par le Département de l’éducation
et le Département des affaires constitutionnelles (2006), The Review of the Child Care Proceedings System
in England and Wales, Londres: DCA; et Lord Carter’s
Review of Legal Aid Procurement, Legal
Aid: A market-based approach to procurement, Londres, Département
des affaires constitutionnelles (2006). Voir également le 6e rapport
2010-2012 de la Commission judiciaire restreinte sur le fonctionnement
des tribunaux des affaires familiales: <a href='http://www.publications.parliament.uk/pa/cm201012/cmselect/cmjust/518/51802.htm'>www.publications.parliament.uk/pa/cm201012/cmselect/cmjust/518/51802.htm.</a>. Plus récemment, le comité de réexamen de la justice familiale (Family Justice Review panel) a produit un rapport en novembre 2011 
			(86) 
			Family
Justice Review, rapport final de novembre 2011: 
			(86) 
			<a href='http://www.justice.gov.uk/about/moj/independent-reviews/family-justice-review'>www.justice.gov.uk/about/moj/independent-reviews/family-justice-review</a>., et les idées exposées dans le bilan sur la protection de l’enfance du professeur Eileen Munro 
			(87) 
			<a href='http://www.education.gov.uk/munroreview/'>www.education.gov.uk/munroreview/</a>. – concernant le renforcement des compétences et pratiques en matière de travail social – sont actuellement mises en œuvre. Le rapport du comité de réexamen de la justice familiale a notamment critiqué les retards dans les procédures devant les tribunaux des affaires familiales (notamment celles où des enfants sont retirés à leurs familles durent plus d’un an). Le gouvernement a en outre annoncé une nouvelle loi portant sur la création d’un seul et unique tribunal des affaires familiales en Angleterre et au pays de Galles 
			(88) 
			Projet
de loi sur la criminalité et les tribunaux (Crime
and Courts Bill). , afin d’accélérer le traitement des affaires de garde devant la justice 
			(89) 
			Projet de loi sur les
enfants et les familles (Children and
Families Bill)..

4.2. Aperçu général

37. Comme l’a souligné la professeure Masson lors de l’audition, il n’y a pas de modèle unique pour rendre la justice familiale en Europe; à chaque Etat son propre système pour statuer en ce domaine. Un tribunal des affaires familiales unique peut avoir compétence pour statuer sur toutes les affaires, comme ce sera le cas en Angleterre et au pays de Galles après l’adoption du projet de loi sur la criminalité et les tribunaux de 2012 (Crime and Courts Bill). Mais ailleurs en Europe, il est courant que les affaires relatives aux enfants soient instruites séparément des affaires relatives aux biens familiaux et que les affaires de prise en charge d’enfants et de protection de l’enfance (dans lesquelles interviennent des organismes publics) soient confiées aux tribunaux administratifs plutôt qu’aux tribunaux civils ou des affaires familiales. Les pratiques diffèrent par exemple sur les points suivants: représentation des enfants, existence de juridictions spécialisées, autorisation donnée aux mères de ne pas dévoiler leur identité et de confier leurs enfants à l’adoption anonymement, obligation de rendre des comptes pour les personnes travaillant avec les familles (organismes publics), etc. Comme l’a souligné le juge Pical lors de l’audition, l’institution de l’accouchement sous X, qui permet aux mères de donner naissance anonymement, est un exemple de conflit d’intérêts entre la mère biologique, qui souhaiterait conserver l’anonymat, et l’enfant, qui souhaiterait connaître ses origines 
			(90) 
			Voir
également l’arrêt de la Cour dans l’affaire Odièvre
c. France, Requête no 42326/98,
arrêt du 13 février 2003 (Grande Chambre), dans lequel la Cour a
conclu que la législation française autorisant l’accouchement sous
X n’était pas en contradiction avec l’article 8 de la Convention.. L’accouchement sous X ne se pratiquant que dans une poignée d’Etats membres du Conseil de l’Europe 
			(91) 
			Ibid,
paragraphes 19-20., il illustre bien l’absence de dénominateur européen commun sur la question 
			(92) 
			Ibid,
opinion dissidente commune des juges Wildhaber, Sir Nicolas Bratza,
Bonello, Loucaides, Cabral Barreto, Tulkens et Pellonpää, en particulier
le paragraphe 12.. Les réalités de l’adoption dans les Etats membres peuvent être un autre exemple de la grande diversité des systèmes. Comme cela est indiqué dans le document thématique d’avril 2011 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, alors que l’adoption est une pratique bien établie dans certains pays, elle reste relativement méconnue dans d’autres. Certains Etats autorisent l’adoption des enfants à l’étranger, d’autres non 
			(93) 
			Adoption et enfants:
le point de vue des droits de l’homme, Strasbourg, 28 avril 2011,
CommDH/Document thématique(2011)2; <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1780157'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1780157.</a>.
38. La professeure Masson a également souligné que le recours à des mesures obligatoires constitue l’exception et ne se pratique que dans les affaires de sévices à enfants et de défaut de soins. En dépit de la diversité des politiques et des pratiques en Europe, la principale approche adoptée par tous les Etats consiste, chaque fois que possible, à rechercher une coopération avec les parents pour prodiguer aux enfants les meilleurs soins qui soient. En conséquence, les tribunaux ne sont saisis que quand des mesures volontaires sont inefficaces, ou considérées comme telles.

5. Conclusions

39. Il est malheureux qu’en raison de troubles mentaux, d’une incapacité ou d’autres circonstances, certains parents ne soient pas à même de s’occuper correctement de leurs enfants. En pareil cas, les services de protection de l’enfance sont tenus par le droit international et le droit interne de veiller au bien-être de ces enfants, en gardant à l’esprit que c’est à la naissance et dans la petite enfance qu’ils sont les plus vulnérables. L’adoption et le placement sous tutelle sont des options drastiques, dans la mesure où elles se concrétisent par la séparation des enfants de leurs parents. Par conséquent, ces mesures doivent être appliquées avec toutes les précautions requises et en dernier recours, en conformité avec l’interprétation de la Cour concernant l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Le placement en établissement devrait être évité dans toute la mesure du possible, car c’est le milieu familial qui offre en principe les meilleures conditions de développement et de bien-être de l’enfant. Comme l’a souligné le Commissaire aux droits de l’homme, la crise économique actuelle ne doit pas remettre en cause l’aide aux enfants à risque 
			(94) 
			Point de vue de Thomas
Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
concernant les «Enfants placés dans des institutions inadaptées»,
dans Droits de l’homme en Europe: la complaisance n’a
pas sa place, 2011, p. 194.. Eu égard au coût exorbitant d’une prise en charge correcte dans un établissement, une aide concrète accordée aux familles dans le besoin pour leur permettre de s’occuper de leurs enfants pourrait se révéler non seulement plus respectueuse du rôle fondamental de la famille, mais aussi plus économique que le placement de l’enfant en établissement.
40. Bien que la proposition de résolution mette en lumière certains dysfonctionnements des systèmes de justice familiale en Croatie, au Portugal et au Royaume-Uni, il serait prématuré de tirer des conclusions générales critiques sur le fonctionnement des tribunaux des affaires familiales dans ces pays en se fondant sur des exemples tirés de la jurisprudence de la Cour, lesquels peuvent ne donner qu’un tableau fragmentaire de la situation. Le cas du Royaume-Uni prouve qu’il est très difficile de se faire une idée claire du fonctionnement global des tribunaux des affaires familiales dans un pays et qu’une évaluation objective n’est possible qu’en s’appuyant sur des études approfondies. De plus, le tour d’horizon de la jurisprudence de la Cour a montré qu’il pouvait en effet y avoir certains dysfonctionnements, pas uniquement dans les trois Etats membres susmentionnés, mais aussi ailleurs. Certains arrêts de la Cour sanctionnant l’Allemagne et la République tchèque font également apparaître des problèmes très préoccupants en matière de placement d’enfants en établissement ou dans des familles d’accueil contre la volonté des parents biologiques.
41. La grande diversité des approches en matière familiale au sein des Etats membres reflète aussi la diversité des histoires, des cultures et des traditions religieuses; c’est pourquoi la Convention et la Cour ne fixent en réalité que des normes minimales pour la protection des droits de l’homme en ce domaine. Quels que soient les arrangements pris, les processus décisionnels relatifs à la «vie familiale» doivent être compatibles avec les normes de la Convention.
42. Prenant en considération l’important travail effectué par les organes du Conseil de l’Europe en matière de protection de l’enfance, il n’est nul besoin de multiplier les initiatives et activités. Il importe néanmoins d’encourager les Etats membres à signer et/ou à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, les conventions pertinentes adoptées sous l’égide du Conseil de l’Europe en ce domaine, et à promouvoir et mettre en œuvre les Lignes directrices du Comité des Ministres sur une justice adaptée aux enfants.