Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1915 (2013) Version finale
Dialogue postsuivi avec la Bulgarie
1. L'Assemblée parlementaire se réfère
à sa Résolution 1211 (2000) sur le respect des obligations et engagements de la
Bulgarie, dans laquelle elle a décidé de clore la procédure de suivi
et d'ouvrir un dialogue avec les autorités bulgares sur un certain
nombre de problèmes en suspens mentionnés dans cette résolution, ou
sur tout autre problème découlant des obligations de chaque Etat
membre du Conseil de l'Europe en vertu de l'article 3 du Statut
en matière de démocratie pluraliste, de prééminence du droit et
de droits de l'homme.
2. Pendant toute la période du dialogue postsuivi, la Bulgarie
a continué de progresser de façon substantielle vers l'accomplissement
de ses obligations non encore respectées. Ces efforts ont été confirmés par
son adhésion, en 2007, à l'Union européenne. Depuis l'adoption par
l'Assemblée de la Résolution 1730 (2010) sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie, le pays
a pris un certain nombre de mesures importantes destinées à mettre
en œuvre les recommandations de l'Assemblée.
3. L'Assemblée s’attend à ce que les autorités bulgares montrent
et continuent de démontrer une volonté et un engagement politiques
soutenus pour honorer pleinement les obligations et engagements
qui leur incombent en leur qualité de membre du Conseil de l'Europe,
et pour respecter les normes démocratiques, comme en atteste leur
intense coopération avec la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise).
4. L'Assemblée reconnaît que des progrès importants ont été accomplis
en ce qui concerne le cadre législatif et les réformes déterminantes
qui ont été mis en place depuis la clôture de la procédure de suivi, notamment
depuis l’adhésion à l’Union européenne. En particulier, l'Assemblée
salue l'adoption de plusieurs lois sur le fonctionnement du système
judiciaire, qui visent à améliorer son indépendance, la mise en
œuvre de sa responsabilité ainsi que sa transparence.
5. Les modifications successives apportées à la loi sur le système
judiciaire, qui ont été adoptées entre 2008 et 2012 conformément
aux recommandations de la Commission de Venise, en particulier celles concernant
la mise en place d'une nouvelle procédure de sélection et de nomination
des membres du Conseil judiciaire suprême et de son Inspectorat,
les procédures de nomination et d'appréciation des magistrats, ainsi que
les mesures visant à améliorer les pratiques judiciaires et d'instruction,
ont dans une large mesure créé des conditions favorables au bon
fonctionnement de la justice.
6. L'adoption en 2010 de la Stratégie de poursuite de la réforme
judiciaire, dont l'objectif est de renforcer la confiance du public,
d'améliorer la gestion et de combattre la corruption dans le système
judiciaire, avec la participation de la société civile et des magistrats,
devrait permettre d'améliorer encore le fonctionnement de la justice.
7. Cela étant, plusieurs points – notamment le rôle du ministre
de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême, la structure
de cet organe et la procédure de nomination de ses membres, la période
probatoire de cinq ans imposée aux nouveaux juges ainsi que la séparation
des trois pouvoirs judiciaires (juges, procureurs et magistrats
instructeurs) et la non-ingérence entre ces trois pouvoirs – exigent
une réflexion complémentaire et devraient être examinés. Malheureusement,
certains principes fondamentaux, notamment l'indépendance de la
justice, n'ont pas toujours été pleinement respectés et certaines
nominations importantes n'ont pas été effectuées selon des considérations
liées au mérite et à l'intégrité. En même temps, il faut reconnaître
que certains changements supposent d’avoir le courage de remettre
en question des intérêts octroyés, ce qui vaut également au sein
du système judiciaire.
8. Garantir la mise en œuvre effective du cadre juridique et
en exploiter le plein potentiel, en particulier s'agissant du rôle
directeur et de premier plan du Conseil judiciaire suprême, dont
l'indépendance et l'intégrité devraient être au-dessus de tout soupçon,
sont des conditions nécessaires à la pérennité et à l'irréversibilité du
processus. Il est aujourd'hui de la plus haute importance que les
autorités et la justice s'approprient pleinement les réformes.
9. L'Assemblée salue les efforts accomplis par la Bulgarie pour
adopter un cadre législatif et administratif complet ainsi que des
mesures préventives pour lutter contre la corruption et le crime
organisé, efforts qui se sont renforcés depuis l'adhésion du pays
à l'Union européenne. En particulier, elle se félicite de l'adoption finale,
en 2012, de la loi relative à la confiscation au profit de l'Etat
de biens acquis de manière illicite et, en 2010, de la loi renforcée
sur les conflits d'intérêts.
10. L’Assemblée salue les efforts importants accomplis par les
autorités bulgares, en particulier la ratification par le parlement,
le 19 décembre 2012, de la Convention du Conseil de l’Europe relative
au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des
produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198,
“Convention sur le blanchiment de fonds”), ce qui constitue un pas
significatif dans la bonne direction, et confirme le caractère durable
et irréversible du processus démocratique. L’Assemblée encourage
vivement le Parlement et le Gouvernement bulgares à mettre pleinement
en œuvre les dispositions de ce traité.
11. Malgré les progrès accomplis dans ce domaine, certains problèmes
ne sont qu’en partie résolus, comme en témoigne l'absence de résultats
en ce qui concerne les décisions de justice définitives dans des
affaires de corruption très médiatisées. Cette efficacité médiocre
s'explique, dans une très large mesure, par des dysfonctionnements
dans les procédures d'enquête et des faiblesses dans la pratique
judiciaire. Si certaines insuffisances dans la législation en vigueur,
qui ont été relevées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO)
et par la Commission européenne, doivent être réglées dans les plus
brefs délais, la mise en œuvre des lois existantes et l’application
pleine et entière des instruments disponibles restent un objectif
essentiel.
12. La future adoption du nouveau code pénal, qui est en cours
d'élaboration avec la coopération d’experts juridiques du Conseil
de l'Europe, devrait contribuer à améliorer la situation.
13. S'agissant de l'exécution des décisions de la Cour européenne
des droits de l'homme, l'Assemblée note avec satisfaction que l’Assemblée
nationale a adopté, en septembre 2012, une loi prévoyant la mise
en place d'une disposition faisant obligation au gouvernement de
présenter tous les ans au parlement un rapport sur le nombre et
la nature des arrêts ainsi que des informations sur la mise en œuvre
des décisions de la Cour, conformément aux recommandations de l'Assemblée
parlementaire.
14. L'Assemblée reconnaît les progrès accomplis par la Bulgarie
dans la lutte contre les atteintes aux droits de l'homme par les
forces de l’ordre, les autorités ayant pris un certain nombre de
mesures, notamment la modification de la loi relative au ministère
de l'Intérieur, adoptée en mai 2012, qui institue une formation systématique
aux droits de l'homme pour les policiers et la mise en place de
mesures concrètes visant à éradiquer l'impunité et l'absence de
chaîne de responsabilité pour les pratiques abusives.
15. Tout en saluant l'adoption, en 2010, d'une nouvelle loi faisant
obligation aux organes de la presse écrite de divulguer les noms
de leurs véritables propriétaires, l'Assemblée souligne la nécessité
d'adopter des dispositions analogues dans le secteur de la radiodiffusion.
16. L'Assemblée est préoccupée par la montée de l'idéologie et
des actes nationalistes, et par le climat d'hostilité croissante
envers les minorités, comme en témoignent le comportement agressif
des militants du parti politique Ataka à l'égard de fidèles devant
la mosquée de Sofia en mai 2011, ainsi que les propos haineux ou
incitant à la violence à l’encontre des Roms, qui ont été tenus
à Sofia et dans 14 autres villes en octobre 2011. De plus, en dépit
de progrès et d’efforts indéniables pour que soient reconnus des
droits des personnes appartenant à des minorités, un certain nombre
de problèmes recensés par les mécanismes de suivi concernés du Conseil
de l'Europe subsistent et doivent être résolus sans plus attendre.
17. L'Assemblée rappelle les problèmes relevés par ses observateurs
au cours des dernières élections législatives en 2009 ainsi que
les recommandations formulées par la Commission de Venise au sujet
de l'actuel code électoral, et demande aux autorités bulgares de
les résoudre à temps pour les prochaines élections, qui se tiendront
à l'été 2013.
18. Pour que les efforts se poursuivent, et que la pérennité et
l'irréversibilité des réformes en Bulgarie se confirment, l'Assemblée
demande aux autorités de prendre les mesures suivantes:
18.1. s'agissant de l'indépendance
de la justice:
18.1.1. garantir l'indépendance
de la justice et s'abstenir d'exercer sur elle une quelconque pression;
18.1.2. revoir le rôle du ministre de la Justice au sein du Conseil
judiciaire suprême et envisager l'introduction d'un vote à la majorité
qualifiée dans l'élection du quota parlementaire du Conseil judiciaire
suprême;
18.1.3. réduire la durée de la période probatoire imposée aux
nouveaux juges;
18.1.4. assurer la séparation des trois pouvoirs judiciaires (juges,
procureurs et magistrats instructeurs) au sein du Conseil judiciaire
suprême et la non-ingérence entre ces pouvoirs, conformément aux
recommandations de la Commission de Venise;
18.1.5. encourager et soutenir le Conseil judiciaire suprême et
son Inspectorat dans leur mission d'amélioration de l'efficacité
de la justice et des pratiques judiciaires, en particulier:
18.1.5.1. élaborer une stratégie en matière
de ressources humaines qui encouragerait le professionnalisme, l’indépendance
et l'intégrité, notamment en s'attaquant aux insuffisances du système
d'appréciation, en mettant en place un mécanisme uniforme et cohérent
d'évaluation de l’action des juges, des procureurs et des magistrats instructeurs,
et en reliant ce mécanisme à l'évolution des carrières;
18.1.5.2. assurer la cohérence des sanctions, notamment en cas de
retard dans la publication des motifs de décision, mettre sur pied
un système unique et efficace d'affectation aléatoire et nationale
des affaires, et définir des critères clairs pour évaluer la complexité
des affaires et leur incidence sur la répartition du volume de travail;
18.1.5.3. effectuer une analyse des insuffisances de la pratique
judiciaire en vue d'y remédier, élaborer une stratégie de réduction
du délai de publication des motifs de décision, et combler les failles
dans l'exécution des décisions de justice, notamment en évitant
que des personnes condamnées à des peines de prison se soustraient
à la justice ou que les sanctions financières prononcées par les
tribunaux ne soient pas appliquées;
18.1.5.4. organiser les prochaines élections du nouveau membre de
la Cour constitutionnelle et du chef de l’Inspectorat du Conseil
judiciaire suprême conformément aux normes les plus élevées de professionnalisme
et d’intégrité;
18.1.6. encourager la participation de la société civile et des
organisations professionnelles à l'élaboration et au suivi de nouvelles
stratégies de réforme de l'appareil judiciaire;
18.1.7. achever les travaux sur un nouveau code pénal, en coopération
étroite avec des experts juridiques du Conseil de l'Europe, et veiller
à sa mise en œuvre après son adoption;
18.2. s'agissant de la lutte contre la corruption et le crime
organisé:
18.2.1. mettre en œuvre les
recommandations formulées par le GRECO – en particulier celles concernant
l'incrimination claire de corruption et de trafic d'influence –,
veiller à une interprétation plus large du concept d'avantage indu,
à l'application intégrale et à l'utilisation des possibilités offertes
par la loi relative à la confiscation au profit de l'Etat de biens
acquis de manière illicite, adoptée en mai 2012;
18.2.2. réviser la loi sur les conflits d'intérêts en vue d'une
application plus efficace des sanctions dissuasives; réviser le
système de déclaration de patrimoine et de vérification dans le but
d'améliorer l'efficacité de ce mécanisme de détection de l'enrichissement
illicite;
18.2.3. mettre sur pied des institutions indépendantes dans le
domaine de la lutte contre la corruption en les dotant de la compétence
et de l'obligation de formuler des propositions, d'intervenir de
façon proactive et d'assurer un suivi indépendant, conformément
aux recommandations formulées par la Commission européenne; et veiller
à ce que ces institutions disposent des ressources nécessaires pour
mener à bien des enquêtes financières complexes;
18.2.4. effectuer une analyse exhaustive des insuffisances dans
les procédures d'enquête dans le but de redresser la situation et,
sur la base des expériences passées, améliorer l’efficacité de la
police, du ministère public et des tribunaux;
18.2.5. veiller à la pleine mise en œuvre de la Convention du
Conseil de l’Europe sur le blanchiment de fonds (STCE no 198),
qui a récemment été ratifiée par le parlement et qui est un pas
en avant décisif pour la Bulgarie;
18.3. s'agissant des pratiques abusives exercées par des membres
des forces de l'ordre:
18.3.1. poursuivre
les efforts visant à éradiquer les pratiques abusives exercées par
des membres des forces de l'ordre, en mettant effectivement en œuvre
les mesures visant à éliminer l'impunité et l'absence de chaîne
de responsabilité pour ces faits, en particulier en veillant à ce que
chaque affaire fasse l'objet d'une instruction dans les règles,
en mettant en place des garanties procédurales lors des gardes à
vue, en encourageant le contrôle exercé par la société civile et
en développant la formation continue et les actions de sensibilisation;
18.4. s'agissant de l'indépendance des médias:
18.4.1. adopter une législation faisant
obligation aux médias de radiodiffusion de divulguer les noms de
leurs véritables propriétaires, comme c'est désormais le cas pour
la presse écrite;
18.4.2. veiller à ce que la diffamation et la calomnie ne soient
pas pénalisées dans le nouveau code pénal qui est en cours d'élaboration;
18.5. s'agissant des droits des personnes appartenant à des
minorités nationales:
18.5.1. condamner
systématiquement et sans conditions les discours de haine contre
toutes les minorités, en particulier toute action agressive à l’égard
de personnes roms et sintis, renforcer les mesures visant à favoriser
la tolérance et le respect mutuel, et encourager les responsables politiques
à adopter un comportement exemplaire;
18.5.2. veiller à la pleine mise en œuvre de l'ensemble des dispositions
contenues dans la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales (STE no 157), en particulier
celles concernant le champ d'application personnel de cet instrument,
et signer et ratifier la Charte européenne des langues régionales
ou minoritaires (STE no 148);
18.5.3. s'attaquer aux problèmes recensés par le Commissaire aux
droits de l'homme du Conseil de l'Europe en ce qui concerne les
droits de l'homme des Roms, en particulier en matière d'expulsions
forcées et d'accès aux droits sociaux, y compris les droits à l'éducation,
au logement et aux soins;
18.5.4. prendre dûment en considération les plaintes des anciens
prisonniers politiques de l'île de Béléné, dans le cadre de la loi
bulgare relative à la réhabilitation politique et civique des victimes
de la répression pendant le régime totalitaire;
18.5.5. continuer à faire progresser les droits des personnes
appartenant à des minorités en ce qui concerne l’enseignement de
et dans leur langue maternelle, promouvoir la connaissance de l’identité
culturelle des minorités et favoriser la tolérance par l’éducation;
18.5.6. assurer l’égalité des chances des membres des minorités
en matière d’emplois dans le secteur public;
18.6. s'agissant du Code électoral et de la procédure électorale:
pour appliquer les normes du Conseil de l’Europe et répondre aux
préoccupations et recommandations exprimées par l’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Parlement bulgare
devrait réviser dès que possible le Code électoral afin de garantir
l’égalité et la transparence du processus électoral, et de le rendre pleinement
conforme aux normes internationales pour les prochaines élections
législatives de l’été 2013.
19. L'Assemblée encourage les autorités bulgares à mettre en œuvre
et à respecter tous les engagements pour garantir des avancées démocratiques.
Elle espère avoir raison de faire confiance à la Bulgarie pour continuer
d'avancer dans la bonne direction. Elle escompte que les problèmes
restants seront résolus de façon démocratique et dans le strict
respect des mécanismes et des procédures qui s'appliquent.
20. L'Assemblée attend des autorités bulgares qu'elles poursuivent
leur coopération fructueuse avec la Commission de Venise et les
experts juridiques du Conseil de l'Europe dans le but de remédier
aux insuffisances qui subsistent dans la législation.
21. Compte tenu de ce qui précède, l'Assemblée décide de poursuivre
le dialogue postsuivi avec les autorités bulgares concernant la
réforme du judiciaire, la liberté des médias, la transparence de
la propriété et la révision du Code électoral, et de continuer à
suivre de près, conformément à ses procédures internes, l'évolution
de la situation dans ce pays.