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Résolution 1934 (2013) Version finale

L’éthique dans la science et la technologie

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 avril 2013 (18e séance) (voir Doc. 13141, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: M. Kaźmierczak). Texte adopté par l’Assemblée le 26 avril 2013 (18e séance).

1. L’Assemblée parlementaire observe que, dans le contexte d’une concurrence économique internationale accrue, la science et la technologie sont contraintes – sous l’effet de pressions politiques et économiques – de proposer toujours plus d’innovations et de faciliter et d’accélérer la réussite économique; ces pressions peuvent entrer en conflit avec les préoccupations éthiques et entraîner un abaissement des normes nécessaires pour prévenir les risques liés à la recherche scientifique et technologique, et pour protéger pleinement la dignité humaine. De plus, la complexité croissante de la science et de la technologie – du fait de leur convergence et de leur interdépendance de plus en plus marquées, ainsi que de leur interaction avec la société – rend difficiles la prévision et l’évaluation précises de leurs conséquences à long terme.
2. Par conséquent, l’Assemblée estime qu’une réflexion éthique plus concertée devrait être menée aux niveaux national, suprarégional et mondial sur les objectifs et les usages de la science et de la technologie, sur les instruments et méthodes qu’elles emploient, sur leurs possibles conséquences et effets indirects, et sur le système global de règles et de comportements dans lequel elles s’inscrivent.
3. L’Assemblée considère qu’une structure permanente de réflexion éthique au niveau mondial permettrait de traiter les questions éthiques comme une «cible mouvante», au lieu de fixer un «code éthique», et de remettre à plat, de manière périodique, les concepts en vigueur, même les plus fondamentaux, comme la définition de l’«identité humaine» ou de la «dignité humaine».
4. L’Assemblée salue l’initiative de l’UNESCO qui a créé la Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) en vue d’engager une réflexion éthique permanente et d’étudier les possibilités de rédiger et de réviser périodiquement un ensemble de principes éthiques fondamentaux fondés sur la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle considère que le Conseil de l’Europe devrait contribuer à ce processus.
5. A cet égard, l’Assemblée recommande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’envisager la création d’une structure souple et informelle de réflexion éthique, par le biais d’une coopération entre les commissions compétentes de l’Assemblée et les membres des comités d’experts concernés, parmi lesquels le Comité de bioéthique (DH-BIO), en vue d’identifier les nouveaux enjeux éthiques et les principes éthiques fondamentaux susceptibles d’orienter l’action politique et juridique en Europe.
6. Pour renforcer le cadre européen commun d’éthique dans la science et la technologie, l’Assemblée recommande aux Etats membres qui ne l’ont pas encore fait de signer et de ratifier la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (STE no 164, «Convention d’Oviedo») et ses protocoles, et de participer pleinement aux travaux du Comité de bioéthique.
7. En outre, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
7.1. d’étendre la réflexion éthique et l’évaluation à tous les domaines de recherche, en utilisant l'expérience acquise en matière de bioéthique;
7.2. de charger les organes compétents d'élaborer des lignes directrices présentant les principes éthiques généraux à appliquer dans tous les domaines de la recherche scientifique, ainsi que des codes nationaux plus détaillés sur l'éthique de la recherche à appliquer dans des domaines spécifiques, y compris les sciences sociales et les sciences humaines;
7.3. de considérer la réflexion éthique et l'évaluation de la recherche scientifique et du développement technologique comme des priorités, et d'apporter le soutien administratif et financier adéquat aux instances consultatives et de suivi, tout en garantissant leur indépendance;
7.4. de réformer, si besoin est, les procédures et structures existantes afin d'harmoniser les règles éthiques, et de rationaliser les procédures de suivi;
7.5. d’examiner et de réformer, si besoin est, les règles actuelles du système d’évaluation des résultats professionnels des scientifiques, afin d’en éliminer les éléments susceptibles de récompenser les comportements contraires à l’éthique (tels que les violations des droits de la propriété intellectuelle, le plagiat, la manipulation de données scientifiques, la «multiplication artificielle» des avancées scientifiques, par exemple par la publication «essaimée» des résultats);
7.6. d’encourager la création en plus grand nombre de comités d'éthique de la recherche au niveau des universités, des hôpitaux et des autres établissements médicaux, pour faire mieux comprendre et appliquer les principes éthiques et la législation pertinente parmi les étudiants et les chercheurs;
7.7. de faire en sorte que les formations dans toutes les disciplines scientifiques incluent des modules obligatoires sur la réflexion éthique dans la science et la technologie;
7.8. d’améliorer, par des activités de sensibilisation et une formation spécialisée, la capacité des chercheurs et des scientifiques à résoudre les questions éthiques dans leur travail;
7.9. de prévoir dans les programmes de l’enseignement secondaire des possibilités d’engager une réflexion critique plus approfondie sur certaines questions fondamentales liées à la science et à la technologie, notamment la définition de l’humain et la place de l’homme par rapport à la nature;
7.10. de faciliter de larges débats publics sur les questions éthiques qui découlent de la recherche scientifique et du développement de nouvelles technologies.
8. Se référant à sa Résolution 1870 (2012) sur la nécessité d’expertises indépendantes et crédibles, l’Assemblée recommande que tous les Etats membres du Conseil de l’Europe réexaminent les protocoles et dispositifs de contrôle existants relatifs à l’évaluation technique et scientifique indépendante des risques pour la santé humaine et l’environnement, et qu’ils les améliorent le cas échéant, en particulier:
8.1. pour empêcher que de nouveaux processus soient mis en œuvre et que de nouveaux produits soient commercialisés sans garanties suffisantes quant à leur innocuité pour la santé humaine et pour l’environnement;
8.2. pour éviter tout conflit d’intérêts et assurer une fiabilité optimale des résultats, entre autres en laissant suffisamment de temps pour l’évaluation des risques à long terme;
8.3. pour assurer une transparence et une indépendance maximales de l’évaluation scientifique et technique, notamment par l’instauration d’un système de traçabilité de l’évaluation et par la mise en place d’un fonds public pour financer les évaluations d’experts dites «sensibles».
9. L’Assemblée invite les parlements nationaux à développer leur propre capacité d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et à renforcer la participation du public aux décisions politiques concernant les choix scientifiques et technologiques, et la réglementation en la matière. Les parlements sont également invités à participer activement au Réseau parlementaire européen d’évaluation technologique (European Parliamentary Technology Assessment-EPTA).
10. L’Assemblée invite l’Union européenne et l’UNESCO à coopérer avec le Conseil de l'Europe pour renforcer le cadre européen commun d’éthique dans la science et la technologie, et, à cette fin:
10.1. à créer des plates-formes européennes et régionales permettant d'échanger régulièrement des expériences et des bonnes pratiques couvrant tous les domaines de la science et de la technologie, en utilisant l'expérience acquise dans le cadre de la Conférence européenne des comités nationaux d’éthique (COMETH) lancée par le Conseil de l'Europe et, plus récemment, du Forum des comités nationaux d’éthique (Forum des CNE) financé par la Commission européenne, et des réunions du Comité de bioéthique du Conseil de l'Europe;
10.2. à rédiger et à réviser périodiquement un ensemble de principes éthiques fondamentaux à appliquer dans tous les domaines de la science et de la technologie;
10.3. à proposer des orientations supplémentaires pour aider les Etats membres à harmoniser les règles éthiques et les procédures de suivi, en s'appuyant sur les effets positifs des exigences éthiques énoncées dans le septième programme-cadre de la Commission européenne pour des actions de recherche et de développement technologique (2007-2013) (7e PC).