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Résolution 1934 (2013) Version finale
L’éthique dans la science et la technologie
1. L’Assemblée parlementaire observe
que, dans le contexte d’une concurrence économique internationale
accrue, la science et la technologie sont contraintes – sous l’effet
de pressions politiques et économiques – de proposer toujours plus
d’innovations et de faciliter et d’accélérer la réussite économique; ces
pressions peuvent entrer en conflit avec les préoccupations éthiques
et entraîner un abaissement des normes nécessaires pour prévenir
les risques liés à la recherche scientifique et technologique, et
pour protéger pleinement la dignité humaine. De plus, la complexité
croissante de la science et de la technologie – du fait de leur
convergence et de leur interdépendance de plus en plus marquées,
ainsi que de leur interaction avec la société – rend difficiles
la prévision et l’évaluation précises de leurs conséquences à long
terme.
2. Par conséquent, l’Assemblée estime qu’une réflexion éthique
plus concertée devrait être menée aux niveaux national, suprarégional
et mondial sur les objectifs et les usages de la science et de la
technologie, sur les instruments et méthodes qu’elles emploient,
sur leurs possibles conséquences et effets indirects, et sur le
système global de règles et de comportements dans lequel elles s’inscrivent.
3. L’Assemblée considère qu’une structure permanente de réflexion
éthique au niveau mondial permettrait de traiter les questions éthiques
comme une «cible mouvante», au lieu de fixer un «code éthique»,
et de remettre à plat, de manière périodique, les concepts en vigueur,
même les plus fondamentaux, comme la définition de l’«identité humaine»
ou de la «dignité humaine».
4. L’Assemblée salue l’initiative de l’UNESCO qui a créé la Commission
mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies
(COMEST) en vue d’engager une réflexion éthique permanente et d’étudier
les possibilités de rédiger et de réviser périodiquement un ensemble
de principes éthiques fondamentaux fondés sur la Déclaration universelle
des droits de l’homme. Elle considère que le Conseil de l’Europe
devrait contribuer à ce processus.
5. A cet égard, l’Assemblée recommande au Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe d’envisager la création d’une structure souple
et informelle de réflexion éthique, par le biais d’une coopération
entre les commissions compétentes de l’Assemblée et les membres
des comités d’experts concernés, parmi lesquels le Comité de bioéthique
(DH-BIO), en vue d’identifier les nouveaux enjeux éthiques et les
principes éthiques fondamentaux susceptibles d’orienter l’action
politique et juridique en Europe.
6. Pour renforcer le cadre européen commun d’éthique dans la
science et la technologie, l’Assemblée recommande aux Etats membres
qui ne l’ont pas encore fait de signer et de ratifier la Convention
pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être
humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine:
Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine (STE no 164,
«Convention d’Oviedo») et ses protocoles, et de participer pleinement
aux travaux du Comité de bioéthique.
7. En outre, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil
de l’Europe:
7.1. d’étendre la
réflexion éthique et l’évaluation à tous les domaines de recherche,
en utilisant l'expérience acquise en matière de bioéthique;
7.2. de charger les organes compétents d'élaborer des lignes
directrices présentant les principes éthiques généraux à appliquer
dans tous les domaines de la recherche scientifique, ainsi que des
codes nationaux plus détaillés sur l'éthique de la recherche à appliquer
dans des domaines spécifiques, y compris les sciences sociales et
les sciences humaines;
7.3. de considérer la réflexion éthique et l'évaluation de
la recherche scientifique et du développement technologique comme
des priorités, et d'apporter le soutien administratif et financier
adéquat aux instances consultatives et de suivi, tout en garantissant
leur indépendance;
7.4. de réformer, si besoin est, les procédures et structures
existantes afin d'harmoniser les règles éthiques, et de rationaliser
les procédures de suivi;
7.5. d’examiner et de réformer, si besoin est, les règles actuelles
du système d’évaluation des résultats professionnels des scientifiques,
afin d’en éliminer les éléments susceptibles de récompenser les
comportements contraires à l’éthique (tels que les violations des
droits de la propriété intellectuelle, le plagiat, la manipulation
de données scientifiques, la «multiplication artificielle» des avancées scientifiques,
par exemple par la publication «essaimée» des résultats);
7.6. d’encourager la création en plus grand nombre de comités
d'éthique de la recherche au niveau des universités, des hôpitaux
et des autres établissements médicaux, pour faire mieux comprendre
et appliquer les principes éthiques et la législation pertinente
parmi les étudiants et les chercheurs;
7.7. de faire en sorte que les formations dans toutes les disciplines
scientifiques incluent des modules obligatoires sur la réflexion
éthique dans la science et la technologie;
7.8. d’améliorer, par des activités de sensibilisation et une
formation spécialisée, la capacité des chercheurs et des scientifiques
à résoudre les questions éthiques dans leur travail;
7.9. de prévoir dans les programmes de l’enseignement secondaire
des possibilités d’engager une réflexion critique plus approfondie
sur certaines questions fondamentales liées à la science et à la technologie,
notamment la définition de l’humain et la place de l’homme par rapport
à la nature;
7.10. de faciliter de larges débats publics sur les questions
éthiques qui découlent de la recherche scientifique et du développement
de nouvelles technologies.
8. Se référant à sa Résolution
1870 (2012) sur la nécessité d’expertises indépendantes
et crédibles, l’Assemblée recommande que tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe réexaminent les protocoles et dispositifs
de contrôle existants relatifs à l’évaluation technique et scientifique
indépendante des risques pour la santé humaine et l’environnement,
et qu’ils les améliorent le cas échéant, en particulier:
8.1. pour empêcher que de nouveaux
processus soient mis en œuvre et que de nouveaux produits soient
commercialisés sans garanties suffisantes quant à leur innocuité
pour la santé humaine et pour l’environnement;
8.2. pour éviter tout conflit d’intérêts et assurer une fiabilité
optimale des résultats, entre autres en laissant suffisamment de
temps pour l’évaluation des risques à long terme;
8.3. pour assurer une transparence et une indépendance maximales
de l’évaluation scientifique et technique, notamment par l’instauration
d’un système de traçabilité de l’évaluation et par la mise en place
d’un fonds public pour financer les évaluations d’experts dites
«sensibles».
9. L’Assemblée invite les parlements nationaux à développer leur
propre capacité d’évaluation des choix scientifiques et technologiques,
et à renforcer la participation du public aux décisions politiques
concernant les choix scientifiques et technologiques, et la réglementation
en la matière. Les parlements sont également invités à participer
activement au Réseau parlementaire européen d’évaluation technologique
(European Parliamentary Technology Assessment-EPTA).
10. L’Assemblée invite l’Union européenne et l’UNESCO à coopérer
avec le Conseil de l'Europe pour renforcer le cadre européen commun
d’éthique dans la science et la technologie, et, à cette fin:
10.1. à créer des plates-formes européennes
et régionales permettant d'échanger régulièrement des expériences
et des bonnes pratiques couvrant tous les domaines de la science
et de la technologie, en utilisant l'expérience acquise dans le
cadre de la Conférence européenne des comités nationaux d’éthique
(COMETH) lancée par le Conseil de l'Europe et, plus récemment, du
Forum des comités nationaux d’éthique (Forum des CNE) financé par
la Commission européenne, et des réunions du Comité de bioéthique
du Conseil de l'Europe;
10.2. à rédiger et à réviser périodiquement un ensemble de principes
éthiques fondamentaux à appliquer dans tous les domaines de la science
et de la technologie;
10.3. à proposer des orientations supplémentaires pour aider
les Etats membres à harmoniser les règles éthiques et les procédures
de suivi, en s'appuyant sur les effets positifs des exigences éthiques énoncées
dans le septième programme-cadre de la Commission européenne pour
des actions de recherche et de développement technologique (2007-2013)
(7e PC).