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Rapport | Doc. 13236 | 21 juin 2013

Renforcer l’institution du médiateur en Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Jordi XUCLÀ, Espagne, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc.12639, Renvoi 3787 du 24 juin 2011. 2013 - Quatrième partie de session

Résumé

L’institution du médiateur joue un rôle fondamental dans le renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Bien qu’il n’en existe pas de modèle standardisé en Europe – certains pays font le choix d’un médiateur unique et généraliste, tandis que d’autres optent pour une pluralité de médiateurs régionaux ou spécialisés dans certains domaines – cette institution poursuit partout un objectif commun: examiner les cas de mauvaise administration et protéger les droits des individus.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore mis en place de médiateur national et généraliste sont encouragés à le faire, en attribuant à cette institution une compétence étendue d’investigation dans les recours individuels dont elle est saisie, tout en veillant à éviter toute ingérence de sa part dans le contrôle juridictionnel des actes administratifs, au moins dans les cas de violation des droits de l’homme.

Le médiateur idéal devrait être impartial et indépendant, inscrit, si possible, dans la Constitution, nommé par le parlement et responsable devant lui, doté de pouvoirs d’investigation auprès de l’ensemble des organes du pouvoir exécutif, et notamment d’un droit d’accès aux documents et aux personnes détenues. Il importe que les Etats, d’une part, veillent à ce que leurs médiateurs disposent de moyens suffisants pour accomplir leur mission et, d’autre part, prennent des mesures en vue de renforcer leur visibilité auprès de l’opinion publique et d’instaurer un climat qui leur soit propice.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission, le 27 mai
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, renvoyant à ses Recommandations 757 (1975) et 1615 (2003), réaffirme que l’institution du médiateur, qui est chargée de protéger les citoyens contre la mauvaise administration, joue un rôle fondamental dans le renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme.
2. L’Assemblée note qu’il n’existe pas de modèle standardisé d’institution du médiateur en Europe ou dans le monde. Certains pays ont mis en place une institution du médiateur unique et généraliste, tandis que d’autres ont opté pour un système multi-institutionnel, comprenant des médiateurs régionaux et/ou locaux et/ou des médiateurs spécialisés dans certains domaines comme la lutte contre la discrimination, la protection des minorités ou les droits des enfants. Compte tenu de la diversité d’ordres et de traditions juridiques, il ne serait pas judicieux de proposer un modèle uniforme de médiateur.
3. Néanmoins, l’Assemblée rappelle les travaux déjà menés par le Conseil de l’Europe en matière de promotion de l’institution du médiateur, parmi lesquels ses propres recommandations et les Recommandations n° R (80) 2, R (85) 2 et R (97) 14 du Comité des Ministres, et elle invite ses Etats membres à les mettre en œuvre. Elle les appelle également à porter une attention particulière au document «Compilation on the Ombudsman institution» du 1er décembre 2011, établi par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
4. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont créé des institutions du médiateur:
4.1. à veiller à ce que ces institutions respectent les critères découlant de sa Recommandation 1615 (2003), des recommandations pertinentes du Comité des Ministres et des travaux de la Commission de Venise relatifs au médiateur, en particulier en ce qui concerne:
4.1.1. l’indépendance et l’impartialité de ces institutions, dont l’existence doit être consacrée par la législation et, si possible, par la Constitution;
4.1.2. la procédure de nomination: le médiateur doit être désigné par le parlement et lui rendre compte;
4.1.3. leur mandat, qui doit englober l’examen des cas de mauvaise administration par l’ensemble des organes du pouvoir exécutif ainsi que la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
4.1.4. leur accès aux documents et leurs pouvoirs d’investigation, ainsi que leur libre accès à l’ensemble des centres de détention;
4.1.5. leur accès à la Cour constitutionnelle afin de contester la constitutionnalité de textes législatifs;
4.1.6. l’accès direct au médiateur pour toute personne – y compris les personnes morales – concernée par un cas de mauvaise administration, indépendamment de sa nationalité;
4.2. à réformer si nécessaire leur législation à la lumière des normes internationales et européennes relatives aux institutions du médiateur;
4.3. à ne pas multiplier les institutions de type médiateur, si cela n’est pas strictement nécessaire pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au risque de voir les citoyens ne plus s’y retrouver entre les différentes voies de recours qui s’offrent à eux;
4.4. à renforcer la visibilité des institutions du médiateur, en particulier dans les médias, et à promouvoir un climat «favorable au médiateur», notamment en garantissant un accès libre et aisé à l’institution (ou aux institutions) du médiateur et en fournissant dans cette optique des informations/des documents appropriés, surtout lorsque l’institution du médiateur n’est pas établie de longue date; à doter les institutions du médiateur de ressources financières et humaines suffisantes pour qu’elles puissent remplir leur mission avec efficacité, si nécessaire en tenant compte des nouvelles fonctions qui leur sont confiées en vertu du droit international et/ou européen;
4.5. à envisager de demander l’accréditation des médiateurs auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC), à la lumière des «Principes de Paris».
5. L’Assemblée invite les Etats membres qui ont établi plusieurs institutions du médiateur, par exemple des institutions locales, régionales et/ou spécialisées, à assurer une bonne coordination entre ces organes et à garantir aux particuliers un accès libre et aisé à ces derniers.
6. L’Assemblée encourage les Etats membres qui n’ont pas encore établi une institution du médiateur nationale et généraliste à créer rapidement une telle instance et à la doter d’un vaste mandat, afin que les particuliers disposent d’un moyen de porter plainte en cas de mauvaise administration et de violation de leurs droits et libertés fondamentaux, tout en assurant une répartition claire des compétences entre les institutions du médiateur et les organes exerçant le contrôle juridictionnel des actes administratifs, lequel doit être accessible au moins dans les cas de violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
7. L’Assemblée reconnaît le rôle essentiel joué par le Médiateur européen de l’Union européenne et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dans la coordination des activités des médiateurs des Etats membres.

B. Exposé des motifs par M. Xuclà, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. La proposition de résolution intitulée «Renforcer l’institution du médiateur en Europe» a été transmise à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 24 juin 2011 
			(2) 
			Doc. 12639.. Le 4 octobre 2011, la commission m’a nommé rapporteur.
2. Les 21 et 22 novembre 2011, j’ai assisté à un séminaire consacré à «La défense des droits et les bonnes pratiques en matière de gestion privée des services publics. Le rôle du médiateur» à Barcelone, Espagne. Ce séminaire, qui était organisé conjointement par l’Institut international de l’Ombudsman (IIO) et le Cercle d’Economia, m’a permis d’établir des contacts et d’échanger des idées avec les médiateurs de différents pays et les membres de leur personnel, ainsi que d’autres fonctionnaires et des universitaires. Le 25 juin 2012, la commission a tenu un échange de vues avec le Médiateur européen, M. Nikiforos Diamandouros. Je tiens à remercier M. Rafael Ribó, président de l’IIO et médiateur catalan, pour son invitation au séminaire de Barcelone, et M. Diamandouros pour ses observations pertinentes sur le rôle et la situation actuelle des institutions du médiateur en Europe.
3. J’ai également effectué deux visites d’information, l’une le 17 décembre 2012 à Copenhague, le Danemark ayant été l’un des premiers pays à établir une institution du médiateur, dont le modèle a été suivi par bon nombre d’autres pays, et l’autre le 4 avril 2013 en Turquie (Ankara), où l’institution du médiateur n’a été créée que récemment. A Copenhague, j’ai rencontré le médiateur parlementaire danois, M. Jørgen Steen Sørensen, et deux directrices adjointes de l’Institut danois des droits de l’homme, Mme Charlotte Flindt Pedersen et Mme Louise Holck 
			(3) 
			Voir
communiqué de presse: <a href='http://www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=8278'>www.assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=8278</a>. . A Ankara, je me suis entretenu avec M. Mehmet Nihat Őmeroğlu, le médiateur récemment nommé, M. Mehmet Elkatmiş, son adjoint, M. Kenan Őzdemir, sous-secrétaire adjoint au ministère de la Justice, ainsi que des députés et des représentants de la société civile 
			(4) 
			Voir
communiqué de presse: <a href='http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=8556'>http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=8556</a>. . Le 16 avril 2013, j’ai aussi rencontré la médiatrice espagnole, Mme Soledad Becerril Bustamante (Defensora del Pueblo), et son adjointe Mme Concepció Ferrer i Casals (Adjunta Segunda).

1.2. Rôle et définition du médiateur

4. La proposition de résolution sus-mentionnée souligne que les médiateurs tiennent lieu d’intermédiaires entre les particuliers et l’administration et promeuvent le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont mis en place des bureaux de médiateur. Le développement des services nationaux de médiateurs, auxquels est assignée une mission étendue de protection des droits et des intérêts des citoyens, confirme la tendance à une reconnaissance accrue du fait que, dans une société démocratique, la loi s’impose à l’administration 
			(5) 
			Voir Doc. 9878, rapport sur «L’institution du médiateur», commission
des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteure:
Mme Lili Nabholz-Haidegger (Suisse, Groupe libéral, démocrate et
réformateur), p. 8.. Toutefois, cette tendance n’est pas suivie dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, certains n’ayant pas encore établi de telles institutions ou leur ayant confié un mandat très restreint. Il serait donc utile d’examiner de manière plus approfondie les problèmes et défis que rencontrent les Etats et les institutions du médiateur aujourd’hui en Europe. A cette fin, je me propose d’étudier plus particulièrement les questions suivantes: comment garantir au mieux l’indépendance des médiateurs; le type et l’étendue de leur mandat leur permettent-ils de traiter efficacement les cas de mauvaise administration et de protéger efficacement les droits de l’homme; la multiplication de ce type d’institutions, au niveau régional/local et/ou dans certains domaines de la vie, a-t-elle un impact négatif sur les médiateurs nationaux (généralistes) et quelles répercussions la crise économique a-t-elle sur leur mandat et leur fonctionnement?
5. Aux fins du présent rapport, le terme «médiateur» s’entend comme une institution chargée d’examiner le cas des particuliers victimes de la «mauvaise administration». Ce dernier terme regroupe les actes illégaux et les violations des droits de l’homme, mais également, par exemple, les retards excessifs, la non-communication d’informations et l’impolitesse ou l’insensibilité 
			(6) 
			Cependant, en cas d’actes
illégaux et de violations des droits de l’homme, il doit avant tout
exister un recours judiciaire approprié. Voir «La fonction d’ombudsman
et les pouvoirs locaux et régionaux», Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux du Conseil de l’Europe, CG(21)6 du 27 septembre 2011,
commission de la gouvernance, rapporteurs: Helena Pihlajasaari (Finlande,
R, SOC) et Halvdan Skard (Norvège, L, SOC), paragraphe 3. . D’après la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le modèle le plus souvent suivi est celui d’un «fonctionnaire indépendant jouant un rôle primordial d’intermédiaire entre la population et l’administration centrale et locale et ayant compétence pour contrôler les activités de l’administration grâce à des pouvoirs d’investigation et d’accès à l’information, ainsi que pour adresser à cette dernière des recommandations sur la base du droit et de l’équité au sens large, afin de combattre et de réparer les violations des droits de l’homme et les cas de mauvaise administration 
			(7) 
			Commission de Venise,
Compilation on the Ombudsman institution, 1er décembre 2011,
CDL(2011)079, p. 20.». Ainsi, dans le présent rapport, je m’en tiendrai aux caractéristiques de cette institution telles que décrites par la Commission de Venise, indépendamment de la diversité des intitulés utilisés dans les Etats membres (par exemple Défenseur des droits en France, Difensore Civico en Italie ou Defensor del Pueblo en Espagne).

1.3. Institutions du médiateur et institutions nationales des droits de l’homme (INDH)

6. La formule d’invention récente «institutions nationales des droits de l’homme» (INDH) inclut les médiateurs, mais tous les médiateurs ne sont pas des INDH. Ce terme englobe également les commissions indépendantes, les instances chargées des questions d’égalité, les mécanismes d’examen des plaintes contre la police et les institutions similaires 
			(8) 
			Pour de plus amples
informations, voir notamment le rapport de l’Agence des droits fondamentaux
de l’Union européenne (FRA) intitulé «Les Institutions nationales
des droits de l’homme dans les Etats membres de l’Union européenne.
Renforcement de l’architecture des droits fondamentaux au sein de
l’Union européenne I», 2010, p. 11, et sa publication plus récente
«Handbook on the establishment and accreditation of National Human
Rights Institutions in the European Union», Office des publications
de l’Union européenne, Luxembourg, 2012.. Toutes contribuent à la défense des droits de l’homme; elles ont été mises en place dans la plupart des pays pour protéger et promouvoir les droits de l’homme, après l’adoption par l’Organisation des Nations Unies des «Principes de Paris» en 1993 
			(9) 
			Ces principes ont été
adoptés lors d’une rencontre internationale, puis avalisés par l’Assemblée
générale des Nations Unies et le Conseil de l’Europe: <a href='http://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/StatusOfNationalInstitutions.aspx'>www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/StatusOfNationalInstitutions.aspx</a>.. Au sein des Nations Unies, la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme le 25 juin 1993 réaffirment le rôle important et constructif des INDH 
			(10) 
			Voir
à l’adresse: <a href='http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/(symbol)/a.conf.157.23.fr'>www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/(symbol)/a.conf.157.23.fr</a>. A maintes occasions, l’Assemblée générale des Nations
Unies a pris position sur la situation des INDH, le plus récemment,
dans ses Résolutions 64/161 du 12 mars 2010 (<a href='http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/64/161&Lang=F'>www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/64/161&Lang=F</a>) et 17/9 de juin 2011 (<a href='http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=%20A/RES/66/169&Lang=F'>www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=%20A/RES/66/169&Lang=F</a>). . Le 16 juillet 2012, le Conseil des droits de l’homme a adopté la Résolution 20/14 
			(11) 
			<a href='http://nhri.ohchr.org/EN/AboutUs/Documents/HRC%2020%20NHRI%20res%20French.pdf'>http://nhri.ohchr.org/EN/AboutUs/Documents/HRC%2020%20NHRI%20res%20French.pdf</a>., dans laquelle il encourage les Etats membres à «créer des institutions nationales efficaces, indépendantes et pluralistes pour la promotion et la protection de tous les droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, ou à les renforcer s’il en existe déjà 
			(12) 
			Ibid., paragraphe 5. ». Concernant plus spécifiquement les Etats membres du Conseil de l’Europe, la Déclaration de Brighton invitait également les Etats membres à établir des institutions nationales indépendantes chargées des droits de l’homme afin d’assurer la mise en œuvre effective de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) au niveau national 
			(13) 
			Conférence de haut
niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme,
Déclaration de Brighton, article A.9.c.i: <a href='http://hub.coe.int/fr/20120419-brighton-declaration/'>http://hub.coe.int/fr/20120419-brighton-declaration/</a>.. Etant donné que mon mandat ne porte que sur l’institution du «médiateur», conformément à la proposition de résolution, je ne traiterai pas des autres types d’institutions nationales des droits de l’homme dans mon rapport.

2. Histoire et évolution de l’institution du médiateur

2.1. Le médiateur en Europe

7. D’après l’Institut international de l’Ombudsman, il existe aujourd’hui des institutions du médiateur (nationales, régionales ou locales) dans près de 140 pays à travers le monde 
			(14) 
			Voir la déclaration
de Wellington de l’IIO du 13 novembre 2012, paragraphe 2: <a href='http://www.theioi.org/the-i-o/about-the-ioi  '>www.theioi.org/the-i-o/about-the-ioi		</a>.. Le premier ombudsman (ensuite appelé «Chancelier de la Justice») a été nommé en Suède en 1709 par le roi Charles XII et, en 1809, le Parlement suédois a acquis le droit d’élire un ombudsman parlementaire indépendant des pouvoirs exécutif et judiciaire, chargé de protéger les droits des citoyens 
			(15) 
			<a href='http://www.jo.se/en/About-JO/History/'>www.jo.se/en/About-JO/History/</a>. ; cette mesure a marqué la fin de la monarchie absolue. Les institutions du médiateur ultérieures ont été établies en Finlande en 1920, au Danemark en 1955 et en Norvège en 1962 
			(16) 
			M.
Michael Gøtze, The Danish ombudsman. A national watchdog with selected
preferences, Utrecht Law Review, Volume
6, Numéro 1 (Janvier), 2010, p. 34. Il y a maintenant quatre médiateurs
parlementaires en Suède.. Les médiateurs scandinaves se divisent en deux catégories: le modèle de l’autorité disciplinaire (modèle suédo-finlandais) et le modèle de la juridiction quasi-administrative (modèle dano-norvégien), qui s’est étendu à d’autres régions du monde et que j’examinerai ci-après (voir section 6.1 concernant ma visite à Copenhague) 
			(17) 
			Ibid.. Dans le premier modèle, le médiateur a une obligation statutaire de superviser l’application des droits et libertés fondamentaux. Il peut engager des poursuites pénales ou disciplinaires à l’encontre de fonctionnaires; il se focalise sur leur comportement et non sur les décisions des pouvoirs publics 
			(18) 
			Ibid.. Dans la pratique, ces médiateurs ont plutôt tendance à exprimer des critiques et à formuler des recommandations, sans exercer leurs pouvoirs formels. La Suède et la Finlande ont également établi diverses institutions spécialisées, par exemple le Médiateur pour les enfants, le Médiateur pour l’égalité ou le Médiateur pour la protection des données 
			(19) 
			Ibid.,
p. 35. En Suède, le Médiateur pour l’égalité, le Médiateur pour
les enfants et le Conseil suédois d’inspection des données; en Finlande,
le Médiateur pour l’égalité, le Médiateur pour les minorités, le
Médiateur pour les enfants et le Médiateur pour la protection des
données..
8. La création de l’institution du médiateur du Danemark et des institutions similaires dans d’autres pays était une réponse à la multiplication des fonctions de l’administration publique (notamment dans le domaine des affaires sociales) après la seconde guerre mondiale et reflétait le caractère inadéquat du contrôle exercé par le pouvoir judiciaire 
			(20) 
			Voir
discours de N. Diamandouros, Médiateur européen, dans les actes
du 6e séminaire des Médiateurs nationaux des
Etats membres de l’Union européenne et des pays candidats, tenu
à Strasbourg les 16 et 17 octobre 2007, Penser la bonne administration
dans l’Union européenne, Office des publications de l’Union européenne,
Luxembourg 2008, p. 22. Cela dit, certains pays, comme l’Allemagne,
ont préféré renforcer leur système de contrôle judiciaire, en le
rendant plus rapide et accessible..
9. Au Royaume-Uni, l’institution du médiateur parlementaire a été établie en 1967, mais ce pays a opté pour un modèle «faible», car son médiateur exerce ses activités via le «filtre des députés» 
			(21) 
			<a href='http://www.ombudsman.org.uk/make-a-complaint/information-for-mps'>www.ombudsman.org.uk/make-a-complaint/information-for-mps</a>.. La France, qui dispose d’un système bien développé de tribunaux administratifs 
			(22) 
			Longtemps, les juges
des tribunaux administratifs français étaient recrutés parmi les
agents de l’administration publique, ce qui pouvait susciter des
doutes quant à leur objectivité. Ces dernières années, cette tendance
s’est inversée avec la mise en place d’autres procédures de recrutement
(externes). , a mis en place en 1973 le Médiateur de la République, qui était alors nommé par le Conseil des ministres et auquel l’accès était filtré par les députés. Bien que cette institution ait évolué ces dernières années 
			(23) 
			Voir la Loi organique
n° 2011-333 du 29 mars 2011 sur le défenseur des droits: 
			(23) 
			<a href='http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023781167'>www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023781167</a>. et que le filtre parlementaire n’existe plus, le Défenseur des droits actuel, consacré par la Constitution depuis 2008, est maintenant désigné par le Président de la République sous réserve d’approbation par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat 
			(24) 
			Le
Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque
l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente
au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux
commissions (article 13 de la Constitution)..
10. Une troisième «vague» d’institutions du médiateur est née des changements politiques intervenus dans les pays qui sont passés d’un régime autoritaire à un régime démocratique (au Portugal en 1976, en Espagne en 1981 et en Grèce en 1997) 
			(25) 
			Voir note 21 ci-dessus,
p. 23.. L’Espagne a choisi le modèle suédois «fort» et mis en place des médiateurs régionaux dans les provinces, du fait de son système fédéral 
			(26) 
			Pour de plus amples
informations: <a href='http://www.defensordelpueblo.es/en/Quienes/Que/index.html'>www.defensordelpueblo.es/en/Quienes/Que/index.html</a>. . En Europe centrale et orientale, la Pologne a été le premier pays à se doter d’une institution du médiateur («le Médiateur pour les droits des citoyens» – Rzecznik Praw Obywatelskich) en 1988 
			(27) 
			Par la loi
sur le Médiateur pour les droits des citoyens du 15 juillet 1987,
voir sa traduction en anglais à l’adresse: <a href='http://www.brpo.gov.pl/en/content/ombudsman-act'>www.brpo.gov.pl/en/content/ombudsman-act</a>. . Celle-ci est basée sur le modèle «fort»; le médiateur, qui est élu par le parlement et «protège les droits et libertés de l’homme et du citoyen énoncés dans la Constitution et d’autres textes de loi 
			(28) 
			Article 209,
paragraphe 1, de la Constitution polonaise. En Pologne, il y a également
un Médiateur pour les droits des enfants.», mène ses propres enquêtes. Il peut notamment demander l’ouverture de procédures disciplinaires ou autres, participer aux procédures en matière civile et administrative avec les mêmes droits qu’un procureur, ou saisir la Cour constitutionnelle pour contester la constitutionnalité des lois 
			(29) 
			Articles 14
et 16 de la loi sur le Médiateur pour les droits des citoyens. . Le modèle polonais, qui a souvent été cité en exemple 
			(30) 
			Par exemple, par mes
interlocuteurs de l’Institut danois des droits de l’homme. Dans
le cadre du Partenariat oriental, le service du médiateur polonais
mène un projet de coopération avec les institutions du médiateur
de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, du Bélarus, de la Géorgie, de la
République de Moldova et de l’Ukraine, voir: 
			(30) 
			<a href='http://www.brpo.gov.pl/sites/default/files/12659746020.pdf'>www.brpo.gov.pl/sites/default/files/12659746020.pdf</a>. , a été suivi par d’autres pays de la région, parmi lesquels la Hongrie en 1990 et la Géorgie, la Lituanie, la Lettonie, la République de Moldova, la Roumanie, la Fédération de Russie et l’Ukraine dans les années 1990 
			(31) 
			<a href='http://www.ombudsman.gov.ua/en/index.php?option=com_content&view=article&id=1114&Itemid=22'>www.ombudsman.gov.ua/en/index.php?option=com_content&view=article&id=1114&Itemid=22</a>. .
11. Bien que dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, les services du médiateur s’inspirent du schéma danois 
			(32) 
			Voir note 7 ci-dessus,
paragraphe 8. Ce rapport a été établi sur la base d’un questionnaire
adressé aux Etats membres et comporte une analyse approfondie de
l’institution du médiateur dans différents Etats membres. , il existe aujourd’hui divers modèles et mandats adaptés aux besoins propres à chaque pays. Certains services s’occupent des violations des droits fondamentaux, tandis que d’autres privilégient la mauvaise administration; certains sont chargés de recueillir les plaintes et de servir d’intermédiaire entre les citoyens et les pouvoirs publics, alors que d’autres sont habilités à saisir les tribunaux 
			(33) 
			Voir note 6 ci-dessus,
paragraphe 4. Ce rapport classe les médiateurs en quatre grandes
catégories: 
			(33) 
			«i. les médiateurs parlementaires chargés
de la surveillance des activités administratives générales des pouvoirs publics
(qu’ils soient nationaux, régionaux ou locaux); 
			(33) 
			ii.
les médiateurs parlementaires chargés du contrôle de secteurs précis
de l’activité administrative ou de la protection des intérêts de
groupes spécifiques (par exemple en ce qui concerne la police, les
institutions pénitentiaires, les services de l’armée, la protection
des données, l’éducation ou la protection des personnes handicapées/frappées d’incapacité); 
			(33) 
			iii.
les médiateurs statutaires chargés de la vérification d’activités
centralisées mais qui présentent un caractère essentiellement commercial
(par exemple les services juridiques ou financiers ou encore les
activités relatives à la protection de l’environnement); 
			(33) 
			iv.
les médiateurs institués par des accords spécifiques en vue de protéger
certaines activités commerciales et de conserver la confiance du
public (par exemple pour le traitement des plaintes dirigées contre
les services ferroviaires, le règlement des litiges relatifs aux
contrats d’assurance privés ou les réclamations formulées au sein
des universités).». Bon nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont mis en place des médiateurs à l’échelon régional ou local ou pour un domaine d’activité spécifique (entre autres Autriche, Belgique, Bulgarie, Grèce, Pays-Bas, Fédération de Russie, Espagne et Royaume-Uni). Au Royaume-Uni, le gouvernement a institué en 1967 le Médiateur des services de santé 
			(34) 
			L’Angleterre et le
pays de Galles comptent cinq institutions de médiateurs de service
public (c’est-à-dire statutaires et généralistes): le Commissaire
parlementaire, le Médiateur des collectivités locales, le Médiateur
des services de santé, le Médiateur des services publics du pays
de Galles et le Médiateur du logement (pour les questions relatives
au logement social). Pour plus de précisions, voir le rapport de
la Commission du droit (instance publique consultative non ministérielle placée
sous l’égide du ministère de la Justice) sur le médiateur des services
publics («Public Services Ombudsman») publié le 14 juillet 2011,
à l’adresse: <a href='http://lawcommission.justice.gov.uk/docs/lc329_ombudsmen.pdf'>http://lawcommission.justice.gov.uk/docs/lc329_ombudsmen.pdf</a>.. Il existe aux Pays-Bas un Médiateur municipal de la ville d’Amsterdam 
			(35) 
			<a href='http://www.theioi.org/europe/the-netherlands/municipal-ombudsman-amsterdam'>www.theioi.org/europe/the-netherlands/municipal-ombudsman-amsterdam</a>.. La Belgique compte, en plus de l’institution du Médiateur fédéral (dotée de deux médiateurs, l’un néerlandophone et l’autre francophone), un Médiateur de la ville de Gand, un Médiateur flamand, un Médiateur de la Wallonie, un Ombudsman de la communauté germanophone et un service du Médiateur de la communauté française, ainsi qu’un Service de médiation pensions 
			(36) 
			<a href='http://www.theioi.org/europe/belgium'>www.theioi.org/europe/belgium</a>.. Certains Etats membres (par exemple l’Italie et la Suisse) disposent uniquement de médiateurs locaux et/ou régionaux 
			(37) 
			Voir note 7 ci-dessus,
paragraphe 17.b. Pour de plus
amples informations, voir le site web de l’IIO: <a href='http://www.theioi.org/'>www.theioi.org/</a>europe. . Dans d’autres Etats membres (par exemple en France et en Ukraine), le médiateur surveille non seulement l’administration publique en général, mais également les actes de certaines entreprises publiques (notamment les entreprises de services publics) 
			(38) 
			Voir note 6 ci-dessus,
paragraphe 4..
12. Certains Etats membres n’ont toujours aucune institution du médiateur, comme le Liechtenstein (car elle serait trop coûteuse au regard de la taille du pays, sachant que d’autres mécanismes de recours sont en place) 
			(39) 
			Voir
note 7 ci-dessus, paragraphes 11-13. . L’Allemagne, qui dispose d’un système particulièrement solide et accessible de juridictions administratives, n’a pas de médiateur général mais certaines instances exercent des activités de médiation, comme la Haute autorité fédérale de lutte contre les discriminations 
			(40) 
			Voir <a href='http://www.antidiskriminierungsstelle.de/DE/Service/Sprachbox/Franzoesisch/franzoesisch.html'>www.antidiskriminierungsstelle.de/DE/Service/Sprachbox/Franzoesisch/franzoesisch.html</a>. ll y a également l’Institut allemand des droits de
l’homme à Berlin, qui fournit des informations sur la situation
des droits de l’homme en Allemagne et à l’étranger: <a href='http://www.institut-fuer-menschenrechte.de/en/about-us/mandate.html'>www.institut-fuer-menschenrechte.de/en/about-us/mandate.html</a>., les institutions générales du médiateur existant dans certains Länder et les commissions des pétitions du Bundestag et des parlements des Länder 
			(41) 
			Pour une liste des
institutions régionales de type médiateur au sein de l’Union européenne,
voir: 
			(41) 
			<a href='http://www.ombudsman.europa.eu/atyourservice/regionalombudsmen.faces'>www.ombudsman.europa.eu/atyourservice/regionalombudsmen.faces</a>..

2.2. Le droit à une bonne administration et le Médiateur européen

13. Ces dernières années, le rôle de l’institution du médiateur s’est étendu, parallèlement à l’émergence du «droit à une bonne administration», né du souci de garantir l’égalité de traitement et le droit de l’administré à voir ses affaires traitées équitablement par les pouvoirs publics. Ce nouveau droit, c’est-à-dire «le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable» est désormais incorporé dans l’ordre juridique de l’Union européenne (article 41.1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 
			(42) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0389:0403:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0389:0403:FR:PDF</a>.) et doit être respecté par les institutions, organes et organismes de l’Union européenne. Il comporte: a) le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre; b) le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires; c) l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions (article 41.2). Il comprend également le droit à la réparation de tout préjudice causé par les institutions de l’Union européenne ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions, «conformément aux principes généraux communs aux droits des Etats membres» (article 41.3). La Convention européenne des droits de l’homme traite de certaines de ces questions dans son article 6, qui prévoit le droit à un procès équitable, et dans son article 13, qui garantit le droit à un recours effectif.
14. Depuis 1995, tout citoyen de l’Union européenne peut saisir le Médiateur européen d’une plainte relative à un cas de mauvaise administration dans l’action des institutions de l’Union européenne 
			(43) 
			94/262/CECA, CE, Euratom:
Décision du Parlement européen du 9 mars 1994 concernant le statut
et les conditions générales d’exercice des fonctions du médiateur,
telle que modifiée par les décisions du 14 mars 2002 et du 18 juin 2008. La
base juridique du fonctionnement de l’institution du Médiateur de
l’Union européenne est désormais contenue dans l’article 228 du
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. . Exerçant ses fonctions en pleine indépendance et impartialité, le Médiateur européen est élu par le Parlement européen pour enquêter et faire rapport sur les plaintes déposées par les citoyens de l’Union européenne 
			(44) 
			Il
peut également agir de sa propre initiative ou à la suite d’une
plainte déposée par le biais d’un député européen.. A cette fin, les organes et institutions de l’Union européenne 
			(45) 
			La Cour de justice
et le Tribunal de première instance, dans l’exercice de leurs fonctions
juridictionnelles, sont exclus du domaine de compétence du médiateur.
Le médiateur n’est pas habilité à enquêter sur les cas de mauvaise administration
dans l’action des autorités nationales, régionales ou locales des
Etats membres. Il ne peut pas davantage intervenir dans une affaire
déjà portée devant un tribunal, ni contester la validité d’une décision
de justice. doivent lui communiquer toutes les informations qu’il demande dans un délai de trois mois. Le Médiateur formule alors des recommandations et remet un rapport au Parlement européen et à l’institution, à l’organe, au service ou à l’organisme concerné. La personne dont émane la plainte doit être informée du résultat de l’enquête 
			(46) 
			Article 5
de la Décision du Médiateur européen portant adoption de dispositions
d’exécution, 8 juillet 2002, telle que modifiée par les décisions
du 5 avril 2004 et du 3 décembre 2008.. Le Médiateur européen a défini les Principes du service public pour les fonctionnaires de l’Union européenne, qui incluent l’engagement envers l’Union européenne et ses citoyens, l’intégrité, l’objectivité, le respect d’autrui et la transparence 
			(47) 
			<a href='http://www.ombudsman.europa.eu/fr/resources/publicserviceprinciples.faces'>www.ombudsman.europa.eu/fr/resources/publicserviceprinciples.faces</a>. .
15. Grâce au Réseau européen des médiateurs, le Médiateur européen collabore également avec les institutions nationales et régionales des Etats membres de l’Union européenne, d’Islande, de Norvège et des pays candidats, ainsi qu’avec la commission des pétitions du Parlement européen. Ce réseau, créé en 1996, tient lieu de mécanisme de coopération pour le traitement des affaires entre les institutions et de plate-forme de mise en commun de l’expérience, des informations et des bonnes pratiques, au travers de séminaires et de visites effectuées par le Médiateur européen dans les différents pays 
			(48) 
			Voir le site web du
Médiateur de l’Union européenne..

3. L’action de promotion de l’institution du médiateur menée par le Conseil de l’Europe

– L’Assemblée parlementaire

16. L’Assemblée a déjà souligné l’importance de l’institution du médiateur dans ses Recommandations 757 (1975) et 1615 (2003), dans lesquelles elle invitait les Etats membres à mettre en place une telle institution. La deuxième recommandation mentionne les 15 caractéristiques essentielles d’un médiateur modèle, qui sont les suivantes:
  • la création au niveau constitutionnel d’une fonction réservée à une personne qualifiée et expérimentée,
  • la garantie de son indépendance à l’égard de l’objet de ses enquêtes,
  • une procédure exclusive et transparente de nomination et de révocation par le parlement,
  • l’incompatibilité de la fonction avec toute autre activité rémunérée,
  • une immunité personnelle contre toute poursuite relative à l’exercice de ses attributions officielles,
  • la nomination d’un adjoint défini,
  • la garantie de moyens suffisants à l’exercice des attributions conférées à l’institution,
  • la garantie d’un accès rapide et illimité à toutes les informations nécessaires à l’enquête,
  • une procédure interne garantissant le respect des normes administratives les plus exigeantes dans l’activité même de l’institution,
  • l’accessibilité au public de l’information relative au but, à la procédure et aux pouvoirs du médiateur,
  • une procédure de dépôt des plaintes facilement et largement accessible, simple et gratuite,
  • la garantie de la confidentialité et, en cas de communication publique, de l’anonymat des enquêtes,
  • la compétence de donner des avis sur des propositions de réformes législatives ou réglementaires,
  • l’exigence que l’administration fournisse des réponses complètes, décrivant la mise en œuvre des conclusions,
  • la présentation par le médiateur d’un rapport annuel au parlement.

– Le Comité des Ministres

17. Le Comité des Ministres a examiné à plusieurs reprises la question de la protection de l’administré contre la mauvaise administration, ce qui a conduit à l’adoption des textes suivants:
  • la Résolution 77 (31) du Comité des Ministres sur la protection de l’individu au regard des actes de l’administration 
			(49) 
			Adoptée
le 28 septembre 1977., qui énumère la liste des droits individuels des citoyens vis-à-vis de l’administration publique;
  • la Recommandation N° R (80) 2 du Comité des Ministres concernant l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de l’administration, qui complète les principes énoncés dans la Résolution 77 (31) 
			(50) 
			Adoptée le 11 mars 1980.;
  • la Recommandation N° R (85) 13 du Comité des Ministres relative à l’institution de l’Ombudsman, qui recommande aux Etats membres de nommer un médiateur au niveau national, régional ou local, de l’habiliter à engager des enquêtes et à donner des avis sur les questions afférentes aux droits de l’homme et de renforcer ses pouvoirs par d’autres moyens, de manière à encourager le respect effectif de la bonne administration 
			(51) 
			Adoptée
le 23 septembre 1985.;
  • la Recommandation N° R (97) 14 
			(52) 
			Adoptée le 30 septembre 1997. du Comité des Ministres relative à l’établissement d’institutions nationales indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l’homme, qui recommande aux Etats membres d’examiner la possibilité d’établir des institutions nationales efficaces pour la protection et la promotion des droits de l’homme, en particulier des ombudsmen;
  • la Recommandation N° R (2000) 10 du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics 
			(53) 
			Adoptée le 11 mai 2000., qui contient un Code modèle de conduite pour les agents publics;
  • la Recommandation CM/Rec(2007)7 du Comité des Ministres relative à une bonne administration 
			(54) 
			Adoptée le 20 juin 2007., qui synthétise les différents droits reconnus à l’égard des administrations publiques en un droit à la bonne administration dont elle précise le contenu dans un Code modèle de bonne administration.

– Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

18. Le mandat du Commissaire aux droits de l’homme prévoit qu’il coopère avec les institutions nationales du médiateur et facilite l’exercice de leurs activités 
			(55) 
			Résolution (99)
50 du Comité des Ministres sur le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, adoptée le 7 mai 1999. . Ses recommandations et avis, par exemple, conseillent aux gouvernements de mettre en place des mécanismes de protection des droits de l’homme à l’échelon national (c’est notamment le cas de la Recommandation de 2009 sur les activités systématiques de mise en œuvre des droits de l’homme au niveau national, du Point de vue de 2006 sur les médiateurs, principaux défenseurs des droits de l’homme 
			(56) 
			Ibid. et de l’Avis de 2011 sur les structures nationales de promotion de l’égalité 
			(57) 
			Paragraphe 4.4 de l’Avis
du Commissaire aux droits de l’homme sur les structures nationales
de promotion de l’égalité, 21 mars 2011. Le Commissaire y indique
que les structures nationales de promotion de l’égalité, qui sont
bien souvent intégrées à l’institution du médiateur, doivent bénéficier
de jure et de facto d’une indépendance sur le plan de leur structure
juridique, des modalités selon lesquelles elles rendent des comptes
et de la désignation de leurs membres, ainsi que de leur capacité
à allouer des ressources, fixer des priorités et exercer leurs pouvoirs.). Cela dit, le Commissaire n’est pas chargé de l’examen des affaires ou requêtes individuelles, pour une question de répartition des compétences avec la Cour européenne des droits de l’homme.

– Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

19. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a également réfléchi au rôle joué par le médiateur dans la défense des droits des citoyens. En 1999, il a appelé à la création de telles institutions, tant au niveau national que régional ou local 
			(58) 
			Recommandation 61 (1999)
sur le rôle des médiateurs/Ombudsmen locaux et régionaux dans la
défense des droits des citoyens, adoptée le 17 juin 1999. . En octobre 2011, il a adopté une résolution et une recommandation sur «La fonction d’ombudsman et les pouvoirs locaux et régionaux 
			(59) 
			Voir note 7 ci-dessus. ». Le Congrès y déplorait d’importantes lacunes à l’échelon local et régional et préconisait l’augmentation des effectifs et des ressources des services du médiateur. La recommandation précitée invitait les Etats membres à veiller à ce que «les services de l’ombudsman soient dotés de personnels indépendants, impartiaux et compétents, rémunérés à la mesure de leurs responsabilités et ayant une connaissance des administrations visées par les plaintes qu’ils examinent» et «soient financièrement indépendants et disposent de ressources suffisantes pour pouvoir mener les enquêtes nécessaires au traitement des plaintes 
			(60) 
			Article 8.d et e de
la recommandation. ».

– La Commission de Venise

20. La Commission de Venise a publié plusieurs avis et recommandations sur l’institution du médiateur dans différents pays, y compris des Etats non membres du Conseil de l’Europe 
			(61) 
			Voir également Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise),
Propositions d’activités futures, 6 février 1995, comprenant la
Proposition sur l’organisation de la fonction publique dans l’Etat
de droit. . Le document établi en 2011 intitulé «Compilation on the Ombudsman institution» 
			(62) 
			Voir note 8 ci-dessus.
Ce document repose notamment sur des avis rédigés par la Commission
de Venise pour des pays comme l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine,
le Kazakhstan, le Monténégro, et d’autres. donne une vue d’ensemble de ce sujet et contient des lignes directrices concernant en particulier le statut du médiateur, les caractéristiques de son mandat, son indépendance budgétaire ainsi que ses compétences et ses pouvoirs d’investigation.
21. Compte tenu de la variété de textes et de définitions relatifs aux médiateurs et aux institutions nationales des droits de l’homme, j’ai décidé de me focaliser dans le présent rapport sur certaines caractéristiques essentielles de l’institution du médiateur, figurant dans le document précité de la Commission de Venise, «Compilation on the Ombudsman Institution» de décembre 2011 
			(63) 
			Ibid.:
  • Garantie constitutionnelle: afin de protéger l’institution du médiateur contre les fluctuations politiques, son existence et les principes fondamentaux de son activité doivent être inscrits dans la Constitution 
			(64) 
			Ibid.,
p. 4.;
  • Conditions d’exercice de la fonction: elles ne doivent pas être trop restrictives; la condition première est que le médiateur soit hautement respecté/tenu en haute estime par le public 
			(65) 
			Ibid.,
p. 6.. Le médiateur «ne doit occuper aucun poste incompatible avec l’exercice effectif de ses fonctions officielles ou son impartialité et la confiance du public en celle-ci 
			(66) 
			Ibid.,
p. 6-7.» (par exemple, il ne devra pas occuper une autre fonction publique ou être affilié à un parti politique);
  • Procédure de nomination: le médiateur doit être élu par le parlement; si cette procédure fait intervenir un autre organe, la composition de ce dernier doit être fixée d’avance par la loi, la procédure doit être transparente et il importe d’obtenir une majorité qualifiée ou un vaste consensus pour assurer la confiance du public dans le médiateur 
			(67) 
			Ibid., p. 7-9.;
  • Organisation: «Un médiateur unique peut mieux convenir à certaines phases du développement démocratique d’un Etat, un système à plusieurs médiateurs à d’autres 
			(68) 
			Ibid.,
p. 25..» S’il y a au moins un médiateur adjoint (par exemple, pour un domaine particulier), la répartition du travail pourra être précisée dans des règles internes et il conviendrait que le titulaire de cette fonction soit nommé par le médiateur ou par l’autorité de nomination sur recommandation du médiateur 
			(69) 
			Ibid.,
p. 24.;
  • Indépendance et statut: bien qu’il n’y ait pas de modèle européen standardisé s’agissant du statut du médiateur (il est assimilé à un fonctionnaire ou à un magistrat), celui-ci doit occuper un rang élevé qui se reflète dans son niveau de rémunération, et jouir d’une immunité fonctionnelle 
			(70) 
			Ibid., p. 10.;
  • Budget: l’indépendance budgétaire de l’institution du médiateur revêt une importance primordiale et son budget doit être inclus dans le budget annuel global de l’Etat. La Commission de Venise a proposé quelques critères pour garantir l’indépendance budgétaire relative de cette institution: son budget ne pourra être réduit que par rapport à l’année financière précédente, et uniquement d’un pourcentage inférieur ou égal aux réductions budgétaires appliquées aux autres branches du pouvoir, compte tenu d’éléments tels que l’évolution du nombre de plaintes; le médiateur pourrait également être autorisé à soumettre ses propres propositions concernant son budget 
			(71) 
			Ibid., p. 15. ;
  • Mandat: le médiateur doit avoir compétence pour contrôler les actes de l’exécutif (hormis pour les questions ayant trait au fonctionnement interne du gouvernement), y compris du Premier ministre ou du Président (sauf si les activités de ce dernier sont de nature politique ou exceptionnelle, par exemple une déclaration de guerre). Le médiateur doit également avoir le droit de saisir la Cour constitutionnelle relativement à des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales 
			(72) 
			Et plus particulièrement,
«d’engager des procédures de contrôle de la constitutionnalité des
lois, ainsi que de la constitutionnalité et de la légalité d’autres
règlements et actes généraux régissant les questions relatives aux
droits et libertés de chacun», ibid.,
p. 20. Si la Cour constitutionnelle peut également contrôler la
constitutionnalité des actes individuels, il est judicieux de conférer
au médiateur le droit de saisir les tribunaux; p. 21. et avoir le droit de rencontrer sans entraves et en privé les personnes privées de liberté. Bien que le médiateur soit principalement chargé de la «protection» des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Commission de Venise a également accueilli positivement les lois incluant la «promotion» de ces droits et libertés dans le mandat du médiateur 
			(73) 
			Ibid., p. 16.. Le médiateur doit également bénéficier de pouvoirs d’investigation, tels que le droit de demander toutes les informations dont il a besoin à tout organe de l’Etat ou organe municipal et à leurs agents, le droit d’être reçu sans délai par les chefs d’Etat et autres représentants de l’Etat et le droit d’enquêter de sa propre initiative sur des affaires présentant une importance publique particulière 
			(74) 
			Ibid.,
p. 18.;
  • Conditions à observer pour le dépôt de plaintes: le droit de saisir le médiateur doit être accordé non seulement aux «citoyens», mais également à toute «personne» (y compris les étrangers et les personnes morales) 
			(75) 
			Ibid., p. 22..

4. Les médiateurs et le système d’accréditation des Nations Unies

22. Bien que mon travail soit axé sur l’institution du médiateur et non sur les INDH, il peut être utile d’examiner les «Principes de Paris 
			(76) 
			FRA,
2012, p. 15, note 9 ci-dessus. » et les travaux du CIC (Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme) en matière d’accréditation des institutions nationales des droits de l’homme, qui nous fournissent quelques données intéressantes. Le CIC, via son sous-comité d’accréditation (SCA), accrédite les INDH en conformité avec les Principes de Paris et réexamine cette accréditation tous les cinq ans, dans le respect des principes de transparence, de rigueur et d’indépendance 
			(77) 
			<a href='http://nhri.ohchr.org/EN/AboutUs/ICCAccreditation/Pages/default.aspx'>http://nhri.ohchr.org/EN/AboutUs/ICCAccreditation/Pages/default.aspx</a>. . Le processus d’accréditation passe au crible le fonctionnement des INDH dans la pratique 
			(78) 
			FRA, 2012, p. 55, voir
note 9 ci-dessus..
23. Les six principaux critères à respecter par une INDH, tels qu’ils découlent des Principes de Paris, sont les suivants: 1. un mandat «aussi étendu que possible», reposant sur les normes universelles en matière de droits de l’homme et comportant la double responsabilité de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme; 2. l’indépendance vis-à-vis du gouvernement; 3. l’indépendance garantie par la Constitution ou par la législation; 4. des pouvoirs d’investigation adéquats; 5. le pluralisme, notamment par la composition, et/ou la coopération effective; 6. des ressources humaines et financières adéquates 
			(79) 
			Voir note 10 ci-dessus.. Hormis les numéros 1 et 5, ces critères sont conformes aux critères généraux précités concernant les institutions du médiateur. En ce qui concerne le critère numéro 1 relatif à la promotion et à la protection des droits de l’homme, certains médiateurs se sont vu attribuer de vastes fonctions dans ce domaine (par exemple en Espagne) en plus de la mission traditionnelle de gestion des plaintes pour mauvaise administration.
24. Les Principes de Paris définissent les normes minimales à respecter mais n’imposent pas de modèle ou de structure particuliers pour les INDH 
			(80) 
			FRA,
2010, p. 18, voir note 9 ci-dessus.. Certains instruments juridiques internationaux, comme le Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT) de 2002 ou la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CRPD) de 2006 font référence à ces principes tout en exigeant l’établissement d’un «mécanisme indépendant» pour suivre la mise en œuvre des droits qu’ils contiennent 
			(81) 
			Ibid.,
p. 16..
25. D’après le système d’accréditation du CIC, qui inclut trois types de statuts d’accréditation (A, B et C 
			(82) 
			«A» membre votant:
conformité avec les Principes de Paris; «B» membre observateur:
la conformité avec les Principes de Paris est incomplète ou les
renseignements fournis sont insuffisants pour prendre une décision;
«C» non membre: non conformité avec les Principes de Paris.), il y a au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe 11 institutions du médiateur ayant le statut «A» 
			(83) 
			Les institutions ayant
l’accréditation de statut A ont le droit de vote et siègent au sein
du CIC ou de ses groupes régionaux ; elles jouissent du droit à
la parole et de privilèges lors des procédures d’examen des droits
de l’homme. Les membres ayant l’accréditation de statut B peuvent
participer en tant qu’observateurs aux réunions publiques du CIC
mais n’ont pas le droit de vote. Les institutions ayant le statut C
peuvent, avec l’accord du CIC, participer à ses réunions en tant qu’observateurs,
mais elles n’ont pas d’autres droits. – c’est à dire conformes aux principes de Paris – et six institutions du médiateur ayant le statut «B», c’est à dire partiellement conformes à ces principes 
			(84) 
			Au
11 février 2013, d’après le tableau du CIC relatif au statut des
institutions nationales: <a href='http://nhri.ohchr.org/EN/Documents/Chart%20of%20the%20Status%20of%20NHRIs%20%2811%20Feb%202013%29.pdf'>http://nhri.ohchr.org/EN/Documents/Chart%20of%20the%20Status%20of%20NHRIs%20%2811%20Feb%202013%29.pdf</a>.. Les institutions suivantes ont été accréditées dans la catégorie «A»: l’Avocat du peuple de la République d’Albanie, le Défenseur des droits de l’homme de l’Arménie, le Commissaire aux droits de l’homme de l’Azerbaïdjan, le Médiateur de la République de Croatie, le Bureau du défenseur public de la Géorgie, le Médiateur polonais, le Provedor de Justiça portugais, le Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, le Protecteur des citoyens de la République de Serbie, le Defensor del Pueblo espagnol et le Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien. Figurent dans la catégorie «B»: le Conseil du Médiateur autrichien, le Médiateur de la République de Bulgarie, le Commissaire parlementaire hongrois pour les droits civiques, le Médiateur de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», le Médiateur pour les droits de l’homme de la République de Slovénie et le Médiateur pour l’égalité de la Suède. Les seules INDH dotées du statut «C» sont des commissions ou instituts des droits de l’homme.
26. Il est intéressant de noter que la plupart de ces institutions se situent dans les pays d’Europe centrale et orientale. En ce qui concerne la Scandinavie, seul le Médiateur pour l’égalité de la Suède respecte pleinement les Principes de Paris, bien qu’il y ait quatre INDH dans ce pays 
			(85) 
			FR	A,
2010, p. 57, voir note 9 ci-dessus.. Comme l’a noté l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) 
			(86) 
			FRA, 2012, p. 5, voir
note 9 ci-dessus., en 2012, sur les 27 Etats membres de l’Union européenne, seuls trois – la Pologne, le Portugal et l’Espagne – avaient des institutions du médiateur en totale conformité avec les Principes de Paris c’est-à-dire de manière générale des institutions uniques, désignées par le parlement et principalement chargées de la protection juridique individuelle et du traitement des plaintes pour mauvaise administration 
			(87) 
			Ibid.,
p. 20. .
27. Le fait que de nombreux Etats au sein du Conseil de l’Europe n’aient pas de médiateurs accrédités par le CIC ne signifie pas nécessairement que ces Etats ne disposent pas d’institutions indépendantes de ce type. Pour diverses raisons, les Etats peuvent ne pas avoir demandé d’accréditation, ou leurs institutions peuvent ne plus être accréditées 
			(88) 
			Ibid., p. 55.. Certains Etats peuvent également avoir une demande d’accréditation en cours (par exemple le Médiateur chypriote ou le Médiateur parlementaire finlandais) 
			(89) 
			Ibid., p. 208.. D’après la FRA, les critères suivants posent des difficultés aux Etats membres (de l’Union européenne) lorsqu’ils demandent l’accréditation du CIC:
  • leur mandat doit être adéquat, suffisamment vaste et clair, et couvrir l’ensemble des droits de l’homme, leur promotion et leur protection;
  • ils doivent présenter un degré d’indépendance satisfaisant vis-à-vis du gouvernement dans la sélection et la nomination des organes directeurs et dans l’allocation des budgets;
  • ils doivent être dotés de ressources suffisantes pour traiter un vaste ensemble de questions relatives aux droits de l’homme 
			(90) 
			Ibid.,
p. 56..
28. Dans sa Résolution 20/14 de 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies s’est félicité qu’un «nombre croissant d’Etats créent ou envisagent de créer des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris» et a constaté avec satisfaction que les institutions nationales sont de plus en plus nombreuses à demander leur accréditation par l’intermédiaire du CIC. Il a également pris note avec satisfaction des efforts faits par les Etats membres qui ont accordé à leurs INDH plus d’autonomie et d’indépendance, notamment en leur conférant des pouvoirs d’enquête ou en renforçant ces pouvoirs. Il a encouragé les INDH, y compris les institutions du médiateur, à demander leur accréditation 
			(91) 
			Voir
note 12 ci-dessus, paragraphes 7, 8 et 17. .

5. Etudes de cas

5.1. Le modèle scandinave (dano-norvégien): le médiateur parlementaire danois

29. Le médiateur parlementaire danois (Folketingets Ombudsmand), établi par un amendement à la Constitution danoise de 1953, est l’une des plus anciennes institutions du médiateur dans le monde; c’est pourquoi j’ai choisi d’effectuer une visite d’information dans ce pays. Au Danemark, il n’y a pas de tribunaux administratifs spécialisés et le médiateur joue un rôle primordial dans la protection du droit à une bonne administration 
			(92) 
			Pour
une analyse critique de cette institution, voir note 17 ci-dessus,
p. 33-50. . Cette institution est basée sur le modèle du «tribunal quasi-administratif (le modèle dano-norvégien)»; en d’autres termes, elle fonctionne comme un quasi-tribunal chargé de contrôler les pouvoirs publics et d’évaluer les principes généraux d’une bonne administration 
			(93) 
			Ibid., p. 34-35. . Sa compétence s’étend à tous les domaines de l’administration publique (article 7(1) de la loi sur le médiateur) 
			(94) 
			Loi n° 473 du 12 juin 1996
telle que modifiée ultérieurement, disponible (en français) à l’adresse: 
			(94) 
			<a href='http://fr.ombudsmanden.dk/loven/'>http://fr.ombudsmanden.dk/loven/</a>.. Les avis du médiateur ne sont pas juridiquement contraignants mais sont exprimés au nom du parlement et peuvent énoncer des critiques (ce qui se produit dans 20 % des cas), formuler des recommandations ou exprimer son point de vue sur une affaire 
			(95) 
			Ibid., article 22. . Le médiateur inspecte un grand nombre d’institutions, comme les prisons, les établissements psychiatriques et les foyers sociaux et joue le rôle de mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT) 
			(96) 
			<a href='http://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/OPCAT.aspx'>www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/OPCAT.aspx</a>. . Il n’y a qu’un médiateur au Danemark et la loi interdit d’utiliser cette dénomination pour d’autres institutions/organes.
30. Au cours de ma visite à Copenhague, j’ai rencontré le 5e médiateur parlementaire danois, M. Jørgen Steen Sørensen, nommé en février 2012, qui m’a apporté de nombreux éclaircissements sur le fonctionnement de ses services, sur la procédure de nomination – qui repose sur un consensus politique – ainsi que sur ses relations avec le parlement. Ces deux derniers points ne sont que partiellement régis par la loi et sont le résultat d’un système de coopération informel. Le Parlement danois (Folketing) joue un rôle d’employeur vis-à-vis du médiateur et l’élit à la majorité des voix après chaque élection générale. Ce poste ne fait pas l’objet d’un avis de vacance et généralement, sur la base d’un consensus politique, la commission des questions juridiques du Parlement prend contact avec des candidats potentiels, qui doivent être politiquement neutres 
			(97) 
			La loi dispose uniquement
que le médiateur doit être détenteur d’une maîtrise en droit (article 2,
paragraphe 2).. Chaque année, le médiateur présente un rapport annuel au Folketing.
31. Au cours de ma visite, j’ai salué en particulier la transparence de cette institution et son accessibilité, les citoyens/requérants pouvant facilement rencontrer la personne qui s’occupe de leur cas, voire quelquefois le médiateur lui-même. Nous avons également discuté de la question de la protection des droits de l’homme: le médiateur danois, qui n’a pas d’obligation statutaire de protéger les droits fondamentaux des citoyens, s’est montré plutôt mesuré lorsqu’il s’agissait d’évoquer les instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme et s’est focalisé sur les droits fondamentaux garantis dans la Constitution danoise. Cette approche a fait l’objet de quelques critiques dans la doctrine 
			(98) 
			Voir note 17 ci-dessus,
p. 47..
32. Le médiateur danois reçoit entre 4 000 et 5 000 plaintes par an (pour environ 5,6 millions d’habitants) et compte près de 100 employés 
			(99) 
			<a href='http://fr.ombudsmanden.dk/'>http://fr.ombudsmanden.dk/</a>. (dont quelque 60 juristes). Il n’a pas d’accréditation auprès du CIC et n’en a pas fait la demande car ce n’est pas une institution nationale des droits de l’homme chargée de la protection et de la promotion des droits de l’homme, contrairement à l’Institut danois des droits de l’homme (qui a le statut d’accréditation «A» du CIC) 
			(100) 
			Pour plus de détails,
voir sa déclaration «Statement of compliance with the Paris Principles»,
septembre 2012, p. 26..

5.2. L’institution nouvellement créée du médiateur turc

33. La Turquie a longtemps été le plus grand Etat membre du Conseil de l’Europe non doté d’une institution de type médiateur. Une étape importante a été franchie avec la révision constitutionnelle du 12 septembre 2010, qui a rendu possible la création d’une telle institution, et l’adoption de la loi sur l’institution du médiateur le 14 juin 2012 
			(101) 
			Loi 6328. Les autorités
turques m’ont aimablement fourni une traduction non officielle de
cette loi (texte disponible auprès du Secrétariat). . En juin 2012, le parlement a décidé de créer l’Institution nationale des droits de l’homme de Turquie.
34. L’institution du médiateur a commencé à fonctionner le 29 mars 2013, avec un effectif de près de 250 personnes (dont quelque 50 agents auxiliaires) pour environ 74 millions d’habitants. Au 3 avril 2013, soit le jour précédant ma visite, ses services avaient reçu près de 300 plaintes.
35. Le médiateur, qui est nommé pour quatre ans, «examine et fait des propositions concernant l’ensemble des actes, opérations, comportements et réactions de l’administration, dans un esprit de justice reposant sur les droits de l’homme, de légalité et de conformité avec les principes d’équité, par la création d’un mécanisme indépendant et efficace de réclamation concernant les services publics» (article 1 de la loi sur l’institution du médiateur). Le médiateur et ses adjoints doivent être indépendants et impartiaux et ne peuvent recevoir d’instructions des autres autorités 
			(102) 
			Article 12
de la loi sur l’institution du médiateur.. Toute personne physique ou morale peut saisir le médiateur après épuisement des voies de recours internes 
			(103) 
			Article 17.. Lorsqu’il examine les plaintes, le médiateur peut demander tout document aux autorités compétentes, nommer des experts et entendre des témoins; son enquête doit être finalisée dans un délai de six mois 
			(104) 
			Articles 18-20.. A l’issue de son travail d’enquête, le médiateur peut formuler des recommandations aux autorités compétentes. Chaque année, le médiateur présente un rapport annuel au parlement, par l’intermédiaire de la commission mixte composée de membres de la commission des pétitions et de la commission d’enquête sur les droits de l’homme 
			(105) 
			Article 22..
36. Bien que ces mesures aient été accueillies avec satisfaction par le Conseil de l’Europe 
			(106) 
			Voir,
en particulier, la Résolution 1925
(2013) de l’Assemblée sur le dialogue postsuivi avec la Turquie,
paragraphe 1., des controverses sont nées autour de la personne nommée par le Parlement turc en tant que premier médiateur turc, M. Mehmet Nihat Őmeroğlu, en raison de ses prétendues relations proches avec les cercles gouvernementaux 
			(107) 
			Voir, par exemple,
l’article de Őzgür Mumcu, “Tell me who your ombudsman is”, Hurriyet Daily News, 30 novembre 2012: 
			(107) 
			<a href='http://www.hurriyetdailynews.com/tell-me-who-your-ombudsman-is.aspx?pageID=238&nID=35784&NewsCatID=396'>www.hurriyetdailynews.com/tell-me-who-your-ombudsman-is.aspx?pageID=238&nID=35784&NewsCatID=396
.</a> et de sa participation, en tant qu’ancien juge de la Cour de Cassation, à la confirmation en 2006 de la condamnation de l’écrivain arménien Hrant Dink pour «dénigrement de l’identité turque» 
			(108) 
			Voir
«Dialogue postsuivi avec la Turquie», rapport de Mme Josette Durrieu
(France, SOC), commission pour le respect des obligations et engagements
des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), Doc. 13160, paragraphe 192.. La désignation de ses adjoints, dont la plupart auraient également – c’est ce qui a été souligné – des liens étroits avec le parti au pouvoir, le parti AKP, a également été critiquée 
			(109) 
			Ibid.. Toutes ces préoccupations ont été soulevées par les représentants de la société civile que j’ai rencontrés à Ankara et qui se plaignaient de l’instrumentalisation de cette institution par le gouvernement. Il convient également d’ajouter que notre collègue de l’Assemblée, Mme Josette Durrieu (France, SOC) a affirmé dans son très récent rapport sur «Le dialogue postsuivi avec la Turquie» que ces problèmes «risquent quelque peu de compromettre la crédibilité de cette nouvelle institution, ce qui serait extrêmement dommageable 
			(110) 
			Ibid.». A ce propos, il est intéressant de noter que bien que l’article 10 de la loi sur l’institution du médiateur contienne un certain nombre de conditions que doivent remplir le médiateur et ses adjoints, y compris une liste des infractions pénales pour lesquelles ils ne doivent pas avoir été condamnés, aucune référence n’est faite au critère de «l’autorité morale» contenu dans les lois pertinentes de certains pays 
			(111) 
			Par
exemple, l’article 2 de la loi polonaise sur le médiateur ou l’article 5
de la loi ukrainienne sur le Commissaire aux droits de l’homme du
Parlement ukrainien du 23 décembre 1997, disponible (en anglais)
à l’adresse: 
			(111) 
			<a href='http://www.ombudsman.gov.ua/en/index.php?option=com_content&view=article&id=1145:law-of-ukraine-qon-the-ukrainian-parliament-commissioner-for-human-rightsq&catid=38:2010-12-15-09-15-51&Itemid=25'>www.ombudsman.gov.ua/en/index.php?option=com_content&view=article&id=1145:law-of-ukraine-qon-the-ukrainian-parliament-commissioner-for-human-rightsq&catid=38:2010-12-15-09-15-51&Itemid=25</a>. .
37. Au cours de ma visite à Ankara, j’ai rencontré M. Őmeroğlu, M. Mehmet Elkatmiş, l’un des cinq médiateurs adjoints, ainsi que M. Mustafa Tutulmaz, Secrétaire général du service du médiateur. J’ai été accueilli chaleureusement par son cabinet. Nous avons eu un échange de vues ouvert et constructif sur les possibilités d’amélioration du fonctionnement du service et j’ai formulé quelques propositions en ce sens. J’ai également exprimé des préoccupations concernant l’étendue du mandat du médiateur (il n’était pas clair pour moi dans quelle mesure il inclut les actes des forces militaires et la loi en exclut les actes du Président 
			(112) 
			Article 5, section 2,
de la loi sur l’institution du médiateur. D’après la disposition
de l’alinéa «ç», les actes «des forces armées turques qui sont purement
de nature militaire» ne relèvent pas de la compétence du médiateur. ), l’accès à cette institution (bien qu’il soit possible de déposer une plainte en ligne, la majeure partie de la population turque, en particulier dans les zones rurales, n’a pas accès à internet; il est également possible de porter plainte via les services des gouverneurs des provinces ou des districts, mais je suis d’avis que cela décourage les requérants potentiels; le médiateur m’a informé que les plaintes peuvent également lui être adressées par courrier), le caractère politique de la procédure de désignation des cinq médiateurs adjoints (qui ont été nommés par la commission mixte composée de membres de la commission des pétitions et de la commission d’enquête sur les droits de l’homme, et non par la Grande Assemblée elle-même) 
			(113) 
			Article 11 de la loi
sur l’institution du médiateur. et le fait que le médiateur n’ait pas compétence pour saisir la Cour constitutionnelle afin de contester la constitutionnalité de dispositions juridiques. Par ailleurs, je ne voyais pas très bien comment interpréter le champ matériel de l’article 1 de la loi sur l’institution du médiateur (par exemple, en ce qui concerne les actes de discrimination) car d’après les militants des droits de l’homme, ce dernier ne couvrait pas la protection des droits de l’homme.
38. Bien qu’il soit certainement trop tôt pour évaluer l’efficacité de cette nouvelle institution du médiateur, il est utile de rappeler que dans sa Résolution 1925 (2013) du 23 avril 2013, l’Assemblée a invité le Parlement turc «à réévaluer les critères de sélection et d’élection du médiateur et de ses adjoints pour garantir la crédibilité et l’efficacité de cette institution nouvellement mise en place et son financement».

6. Nouveaux défis pour l’institution du médiateur

6.1. Obligations découlant de l’OPCAT

39. Le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT), adopté le 18 décembre 2002 
			(114) 
			Voir note 98 ci-dessus., exige la mise en place d’un mécanisme interne de prévention de la torture appelé «mécanisme national de prévention» (MNP): bien souvent, les institutions du médiateur exercent cette fonction, en totalité ou en partie. Dans la région du Conseil de l’Europe, c’est le cas dans 21 Etats membres, à savoir l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Géorgie, la Hongrie, le Luxembourg, le Monténégro, la Pologne 
			(115) 
			En
ce qui concerne l’expérience du médiateur polonais, voir «Working
as a NPM under OPCAT», présentation de Mme Irena Lipowicz à la 10e Conférence
mondiale de l’Institut international de l’Ombudsman à Wellington,
Nouvelle-Zélande, 12-16 novembre 2012: <a href='http://www.conferpapers.co.nz/wcioi_papers/Irena_Lipowicz_OPCAT.pdf'>www.conferpapers.co.nz/wcioi_papers/Irena_Lipowicz_OPCAT.pdf</a>., la République de Moldova, la Serbie, la Slovénie, l’Espagne, la Suède, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et l’Ukraine 
			(116) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/opcat/mechanisms.htm'>www2.ohchr.org/english/bodies/cat/opcat/mechanisms.htm</a>..
40. Outre la question du financement, le fait d’assumer cette mission supplémentaire, qui implique d’effectuer des visites régulières dans tous les lieux de privation de liberté, peut poser des difficultés à ces institutions. Il faudra peut-être que les médiateurs, qui se consacrent principalement au traitement des plaintes pour mauvaise administration, orientent leurs activités vers les droits de l’homme et privilégient une approche multi-disciplinaire et préventive 
			(117) 
			M. C.A. Thompson, The
role of the Ombudsman and prevention of torture under the Optional
Protocol to the Convention Against Torture (OPCAT), présentation
à la 10e Conférence mondiale de l’Institut
international de l’Ombudsman à Wellington, Nouvelle Zélande, 12-16 novembre 2012: 
			(117) 
			<a href='http://www.conferpapers.co.nz/wcioi_papers/Mark_Thomson_Paper.pdf'>www.conferpapers.co.nz/wcioi_papers/Mark_Thomson_Paper.pdf</a>..

6.2. Obligations découlant de la législation anti-discrimination

41. D’autres tâches peuvent être confiées aux médiateurs en vertu des instruments juridiques européens de lutte contre la discrimination. Le droit de l’Union européenne – et plus particulièrement la Directive sur l’égalité raciale 
			(118) 
			Directive du Conseil
2000/43/CE, article 13., la Directive sur l’égalité entre hommes et femmes en matière de biens et services 
			(119) 
			Directive du Conseil
2004/113/CE, article 12. et la Directive sur l’égalité entre hommes et femmes 
			(120) 
			Directive 2006/54/CE
du Parlement européen et du Conseil, article 28. – demande expressément aux Etats membres de l’Union européenne d’établir et de mettre en œuvre des mécanismes de suivi pour la promotion de l’égalité de traitement sans distinction fondée sur le genre ou l’origine raciale ou ethnique 
			(121) 
			FRA, 2012, p. 30, voir
note 9 ci-dessus.. Par conséquent, certaines INDH, y compris des médiateurs, ont été chargées de la promotion de l’égalité de traitement 
			(122) 
			Pour
une liste de ces organes, voir: <a href='http://www.equineteurope.org/-Member-organisations-'>www.equineteurope.org/-Member-organisations-</a>.. Tel est le cas en Autriche, en Croatie, à Chypre, en République tchèque, en France, en Grèce, en Lettonie et en Pologne. D’autres Etats ont mis en place de nouveaux organes spécialisés (y compris des médiateurs) à cette fin (par exemple, le Commissaire pour l’égalité entre hommes et femmes ou l’égalité de traitement en Estonie et le médiateur pour l’égalité en Suède).
42. Ces obligations découlant du droit de l’Union européenne sont conformes à celles issues des recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe, bien que ces dernières ne soient pas juridiquement contraignantes et ne concernent que la discrimination raciale. Les Recommandations de politique générale n° 2 
			(123) 
			Recommandation
de politique générale n° 2 de l’ECRI sur les organes spécialisés
dans la lutte contre le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme
et l’intolérance au niveau national, adoptée le 13 juin 1997, voir
en particulier son annexe. et n° 7 
			(124) 
			Recommandation de politique
générale n°7 de l’ECRI: La législation nationale pour lutter contre
le racisme et la discrimination raciale, adoptée le 13 décembre 2002,
paragraphe 24. recommandent la création d’organes nationaux spécialisés et indépendants pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale au niveau national.

6.3. Multiplication des institutions du médiateur

43. Comme l’a fait observer l’Agence des droits fondamentaux, certains pays sont dépourvus de médiateurs accrédités par le CIC mais disposent d’institutions du médiateur chargées du traitement des cas de mauvaise administration et d’une multitude d’autres organes dotés de mandats différents, axés sur des thèmes, des droits ou des groupes cibles spécifiques: il y a alors un risque de chevauchement des mandats, surtout s’il n’y a pas de coordination entre ces organes 
			(125) 
			FRA, 2010, p. 53, voir
note 9 ci-dessus. . Cela pourrait créer de la confusion chez les requérants potentiels quant aux recours disponibles et constituer une entrave majeure à la protection effective des droits de l’homme. Au Royaume-Uni, par exemple, où il y a cinq institutions du médiateur, les chevauchements superflus et la complexité du secteur des médiateurs ont été critiqués 
			(126) 
			T. Buck, R. Kirkham
et B. Thompson, The Ombudsman Enterprise
and Administrative Justice, Ashgate, 2010, p. 9; Introduction
de l’ouvrage: 
			(126) 
			<a href='http://www.ashgate.com/pdf/SamplePages/Ombudsman_Enterprise_and_Administrative_Justice_Intro.pdf'>www.ashgate.com/pdf/SamplePages/Ombudsman_Enterprise_and_Administrative_Justice_Intro.pdf</a>. 
			(126) 
			Voir également le rapport de la Commission
du droit du Royaume-Uni «Public Services Ombudsman» du 14 juillet 2011,
note 35 ci-dessus..
44. Un autre problème est lié à l’externalisation et à la privatisation des services publics; celles-ci aboutissent à la création de médiateurs du secteur privé, ce qui brouille un peu plus encore le paysage des institutions du médiateur. Tel a notamment été le cas au Royaume-Uni avec la privatisation de secteurs tels que l’approvisionnement en eau et en électricité et les télécommunications dans les années 1980 et la mise en place de systèmes privés de règlement des conflits (comme le médiateur privé pour les télécommunications et l’énergie ou le dispositif d’arbitrage en matière de communication et de services internet). D’autres pays ont fait de même; par exemple, un médiateur de l’énergie a été créé en Belgique et il existe des «médiateurs» pour la protection des consommateurs au Danemark. Dans ce contexte, il peut s’avérer encore plus difficile pour les citoyens de trouver le moyen de recours approprié; de plus, ces organes de règlement des conflits étant souvent financés par le secteur privé lui-même, on peut s’interroger sur leur indépendance. Sans entrer davantage dans les détails de ce problème, qui touche à des questions plus complexes concernant la protection du consommateur, je partage l’avis du médiateur des services publics du Pays de Galles, M. Peter Tyndall, selon lequel les médiateurs des services publics devraient conserver leur compétence dans de tels cas 
			(127) 
			Voir son document de
conférence à la 10e Conférence mondiale
à l’IIO, «Ombudsman and the changing face of public services», p. 12.
Pour plus d’informations, voir également le rapport de B. Thompson,
Must Ombudsmen retain remit over privatized services?. Voir note 118
ci-dessus..

6.4. L’impact de la crise économique sur les institutions du médiateur

45. Dans sa Résolution 1651 (2009), l’Assemblée a examiné les conséquences de la crise financière mondiale et s’est dite préoccupée par ses conséquences économiques sur «les conditions de vie des citoyens européens et du reste du monde, avec des répercussions qui risquent à terme de saper les fondements mêmes de la démocratie 
			(128) 
			Adoptée le 29 janvier 2009,
voir paragraphe 3.». Il va sans dire que les fondements de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme seraient également touchés si le rôle du médiateur venait à être diminué par des mesures d’austérité. Comme l’a souligné le Conseil des droits de l’homme de l’ONU dans sa Résolution 20/14 de juillet 2012, «l’importance de l’indépendance financière et administrative et de la stabilité des institutions nationales de défense des droits de l’homme» est essentielle pour la promotion et la protection des droits de l’homme 
			(129) 
			Voir
note 12 ci-dessus, paragraphe 17. .
46. Le problème des effets de la crise économique et des mesures d’austérité sur le fonctionnement des INDH est suivi de près par M. Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Au cours de ses réunions avec les représentants des INDH en 2012, M. Muižnieks s’est «inquiété face à la diminution des ressources financières et humaines des INDH et à leur fusion pour constituer des entités plus grandes» et a «recommandé aux gouvernements d’associer les INDH à toutes les phases du processus budgétaire afin d’ajouter une perspective “droits de l’homme” aux mesures de lutte contre la crise 
			(130) 
			Rapport
annuel d’activités 2012 de Nils Muižnieks, Commissaire aux droits
de l’homme du Conseil de l’Europe, présenté au Comité des Ministres
et à l’Assemblée parlementaire, Strasbourg, 10 avril 2013, CommDH(2013)5.».
47. En mai 2012, le Commissaire aux droits de l’homme a indiqué qu’en Grèce, en Irlande, en Lettonie et au Royaume-Uni, par exemple, les institutions nationales des droits de l’homme ont vu leur budget ou leurs effectifs diminuer et que dans des pays comme l’Espagne ou la République slovaque, des bureaux de médiateurs régionaux ou des services décentralisés ont dû fermer 
			(131) 
			«Les structures nationales
des droits de l’homme peuvent contribuer à atténuer les effets des
mesures d’austérité», Carnet des droits de l’homme du 31 mai 2012: <a href='http://www.coe.int/t/commissioner/news/2012/120531hrc_FR.asp'>www.coe.int/t/commissioner/news/2012/120531hrc_FR.asp</a>.. Il craignait notamment que les réductions budgétaires touchant les différentes INDH n’aient un effet particulièrement dommageable sur les groupes les plus vulnérables comme les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les Roms, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés.
48. A la suite de sa visite au Portugal en mai 2012, le Commissaire aux droits de l’homme a noté que le médiateur portugais n’avait pas été «touché de manière disproportionnée par les mesures d’austérité», que ses services continuaient à «remplir efficacement» leur mandat 
			(132) 
			Rapport de Nils Muižnieks,
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à la suite
de sa visite au Portugal du 7 au 9 mai 2012, Strasbourg, 10 juillet 2012,
CommDH(2012)22, paragraphe 4 du résumé. et qu’ils n’étaient pas confrontés à une restructuration ou à une fusion avec d’autres institutions 
			(133) 
			Ibid., paragraphe 65.. De même, au cours de mes visites à Copenhague et Ankara, les médiateurs danois et turc m’ont assuré que leurs institutions n’étaient pas concernées par les compressions budgétaires, ce qui est un bon signe. A ce propos, je tiens à encourager les gouvernements et les parlements à poursuivre dans cette voie en dépit des difficultés économiques. Au cours de ma visite à Ankara, je me suis dit préoccupé par le fait que les fonds destinés à la première année d’activité du médiateur n’étaient pas inclus dans le budget général, mais dans le budget de réserve, en dépit des garanties financières prévues par la loi 
			(134) 
			Voir article 4, section 1,
et article 29 de la loi sur le médiateur. Le budget du médiateur
provient de celui du parlement. : j’espère que cette mesure n’était que provisoire.
49. Il convient également de souligner que les institutions du médiateur peuvent être sous-financées par rapport aux nouvelles tâches qui leur sont confiées du fait de leurs obligations internationales – par exemple celles découlant de l’OPCAT, qui les oblige à mettre en place un mécanisme national de prévention – ou des règlements de l’Union européenne relatifs à l’égalité de traitement. Tel a été le cas, par exemple, du médiateur polonais, auquel le parlement n’a pas accordé des fonds suffisants à cette fin en 2011 et 2012 
			(135) 
			Résumé du «rapport
d’activités 2011 du Défenseur des droits de l’homme», Varsovie 2012,
p. 10: <a href='http://www.rpo.gov.pl/sites/default/files/SUMMARY%20of%20Report%20on%20the%20Activity%20of%20the%20Human%20Rights%20Defender%20In%202011.pdf'>www.rpo.gov.pl/sites/default/files/SUMMARY%20of%20Report%20on%20the%20Activity%20of%20the%20Human%20Rights%20Defender%20In%202011.pdf</a>.. En France, la fusion en 2011 des quatre instances, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et la Commission nationale de la déontologie de la sécurité en un Défenseur des droits a entraîné la mise en commun de leurs budgets sans augmentation des ressources pour la nouvelle autorité 
			(136) 
			Rapport annuel 2011,
p. 63: <a href='http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/ddd_raa_2011.pdf'>www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/ddd_raa_2011.pdf</a>. 
			(136) 
			..

7. Conclusion

50. En dépit de leur hétérogénéité, les institutions du médiateur présentent des caractéristiques communes dans tous les pays et ordres juridiques, notamment leur indépendance et leur impartialité. Le médiateur doit être libre d’examiner toute question relevant de sa compétence, de recueillir des informations sans avoir à demander l’approbation des autorités, et ses services doivent être dotés de ressources financières adéquates pour garantir un traitement gratuit, rapide et efficace de toutes les plaintes, n’exigeant qu’un minimum de formalités Dans son point de vue de 2006, M. Thomas Hammarberg, ancien Commissaire aux droits de l’homme, a affirmé que «le médiateur doit être au-dessus de toute politique partisane et n’accepter d’instructions de personne (...) Ce principe doit être garanti par la loi et orienter la façon dont les titulaires du poste sont nommés 
			(137) 
			T.
Hammarberg, «Les médiateurs sont les principaux défenseurs des droits
de l’homme – leur indépendance doit être respectée», Points de vue
du Commissaire aux droits de l’homme, 2006.». Il a indiqué clairement que les médiateurs ne peuvent obtenir des résultats notables que lorsque leur intégrité est respectée par le pouvoir en place, car l’application des droits de l’homme reste une question de volonté politique.
51. Comme l’a souligné M. Diamandouros, Médiateur européen, au cours d’un échange de vues avec la commission des questions juridiques et des droits de l’homme en juin 2012, la capacité des institutions nationales des droits de l’homme et des institutions du médiateur dépend du degré de mise en œuvre de l’état de droit et du fonctionnement des institutions démocratiques. Au début des années 1990, bon nombre de pays postcommunistes ont créé des institutions du médiateur sur la base du modèle nordique, qui existait alors depuis près de deux siècles. Cela dit, lorsque la Suède ou la Finlande ont établi leur institution du médiateur, le contexte était différent, ce qui explique pourquoi leurs médiateurs pouvaient par exemple poursuivre des juges, ce qui ne serait pas possible aujourd’hui dans un Etat où l’Etat de droit est encore fragile. La situation de l’Etat de droit a donc un impact considérable sur l’efficacité de l’institution du médiateur: on ne peut renforcer la seconde sans consolider la première. Il convient également de garder à l’esprit que les considérations de droits de l’homme étaient au cœur des processus de création des institutions du médiateur en Europe centrale et orientale ainsi que dans les anciens pays totalitaires comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne. Par conséquent, lorsque l’on examine l’évolution de ces institutions dans les pays qui ne les ont mises en place que récemment (parmi lesquels la Turquie), il faut tenir compte de la situation générale de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme qui y prévaut.
52. Cela ne signifie pas pour autant que la situation des institutions du médiateur en Europe occidentale est idéale. Le mandat de certains médiateurs reste limité. Ainsi, au Royaume-Uni, il n’y a pas d’accès direct au Commissaire parlementaire: toute plainte adressée à cette institution doit en premier lieu être présentée à un député, qui peut à son gré la transmettre au Commissaire parlementaire 
			(138) 
			Une situation déjà
critiquée par la Commission du droit dans son rapport de 2011, voir
ci-dessus note 35.. En France, la procédure de désignation du Défenseur des droits par le président de la République peut susciter des craintes quant à son indépendance. Enfin, plusieurs grands pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, n’ont pas d’institutions nationales (généralistes) du médiateur. Il conviendrait de tenir compte des divers ordres et traditions juridiques, et notamment de la position et de l’efficacité de la justice (administrative), d’où la nécessité d’appliquer les normes/recommandations européennes ou internationales de manière flexible.
53. Bien que tous les médiateurs ne soient pas des INDH, les chiffres relatifs à la mise en place de ces dernières reflètent quelques tendances intéressantes. Comme cela a été illustré précédemment, le nombre d’institutions du médiateur accréditées par le CIC reste très faible dans la zone géographique du Conseil de l’Europe, en dépit des efforts de la communauté internationale pour promouvoir le concept d’INDH et les Principes de Paris. Dans son rapport de 2010 sur les INDH dans les Etats membres de l’Union européenne 
			(139) 
			<a href='http://fra.europa.eu/en/publication/2012/national-human-rights-institutions-eu-member-states-strengthening-fundamental'>http://fra.europa.eu/en/publication/2012/national-human-rights-institutions-eu-member-states-strengthening-fundamental</a>. , l’Agence des droits fondamentaux a conclu que ces institutions ne bénéficiaient pas d’un appui politique suffisant dans tous les Etats membres. Elle a constaté:
  • qu’elles manquent d’indépendance et d’efficacité (à la lumière des Principes de Paris);
  • que l’existence, dans de nombreux Etats membres, de plusieurs organismes publics indépendants compétents en matière de droits de l’homme contribue à une dispersion des ressources et à des lacunes dans les mandats;
  • que leurs mandats limités, ne couvrant pas l’examen des plaintes des particuliers, affaiblissent souvent leur crédibilité.
54. Ces conclusions doivent être prises en considération lorsque l’on effectue une analyse approfondie de la situation des médiateurs en Europe. La prolifération des organes de type médiateur reste une tendance (en dépit de certaines évolutions inverses, comme en France); elle s’explique principalement par la multiplication des organes spécialisés dont la création est requise par les traités internationaux de droits de l’homme (par exemple l’OPCAT) ou d’autres instruments juridiques. Or, cela peut brouiller le «paysage des médiateurs» et décourager les plaignants potentiels de faire usage des recours existants, bien qu’une telle tendance négative puisse être enrayée par une coordination régulière et renforcée entre ces institutions. Par ailleurs, la concentration de ces missions supplémentaires au sein d’une même institution du médiateur qui s’occupait jusqu’alors du traitement des plaintes pour mauvaise administration risque de surcharger cette dernière, en particulier si les ressources sont insuffisantes.
55. Les mesures d’austérité prises en temps de crise économique peuvent frapper les institutions du médiateur dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et je souscris aux conclusions de la Conférence de Wellington de l’lIO de novembre 2012, lesquelles s’opposent à toute restriction financière qui limiterait l’indépendance du médiateur et «restreindrait sa capacité à protéger les droits fondamentaux de tous 
			(140) 
			Voir
note 15 ci-dessus, paragraphe 10.». En période de crise économique, le médiateur est le mieux placé pour protéger les personnes vulnérables, qui sont souvent en conflit avec l’administration publique sur les questions d’emploi ou les questions sociales; son rôle est donc crucial pour la protection des droits fondamentaux.
56. Les institutions du médiateur ont également des obligations. Afin de préserver leur crédibilité, elles doivent être réactives, respecter les délais prévus par la loi et être accessibles à toute personne ayant une réclamation à faire. Une bonne coopération avec la société civile et les médias, en particulier pour les institutions du médiateur nouvellement créées, est également nécessaire pour accroître leur visibilité et les rendre plus accessibles aux citoyens.