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Résolution 1945 (2013) Version finale
Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées
1. Les stérilisations et les castrations
imposées irréversibles constituent de graves violations des droits humains
et de la dignité humaine, et ne peuvent être acceptées dans les
Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. Il ne va pas de soi de définir l’élément de «coercition» dans
les stérilisations et les castrations, car celles-ci supposaient
historiquement le recours à la force ou à des interventions pratiquées
sans que la victime en ait connaissance ou sans qu’elle ait l’occasion
de donner son consentement. La notion de «coercition» est en train d’évoluer
dans le droit relatif aux droits de la personne, en partant de la
définition de l’absence de consentement libre et éclairé. C’est
pourquoi, même lorsqu’il est ostensiblement donné – y compris par
écrit – le consentement n’est pas valide si la victime a fait l’objet
de désinformation, d’intimidations ou de manipulations au moyen
d’incitations financières ou autres. De nouveaux concepts tels que
la «stérilisation imposée sous contrainte affective» et les «pressions
portant atteinte à l’autonomie du patient» sont en train d’apparaître.
Certains de ces concepts vont jusqu’à considérer la coercition comme
l’absence de liberté face à tout biais introduit, consciemment ou
non, par des soignants, et l’inégalité de pouvoir dans les rapports
entre patient et soignant qui peut affecter la liberté de prendre
des décisions, par exemple chez les personnes qui ne sont pas accoutumées
à l’idée de s’opposer à des personnes en position d’autorité.
3. Au cours de la première moitié du XXe siècle,
un nombre considérable d’Etats européens – et pas seulement l’Allemagne
nazie – a lancé des programmes souvent massifs de stérilisation
et de castration imposées de nature eugénique, dont certaines des
victimes sont encore en vie. Cinq groupes de personnes ont été particulièrement
ciblés: les femmes roms, les délinquants sexuels condamnés, les
personnes transgenres, les personnes handicapées et les personnes
marginalisées, stigmatisées ou considérées comme incapables de se
prendre en charge.
4. Fort peu de stérilisations pratiquées dans les Etats membres
du Conseil de l’Europe aujourd’hui et dans un passé très récent,
et pratiquement aucune castration, peuvent être qualifiées clairement
de «forcées» (forced): la
plupart concernent des personnes handicapées. Cependant, un nombre
certes réduit – mais significatif – de stérilisations et de castrations
a été «imposé» (coerced),
cet adjectif ayant reçu de multiples définitions. Elles ont visé
avant tout les personnes transgenres, les femmes roms et les délinquants
sexuels condamnés. Les stérilisations et les castrations forcées
ou imposées ne peuvent se justifier d’aucune manière au XXIe siècle:
il faut qu’elles cessent.
5. L’Assemblée parlementaire estime qu’il faut mettre en place
de solides garde-fous contre tout abus futur, y compris en menant
des actions de prévention pour faire évoluer les mentalités: il
est nécessaire de combattre les stéréotypes et les préjugés à l’encontre
de ceux qui paraissent différents. Il importe aussi, au sein du
corps médical, de combattre les attitudes paternalistes qui facilitent
de tels abus.
6. L’Assemblée estime aussi qu’il faut assurer une réparation
appropriée aux victimes de stérilisation et de castration imposées,
quelles qu’elles soient et quelle que soit la date à laquelle les
abus se sont produits. Dans les cas récents, cela implique la protection
et la réhabilitation des victimes, et la poursuite des auteurs de
ces actes. Cependant, dans tous les cas, aussi rares ou individuels
soient-ils, et quelle que soit l’époque à laquelle ils ont eu lieu,
il convient de faire des excuses officielles et d’accorder une indemnisation
au moins symbolique.
7. L’Assemblée invite donc les Etats membres du Conseil de l’Europe:
7.1. à réviser si nécessaire leur
législation et leur politique pour faire en sorte que nul ne soit
contraint, de quelque manière et pour quelque motif que ce soit,
de subir une stérilisation ou une castration;
7.2. à faire en sorte qu’une réparation appropriée soit prévue
pour les victimes de stérilisation ou de castration imposées récentes
(et futures), y compris la protection et la réhabilitation des victimes,
la poursuite des auteurs de ces actes et une indemnisation financière
proportionnée à la gravité des violations des droits de la personne
subies;
7.3. à présenter des excuses officielles et à offrir une indemnisation
financière au moins symbolique aux survivants qui ont été victimes
de programmes de stérilisations ou de castrations imposées;
7.4. à œuvrer pour éliminer les préjugés, les stéréotypes,
l’ignorance et les attitudes paternalistes qui ont des effets négatifs
sur la capacité du personnel médical à dispenser des soins reposant
sur des données factuelles, en respectant le consentement libre
et éclairé des personnes vulnérables, y compris par des campagnes
de sensibilisation et l’éducation aux droits de la personne.
8. L’Assemblée encourage le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à
continuer de suivre la question des stérilisations et des castrations
imposées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.