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Résolution 1945 (2013) Version finale

Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 juin 2013 (24e séance) (voir Doc. 13215, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Maury Pasquier; et Doc. 13252, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Saïdi). Texte adopté par l’Assemblée le 26 juin 2013 (24e séance).

1. Les stérilisations et les castrations imposées irréversibles constituent de graves violations des droits humains et de la dignité humaine, et ne peuvent être acceptées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
2. Il ne va pas de soi de définir l’élément de «coercition» dans les stérilisations et les castrations, car celles-ci supposaient historiquement le recours à la force ou à des interventions pratiquées sans que la victime en ait connaissance ou sans qu’elle ait l’occasion de donner son consentement. La notion de «coercition» est en train d’évoluer dans le droit relatif aux droits de la personne, en partant de la définition de l’absence de consentement libre et éclairé. C’est pourquoi, même lorsqu’il est ostensiblement donné – y compris par écrit – le consentement n’est pas valide si la victime a fait l’objet de désinformation, d’intimidations ou de manipulations au moyen d’incitations financières ou autres. De nouveaux concepts tels que la «stérilisation imposée sous contrainte affective» et les «pressions portant atteinte à l’autonomie du patient» sont en train d’apparaître. Certains de ces concepts vont jusqu’à considérer la coercition comme l’absence de liberté face à tout biais introduit, consciemment ou non, par des soignants, et l’inégalité de pouvoir dans les rapports entre patient et soignant qui peut affecter la liberté de prendre des décisions, par exemple chez les personnes qui ne sont pas accoutumées à l’idée de s’opposer à des personnes en position d’autorité.
3. Au cours de la première moitié du XXe siècle, un nombre considérable d’Etats européens – et pas seulement l’Allemagne nazie – a lancé des programmes souvent massifs de stérilisation et de castration imposées de nature eugénique, dont certaines des victimes sont encore en vie. Cinq groupes de personnes ont été particulièrement ciblés: les femmes roms, les délinquants sexuels condamnés, les personnes transgenres, les personnes handicapées et les personnes marginalisées, stigmatisées ou considérées comme incapables de se prendre en charge.
4. Fort peu de stérilisations pratiquées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe aujourd’hui et dans un passé très récent, et pratiquement aucune castration, peuvent être qualifiées clairement de «forcées» (forced): la plupart concernent des personnes handicapées. Cependant, un nombre certes réduit – mais significatif – de stérilisations et de castrations a été «imposé» (coerced), cet adjectif ayant reçu de multiples définitions. Elles ont visé avant tout les personnes transgenres, les femmes roms et les délinquants sexuels condamnés. Les stérilisations et les castrations forcées ou imposées ne peuvent se justifier d’aucune manière au XXIe siècle: il faut qu’elles cessent.
5. L’Assemblée parlementaire estime qu’il faut mettre en place de solides garde-fous contre tout abus futur, y compris en menant des actions de prévention pour faire évoluer les mentalités: il est nécessaire de combattre les stéréotypes et les préjugés à l’encontre de ceux qui paraissent différents. Il importe aussi, au sein du corps médical, de combattre les attitudes paternalistes qui facilitent de tels abus.
6. L’Assemblée estime aussi qu’il faut assurer une réparation appropriée aux victimes de stérilisation et de castration imposées, quelles qu’elles soient et quelle que soit la date à laquelle les abus se sont produits. Dans les cas récents, cela implique la protection et la réhabilitation des victimes, et la poursuite des auteurs de ces actes. Cependant, dans tous les cas, aussi rares ou individuels soient-ils, et quelle que soit l’époque à laquelle ils ont eu lieu, il convient de faire des excuses officielles et d’accorder une indemnisation au moins symbolique.
7. L’Assemblée invite donc les Etats membres du Conseil de l’Europe:
7.1. à réviser si nécessaire leur législation et leur politique pour faire en sorte que nul ne soit contraint, de quelque manière et pour quelque motif que ce soit, de subir une stérilisation ou une castration;
7.2. à faire en sorte qu’une réparation appropriée soit prévue pour les victimes de stérilisation ou de castration imposées récentes (et futures), y compris la protection et la réhabilitation des victimes, la poursuite des auteurs de ces actes et une indemnisation financière proportionnée à la gravité des violations des droits de la personne subies;
7.3. à présenter des excuses officielles et à offrir une indemnisation financière au moins symbolique aux survivants qui ont été victimes de programmes de stérilisations ou de castrations imposées;
7.4. à œuvrer pour éliminer les préjugés, les stéréotypes, l’ignorance et les attitudes paternalistes qui ont des effets négatifs sur la capacité du personnel médical à dispenser des soins reposant sur des données factuelles, en respectant le consentement libre et éclairé des personnes vulnérables, y compris par des campagnes de sensibilisation et l’éducation aux droits de la personne.
8. L’Assemblée encourage le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à continuer de suivre la question des stérilisations et des castrations imposées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.