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Résolution 1948 (2013) Version finale
Lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur l’identité de genre
1. L’Assemblée parlementaire se félicite
des évolutions positives dans le domaine de la lutte contre la discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre qui sont
intervenues depuis l’adoption de sa Résolution 1728 (2010), notamment
l’introduction, par différents Etats membres du Conseil de l’Europe,
de mesures législatives, de plans d’action et de stratégies spécifiques
visant à promouvoir l’égalité et à lutter contre la discrimination
envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres
(LGBT) ainsi qu’à s’attaquer au discours et à la violence homophobes
et transphobes.
2. Malgré ces avancées, l’Assemblée regrette que les préjugés,
l’hostilité et la discrimination fondés sur l’orientation sexuelle
et l’identité de genre restent un problème grave qui touche la vie
de dizaines de millions d’Européens. Ils se manifestent sous la
forme de discours de haine, de harcèlement et de violences qui touchent
souvent des jeunes. Ils revêtent également la forme d’atteinte répétée
au droit de réunion pacifique des personnes LGBT.
3. L’Assemblée est consciente que l’évolution de la société requiert
du temps et se produit de façon inégale dans un même pays, et à
plus forte raison entre des pays différents. Cela étant dit, l’Assemblée
estime aussi que les responsables politiques, à travers leur exemple
et leur discours, ainsi que les lois, de par leur caractère contraignant,
constituent de puissants leviers de promotion des transformations
de la société et garantissent que le respect des droits de l’homme
est non seulement une obligation juridique mais aussi une valeur partagée.
4. A ce propos, l’Assemblée est préoccupée par les déclarations
homophobes de responsables politiques et d’autres personnalités
détenant une autorité, déclarations qui, loin d’être une manifestation
de la liberté d’expression, participent du discours de haine et
de l’incitation à l’hostilité, à la discrimination et à la violence.
5. Par ailleurs, l’Assemblée se déclare profondément préoccupée
par l’introduction, à l’échelon local, régional mais aussi national,
de textes ou projets de textes législatifs sur l’interdiction de
la «propagande homosexuelle» dans un certain nombre d’Etats membres
du Conseil de l’Europe. Ces lois et projets de loi, qui sont en
contradiction avec la liberté d’expression et l’interdiction de
la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité
de genre, risquent de légitimer les préjugés et l’hostilité qui
existent dans la société, et d’alimenter un climat de haine contre
les personnes LGBT.
6. L’Assemblée exprime également sa vive préoccupation après
la récente condamnation de deux organisations, le festival de cinéma
LGBT «Side by Side» et le groupe LGBT de défense des droits de l’homme «Coming
Out», en application de la loi russe relative aux «agents étrangers».
Outre que cette loi enfreint les principes internationaux relatifs
aux droits de l’homme, des craintes ont été émises selon lesquelles
les procès n’auraient pas suivi une procédure régulière. Le fait
de prendre pour cible les organisations non gouvernementales (ONG)
LGBT au titre de la loi sur les «agents étrangers», parallèlement
à la proposition de loi interdisant la «propagande en faveur de
relations sexuelles non traditionnelles», fait peser une grave menace
sur tous les défenseurs des droits des personnes LGBT en Russie.
7. L’Assemblée déplore tout particulièrement l’approbation unanime
par la Douma russe du projet de loi sur la prétendue «propagande
pour des relations sexuelles non traditionnelles auprès de mineurs»
qui, s’il est aussi approuvé par le Conseil de la Fédération, sera
la première disposition législative sur l’interdiction de la propagande
homosexuelle instaurée au niveau national en Europe.
8. Dans ce contexte, l’Assemblée prend acte de l’Avis de la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)
sur la question de l’interdiction de la prétendue «propagande homosexuelle»
au vu de la législation récente élaborée dans certains Etats membres
du Conseil de l'Europe; elle partage son analyse et approuve ses
conclusions selon lesquelles notamment «les mesures en question paraissent
incompatibles avec les valeurs fondamentales de la [Convention européenne
des droits de l'homme]», outre qu’elles ne répondent pas aux conditions
justifiant les restrictions énoncées aux articles 10, 11 et 14 de
la Convention européenne des droits de l'homme.
9. Partant de ces considérations et soulignant que sa Résolution 1728 (2010) sur
la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité
de genre reste d’actualité, l’Assemblée invite les Etats membres du
Conseil de l’Europe:
9.1. en ce
qui concerne l’égalité et la non-discrimination:
9.1.1. à
garantir la pleine protection des droits de l’homme de toutes les
personnes relevant de leur juridiction, y inclus l’interdiction
de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité
de genre;
9.1.2. à s’assurer que tout nouvel instrument juridique et politique
qu’ils adoptent dans le domaine de l’égalité et de la non-discrimination
inclut explicitement l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
9.1.3. à introduire sans délai une législation civile de protection
contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité
de genre dans tous les domaines de la vie, y compris l’emploi, l’éducation,
la santé, l’accès aux biens et aux services, le logement, l’accès
à la sécurité sociale et aux avantages sociaux;
9.1.4. à élaborer et à mettre en œuvre des plans d’action/stratégies
nationaux destinés à promouvoir l’égalité et la non-discrimination
sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre;
9.1.5. à introduire une réglementation claire concernant l’obligation
pour les services publics de s’abstenir de toute discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
9.1.6. à impliquer les organisations LGBT et des droits de l’homme
dans des consultations sur des projets de lois et des politiques
concernant la discrimination;
9.1.7. à adopter une législation pénale introduisant l’orientation
sexuelle et l’identité de genre comme motifs de poursuites pour
les crimes de haine;
9.1.8. à introduire des lignes directrices contraignantes pour
les agents chargés du respect de la loi afin de garantir que tout
prétendu motif de haine associé avec un crime, y compris les motifs de
haine fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre,
fait l’objet d’une enquête approfondie, rapide, impartiale et effective,
et qu’il est pris en compte dans les poursuites et les condamnations
de ces crimes;
9.2. en ce qui concerne l’incitation au harcèlement ou à la
violence motivée par l’orientation sexuelle et l’identité de genre:
9.2.1. à améliorer la collecte de données sur les crimes homophobes
et transphobes, ainsi que sur la discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre;
9.2.2. à organiser des campagnes publiques sur l’égalité et la
diversité, ainsi que contre l’incitation au harcèlement ou à la
violence motivée par l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
9.2.3. à veiller à ce que les projets contre le harcèlement à
l’école ne contiennent aucune discrimination, quel qu’en soit le
motif, et à ce qu’ils soient spécialement axés sur la prévention, en
ciblant et en associant les élèves, le corps enseignant et le personnel
éducatif;
9.2.4. à dispenser aux agents des services de police, de l’appareil
judiciaire et de l’administration une formation sur l’homophobie,
la transphobie et l’interdiction de la discrimination fondée sur
l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
9.2.5. à mettre en place des mécanismes de plainte et de soutien
aux victimes de violence homophobe et transphobe, tels que des lignes
téléphoniques d’assistance et des services sociaux spécifiques,
dotés de personnel spécialisé;
10. En ce qui concerne certains cas préoccupants spécifiques,
l’Assemblée demande:
10.1. aux autorités
qui exercent le contrôle de fait sur la partie nord de Chypre d’exécuter
pleinement l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans
l’affaire Modinos c. Chypre et
de garantir la dépénalisation des relations consensuelles entre
adultes de même sexe, comme dans les zones contrôlées par le Gouvernement
de la République de Chypre;
10.2. aux autorités polonaises d’exécuter pleinement l’arrêt
de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Bączkowski et autres c. Pologne;
10.3. aux autorités compétentes de la République de Moldova
d’exécuter pleinement l’arrêt de la Cour européenne des droits de
l’homme dans l’affaire Genderdoc-M c.
Moldova; de se conformer aux décisions de justice qui
ont invalidé la législation interdisant la prétendue «propagande homosexuelle» et
de l’abroger si cela n’a pas encore été fait;
10.4. aux autorités russes d’exécuter pleinement l’arrêt de
la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Alekseyev c. Russie;
10.5. aux autorités russes de s’abstenir de toute nouvelle mesure
contre le festival de cinéma LGBT «Side by Side» et l’ONG «Coming
Out», prise en application de la loi relative aux «agents étrangers»; de
veiller à ce que les éventuels recours introduits par ces organisations
contre leur condamnation en vertu de cette loi fassent l’objet d’une
procédure régulière et de s’abstenir de nouvelles poursuites à l’encontre
d’organisations LGBT des droits de l’homme au motif qu’elles ne
se sont pas enregistrées en tant qu’«agents étrangers»;
10.6. au Conseil de la Fédération de Russie de rejeter le projet
de loi sur la prétendue «propagande pour des relations sexuelles
non traditionnelles auprès de mineurs»;
10.7. au Parlement de l’Ukraine de ne pas poursuivre l’examen
du projet de loi sur l’interdiction de la prétendue «propagande
homosexuelle»;
10.8. aux autorités locales et régionales concernées de la Fédération
de Russie d’abroger la législation sur l’interdiction de la prétendue
«propagande homosexuelle»;
10.9. aux autorités géorgiennes d’enquêter rapidement sur l’agression
perpétrée par de violents contre-manifestants à l’encontre des participants
de la marche contre l’homophobie organisée le 17 mai 2013, et de
faire rendre des comptes à ceux qui ont incité à la violence ou
ont commis des violences;
10.10. au Parlement de la Lituanie de ne pas poursuivre l’examen
des propositions visant à instaurer des sanctions administratives
pour le prétendu «dénigrement public des valeurs morales constitutionnelles
et des fondements constitutionnels de la vie de famille»;
11. En ce qui concerne le rôle des personnalités publiques, y
compris les parlementaires, les responsables politiques et autres
personnes détenant une autorité, l’Assemblée:
11.1. les invite à établir des relations de dialogue et de confiance
avec la communauté LGBT, y compris en participant aux marches des
fiertés et autres manifestations similaires;
11.2. les appelle à s’abstenir de tout discours homophobe et
transphobe, et à condamner publiquement ce type de discours;
11.3. propose d’organiser des activités destinées à sensibiliser
les parlementaires à la prévention de l’homophobie et de la transphobie,
ainsi qu’à la promotion des normes du Conseil de l’Europe en matière de
lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
et l’identité de genre.