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Résolution 1949 (2013) Version finale

Dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine»

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 juin 2013 (26e séance) (voir Doc. 13227, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), rapporteur: M. Walter). Texte adopté par l’Assemblée le 27 juin 2013 (26e séance). Voir également la Recommandation 2022 (2013).

1. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» a adhéré au Conseil de l’Europe en 1995. En 2000, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1213 (2000) sur le respect des obligations et engagements de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et a décidé de mettre fin à la procédure de suivi. Depuis lors, l’Assemblée a ouvert un dialogue avec les autorités macédoniennes pour assurer le suivi des questions restantes identifiées par l’Assemblée – parmi lesquelles l’intégration des minorités ethniques, l’éducation, la réforme de la justice, la liberté d’expression, l’asile et la décentralisation – et de toute autre question découlant de ses obligations en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe. La Résolution 1710 (2010) sur le mandat des corapporteurs de la commission de suivi requiert que l’Assemblée débatte en séance plénière du rapport consacré au dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine».
2. L’Assemblée regrette que la question du nom du pays continue de retarder l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, pourtant recommandée à plusieurs reprises depuis 2009 par la Commission européenne, ainsi que les initiatives lancées par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» en vue de rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), malgré l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) le 5 décembre 2011. L’Assemblée espère que la Grèce adoptera une approche plus souple sur cette question. L’Assemblée invite également «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à poursuivre le dialogue engagé sous les auspices des Nations Unies en vue de régler la question du nom dans un proche avenir, et à nouer des relations constructives avec les pays voisins, contribuant ainsi à la stabilité globale de la région.
3. L’Assemblée rappelle que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» est une société multiculturelle et pluriethnique complexe. Après le conflit interethnique de 2001, la signature de l’Accord-cadre d’Ohrid (ACO) visait à améliorer les droits des communautés non majoritaires, y compris celles des Albanais de souche qui représentent quelque 25 % des 2 millions d’habitants, tout en préservant l’unité de l’Etat. L’ACO prévoyait, entre autres, des modifications de la Constitution, des dispositions linguistiques visant à réglementer et à élargir l’utilisation de la langue albanaise, tout particulièrement dans les communautés comprenant au moins 20 % d’Albanais, l’instauration d’une représentation proportionnelle dans la fonction publique et les institutions d’Etat, la mise en place de mécanismes de protection des minorités au parlement, la décentralisation, ainsi que l’application de la majorité qualifiée, c’est-à-dire une double majorité («principe de Badinter»), lorsque le parlement adopte des lois concernant directement les droits des communautés nationales. L’Assemblée reconnaît que l’ACO a été un facteur de paix et de stabilité dans toute la région au cours des dix dernières années, et qu’il a permis d’importantes réformes.
4. L’Assemblée note, cependant, que plus de dix ans après l’ACO, les relations entre les communautés demeurent fragiles. Les tensions persistantes ont entraîné plusieurs incidents graves impliquant des membres des communautés macédonienne et albanaise, notamment au cours des derniers mois. L’Assemblée encourage les autorités macédoniennes à poursuivre la mise en œuvre effective de l’ACO et, en particulier, à chercher:
4.1. à appeler tous les acteurs politiques et sociaux à s’interdire d’employer toute forme de rhétorique nationaliste susceptible d’attiser les divisions et à faire preuve de respect et de compréhension à l’égard de l’identité et de la culture de chaque communauté;
4.2. à poursuivre le processus de décentralisation, notamment la décentralisation fiscale; à donner une formation appropriée aux agents et aux élus locaux; et à profiter de l’expertise qui pourrait être fournie par le Conseil de l’Europe dans ces domaines;
4.3. à présenter et à débattre du bilan établi pour faire le point sur l’application des politiques découlant de l’ACO, afin d’inspirer de nouvelles mesures inclusives et de donner un nouvel élan à la mise en œuvre de cet accord;
4.4. à envisager de nouvelles mesures visant à rétablir la confiance ainsi que des initiatives inclusives pour promouvoir une vision commune qui permettrait de rapprocher les communautés et de construire une société prospère. A cet égard, l’Assemblée regrette la ségrégation persistante dans le domaine de l’éducation, qui hypothèque la cohésion des générations futures;
4.5. à poursuivre les efforts déployés pour défendre les droits culturels et linguistiques des communautés les moins représentées de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»;
4.6. en vue de renforcer la protection des minorités nationales, à appliquer la Résolution CM/ResCMN(2012)13 du Comité des Ministres sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales par «l’ex-République yougoslave de Macédoine»;
4.7. à reprendre, sans plus attendre, la préparation et la conduite d’un recensement reposant sur une méthodologie acceptée par les principales parties prenantes, étant donné que les résultats de ce recensement auront un effet direct sur toutes les communautés.
5. L’Assemblée est convaincue que la pleine application de l’ACO de façon équitable et transparente, sans exclure personne, peut contribuer à garantir une coexistence pacifique et la pleine participation à la vie publique des communautés non majoritaires, y compris les plus petites, et à assurer leur accès aux droits sociaux. Des efforts continus, à travers le dialogue et des mesures visant à rétablir la confiance, sont donc essentiels pour atteindre cet objectif.
6. L’Assemblée estime que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» devrait être soutenue dans ses efforts visant à consolider la démocratie. Elle note cependant avec inquiétude que la série d’actions entreprises à l’encontre des médias, des partis d’opposition et des organisations non gouvernementales (ONG) après les élections législatives de juin 2011 ont suscité de graves préoccupations au sein de l’opposition comme de la société civile, qui ont perçu ces faits comme des actions partiales et sélectives. D’après le classement mondial de la liberté de la presse 2013 publié par Reporters sans frontières, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» occupe la 116e place sur 179 pays. Par conséquent, l’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à garantir la pleine liberté des médias.
7. La vie publique reste fortement divisée selon des lignes de fracture politique et ethnique, ce qui entrave le développement d’une société intégrée et solidaire. La dépolitisation de la vie publique est un défi difficile à relever, qui doit être pris au sérieux par les autorités et approuvé par tous les partis politiques afin d’améliorer la transparence et l’efficacité des institutions publiques, de dynamiser le développement socio-économique du pays et d’offrir un avenir plus prometteur à la jeunesse macédonienne.
8. L’Assemblée insiste sur le fait que les mesures prises par les autorités pour instaurer des systèmes de recrutement au mérite devraient être renforcées et reposer sur des critères de sélection ou d’élection transparents. Face au sentiment de polarisation et de politisation de la société, les partis au pouvoir, qui détiennent la majorité à la fois au parlement et au niveau local depuis les élections de mars 2013, ont la lourde responsabilité de veiller à la mise en place d'un dialogue intégrateur entre toutes les composantes de la société et les partis politiques.
9. A cet égard, l’Assemblée déplore les graves incidents survenus au parlement le 24 décembre 2012, à l’occasion de l’adoption du budget 2013. La crise politique qui s’ensuivit a conduit l’opposition à boycotter le parlement au début 2013, jusqu’à la signature d’un accord le 1er mars 2013.
10. L’Assemblée invite les autorités macédoniennes et toutes les parties prenantes à appliquer pleinement l’accord du 1er mars 2013 et, en particulier:
10.1. à accélérer la mise en place d’une commission chargée d’enquêter sur les événements du 24 décembre 2012 et de débattre du résultat de ses investigations, afin que le parlement puisse modifier son règlement et ses méthodes de travail en conséquence;
10.2. à réviser le Code électoral, compte tenu de toutes les recommandations qui seront adoptées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en juin 2013 ainsi que par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH). L’Assemblée invite également les autorités macédoniennes à traiter les questions électorales identifiées par la commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire pour l’observation des élections de 2011, en particulier la séparation insuffisamment nette entre Etat et partis, et la nécessité de renforcer les mécanismes juridiques de protection du statut des agents publics, surtout au niveau local, afin d’agir efficacement contre les cas, perçus comme étant très répandus, de pressions exercées pendant la campagne électorale, notamment de menaces de perte d’emploi.
11. L’Assemblée demande instamment aux partis politiques d’engager un dialogue constructif en vue d’assurer le bon fonctionnement du parlement et l’adoption d’un code de déontologie, et de solliciter l’expertise de l’Assemblée parlementaire pour améliorer le fonctionnement du parlement par le biais de programmes de coopération.
12. L’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à garantir la liberté des médias, étant donné les faiblesses de ce secteur : un grand nombre d’organes de presse; le fait que les médias soient lourdement tributaires de la publicité de l’Etat (à hauteur de 50 %), ce qui soulève des préoccupations concernant l’ingérence politique dans les médias; l’insuffisance des normes professionnelles qui ne sont pas à même de garantir l’indépendance et l’impartialité du journalisme d’investigation; et les problèmes posés par le passage au numérique en 2013.
13. L’Assemblée se félicite de la dépénalisation de la diffamation en 2012. Elle note, cependant, que la loi nouvellement adoptée relative à la responsabilité civile en matière d’insultes et de diffamation et les compensations financières à verser dans le cadre des procédures civiles pourraient avoir de graves conséquences économiques sur la viabilité des médias et inciter à l’autocensure involontaire. L’Assemblée demande donc instamment aux autorités de poursuivre le dialogue avec les associations de journalistes, de renforcer la liberté d’expression dans les lois futures, de faciliter la création d’une instance d’autorégulation et de veiller à ce que le Conseil de la radio et de la télédiffusion, dans sa nouvelle composition, soit perçu comme agissant de manière indépendante, et à ce qu’il s’acquitte de sa mission sans être exposé à des pressions politiques indues.
14. Concernant le respect de l’Etat de droit, l’Assemblée considère qu’un système judiciaire efficace et indépendant est une condition essentielle de la démocratie. Elle se félicite des réformes entreprises par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pour modifier sa législation et appliquer le Code de procédure pénale nouvellement adopté. Elle note, cependant, le manque de confiance des citoyens dans le système judiciaire, et demande instamment aux autorités macédoniennes de s’assurer que les conditions favorables à l’instauration d’un système judiciaire non sélectif sont réunies. Dans ce contexte, l’Assemblée invite «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à renforcer les programmes de formation des juges et des procureurs.
15. L’Assemblée note avec satisfaction l’évolution positive observée au cours des cinq dernières années dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Elle considère que la lutte contre la corruption doit rester une priorité: la corruption porte gravement atteinte au fonctionnement des institutions démocratiques et judiciaires et des services publics, de même qu’à la confiance des citoyens dans les institutions publiques. L’Assemblée se félicite de l’adoption des amendements à la loi sur le financement des partis politiques en octobre 2011, novembre 2012 et février 2013, et au Code pénal en 2011. Elle encourage les autorités macédoniennes à pleinement appliquer les dispositions nouvellement adoptées et à assurer la formation de toutes les parties prenantes. Elle demande instamment à «l’ex-République yougoslave de Macédoine» de modifier sa législation conformément aux recommandations restantes du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), de renforcer l’indépendance et l’impartialité de la Commission nationale de prévention de la corruption, et d’accroître la protection juridique et institutionnelle des donneurs d’alerte.
16. Concernant la protection des droits de l’homme, l’Assemblée encourage «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à se confronter à son passé et à régler des questions en souffrance liées aux droits de l’homme, ainsi que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe l’a souligné en avril 2013. Elle exprime cependant sa préoccupation concernant la loi de lustration, très controversée, et invite les autorités macédoniennes à se conformer à la décision de la Cour constitutionnelle, à la lumière du mémoire amicus curiae adopté par la Commission de Venise en mars 2013.
17. L’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à intensifier leurs efforts pour lutter contre la discrimination, notamment des Roms, à poursuivre les programmes locaux d’intégration et à assurer l’accès effectif de ces populations aux documents d’identité, ainsi qu’aux soins de santé et aux droits sociaux. L’Assemblée rappelle que la lutte contre la discrimination devrait englober toutes les formes de discrimination, y compris les préjugés liés à l’orientation sexuelle. L’Assemblée appelle donc les autorités macédoniennes à allouer suffisamment de ressources financières et humaines à ces activités et à garantir le bon fonctionnement du bureau du médiateur.
18. L’Assemblée demeure préoccupée par les mesures prises pour combattre les «faux demandeurs d’asile» – principalement des Roms. L’Assemblée rappelle que le droit de chaque individu de quitter son pays est un droit fondamental établi, garanti par l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 46) et consacré dans l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En conséquence, l’Assemblée demande instamment aux autorités macédoniennes de ne prendre aucune mesure qui porterait atteinte à cette liberté fondamentale et de s’employer à améliorer encore les conditions de vie des communautés concernées.
19. L’Assemblée prend note des efforts déployés par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pour lutter contre la torture et les mauvais traitements. Elle invite cependant «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à appliquer les recommandations restantes du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). L’Assemblée se félicite du lancement, en décembre 2012, d’un programme conjoint Conseil de l’Europe/Union européenne sur le renforcement des capacités des services répressifs pour garantir un traitement approprié aux détenus et aux personnes condamnées, et demande la mise en place de nouveaux programmes de coopération dans le domaine des droits de l’homme.
20. L’Assemblée se félicite des amendements à la loi sur l’asile et la protection temporaire adoptés en 2012 et du lancement d’une Stratégie d’intégration des réfugiés (2008-2015). Elle appelle les autorités à allouer les fonds nécessaires pour permettre la mise en œuvre intégrale du plan d’action national envisagé en vue de renforcer l’accès des réfugiés au logement, à l’éducation, à la protection de la santé, à l’emploi et à la protection sociale, et à mieux garantir la protection juridique et les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, en coopération avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
21. En conclusion, l’Assemblée est bien consciente des défis auxquels «l’ex-République yougoslave de Macédoine» doit faire face à tous les niveaux pour assurer sa stabilité politique et sa cohésion sociale. On ne peut que se féliciter de son aspiration à s’intégrer davantage en Europe et à se conformer pleinement aux normes européennes dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, et l’appuyer. Toutefois, de sérieux doutes subsistent quant à la question de savoir si «l’ex-République yougoslave de Macédoine» dispose d’une stabilité politique suffisante pour réaliser des progrès réguliers dans la mise en œuvre des réformes requises.
22. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’envisager l’ouverture d’un bureau du Conseil de l’Europe pour aider «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à poursuivre ses efforts de démocratisation, de suivre l’évolution de la situation politique dans le pays, de fournir des conseils et l’expertise du Conseil de l’Europe, le cas échéant, et, d’une manière générale, de renforcer et de coordonner la coopération avec les autorités macédoniennes.
23. Dans l’intervalle, l’Assemblée décide de poursuivre son dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine» sur les questions soulevées dans la présente résolution. Elle encourage le rapporteur à effectuer des visites fréquentes dans le pays afin de soutenir et d'évaluer le déroulement de l'exécution des obligations et engagements dans le cadre du dialogue postsuivi.