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Résolution 1949 (2013) Version finale
Dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
1. «L’ex-République yougoslave de
Macédoine» a adhéré au Conseil de l’Europe en 1995. En 2000, l’Assemblée
parlementaire a adopté la Résolution
1213 (2000) sur le respect des obligations et engagements de
«l’ex-République yougoslave de Macédoine» et a décidé de mettre
fin à la procédure de suivi. Depuis lors, l’Assemblée a ouvert un
dialogue avec les autorités macédoniennes pour assurer le suivi
des questions restantes identifiées par l’Assemblée – parmi lesquelles
l’intégration des minorités ethniques, l’éducation, la réforme de
la justice, la liberté d’expression, l’asile et la décentralisation
– et de toute autre question découlant de ses obligations en tant
qu’Etat membre du Conseil de l’Europe. La Résolution 1710 (2010) sur le mandat des
corapporteurs de la commission de suivi requiert que l’Assemblée
débatte en séance plénière du rapport consacré au dialogue postsuivi
avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine».
2. L’Assemblée regrette que la question du nom du pays continue
de retarder l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union
européenne, pourtant recommandée à plusieurs reprises depuis 2009
par la Commission européenne, ainsi que les initiatives lancées
par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» en vue de rejoindre
l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), malgré l’arrêt
rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) le 5 décembre
2011. L’Assemblée espère que la Grèce adoptera une approche plus
souple sur cette question. L’Assemblée invite également «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» à poursuivre le dialogue engagé sous les
auspices des Nations Unies en vue de régler la question du nom dans un
proche avenir, et à nouer des relations constructives avec les pays
voisins, contribuant ainsi à la stabilité globale de la région.
3. L’Assemblée rappelle que «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
est une société multiculturelle et pluriethnique complexe. Après
le conflit interethnique de 2001, la signature de l’Accord-cadre
d’Ohrid (ACO) visait à améliorer les droits des communautés non
majoritaires, y compris celles des Albanais de souche qui représentent
quelque 25 % des 2 millions d’habitants, tout en préservant l’unité
de l’Etat. L’ACO prévoyait, entre autres, des modifications de la
Constitution, des dispositions linguistiques visant à réglementer
et à élargir l’utilisation de la langue albanaise, tout particulièrement
dans les communautés comprenant au moins 20 % d’Albanais, l’instauration
d’une représentation proportionnelle dans la fonction publique et
les institutions d’Etat, la mise en place de mécanismes de protection
des minorités au parlement, la décentralisation, ainsi que l’application
de la majorité qualifiée, c’est-à-dire une double majorité («principe
de Badinter»), lorsque le parlement adopte des lois concernant directement
les droits des communautés nationales. L’Assemblée reconnaît que
l’ACO a été un facteur de paix et de stabilité dans toute la région
au cours des dix dernières années, et qu’il a permis d’importantes
réformes.
4. L’Assemblée note, cependant, que plus de dix ans après l’ACO,
les relations entre les communautés demeurent fragiles. Les tensions
persistantes ont entraîné plusieurs incidents graves impliquant
des membres des communautés macédonienne et albanaise, notamment
au cours des derniers mois. L’Assemblée encourage les autorités
macédoniennes à poursuivre la mise en œuvre effective de l’ACO et,
en particulier, à chercher:
4.1. à
appeler tous les acteurs politiques et sociaux à s’interdire d’employer
toute forme de rhétorique nationaliste susceptible d’attiser les
divisions et à faire preuve de respect et de compréhension à l’égard de
l’identité et de la culture de chaque communauté;
4.2. à poursuivre le processus de décentralisation, notamment
la décentralisation fiscale; à donner une formation appropriée aux
agents et aux élus locaux; et à profiter de l’expertise qui pourrait
être fournie par le Conseil de l’Europe dans ces domaines;
4.3. à présenter et à débattre du bilan établi pour faire le
point sur l’application des politiques découlant de l’ACO, afin
d’inspirer de nouvelles mesures inclusives et de donner un nouvel
élan à la mise en œuvre de cet accord;
4.4. à envisager de nouvelles mesures visant à rétablir la
confiance ainsi que des initiatives inclusives pour promouvoir une
vision commune qui permettrait de rapprocher les communautés et
de construire une société prospère. A cet égard, l’Assemblée regrette
la ségrégation persistante dans le domaine de l’éducation, qui hypothèque
la cohésion des générations futures;
4.5. à poursuivre les efforts déployés pour défendre les droits
culturels et linguistiques des communautés les moins représentées
de «l’ex-République yougoslave de Macédoine»;
4.6. en vue de renforcer la protection des minorités nationales,
à appliquer la Résolution CM/ResCMN(2012)13 du Comité des Ministres
sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des
minorités nationales par «l’ex-République yougoslave de Macédoine»;
4.7. à reprendre, sans plus attendre, la préparation et la
conduite d’un recensement reposant sur une méthodologie acceptée
par les principales parties prenantes, étant donné que les résultats
de ce recensement auront un effet direct sur toutes les communautés.
5. L’Assemblée est convaincue que la pleine application de l’ACO
de façon équitable et transparente, sans exclure personne, peut
contribuer à garantir une coexistence pacifique et la pleine participation
à la vie publique des communautés non majoritaires, y compris les
plus petites, et à assurer leur accès aux droits sociaux. Des efforts
continus, à travers le dialogue et des mesures visant à rétablir
la confiance, sont donc essentiels pour atteindre cet objectif.
6. L’Assemblée estime que «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
devrait être soutenue dans ses efforts visant à consolider la démocratie.
Elle note cependant avec inquiétude que la série d’actions entreprises à
l’encontre des médias, des partis d’opposition et des organisations
non gouvernementales (ONG) après les élections législatives de juin
2011 ont suscité de graves préoccupations au sein de l’opposition
comme de la société civile, qui ont perçu ces faits comme des actions
partiales et sélectives. D’après le classement mondial de la liberté
de la presse 2013 publié par Reporters sans frontières, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» occupe la 116e place
sur 179 pays. Par conséquent, l’Assemblée appelle les autorités macédoniennes
à garantir la pleine liberté des médias.
7. La vie publique reste fortement divisée selon des lignes de
fracture politique et ethnique, ce qui entrave le développement
d’une société intégrée et solidaire. La dépolitisation de la vie
publique est un défi difficile à relever, qui doit être pris au
sérieux par les autorités et approuvé par tous les partis politiques
afin d’améliorer la transparence et l’efficacité des institutions
publiques, de dynamiser le développement socio-économique du pays
et d’offrir un avenir plus prometteur à la jeunesse macédonienne.
8. L’Assemblée insiste sur le fait que les mesures prises par
les autorités pour instaurer des systèmes de recrutement au mérite
devraient être renforcées et reposer sur des critères de sélection
ou d’élection transparents. Face au sentiment de polarisation et
de politisation de la société, les partis au pouvoir, qui détiennent
la majorité à la fois au parlement et au niveau local depuis les
élections de mars 2013, ont la lourde responsabilité de veiller
à la mise en place d'un dialogue intégrateur entre toutes les composantes
de la société et les partis politiques.
9. A cet égard, l’Assemblée déplore les graves incidents survenus
au parlement le 24 décembre 2012, à l’occasion de l’adoption du
budget 2013. La crise politique qui s’ensuivit a conduit l’opposition
à boycotter le parlement au début 2013, jusqu’à la signature d’un
accord le 1er mars 2013.
10. L’Assemblée invite les autorités macédoniennes et toutes les
parties prenantes à appliquer pleinement l’accord du 1er mars
2013 et, en particulier:
10.1. à
accélérer la mise en place d’une commission chargée d’enquêter sur
les événements du 24 décembre 2012 et de débattre du résultat de
ses investigations, afin que le parlement puisse modifier son règlement
et ses méthodes de travail en conséquence;
10.2. à réviser le Code électoral, compte tenu de toutes les
recommandations qui seront adoptées par la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en juin 2013
ainsi que par le Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE/BIDDH). L’Assemblée invite également les autorités macédoniennes
à traiter les questions électorales identifiées par la commission
ad hoc de l’Assemblée parlementaire pour l’observation des élections
de 2011, en particulier la séparation insuffisamment nette entre
Etat et partis, et la nécessité de renforcer les mécanismes juridiques
de protection du statut des agents publics, surtout au niveau local,
afin d’agir efficacement contre les cas, perçus comme étant très répandus,
de pressions exercées pendant la campagne électorale, notamment
de menaces de perte d’emploi.
11. L’Assemblée demande instamment aux partis politiques d’engager
un dialogue constructif en vue d’assurer le bon fonctionnement du
parlement et l’adoption d’un code de déontologie, et de solliciter
l’expertise de l’Assemblée parlementaire pour améliorer le fonctionnement
du parlement par le biais de programmes de coopération.
12. L’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à garantir
la liberté des médias, étant donné les faiblesses de ce secteur :
un grand nombre d’organes de presse; le fait que les médias soient
lourdement tributaires de la publicité de l’Etat (à hauteur de 50 %),
ce qui soulève des préoccupations concernant l’ingérence politique
dans les médias; l’insuffisance des normes professionnelles qui
ne sont pas à même de garantir l’indépendance et l’impartialité
du journalisme d’investigation; et les problèmes posés par le passage au
numérique en 2013.
13. L’Assemblée se félicite de la dépénalisation de la diffamation
en 2012. Elle note, cependant, que la loi nouvellement adoptée relative
à la responsabilité civile en matière d’insultes et de diffamation
et les compensations financières à verser dans le cadre des procédures
civiles pourraient avoir de graves conséquences économiques sur
la viabilité des médias et inciter à l’autocensure involontaire.
L’Assemblée demande donc instamment aux autorités de poursuivre
le dialogue avec les associations de journalistes, de renforcer
la liberté d’expression dans les lois futures, de faciliter la création
d’une instance d’autorégulation et de veiller à ce que le Conseil
de la radio et de la télédiffusion, dans sa nouvelle composition,
soit perçu comme agissant de manière indépendante, et à ce qu’il
s’acquitte de sa mission sans être exposé à des pressions politiques
indues.
14. Concernant le respect de l’Etat de droit, l’Assemblée considère
qu’un système judiciaire efficace et indépendant est une condition
essentielle de la démocratie. Elle se félicite des réformes entreprises
par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pour modifier sa législation
et appliquer le Code de procédure pénale nouvellement adopté. Elle
note, cependant, le manque de confiance des citoyens dans le système
judiciaire, et demande instamment aux autorités macédoniennes de
s’assurer que les conditions favorables à l’instauration d’un système
judiciaire non sélectif sont réunies. Dans ce contexte, l’Assemblée
invite «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à renforcer les
programmes de formation des juges et des procureurs.
15. L’Assemblée note avec satisfaction l’évolution positive observée
au cours des cinq dernières années dans l’indice de perception de
la corruption de Transparency International. Elle considère que
la lutte contre la corruption doit rester une priorité: la corruption
porte gravement atteinte au fonctionnement des institutions démocratiques
et judiciaires et des services publics, de même qu’à la confiance
des citoyens dans les institutions publiques. L’Assemblée se félicite
de l’adoption des amendements à la loi sur le financement des partis
politiques en octobre 2011, novembre 2012 et février 2013, et au
Code pénal en 2011. Elle encourage les autorités macédoniennes à
pleinement appliquer les dispositions nouvellement adoptées et à
assurer la formation de toutes les parties prenantes. Elle demande
instamment à «l’ex-République yougoslave de Macédoine» de modifier
sa législation conformément aux recommandations restantes du Groupe
d’Etats contre la corruption (GRECO), de renforcer l’indépendance
et l’impartialité de la Commission nationale de prévention de la
corruption, et d’accroître la protection juridique et institutionnelle
des donneurs d’alerte.
16. Concernant la protection des droits de l’homme, l’Assemblée
encourage «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à se confronter
à son passé et à régler des questions en souffrance liées aux droits
de l’homme, ainsi que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe l’a souligné en avril 2013. Elle exprime cependant sa
préoccupation concernant la loi de lustration, très controversée,
et invite les autorités macédoniennes à se conformer à la décision
de la Cour constitutionnelle, à la lumière du mémoire amicus curiae adopté par la Commission
de Venise en mars 2013.
17. L’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à intensifier
leurs efforts pour lutter contre la discrimination, notamment des
Roms, à poursuivre les programmes locaux d’intégration et à assurer
l’accès effectif de ces populations aux documents d’identité, ainsi
qu’aux soins de santé et aux droits sociaux. L’Assemblée rappelle
que la lutte contre la discrimination devrait englober toutes les
formes de discrimination, y compris les préjugés liés à l’orientation
sexuelle. L’Assemblée appelle donc les autorités macédoniennes à allouer
suffisamment de ressources financières et humaines à ces activités
et à garantir le bon fonctionnement du bureau du médiateur.
18. L’Assemblée demeure préoccupée par les mesures prises pour
combattre les «faux demandeurs d’asile» – principalement des Roms.
L’Assemblée rappelle que le droit de chaque individu de quitter
son pays est un droit fondamental établi, garanti par l’article 2
du Protocole no 4 à la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 46) et
consacré dans l’article 14 de la Déclaration universelle des droits
de l’homme. En conséquence, l’Assemblée demande instamment aux autorités
macédoniennes de ne prendre aucune mesure qui porterait atteinte
à cette liberté fondamentale et de s’employer à améliorer encore
les conditions de vie des communautés concernées.
19. L’Assemblée prend note des efforts déployés par «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» pour lutter contre la torture et les mauvais
traitements. Elle invite cependant «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
à appliquer les recommandations restantes du Comité pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT). L’Assemblée se félicite du lancement, en décembre 2012, d’un
programme conjoint Conseil de l’Europe/Union européenne sur le renforcement
des capacités des services répressifs pour garantir un traitement
approprié aux détenus et aux personnes condamnées, et demande la
mise en place de nouveaux programmes de coopération dans le domaine
des droits de l’homme.
20. L’Assemblée se félicite des amendements à la loi sur l’asile
et la protection temporaire adoptés en 2012 et du lancement d’une
Stratégie d’intégration des réfugiés (2008-2015). Elle appelle les
autorités à allouer les fonds nécessaires pour permettre la mise
en œuvre intégrale du plan d’action national envisagé en vue de renforcer
l’accès des réfugiés au logement, à l’éducation, à la protection
de la santé, à l’emploi et à la protection sociale, et à mieux garantir
la protection juridique et les droits des réfugiés et des demandeurs
d’asile, en coopération avec le Haut-Commissaire des Nations Unies
pour les réfugiés.
21. En conclusion, l’Assemblée est bien consciente des défis auxquels
«l’ex-République yougoslave de Macédoine» doit faire face à tous
les niveaux pour assurer sa stabilité politique et sa cohésion sociale.
On ne peut que se féliciter de son aspiration à s’intégrer davantage
en Europe et à se conformer pleinement aux normes européennes dans
les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat
de droit, et l’appuyer. Toutefois, de sérieux doutes subsistent
quant à la question de savoir si «l’ex-République yougoslave de
Macédoine» dispose d’une stabilité politique suffisante pour réaliser
des progrès réguliers dans la mise en œuvre des réformes requises.
22. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande au Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe d’envisager l’ouverture d’un bureau
du Conseil de l’Europe pour aider «l’ex-République yougoslave de Macédoine»
à poursuivre ses efforts de démocratisation, de suivre l’évolution
de la situation politique dans le pays, de fournir des conseils
et l’expertise du Conseil de l’Europe, le cas échéant, et, d’une
manière générale, de renforcer et de coordonner la coopération avec
les autorités macédoniennes.
23. Dans l’intervalle, l’Assemblée décide de poursuivre son dialogue
postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine» sur les
questions soulevées dans la présente résolution. Elle encourage
le rapporteur à effectuer des visites fréquentes dans le pays afin
de soutenir et d'évaluer le déroulement de l'exécution des obligations
et engagements dans le cadre du dialogue postsuivi.