Imprimer
Autres documents liés
Résolution 1950 (2013) Version finale
Séparer la responsabilité politique de la responsabilité pénale
1. L’Assemblée parlementaire considère
que la démocratie et la prééminence du droit imposent de protéger
efficacement les responsables politiques contre les poursuites pénales
engagées à leur encontre en raison de leurs décisions politiques.
Les décisions politiques engagent leur responsabilité politique,
dont les juges ultimes sont les électeurs.
2. L’Assemblée réaffirme également son opposition de principe
à toute forme d’impunité, exprimée dans sa Résolution 1675 (2009) «Situation
des droits de l’homme en Europe: nécessité d’éradiquer l’impunité».
En conséquence, les responsables politiques doivent être tenus de
rendre des comptes pour les actes ou omissions délictuels qu’ils
commettent à titre privé et dans l’exercice de leurs fonctions publiques.
3. La distinction entre la prise de décision politique et les
actes ou omissions délictuels doit se fonder sur le droit constitutionnel
et pénal interne, qui doit à son tour respecter les principes suivants,
conformément aux conclusions de la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise):
3.1. il convient de ne pas recourir
aux poursuites pénales pour pénaliser les erreurs et les désaccords politiques;
3.2. les responsables politiques doivent être tenus responsables
de leurs actes délictuels ordinaires au même titre que les simples
citoyens;
3.3. les dispositions du droit positif interne relatives à
la responsabilité pénale des ministres doivent être conformes à
la fois à l’article 7 de la Convention européenne des droits de
l’homme (STE no 5, «la Convention») et
aux autres exigences nées du principe de la prééminence du droit,
notamment la sécurité juridique, la prévisibilité, la clarté, la
proportionnalité et l’égalité de traitement;
3.4. les dispositions très générales et imprécises du droit
pénal interne relatives à «l’abus d’autorité», notamment, peuvent
poser problème au regard à la fois de l’article 7 de la Convention
et des autres exigences fondamentales nées de l’Etat de droit; elles
peuvent également être particulièrement vulnérables à une utilisation
politique abusive;
3.5. les dispositions nationales relatives à «l’abus d’autorité»
devraient être interprétées étroitement et appliquées avec un seuil
élevé, par rapport à des critères additionnels tels que – dans des
cas mettant en jeu des intérêts économiques – l’intention d’obtenir
des avantages personnels; elles ne devraient être invoquées qu’en
dernier ressort contre des responsables politiques et le niveau
des sanctions devrait être proportionnel à l’infraction juridique
et ne devrait pas être influencé par des considérations politiques;
3.6. sur le plan de la procédure, dès lors que les chefs d’accusation
retenus contre les responsables politiques sont de nature «pénale»
au regard de l’article 6 de la Convention, les mêmes exigences fondamentales
de procès équitable s’appliquent à la fois aux procédures pénales
ordinaires et aux procédures spéciales de destitution existant dans
un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l'Europe;
3.7. les dispositions spéciales relatives à la destitution
des ministres ne doivent pas porter atteinte aux principes fondamentaux
de l’Etat de droit. Comme ces dispositions sont susceptibles de
donner lieu à des abus politiques, il faut qu’elles soient interprétées
et appliquées avec une vigilance particulière et de manière restrictive.
4. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée:
4.1. invite instamment les majorités au pouvoir dans les Etats
membres à s’abstenir d’utiliser de manière abusive le système judiciaire
pénal pour persécuter des opposants politiques;
4.2. invite les organes législatifs des Etats membres dont
le droit pénal comporte encore des dispositions très générales relatives
à l’abus d’autorité à réfléchir à l’abrogation ou à la reformulation
de ces dispositions, en vue d’en limiter la portée, conformément
aux recommandations de la Commission de Venise;
4.3. invite les autorités compétentes des Etats membres dont
la Constitution prévoit une procédure spéciale de destitution en
cas de responsabilité pénale des ministres à veiller à ce qu’elle
soit interprétée et appliquée avec le degré de vigilance et de modération
recommandé par la Commission de Venise;
4.4. invite instamment les autorités compétentes des Etats
membres qui ont été condamnés pour violation de l’article 18 de
la Convention (interdiction des abus de pouvoir visant à restreindre
les droits et les libertés) à prendre des mesures spécifiques pour
garantir l’indépendance effective de la justice et à exécuter rapidement
et intégralement les arrêts pertinents de la Cour européenne des
droits de l’homme.