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Résolution 1950 (2013) Version finale

Séparer la responsabilité politique de la responsabilité pénale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 28 juin 2013 (27e séance) (voir Doc. 13214, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Omtzigt; et Doc. 13251, avis de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur: M. Van der Maelen). Texte adopté par l’Assemblée le 28 juin 2013 (27e séance).

1. L’Assemblée parlementaire considère que la démocratie et la prééminence du droit imposent de protéger efficacement les responsables politiques contre les poursuites pénales engagées à leur encontre en raison de leurs décisions politiques. Les décisions politiques engagent leur responsabilité politique, dont les juges ultimes sont les électeurs.
2. L’Assemblée réaffirme également son opposition de principe à toute forme d’impunité, exprimée dans sa Résolution 1675 (2009) «Situation des droits de l’homme en Europe: nécessité d’éradiquer l’impunité». En conséquence, les responsables politiques doivent être tenus de rendre des comptes pour les actes ou omissions délictuels qu’ils commettent à titre privé et dans l’exercice de leurs fonctions publiques.
3. La distinction entre la prise de décision politique et les actes ou omissions délictuels doit se fonder sur le droit constitutionnel et pénal interne, qui doit à son tour respecter les principes suivants, conformément aux conclusions de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise):
3.1. il convient de ne pas recourir aux poursuites pénales pour pénaliser les erreurs et les désaccords politiques;
3.2. les responsables politiques doivent être tenus responsables de leurs actes délictuels ordinaires au même titre que les simples citoyens;
3.3. les dispositions du droit positif interne relatives à la responsabilité pénale des ministres doivent être conformes à la fois à l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») et aux autres exigences nées du principe de la prééminence du droit, notamment la sécurité juridique, la prévisibilité, la clarté, la proportionnalité et l’égalité de traitement;
3.4. les dispositions très générales et imprécises du droit pénal interne relatives à «l’abus d’autorité», notamment, peuvent poser problème au regard à la fois de l’article 7 de la Convention et des autres exigences fondamentales nées de l’Etat de droit; elles peuvent également être particulièrement vulnérables à une utilisation politique abusive;
3.5. les dispositions nationales relatives à «l’abus d’autorité» devraient être interprétées étroitement et appliquées avec un seuil élevé, par rapport à des critères additionnels tels que – dans des cas mettant en jeu des intérêts économiques – l’intention d’obtenir des avantages personnels; elles ne devraient être invoquées qu’en dernier ressort contre des responsables politiques et le niveau des sanctions devrait être proportionnel à l’infraction juridique et ne devrait pas être influencé par des considérations politiques;
3.6. sur le plan de la procédure, dès lors que les chefs d’accusation retenus contre les responsables politiques sont de nature «pénale» au regard de l’article 6 de la Convention, les mêmes exigences fondamentales de procès équitable s’appliquent à la fois aux procédures pénales ordinaires et aux procédures spéciales de destitution existant dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l'Europe;
3.7. les dispositions spéciales relatives à la destitution des ministres ne doivent pas porter atteinte aux principes fondamentaux de l’Etat de droit. Comme ces dispositions sont susceptibles de donner lieu à des abus politiques, il faut qu’elles soient interprétées et appliquées avec une vigilance particulière et de manière restrictive.
4. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée:
4.1. invite instamment les majorités au pouvoir dans les Etats membres à s’abstenir d’utiliser de manière abusive le système judiciaire pénal pour persécuter des opposants politiques;
4.2. invite les organes législatifs des Etats membres dont le droit pénal comporte encore des dispositions très générales relatives à l’abus d’autorité à réfléchir à l’abrogation ou à la reformulation de ces dispositions, en vue d’en limiter la portée, conformément aux recommandations de la Commission de Venise;
4.3. invite les autorités compétentes des Etats membres dont la Constitution prévoit une procédure spéciale de destitution en cas de responsabilité pénale des ministres à veiller à ce qu’elle soit interprétée et appliquée avec le degré de vigilance et de modération recommandé par la Commission de Venise;
4.4. invite instamment les autorités compétentes des Etats membres qui ont été condamnés pour violation de l’article 18 de la Convention (interdiction des abus de pouvoir visant à restreindre les droits et les libertés) à prendre des mesures spécifiques pour garantir l’indépendance effective de la justice et à exécuter rapidement et intégralement les arrêts pertinents de la Cour européenne des droits de l’homme.