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Résolution 1952 (2013) Version finale
Le droit des enfants à l’intégrité physique
1. De nombreuses mesures législatives
et politiques ont été prises par les Etats membres du Conseil de l’Europe
ces dernières décennies pour améliorer le bien-être des enfants
et leur protection contre toute forme de violence. Toutefois, les
enfants sont encore victimes de violence dans de nombreux contextes
différents.
2. L’Assemblée parlementaire est particulièrement préoccupée
par une catégorie particulière de violations de l’intégrité physique
des enfants, que les tenants de ces pratiques présentent souvent
comme un bienfait pour les enfants, en dépit d’éléments présentant
manifestement la preuve du contraire. Ces pratiques comprennent
notamment les mutilations génitales féminines, la circoncision de
jeunes garçons pour des motifs religieux, les interventions médicales
à un âge précoce sur les enfants intersexués, ainsi que les piercings,
les tatouages ou les opérations de chirurgie plastique auxquels
les enfants sont parfois soumis ou contraints.
3. En vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant (CNUDE), dans toutes les décisions qui concernent les
enfants – au sens de toute personne âgée de moins de 18 ans –, «qu’elles
soient le fait des institutions publiques ou privées de protection
sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération
primordiale» (article 3) et les Etats sont tenus de prendre «toutes
les mesures (...) appropriées pour protéger l’enfant contre toute
forme de violence, d’atteintes ou de brutalités physiques ou mentales
(...) pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un
d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne
à qui il est confié» (article 19).
4. Le Conseil de l’Europe promeut activement les droits des enfants
et la protection de l’enfance depuis 2006 en appliquant sa Stratégie
pour les droits de l’enfant, dont l’un des quatre grands objectifs
est de «supprimer toutes les formes de violence à l’encontre des
enfants».
5. L’Assemblée elle-même a adopté de nombreux textes qui attirent
l’attention sur diverses formes de violence infligées de mauvaise
foi aux enfants (violences sexuelles dans différents contextes,
violences à l’école, violences à la maison, etc.). Elle continue
de combattre différentes formes de violences infligées aux enfants
en organisant des activités et des campagnes de promotion (violence
domestique, violence sexuelle). Cela étant, elle ne s’est jamais
penchée sur les violations médicalement non justifiées de l’intégrité
physique des enfants, qui peuvent avoir une incidence durable sur
leur vie.
6. L’Assemblée recommande vivement aux Etats membres de sensibiliser
davantage leurs populations aux risques potentiels que peuvent présenter
certaines des pratiques susmentionnées pour la santé physique et
mentale des enfants, et de prendre des mesures législatives et politiques
qui contribuent à renforcer la protection des enfants dans ce contexte.
7. L’Assemblée invite donc les Etats membres:
7.1. à examiner dans leur pays respectif
la prévalence de différentes catégories d’opérations et d’interventions
médicalement non justifiées ayant une incidence sur l’intégrité
physique des enfants, ainsi que les pratiques spécifiques qui leur
sont associées, et à les étudier attentivement à la lumière du principe
de l’intérêt supérieur de l’enfant afin de fixer des lignes d’action
spécifiques pour chacune d’elles;
7.2. à instaurer des mesures ciblées de sensibilisation pour
chacun de ces types de violation de l’intégrité physique des enfants,
qu’il conviendra de mettre en œuvre précisément là où des informations peuvent
être communiquées aux familles de façon optimale, comme le secteur
médical (hôpitaux et médecins), les établissements scolaires, les
communautés religieuses et les prestataires de services;
7.3. à dispenser une formation spécifique à différentes catégories
de professionnels concernés – notamment le personnel médical et
éducatif, mais aussi, sur une base volontaire, les représentants religieux
– portant, entre autres, sur les risques que présentent certaines
pratiques et sur les solutions de substitution à ces dernières,
ainsi que sur les raisons médicales qui devraient motiver ces interventions
et les conditions sanitaires minimales à respecter;
7.4. à engager un débat public, y compris un dialogue interculturel
et interreligieux, afin de dégager un large consensus sur le droit
des enfants à la protection contre les violations de leur intégrité
physique compte tenu des normes des droits humains;
7.5. à prendre les mesures suivantes en fonction des catégories
spécifiques de violations de l’intégrité physique des enfants:
7.5.1. condamner publiquement les pratiques les plus préjudiciables,
comme les mutilations génitales féminines, et adopter la législation
les interdisant, afin de doter les pouvoirs publics des mécanismes
de prévention et de lutte effective contre ces pratiques, y compris
en appliquant «les mesures législatives ou autres nécessaires pour
établir leur compétence» extraterritoriale si des ressortissantes
du pays ont été soumises à des mutilations génitales féminines à
l’étranger, tel que stipulé par l’article 44 de la Convention du
Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210);
7.5.2. définir clairement les conditions médicales, sanitaires
et autres à respecter s’agissant des pratiques qui sont aujourd’hui
largement répandues dans certaines communautés religieuses, telles
que la circoncision médicalement non justifiée des jeunes garçons;
7.5.3. entreprendre des recherches complémentaires afin d'augmenter
les connaissances de la situation spécifique des personnes intersexuées,
s'assurer que personne n’est soumis pendant l'enfance à des traitements
médicaux ou chirurgicaux esthétiques et non cruciaux pour la santé,
garantir l’intégrité corporelle, l’autonomie et l’autodétermination
aux personnes concernées, et fournir des conseils et un soutien
adéquats aux familles ayant des enfants intersexués;
7.6. à promouvoir un dialogue interdisciplinaire entre représentants
de différents milieux professionnels, y compris des médecins et
des représentants religieux, de façon à dépasser certaines méthodes
traditionnelles prédominantes qui ne tiennent pas compte de l’intérêt
supérieur de l’enfant ni des techniques médicales les plus modernes;
7.7. à mener des actions de sensibilisation sur la nécessité
de veiller à ce que les enfants participent aux décisions concernant
leur intégrité physique lorsque cela est approprié et possible,
et à adopter des dispositions juridiques spécifiques pour que certaines
interventions et pratiques ne soient pas réalisées avant qu’un enfant
soit en âge d’être consulté.