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Résolution 1954 (2013) Version finale
La sécurité nationale et l'accès à l’information
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
l’importance du principe de transparence, notamment l’accès à l’information
détenue par les autorités publiques, pour la démocratie et la bonne
gouvernance en général, et pour la lutte contre la corruption en
particulier.
2. Elle note avec satisfaction que le Conseil de l’Europe a été
la première organisation intergouvernementale à élaborer un instrument
juridique international sur l’accès à l’information, à savoir la Convention
du Conseil de l'Europe sur l'accès aux documents publics (STCE
n° 205), et rappelle son Avis 270 (2008) sur
le projet de convention dans lequel l’Assemblée avait encouragé
le Comité des Ministres à améliorer le texte en vue d’assurer une
transparence encore plus grande. La convention doit encore obtenir quatre ratifications
pour entrer en vigueur.
3. L’Assemblée considère les intérêts de sécurité nationale légitimes
et clairement définis comme des raisons suffisantes pour retenir
l’information détenue par les autorités publiques. En même temps,
l’accès à l’information représente une composante essentielle de
la sécurité nationale, en favorisant la participation démocratique,
l’élaboration de politiques solides et le droit de regard du public
sur l’action de l’Etat.
4. Rappelant les Principes de Syracuse concernant les dispositions
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui
autorisent des restrictions ou des dérogations, l’Assemblée confirme
avec force que la violation systématique des droits de l’homme compromet
la sécurité nationale et peut mettre en péril la paix et la sécurité
internationales. L’Etat responsable de pareille violation n’invoquera
pas la sécurité nationale comme justification.
5. Rappelant sa Résolution
1838 (2011) sur les recours abusifs au secret d’Etat
et à la sécurité nationale: obstacles au contrôle parlementaire
et judiciaire des violations des droits de l’homme et sa Résolution 1675 (2009) sur
la situation des droits de l’homme en Europe: la nécessité d’éradiquer
l’impunité, l’Assemblée souligne la nécessité de fixer des limites
raisonnables à l’invocation de la sécurité nationale pour justifier
des restrictions de l’accès à l’information.
6. En particulier, l’Assemblée confirme sa position, exprimée
au paragraphe 4 de sa Résolution 1838 (2011),
selon laquelle des informations concernant la responsabilité d’agents
de l’Etat ayant commis de graves violations des droits de l’homme,
comme des assassinats, des disparitions forcées, des actes de torture
ou des enlèvements, ne sont pas des secrets dignes d’être protégés.
Le «secret d’Etat» ne doit pas être invoqué pour soustraire de telles
informations à un contrôle judiciaire ou parlementaire.
7. L’Assemblée se félicite de l’adoption, le 12 juin 2013, par
une large assemblée d’experts d’organisations internationales et
de la société civile, d’universitaires et de praticiens de la sécurité
nationale, des «Principes globaux sur la sécurité nationale et le
droit à l’information» (ci-après «les Principes de Tshwane»), qui
sont basés sur les normes existantes et les bonnes pratiques des
Etats et des institutions internationales. Les Principes de Tshwane
visent à fournir des orientations aux législateurs et aux responsables
concernés dans le monde entier en vue de parvenir à un juste équilibre
entre l’intérêt public en matière de sécurité nationale et en termes
d’accès à l’information.
8. L’Assemblée adhère aux Principes de Tshwane et demande aux
autorités compétentes de l’ensemble des Etats membres du Conseil
de l’Europe de les prendre en compte en modernisant leur législation
et leur pratique concernant l’accès à l’information.
9. L’Assemblée souhaite insister, en particulier, sur les principes
suivants.
9.1. En règle générale,
l’ensemble des informations détenues par les autorités publiques
doivent être librement accessibles; de plus, les entreprises, notamment
les sociétés privées de services militaires ou de sécurité, ont
la responsabilité de divulguer l’information sur des situations,
activités ou pratiques dont il y a raisonnablement lieu de croire
qu’elles ont un effet sur l’exercice des droits de l’homme.
9.2. Les exceptions à la règle de libre accès à l’information
qui sont basées sur la sécurité nationale, ou d’autres intérêts
publics d’égale importance, doivent être prévues par la loi, poursuivre
un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique.
9.3. Les limitations à la règle du libre accès à l’information,
y compris la règle de la neutralité d’internet, doivent être interprétées
de manière restrictive. La charge de prouver la légitimité de toute restriction
incombe à l’autorité publique qui souhaite retenir l’information.
9.4. Les règles sur la procédure de classification et de déclassification
de l’information, et la désignation des personnes autorisées à exécuter
ces tâches doivent être claires et publiquement accessibles. L’information
peut être retenue pour des raisons liées à la sécurité nationale
uniquement pendant le temps nécessaire pour protéger un intérêt
légitime de sécurité nationale. Un réexamen des archives publiques
contenant des informations secrètes devrait être effectué périodiquement
afin de voir si la confidentialité reste légitime pour des raisons
liées à la sécurité nationale.
9.5. En tant que correctif par rapport aux exceptions trop
générales, l’accès à l’information doit être accordé même s’il fait
en principe l’objet d’une exception légitime, dès lors que l'intérêt
général que commande la communication de cette information revêt
une importance supérieure à la défense des intérêts qui conduisent
l’administration à la tenir secrète. Cet intérêt général prime habituellement lorsque
la publication de l’information en question:
9.5.1. apporte
d’importants éléments de réflexion à un débat public en cours;
9.5.2. favorise la participation des citoyens au débat politique;
9.5.3. fait état de graves abus, notamment de violations des
droits de l’homme, d’autres infractions pénales, d’abus de fonctions
publiques et de dissimulation intentionnelle d’actes répréhensibles
graves;
9.5.4. renforce l’obligation de rendre des comptes dans la gestion
des affaires publiques en général et dans l’utilisation des fonds
publics en particulier;
9.5.5. présente un avantage pour la santé publique ou la sécurité
publique.
9.6. L’information concernant des violations graves des droits
de l’homme ou du droit humanitaire ne doit en aucun cas être retenue
pour des raisons de sécurité nationale.
9.7. Toute personne qui signale des abus dans l’intérêt général
(donneur d’alerte) doit être protégée de tout type de représailles,
dans la mesure où il ou elle a agi de bonne foi et a suivi les procédures applicables.
9.8. Les demandes d’accès à l’information doivent être traitées
dans un délai raisonnable. Les décisions de refuser l’accès doivent
être dûment motivées, susceptibles de recours devant une instance nationale
indépendante et soumises en dernier ressort à un contrôle juridictionnel.
Dès réception d’une demande d’information, une autorité publique
doit en principe confirmer ou infirmer qu’elle détient l’information
demandée.
9.9. Les instances publiques de surveillance chargées de contrôler
les activités des services de sécurité doivent être indépendantes
du pouvoir exécutif et disposer de compétences pertinentes, de solides
pouvoirs d’investigation et du plein accès aux informations protégées.
10. La neutralité d’internet exige que les pouvoirs publics, les
fournisseurs d’accès internet et d’autres s’abstiennent de recourir
à des techniques d’écoute portant atteinte à la vie privée comme
l’inspection des paquets en profondeur ou de s’immiscer dans le
trafic de données des utilisateurs d’internet.
11. Rappelant la Recommandation n° R (2000) 7 du Comité des Ministres
sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information,
l’Assemblée réaffirme que les mesures ci-après ne devraient pas
être appliquées si elles visent à contourner le droit des journalistes
de ne pas divulguer des informations identifiant leurs sources:
11.1. les décisions ou mesures d’interception
concernant les communications ou la correspondance des journalistes
ou de leurs employeurs;
11.2. les décisions ou mesures de surveillance concernant les
journalistes, leurs contacts ou leurs employeurs;
11.3. les décisions ou mesures de perquisition ou de saisie
concernant le domicile ou le lieu de travail, les effets personnels
ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs, ou
des données personnelles ayant un lien avec leurs activités professionnelles.
12. L’Assemblée encourage tous les Etats membres du Conseil de
l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la
Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics
et à la mettre en œuvre et, en temps utile, à l’améliorer dans l’esprit
des Principes de Tshwane.
13. L’Assemblée s’inquiète des récentes révélations concernant
une surveillance des communications de grande ampleur par les services
secrets et décide de suivre cette importante question en temps utile.