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Rapport | Doc. 13351 | 07 novembre 2013

Contrôler les retours des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés par voie terrestre, maritime ou aérienne

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Anne-Mari VIROLAINEN, Finlande, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12771, Renvoi 3826 du 23 janvier 2012. 2013 - Commission permanente de novembre

Résumé

Suite à l’augmentation constante du nombre de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile déboutés et des risques de mauvais traitements lors de retours forcés, il est urgent d’élaborer des règles communes portant sur les procédures d’éloignement par terre, mer et air et sur le contrôle de ces procédures.

Ces règles porteraient, entre autres, sur les procédures à suivre pour préparer les personnes à éloigner, les informations à leur communiquer, les expertises médicales et une formation professionnelle adéquate pour le personnel d’escorte, en accordant une attention spéciale aux femmes enceintes et aux personnes vulnérables.

Enfin, les Etats membres devraient coopérer avec Frontex et mettre en place un système de contrôle efficace et coordonné des programmes de retour forcé.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 1er octobre
2013.

(open)
1. L’éloignement des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés fait partie intégrante de la politique de gestion des migrations et du contrôle aux frontières. Selon l’analyse annuelle des risques 2013 de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union Européenne (Frontex), on compte environ 300 000 ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui ont reçu l’ordre de partir, soit une augmentation de 17 % par rapport à l’année précédente.
2. Face à cet état de fait et à l’insuffisance des dispositions concernant les éloignements forcés et plus particulièrement la procédure de contrôle en tant que telle, l’Assemblée Parlementaire estime qu’il devient urgent de renforcer la dimension des droits de l’homme lors du renvoi des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés.
3. L’Assemblée constate que les retours forcés sont essentiellement gérés par les normes des droits de l’homme découlant de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126) et à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Protocole facultatif (OPCAT), ainsi que des Vingt principes directeurs sur le retour forcé adoptés par le Comité des Ministres en mai 2005.
4. L’Assemblée rappelle également la Directive Retour de l’Union européenne (2008/115/CE) qui est entrée en vigueur en 2010 et qui stipule, entre autres, qu’il «est nécessaire de fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée».
5. L’Assemblée constate que malgré le nombre de conventions et de textes juridiques applicables, les Etats membres ne sont pas encore arrivés à élaborer des règles communes portant notamment sur la protection des personnes à éloigner, par voie terrestre, maritime ou aérienne, et sur le contrôle des procédures concernées.
6. L’Assemblée est préoccupée par le fait que les personnes en attente d’éloignement sont particulièrement vulnérables et ne sont pas toujours bien informées – notamment dans une langue qu’ils comprennent – de leurs droits, de la procédure judiciaire et du système décisionnel du pays où elles sont retenues. Il faut souligner que la phase de transit constitue l’étape la plus critique de la procédure d’éloignement car c’est souvent pendant cette phase que se produisent les plus gros risques de mauvais traitements en raison du recours à des mesures coercitives ou de contrainte, qui ont pu, dans certains cas, entraîner la mort.
7. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de charger un comité d’experts compétent:
7.1. d’élaborer des règles communes de protection des droits de l’homme qui s’imposeraient à tous les Etats pendant la procédure d’éloignement par terre, mer et air et qui couvriraient plus particulièrement:
7.1.1. les procédures à suivre pour préparer les personnes à éloigner et les informations à leur communiquer, y compris le délai pour informer ces personnes de leur renvoi;
7.1.2. la normalisation des niveaux de risque inhérents à la procédure de renvoi;
7.1.3. l’utilisation de techniques de contrainte et de mesures coercitives;
7.1.4. le contenu des programmes de formation pour les différents intervenants;
7.1.5. les expertises médicales et le rôle du personnel médical d’accompagnement;
7.1.6. les procédures de contrôle indépendantes, neutres, transparentes et effectives, comprenant un mandat clairement défini portant sur toute la procédure d’éloignement, du début à la fin;
7.1.7. les procédures à suivre à l’issue d’une mission d’éloignement menée à bien et en cas d’échec d’une mission, avec notamment un compte-rendu obligatoire;
7.2. de définir un système de formation professionnelle obligatoire pour le personnel d’escorte et les personnes chargées du contrôle indépendant;
7.3. de proposer des normes de protection minimum pour les personnes renvoyées dès leur arrivée dans le pays de destination et les mesures nécessaires pour déterminer ce qu’il advient des migrants qui disparaissent à leur arrivée;
7.4. d’élaborer des lignes directrices spécifiques pour l’éloignement des enfants et des groupes vulnérables, en particulier les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies graves.
8. L’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à respecter les normes internationales relatives aux retours forcés, y compris un droit de recours;
8.2. à mettre en œuvre, au niveau national, un système de contrôle efficace et coordonné des retours forcés, que ce soit par air, mer ou terre, et à coopérer pleinement avec les mécanismes internationaux de suivi;
8.3. à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller, lorsqu’ils coopèrent avec Frontex, à tenir pleinement compte des aspects relatifs aux droits de l’homme et à ce que des systèmes de contrôle efficaces soient mis en place. Ceci est particulièrement important dans le cadre des vols charters de retour simple ou conjoint qui impliquent plus d’un Etat membre.

B. Exposé des motifs, par Mme Virolainen, rapporteure

(open)

1. Contexte et portée du présent rapport

1. Le présent rapport se fonde sur deux propositions de résolution: «Les vols de la honte en Europe» (Doc. 12926), déposée par Mme Strik et plusieurs de ses collègues le 25 avril 2012, et «Retours effectifs et équitables des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés» (Doc. 12771), déposée par M. Clappison et plusieurs de ses collègues le 22 septembre 2011. Les deux propositions mettent en lumière la nécessité d’évaluer la dimension des droits de l’homme du renvoi de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile déboutés dans leurs pays d’origine.
2. Les troubles géopolitiques à l’échelle mondiale, l’instabilité économique, les taux de chômage élevés et le nombre sans cesse croissant de personnes s’efforçant d’atteindre l’Europe, que ce soit pour y trouver asile ou du travail, sont autant de défis importants auxquels l’Europe est confrontée. Selon l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex), le nombre de franchissements illégaux des frontières détectés est passé de 104 000 en 2009 à 141 000 en 2011. L’afflux massif de migrants met à l’épreuve la gestion du contrôle des frontières des Etats et rallonge la durée de traitement des décisions d’octroi d’un droit de séjour ou de rapatriement des intéressés, faisant ainsi peser de fortes pressions sur le système.
3. En 2012, près de 300 000 
			(2) 
			Ce chiffre est sous-estimé
en l’absence de données 2012 pour la France, les Pays-Bas et la
Suède. ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ont reçu l’ordre de quitter le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne 
			(3) 
			«Frontex
Annual risk analysis 2013» [Analyse annuelle des risques 2013],
p. 44.. 159 490 personnes ont effectivement été rapatriées. Parmi elles, 82 630 ont été renvoyées de force 
			(4) 
			En 2012, elles étaient
82 630 selon l’analyse annuelle des risques 2013 de Frontex.. Malheureusement, il est très difficile d’obtenir des informations précises sur les chiffres exacts, les Etats membres de l’Union Européenne ne souhaitant pas communiquer les informations correspondantes.
4. Les opérations d’éloignement se font par voie maritime, terrestre ou aérienne et relèvent de la responsabilité de chaque Etat membre et des autorités chargées de les exécuter. La pratique suivie pour les opérations de retour varie selon les pays. La plupart du temps, les retours sont organisés et exécutés par les forces de police 
			(5) 
			Par exemple au Danemark,
en Finlande, en France et au Royaume-Uni., ou dans d’autres cas par les gardes-frontières 
			(6) 
			Par exemple en Grèce,
en Egypte, au Maroc et en Turquie. ou les employés d’une société privée, comme par exemple au Royaume‑Uni. Depuis 2004, Frontex s’est chargée d’organiser des opérations conjointes de retour forcé, suite à la décision du Conseil du 29 avril 2004 
			(7) 
			Décision du Conseil
du 29 avril 2004 relative à l’organisation de vols communs pour
l’éloignement, à partir du territoire de deux Etats membres ou plus,
de ressortissants de pays tiers faisant l’objet de mesures d’éloignement
sur le territoire de deux Etats membres ou plus (2004/573/CE)..
5. Ces retours, qui impliquent plusieurs pays, destinations et rapatriés, posent un problème particulier dans la mesure où il est très difficile de déterminer à quel pays incombe la responsabilité de l’éloignement et de ses différentes étapes. Les normes générales et les dispositions en place concernant les éloignements forcés sont jugées, pour l’heure, insuffisantes ou trop peu spécifiques pour un processus comportant des risques aussi importants. Malgré de récents efforts de coopération 
			(8) 
			Dans le cadre du système
européen de surveillance des frontières, baptisé «Eurosur», les
forces de police de 17 pays de l’Union européenne et de la Norvège
procèdent actuellement à des échanges d’informations opérationnelles afin
d’améliorer les interventions., il n’existe aucune harmonisation des procédures d’éloignement.
6. De nombreux exemples montrent que beaucoup de ces retours ne se passent pas dans les meilleures conditions et que les personnes concernées sont souvent victimes de mauvais traitements, qui ont, dans quelques rares cas, entraîné la mort.
7. Le présent rapport a pour objet d’analyser le processus de renvoi des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés, et plus particulièrement les normes relatives aux droits de l’homme en la matière. A cet effet, j’aimerais examiner les différentes étapes qui jalonnent le processus de retour et les parties impliquées ainsi que les moyens permettant de s’assurer du respect par les Etats membres de leurs obligations en matière de droits de l’homme. Le but ultime est de définir des lignes directrices et des normes communes, conformes aux valeurs du Conseil de l’Europe, pouvant servir de recommandations pour garantir un niveau minimum de protection des rapatriés et des personnes intervenant dans le processus d’éloignement.
8. Afin de dresser un tableau aussi complet que possible de la situation, j’ai effectué une visite d’information au centre de rétention de Metsälä, Helsinki (Finlande), rencontré des représentants des autorités publiques et d’organisations non gouvernementales (ONG) et organisé une audition sur «Les retours effectifs et équitables des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés: protection des droits fondamentaux et de la dignité des rapatriés» (Genève, 26 novembre 2012). J’ai également accompagné un vol de retour forcé d’Helsinki (Finlande) à Istanbul (Turquie), ce qui m’a permis de voir concrètement comme se déroule une procédure d’éloignement forcé.

2. Champs d’application juridique et juridictionnel

9. La procédure d’éloignement est régie par la législation nationale, le droit de l’Union européenne et le droit international. Les Etats membres de l’Union européenne sont liés par l’ensemble minimal de garanties énoncé dans la Directive Retour de l’Union européenne (2008/115/CE) adoptée en juin 2008 et entrée en vigueur à la fin de l’année 2010. Les normes des droits de l’homme s’appliquent également.

2.1. La Directive Retour de l’Union européenne

10. Le Traité d’Amsterdam confère à la Communauté européenne le droit de lutter contre l’immigration clandestine, notamment au moyen de mesures de rapatriement 
			(9) 
			Traité d’Amsterdam,
article 63.3.b.. Depuis lors, l’Union européenne a élaboré une politique selon laquelle l’éloignement de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile déboutés est essentiel pour assurer la crédibilité d’une législation et d’une politique communes en matière de migration et d’asile 
			(10) 
			Sokol
Dedja, «Human Rights in the EU Return Policy: the Case of the EU-Albania
Relations» dans European Journal of Migration
and Law 14 (2012), 95-114, p. 95.. En 2004, l’Union européenne a adopté le programme de La Haye qui recommande à la Commission «la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité» 
			(11) 
			Le
Programme de La Haye: renforcer la liberté, la sécurité et la justice
dans l’Union européenne, p. 6, Journal officiel de l’Union européenne
(2005/C 53/01); voir aussi Anneliese Baldaccini, «The Return and
Removal of Irregular Migrants under EU Law: An Analysis of the returns
Directive» dans European Journal of Migration
and Law 11 (2009), p. 3. . En 2008, elle a adopté la «Directive Retour». L’adoption de ce texte a suscité beaucoup de critiques, y compris par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, quant à la durée de rétention potentiellement excessive. Toutefois, l’objectif de cette directive, qui est de créer des normes uniformes régissant la procédure de retour, a été salué 
			(12) 
			Communiqué
de presse, «UN experts express concern about proposed EU Return
Directive», 18 juin 2008..
11. La Directive Retour énonce qu’il «est nécessaire de fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée» 
			(13) 
			Directive Retour 2008/115/CE,
préambule, paragraphe 4.. L’emploi de mesures coercitives et les limites à cet emploi sont définis aux articles 8.4 et 8.5. Le placement en rétention ne se justifie que pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement (article 15).
12. Le processus d’éloignement, aussi appelé «fin du séjour irrégulier», fait l’objet du chapitre II de la Directive. Les Etats membres sont tenus de prendre une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. La Directive a été critiquée à cet égard pour ne pas avoir explicitement mentionné les obligations relatives aux droits fondamentaux telles qu’énoncées dans la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) 
			(14) 
			A. Baldaccini, op cit., p. 7..
13. L’article 8.4 dispose qu’il peut être procédé à l’éloignement mais conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l’intégrité physique du rapatrié. Avant d’accepter la Directive, le Parlement européen a tenté d’ajouter à cette disposition des normes contraignantes supplémentaires et il est fait référence à la Décision du Conseil 2004/573/CE 
			(15) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32004D0573:FR:NOT'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32004D0573:FR:NOT</a>. relative à l’organisation de vols communs et à ses orientations communes sur les mesures de sécurité. La nécessité d’un système efficace de contrôle du retour forcé est également soulignée, sans que soient toutefois précisés quels sont ou quels devraient être les mécanismes y afférents 
			(16) 
			A. Baldaccini, op. cit., p. 7-8..
14. Plusieurs études sur la politique de retour de l’Union européenne ont été menées et bon nombre d’entre elles ont souligné que l’objectif premier était l’efficacité et l’efficience, et non les droits de l’homme des rapatriés 
			(17) 
			S.
Dedja, op cit., p. 97..

2.2. Le Conseil de l’Europe

15. Le Conseil de l’Europe dispose d’un grand nombre de textes applicables dans ce domaine. Le premier est l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126) et ses articles 2 et 7 traitent respectivement du droit des membres du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) de visiter les centres de rétention et de la possibilité pour ce comité d’effectuer des visites lorsque les circonstances l’exigent.
16. L’Assemblée Parlementaire a adopté un grand nombre de texte sur cette question, comme la Résolution 1788 (2011) sur «Protéger les réfugiés et les migrants en situation d’extradition et d’expulsion: indications au titre de l’article 39 du règlement de la Cour européenne des droits de l’homme», la Résolution 1742 (2010) «Les programmes de retour volontaire: un moyen humain, économe et efficace d’assurer le rapatriement des migrants en situation irrégulière», la Résolution 1741 (2010) «Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière»; la Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe, la Recommandation 1645 (2004) sur l’accès à l’assistance et à la protection pour les demandeurs d’asile dans les ports maritimes et les zones côtières en Europe, et la Recommandation 1547 (2002) sur les procédures d’expulsion conformes aux droits de l’homme et exécutées dans le respect de la sécurité et de la dignité.
17. En mai 2005, le Comité des Ministres a adopté les Vingt principes directeurs sur le retour forcé 
			(18) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM(2005)40&Language=lanFrench&Ver=final&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864'>CM(2005)40
final</a> et Addendum et <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Del/Dec(2005)924/10.1&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864'>CM/Del/Dec(2005)924/10.1</a>., qui trouvent leur origine dans la Recommandation 1547 (2002) de l’Assemblée citée ci-dessus. Ce code de bonne conduite vise essentiellement à regrouper «les diverses directives élaborées par plusieurs organes du Conseil de l’Europe en un seul texte pragmatique à utiliser par les gouvernements dans l’élaboration des lois et règlements nationaux en la matière». Ce texte devait également servir «à l’orientation des personnes qui prennent une part directe ou indirecte aux mesures d’expulsion». Les principes directeurs s’appliquent aux procédures d’éloignement des étrangers dont la présence sur le territoire d’un des Etats membres du Conseil de l’Europe est irrégulière. Le refoulement aux frontières ne rentre pas dans leur champ d’application.
18. Le CPT a également élaboré des lignes directrices 
			(19) 
			Lignes directrices
du CPT sur l’éloignement d’étrangers par la voie aérienne, <a href='http://www.cpt.coe.int/fr/annuel/rapp-13.htm#eloignement'>www.cpt.coe.int/fr/annuel/rapp-13.htm#eloignement</a>. sur ce sujet. Conjointement aux vingt principes directeurs ci-dessus, elles serviront de base aux normes et lignes directrices communes proposées dans le présent rapport.

2.3. Autre législation internationale

19. Dans ce contexte, j’aimerais également rappeler le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (OPCAT), adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2002 et entré en vigueur en 2006, qui établit un système de visites inopinées et non restrictives dans tous les lieux de détention, tout en mettant plus l’accent sur la prévention que sur la réaction, ainsi que les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les travailleurs migrants (nos 97 et 143) et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
20. Compte tenu de l’objet du présent rapport, il apparaît donc nécessaire d’examiner tout d’abord le rôle et l’implication des différentes parties intervenant dans le processus d’éloignement, le rôle et la responsabilité des Etats de départ et d’accueil, que ce soit pour le retour par air, par terre ou par mer, et d’examiner la conformité aux droits de l’homme du traitement des rapatriés pendant le processus d’éloignement afin de proposer des approches visant à une harmonisation au niveau européen. Une telle harmonisation pourrait s’effectuer sous la forme de normes régionales qui couvriraient notamment la question de la protection des personnes à éloigner contre les traitements inhumains et dégradants et leur assurerait ainsi une protection spécifique en tant que groupe vulnérable.

3. Le processus d’éloignement

21. L’éloignement de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile déboutés fait partie intégrante de la politique de gestion des migrations et du contrôle des frontières propres à chaque Etat. Toutefois, ces rapatriements doivent se faire dans le respect des droits de l’homme universels et les personnes concernées doivent être traitées humainement et dignement.
22. Les personnes en attente ou en cours d’éloignement sont particulièrement vulnérables et ne sont pas toujours bien informées de leurs droits, du processus juridique, du système décisionnel et de la culture, du climat et de la langue du pays où elles sont retenues. Certaines ont vécu un traumatisme dans leur propre pays ou ont subi un voyage éprouvant depuis leur pays d’origine, voyage au cours duquel elles ont pu perdre des proches ou avoir été victimes de l’exploitation et ont vécu de longues périodes de rétention sans certitude quant à leur avenir. L’éloignement comprend habituellement trois phases: la phase préalable au retour, le retour proprement dit et la phase postérieure au retour. La phase préalable au départ commence dès lors qu’une décision de retour a été prise par les autorités nationales. Selon l’article 7 de la Directive Retour, le rapatrié doit disposer d’un «délai approprié» pour quitter le pays d’accueil. Dans les Etats non membres de l’Union européenne, la pratique varie selon la législation nationale en vigueur. Les accords bilatéraux constituent le mécanisme le plus couramment utilisé pour réglementer la migration, comme les accords entre la France et le Sénégal, par exemple. Les Etats membres de l’Union européenne peuvent utiliser leurs propres accords bilatéraux ou utiliser les accords négociés par l’Union européenne.

3.1. Retours volontaires

23. Les retours volontaires constituent la manière la plus digne et humaine de renvoyer des migrants. Il est essentiel pour le respect des droits de l’homme que l’intéressé agisse librement. C’est également un moyen, pour l’Etat concerné, de réduire les coûts 
			(20) 
			A. Baldaccini, op. cit., p. 7. voir aussi «Frontex
Annual risk analysis 2013», p. 44. . Selon un rapport de l’Assemblée de 2010 sur «Les programmes de retour volontaire: un moyen efficace, humain et économe d’assurer le rapatriement des migrants en situation irrégulière», le coût d’un retour volontaire, y compris l’aide à la réintégration, représente le tiers de celui d’un retour forcé 
			(21) 
			Résolution 1742 (2010) «Les programmes de retour volontaire: un moyen efficace,
humain et économe d’assurer le rapatriement des migrants en situation
irrégulière», et Doc.
12277.. La Directive Retour précise que l’Etat membre peut accorder à l’intéressé un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire à compter de la date à laquelle la décision d’éloignement a été rendue. Cependant, d’après la Directive, les Etats membres ne sont pas tenus d’accorder un tel délai dès lors que la personne constitue un danger pour la sécurité nationale 
			(22) 
			Directive
Retour, article 7.4..
24. Dans sa Résolution 1742 (2010), l’Assemblée appelle les Etats membres à recourir davantage à la pratique des retours volontaires et à coopérer avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dans sa Recommandation 1926 (2010), elle recommande au Comité des Ministres d’inviter l’un de ses comités intergouvernementaux à élaborer des principes directeurs sur le retour volontaire assisté qui pourraient utilement compléter les Vingt Principes directeurs sur le retour forcé. Malheureusement, cette recommandation n’a pas été suivie par le Comité des Ministres.
25. Le recours aux programmes de retour volontaire assisté varie d’un pays à l’autre. Selon une étude menée en 2011 par l’Union européenne 
			(23) 
			Comparative
Study for Best Practice in Forced Return Monitoring, 2011,
p. 22., l’Allemagne a procédé en 2009 à 17 612 retours forcés et seulement 3 107 retours volontaires. Pour la même période, la Suisse fait état de 5 421 retours forcés et 1 793 retours volontaires. En Finlande, 2 411 décisions de retour ont été prises en 2011 mais 259 retours seulement étaient volontaires 
			(24) 
			Chiffres fournis par
la police finlandaise, district d’Helsinki..
26. Conformément à l’objectif du programme mené en 2011 par le Gouvernement finlandais d’accélérer la procédure de retour des demandeurs d’asile déboutés, le ministère de l’Intérieur a lancé un projet visant à consolider le système des retours volontaires et à modifier la législation en conséquence. Le but est d’offrir aux demandeurs d’asile déboutés ou aux personnes dont l’asile a été révoqué la possibilité de rentrer volontairement dans leur pays d’origine ou de résidence. Les autorités finlandaises ont acquis une certaine expérience en la matière grâce à un projet mené conjointement par l’OIM et le Service finlandais de l’immigration.
27. L’OIM apporte chaque année son aide pour quelques 20 à 30 000 retours volontaires par l’intermédiaire de ses programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration. La réussite de ces programmes dépend de la coopération des migrants, de la société civile et des gouvernements des pays hôtes et d’origine 
			(25) 
			<a href='http://www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/what-we-do/assisted-voluntary-return-and-re.html'>www.iom.int/cms/fr/sites/iom/home/what-we-do/assisted-voluntary-return-and-re.html</a>..
28. Dans un entretien accordé au quotidien finlandais suédophone Hufvudstadsbladet le 30 octobre 2012 
			(26) 
			HBL, «Många
asylsökande åker frivilligt hem igen», 30 octobre 2012 (en suédois)., le directeur du Service finlandais de l’immigration déclarait que les retours volontaires peuvent constituer une option plus sûre pour les migrants en situation irrégulière. En effet, lorsque les forces de police sont parties prenantes, elles remettent automatiquement le rapatrié aux autorités du pays d’origine. Le système actuel ne prévoit aucun suivi de la personne une fois de retour. La procédure de retour volontaire, dont le développement et l’amélioration sont une étape essentielle dans le respect des droits de l’homme des migrants, devrait être utilisée à chaque fois que possible.

3.2. Retours forcés

29. Une fois qu’il a été établi que le retour volontaire n’est pas une option envisageable, la procédure de retour forcé entre en jeu. L’article 9 de la Directive Retour inclut une disposition permettant aux Etats membres de reporter l’éloignement en cas de risque de refoulement, par exemple, ou si l’état physique ou mental de la personne à éloigner ne le permet pas.
30. Cela ne va cependant pas sans poser de problème. Dans un rapport de 2011, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) note que face à un migrant faisant l’objet d’une procédure de retour qui ne peut être appliquée, aucun texte européen, pas même la Directive Retour, ne prévoit de mécanisme permettant de mettre fin aux situations de flou juridique résultant d’une «inéloignabilité acquise» 
			(27) 
			«Les
droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière dans l’Union
européenne», 2011, p. 11.. Dans ses observations relatives à une proposition du gouvernement visant à modifier la loi finlandaise sur les étrangers, la Section finlandaise d’Amnesty International souligne également le risque de création d’un tel flou juridique 
			(28) 
			Observations
d’Amnesty International sur la proposition d’amendement de la loi
finlandaise sur les étrangers, 2013, p. 4.. Selon la FRA, «après l’évaluation de la Directive Retour, programmée en 2014, la Commission européenne devrait proposer des amendements visant à garantir le respect des droits fondamentaux des personnes non éloignées» 
			(29) 
			«Les
droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière dans l’Union
européenne», 2011, p. 11..
31. Le processus d’éloignement varie selon les pays. En Finlande par exemple, la personne à éloigner est convoquée au commissariat de police pour y être entendue et permettre aux forces de police d’évaluer sa situation afin de trouver la procédure la mieux adaptée à l’objectif visé 
			(30) 
			Entretien
avec M. Jussi Lammi, agent d’escorte de la Police de l’immigration
finlandaise.. En attendant son éloignement, l’intéressé est placé au centre de rétention de Metsälä, à Helsinki, qui peut accueillir 40 personnes ou, à défaut de place disponible, dans un centre de détention de la police 
			(31) 
			Pekka Nuutinen, Directeur
du centre de rétention de Metsälä.. Le CPT a critiqué la Finlande pour sa faible capacité d’accueil 
			(32) 
			En conséquence, la
Finlande a décidé de construire une seconde unité de détention à
Konnunsuo, mais la date de construction reste à confirmer.. Aux Pays-Bas, par exemple, les personnes en attente d’éloignement sont hébergées dans des centres bien plus grands. En France, en Belgique, en Allemagne et en Suisse, le centre de rétention est situé à proximité de l’aéroport. Toutefois, les endroits mis à disposition pour les personnes en attente d’éloignement sont souvent inadaptés. Pour exemple, les halles mises à disposition à Genève (Suisse), où il n’y a pas de salles d’attente et de préparation distinctes, si bien que l’on ne peut pas séparer les personnes à rapatrier des autres voyageurs.
32. Les éloignements peuvent être organisés par le pays d’accueil ou, s’agissant des Etats membres de l’Union européenne, conjointement sous la forme d’un vol commun, tel que défini dans la Décision du Conseil 2004/573/CE. Cette dernière énonce les orientations communes pour la phase précédant le retour, le vol lui-même, la phase de transit et la phase d’arrivée. Elle comprend également des dispositions en cas d’échec de l’opération d’éloignement 
			(33) 
			Décision du Conseil
2004/573/CE, Sections 1-6.. La personne à éloigner est escortée depuis le lieu de rétention jusqu’à ce qu’elle soit à bord du moyen de transport et reste sous la responsabilité du pays d’accueil jusqu’à sa remise aux autorités de son pays d’origine. La phase de transit constitue l’étape la plus critique de la procédure d’éloignement. C’est généralement à ce moment-là que des cas de mauvais traitements peuvent se produire.
33. En outre, d’après Amnesty International en Finlande, les cas d’échec de l’éloignement entraînent des situations à haut risque, qui devraient être prises en considération dans les normes et lignes directrices communes sur l’éloignement.

3.2.1. Le recours à la force et les cas de mauvais traitement

34. Le recours à des mesures coercitives ou de contrainte est limité aux cas où la personne à éloigner représente un danger pour elle-même ou pour les personnes intervenant dans le processus d’éloignement. Les autorités et les agents d’escorte, s’ils ont reçu une formation adéquate, savent qu’ils sont toujours en position de force dans les situations difficiles. Selon les lignes directrices du CPT, le recours à la force et les moyens de contrainte devraient être limités au strict nécessaire. Pour des raisons de sécurité, les autorités procédant à l’éloignement peuvent également décider de séparer des membres d’une même famille.
35. Sans entrer dans les détails, j’aimerais toutefois exposer brièvement quelques-uns de ces cas. Le premier exemple est le cas de M. Samson Chukwu, demandeur d’asile nigérian, mort en Suisse après avoir été maintenu dans une position qui a entraîné une asphyxie. L’agent de police responsable n’a fait l’objet d’aucune poursuite pénale. En Allemagne, M. Aamir Mohamed Ageeb, de nationalité soudanaise, est mort par asphyxie. La police des frontières n’a pas été poursuivie. En Autriche, M. Marcus Omofuma, de nationalité nigériane, est mort par suffocation; là non plus, les trois fonctionnaires de police en cause n’ont pas été inculpés. Récemment, à Zurich, un demandeur d’asile nigérian est décédé lors d’un retour forcé.
36. En ce qui concerne les autres Etats membres, il est bon de rappeler que le Royaume-Uni ne dispose d’aucune ligne de conduite relative au niveau de contrainte à appliquer, ni d’aucun système de contrôle du recours à la contrainte. J’ai été informée qu’au total, neuf cas de décès sont survenus lors de procédures de retour forcé en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Hongrie, au Royaume-Uni et en Suisse.

3.2.2. Le contrôle des retours forcés

37. La présence d’observateurs indépendants tout au long de la procédure d’éloignement est un bon moyen de prévenir les cas de mauvais traitements et de veiller à ce que les Etats membres respectent leurs obligations en matière de droits de l’homme. En tant qu’organe indépendant du Conseil de l’Europe, le CPT a déjà contrôlé un vol d’éloignement et a élaboré, depuis 2003, des lignes directrices pour l’éloignement d’étrangers par la voie aérienne.
38. Au Danemark, c’est l’ombudsman qui est chargé, depuis le 1er avril 2011, du contrôle du renvoi vers des pays tiers de réfugiés qui séjournent de manière illégale au Danemark 
			(34) 
			Etats non membres de
l’Union européenne.. Le retour forcé peut être accompagné ou simplement observé. S’il s’agit d’une simple observation, c’est la police qui escorte le rapatrié. Le contrôle couvre la période à compter de la décision de renvoi jusqu’à l’arrivée dans le pays d’accueil. L’Ombudsman s’efforce de veiller à ce que la police respecte le plus possible les droits de l’homme et ne recoure à la force qu’en cas d’absolue nécessité.
39. Aux Pays-Bas, où, selon le Conseil néerlandais pour les réfugiés, les incidents de recours excessif à la force contre les rapatriés sont rares, une commission indépendante a été créée pour superviser l’ensemble du processus de retour forcé. Des lignes directrices ont été mises en place pour identifier les situations où l’usage de la force est autorisé.
40. En France, les contrôles ont uniquement lieu avant l’expulsion ou si la tentative d’expulsion échoue en raison d’une intervention juridique de dernière minute ou parce que le pilote ou l’équipage d’un vol commercial refuse d’accepter le rapatrié à bord. Dans ce cas, la personne est renvoyée dans un centre de rétention où est présente l’une des cinq ONG avec qui le ministère de l’Intérieur a passé un contrat. Selon France Terre d’Asile (FTA), l’une des ONG agréée par le ministère, les migrants rapportent souvent un usage excessif de la force par les escortes policières pendant les tentatives d’expulsion.
41. En Belgique, le contrôle est diligenté par l’Office des Etrangers du Service public fédéral intérieur et se fait en collaboration avec les services de police, l’Inspection sociale et le Service public fédéral des Finances. La plupart du temps, les migrants en situation irrégulière sont dans des centres fermés où la durée initiale de la rétention est de deux mois. Cette période peut être prolongée par le ministre ou son/sa représentant(e). La Belgique dispose de six centres fermés, dont un situé dans la zone de transit de l’aéroport de Bruxelles. Les migrants en situation irrégulière qui refusent de partir de leur plein gré sont escortés par la police jusque dans l’appareil. La police escorte la personne et monte à bord lorsque cette dernière a refusé plus de deux fois.
42. En Suisse, selon un rapport de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), différentes formes d’entraves sont utilisées: attache-poignets, attache-chevilles et même, parfois, un casque de boxe pour une immobilisation totale de l’intéressé, afin d’empêcher le rapatrié de se blesser.

3.3. Accords de réadmission

43. Les retours forcés sont problématiques dès lors que le pays d’origine refuse le retour de la personne à éloigner 
			(35) 
			La Police finlandaise
participe actuellement à un projet visant à faciliter l’identification
des migrants sans papiers.. Dans une telle situation, le pays d’accueil est contraint de reprendre la personne. C’est habituellement le cas lorsque l’identité et la nationalité de l’intéressé n’ont pu être correctement établies, mais le refus peut également être fondé sur d’autres arguments. Pour éviter ce genre de situation, l’Union européenne a signé des accords de réadmission.
44. Les accords de réadmission sont conclus entre l’Union européenne et des pays non membres de l’Union. Ils établissent clairement les obligations et les procédures qui incombent aux autorités des pays non membres de l’Union européenne et des Etats membres de l’Union européenne et définissent quand et comment réadmettre des personnes en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union européenne 
			(36) 
			<a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/policies/immigration/return-readmission/index_en.htm'>http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/policies/immigration/return-readmission/index_en.htm</a>.. Ces accords, considérés comme purement techniques par la Commission européenne, ont cependant des implications en matière de droits de l’homme 
			(37) 
			Pour d’autres commentaires,
voir le rapport de Mme Strik sur les
accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation
irrégulière (Doc. 12168) et la Résolution
1741 (2010).. Par conséquent, après avoir révisé en 2011 sa politique relative aux accords de réadmission, la Commission européenne a décidé de formuler à l’intention des Etats membres un ensemble de recommandations leur rappelant leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme 
			(38) 
			Communication de la
Commission européenne. Evaluation de l’Union européenne des accords
de réadmission, COM(2011)76 final, p. 10.. Ce faisant, elle n’est toutefois pas revenue sur son objectif principal, à savoir l’efficacité des retours 
			(39) 
			S.
Dedja, op. cit., p. 97-98..
45. L’Union européenne a signé des accords de réadmission avec plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne 
			(40) 
			Bosnie-Herzégovine,
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», République de Moldova,
Monténégro, Russie, Serbie, Ukraine, Géorgie. Le dernier en date
a été signé avec l’Arménie le 19 avril 2013. . Cependant, d’après un article sur l’accord de réadmission conclu entre l’Union européenne et l’Albanie, ces instruments ne contiennent pas de dispositions suffisantes garantissant la protection des droits de l’homme des personnes renvoyées. Dans le cas de l’Albanie, les Etats membres procèdent à des retours alors même que ce pays n’est pas toujours en mesure de respecter les normes minimales énoncées dans l’accord. Dans une telle situation, le principe de «pays tiers sûr» prévaut sur toute considération relative aux droits de l’homme 
			(41) 
			S. Dedja, op. cit., p. 114. .
46. Les incidences des accords de réadmission sur les droits de l’homme constituent un problème que l’Assemblée devra examiner plus en détail à l’avenir, en particulier en ce qui concerne la pratique.

4. Parties intervenant dans le processus d’éloignement

47. Au nombre des parties intervenant dans le processus d’éloignement figurent notamment les personnels d’escorte sous contrat public ou privé, les organismes de coordination de vols de retour forcé communs (Frontex), les gardes‑frontières et les forces de police, le personnel médical accompagnant, les commandants de bord, l’administration aéroportuaire, les agents des compagnies aériennes et la police des frontières aux points de débarquement. S’ajoutent des avocats et des ONG qui apportent une aide ou se chargent de la procédure de recours contre la décision de retour.

4.1. Personnes à éloigner

48. Le processus d’éloignement est un processus très difficile pour la personne concernée qui peut souffrir d’un traumatisme lié en premier lieu à la raison pour laquelle elle a demandé l’asile ou à son entrée illégale dans le pays. Si la procédure d’asile a été longue, la personne peut déjà s’être attachée au pays dans lequel elle réside et même avoir tissé des liens avec d’autres personnes. Lorsqu’une décision d’éloignement est prise, la personne concernée risque de devoir attendre longtemps dans un centre de rétention.
49. La personne à éloigner a plusieurs droits, dont l’un des principaux est celui de faire appel de la décision de retour. Ce droit peut faire retarder ou reporter le retour, ce qui ajoute au stress que subit la personne à éloigner, qui est déjà vulnérable. Pour respecter les droits de l’homme et la dignité de la personne, il importe de veiller à ce que la procédure de recours soit facilitée et ne se prolonge pas inutilement.
50. Une fois la décision d’éloignement prise, les autorités compétentes communiquent à la personne concernée la date et l’heure fixées. Elles pourraient, pour une raison ou une autre, décider de ne pas donner ces informations. Le directeur du centre de rétention de Metsälä et un membre du CPT m’ont confirmé que ces retours, lorsque la personne concernée connaît la date de son départ bien à l’avance, étaient généralement plus faciles que ceux dont la date n’était pas connue. Une norme commune pourrait porter sur la fixation d’un délai dans lequel les personnes à éloigner seraient informées de la date de départ 
			(42) 
			Dans
sa Recommandation 1547
(2002), l’Assemblée suggère de fixer ce délai à 36 heures., ce qui permettrait de procéder aux préparatifs nécessaires au rapatriement.
51. Il importe aussi de noter que certaines des personnes concernées ont été reconnues coupables d’infractions pénales et que leur expulsion est prévue par le droit pénal. Ces personnes relèvent de dispositions législatives différentes de celles applicables au retour des migrants irréguliers.

4.2. Rôle du personnel d’escorte

52. Le processus d’éloignement occasionne beaucoup de souffrances et n’est pas sans difficulté, ce qui peut aussi peser lourdement sur le personnel d’escorte. Il peut arriver, bien que cela soit rare, que les personnes à expulser soient menaçantes, d’où des risques pour ceux qui interviennent dans le processus de retour. Il est déjà arrivé que des personnels d’escorte soient blessés, parfois même mortellement. A ce sujet, il importe d’insister sur la nécessité de dispenser une formation et un soutien appropriés aux personnes associées aux opérations d’éloignement. La Belgique dispose d’un système de tutorat destiné aux nouveaux personnels d’escorte et les Pays‑Bas et la France limitent la durée pendant laquelle une personne peut servir d’escorte.
53. Le Royaume-Uni a confié sa procédure d’éloignement à une entreprise privée, mais les éloignements sont très souvent organisés par la police, voire par les gardes‑frontières.
54. Selon les informations que j’ai pu obtenir, des différences de comportement peuvent être constatées d’un chef d’escorte à l’autre en ce qui concerne la contention physique complète ou le recours à des mesures plus souples. En règle générale, ceci dépend de l’expérience acquise par les chefs d’escorte. Il apparaît ainsi nécessaire d’encourager les échanges d’informations et d’expériences entre les chefs d’escorte des différents pays.
55. Certains experts ont critiqué les retours gérés uniquement par la police. Il importe de veiller à ce que différents professionnels soient associés à l’ensemble du processus. La Belgique, par exemple, fait appel à des travailleurs sociaux et à des psychologues, ce qui pourrait servir d’exemple à d’autres pays.

4.3. Rôle des autres personnels (personnel médical, commandants de bord, personnel navigant)

56. Tous les organismes de transport ont leurs propres règles de sécurité. Lors des vols de retour, la sécurité du personnel, des passagers, des escortes et de la personne à éloigner relève de la responsabilité du commandant de bord. Si celui‑ci estime que la personne à éloigner présente des risques, la procédure de retour peut être interrompue même avant l’embarquement. Il est donc important d’établir une bonne coopération avec la compagnie aérienne et de veiller à ce que son personnel soit convenablement formé pour garantir un retour effectif et équitable. Tout incident qui prolongerait la procédure d’éloignement est source de stress pour la personne à éloigner et pour les autorités procédant à l’éloignement.

4.4. Rôle de Frontex

57. L’agence Frontex est chargée de la coordination des activités des gardes‑frontières pour le maintien de la sécurité aux frontières extérieures de l’Union européenne. Les Etats demeurent toutefois souverains dans les décisions portant sur l’octroi de l’asile et les décisions d’éloignement et sont responsables de la partie de frontière qui se trouve sur leur territoire. La décision ultime leur appartient. Frontex a pour mission essentielle d’aider à garantir des normes communes et un niveau élevé d’efficacité. Son rôle s’arrête à la frontière.
58. Dans ce contexte, je tiens à saluer M. Mikael Cederbratt pour son excellent rapport intitulé «Frontex: responsabilités en matière de droits de l’homme» (Doc. 13161), dans lequel il fait état des inquiétudes exprimées en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et le manque de transparence et propose des mesures pour améliorer le contrôle démocratique exercé par le Parlement européen, ainsi que des formations aux droits de l’homme pour les personnes participant aux opérations de l’Agence.
59. Frontex est chargée d’organiser des vols communs de retour forcé, c’est-à-dire de regrouper sur un même vol des ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne qui font l’objet de mesures d’éloignement. Ces personnes sont convoyées vers l’Etat membre chargé d’organiser le vol où elles embarquent à bord d’un avion et voyagent ensemble vers l’aéroport de destination qui se trouve dans un pays tiers 
			(43) 
			<a href='http://www.frontex.europa.eu/operations/return'>www.frontex.europa.eu/operations/return</a>.. Le vol de retour peut faire de multiples escales. Frontex sert d’intermédiaire, coordonnant les autorités nationales qui souhaitent participer à un vol de retour commun. L’agence ne dispose toutefois pas d’informations sur la situation des personnes à éloigner. Les données à caractère personnel qu’elle traite se limitent à celles qui sont nécessaires aux fins d’une opération de retour conjointe et sont supprimées au plus tard 10 jours après la fin de l’opération.

4.5. Rôle des organismes de contrôle

60. Le CPT a toujours recommandé la mise en place d’un système de structures nationales indépendantes pouvant se rendre régulièrement dans les lieux tels que les prisons ou les commissariats de police. Avec l’entrée en vigueur, en juin 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, un regard neuf a été porté sur le contrôle des lieux de détention et sur la prévention de la torture. Ce traité a donné lieu à la création du sous‑comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT), qui dispose de pouvoirs très similaires à ceux du CPT. Cependant, les Etats qui ont adhéré au protocole sont aussi invités à prévoir, au niveau interne, des mécanismes nationaux de prévention (MNP) ayant des pouvoirs de contrôle étendus dans les lieux de détention.
61. C’est ainsi que l’on constate une interaction très positive entre le CPT et les MNP et, partant, avec le SPT. Les MNP sont souvent mieux placés pour continuer à observer les procédures d’éloignement et les conditions dans lesquelles les migrants et les réfugiés vivent et la manière dont ils sont traités dans les centres de rétention.
62. Depuis 2011, les MNP sont autorisés à accompagner les migrants en situation irrégulière et les réfugiés pendant le vol, ce qui leur permet de voir s’ils sont traités avec humanité. Dans le cadre de son mandat, le CPT a la possibilité d’observer le déroulement des procédures d’éloignement depuis plus longtemps, mais la première opération d’observation d’un vol d’éloignement n’a été organisée qu’en 2012.
63. Toutefois, le travail des organismes de contrôle s’arrête dès que la personne rapatriée a été remise aux autorités du pays d’origine. A ce jour, le mandat du personnel d’escorte et des organismes de contrôle ne va pas plus loin. Il s’agit là d’un vide juridique à combler, d’autant que le CPT et les MNP ont constaté que les conditions à l’arrivée pouvaient être pires pour les demandeurs d’asile déboutés ou les migrants en situation irrégulière que pour les condamnés. A leur retour, les demandeurs d’asile déboutés sont souvent rejetés par la population locale et/ou par leur famille et vivent dans un isolement complet.
64. Des représentants des MNP et de Frontex se sont réunis en juin 2012 à Belgrade dans le cadre d’un projet conjoint de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe intitulé Projet européen des mécanismes nationaux de prévention pour discuter du rôle revenant à chacun dans la lutte contre les mauvais traitements et la torture lors des éloignements par voie aérienne, maritime ou terrestre. Cet échange de vues a mis en évidence le rôle de plus en plus important dévolu par les Etats membres à Frontex, même si les Etats demeurent souverains en la matière. Ce rôle devient de plus en plus complexe. Les vols communs soulèvent un certain nombre de questions, portant notamment sur la responsabilité et le suivi des vols, y compris le partage des responsabilités entre Frontex et les Etats membres. Il est vrai que lorsque plusieurs Etats membres sont concernés par un vol de retour, il est très difficile de savoir qui est responsable et quel est le pays chargé du contrôle.
65. Compte tenu de ce qui précède, il a été proposé, au cours de cet échange de vues, d’approfondir la réflexion sur l’établissement d’une communication entre les différentes parties et son développement, en proposant notamment de désigner une personne chargée de la communication pour informer les MNP du pays d’arrivée, à tous les stades et à tout moment, de la mise en place et de la programmation de vols communs.
66. En conclusion, il est essentiel que les systèmes de prévention de la torture prennent le relais au niveau national, notamment en cas de mauvais traitements répétés ou systématiques, et qu’ils soient chargés d’effectuer des visites ad hoc et d’assurer un contrôle des vols communs affrétés par les Etats membres et par Frontex.

4.6. Rôle des ONG

67. Les diverses ONG ont aussi un rôle important à jouer dans la procédure de retour. Dans de nombreux pays, elles offrent un soutien à la personne rapatriée sous forme de conseils, de services d’interprétation et d’assistance juridique. Elles ont souvent des bureaux régionaux dans les pays d’origine et l’aide qu’elles apportent après le retour devrait aussi être examinée.
68. Ayant reçu des informations d’ONG, d’avocats et d’autres personnes au sujet de problèmes éventuels lors des retours forcés au départ de la Finlande, Amnesty International Finlande a décidé d’étudier la question plus attentivement. Aucun organe externe n’étant chargé de contrôler les pratiques et de recueillir systématiquement des informations sur les éloignements (quoique le médiateur parlementaire soit en charge des plaintes individuelles), Amnesty a mis en place un projet visant à réunir des informations en interrogeant des personnes expulsées après l’échec des procédures d’éloignement les concernant, ainsi que des avocats et des hauts responsables. Amnesty a ainsi contribué à la mise en place d’un organe de contrôle externe spécifique dans ce pays concernant les pratiques d’éloignement. L’ONG a informé le ministère de l’Intérieur de l’insuffisance du système de suivi interne des autorités de police en charge des éloignements.

5. Protection des rapatriés contre les mauvais traitements et la torture pendant le processus d’éloignement

69. Le présent rapport a pour objet de trouver un point d’équilibre approprié et proportionné entre les aspects sécuritaire et humanitaire pour que les personnes à éloigner soient traitées avec dignité. Dans le contexte actuel, la balance penche malheureusement le plus souvent du côté de la sécurité, au détriment de la dignité. Si l’on y ajoute la vulnérabilité des personnes à éloigner et l’absence potentielle de voies de recours juridiques accessibles et effectives contre tout mauvais traitement infligé au cours de l’éloignement, le processus d’éloignement apparaît comme une période à risque 
			(44) 
			Compte rendu du Conseil
de l’Europe sur le 8e atelier thématique
du projet européen des MNP, Genève, mars 2012 (voir la note 5)..

5.1. Portée et applicabilité de normes en matière d’éloignement

70. La portée géographique des normes régionales concerne l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe et ces normes devraient s’appliquer à toutes les étapes du processus d’éloignement, c’est‑à‑dire depuis la prise en charge de la personne à éloigner au centre de rétention, son transfert vers le point d’embarquement, le temps passé dans la zone d’attente du port ou de l’aéroport, l’embarquement à bord de l’aéronef ou du navire, le vol ou la traversée, jusqu’à la remise de l’intéressé aux autorités du pays de destination.
71. Il en va de même des normes de protection concernant les transports, qui doivent inclure les éloignements par voie aérienne, maritime ou terrestre. Pour garantir et renforcer la protection des droits fondamentaux des personnes à éloigner au cours de la procédure, il apparaît nécessaire de mettre en place deux grands axes d’intervention, à savoir, la formulation tout d’abord, de lignes directrices ou de normes régionales communes sur la procédure d’éloignement et la protection des personnes à éloigner contre les risques de mauvais traitements ou de torture, et deuxièmement, le renforcement des mécanismes de contrôle, en particulier des organismes nationaux mandatés pour surveiller les risques de mauvais traitements et de torture des personnes privées de liberté pendant la procédure d’éloignement.

5.2. Normes applicables à toutes les parties

72. L’analyse des risques effectuée par les autorités avant que l’éloignement ait lieu détermine la façon dont une personne est éloignée. La formulation de lignes directrices ou de normes régionales communes sur le processus de retour forcé et la protection des personnes à éloigner contre les risques de mauvais traitements ou de torture serait utile pour toutes les parties prenantes et pour les organismes qui contrôlent le processus. Cela permettrait d’assurer la transparence et la cohérence d’une procédure qui, en l’état actuel, peut donner lieu à des abus. En outre, ces normes seraient uniques, car elles porteraient sur la privation de liberté, depuis la prise en charge de la personne au centre de rétention jusqu’à son arrivée dans le pays d’origine, ainsi que sur la procédure et sur toutes les questions concernant l’éloignement.
73. Ces normes devraient couvrir toutes les étapes des opérations simples et conjointes de retour forcé. En tout premier lieu, il faudrait veiller à obtenir une normalisation des niveaux de risque et des mesures de sécurité, tels que l’usage de la force, le port d’armes, etc. Au cours de ma mission d’observation a également été évoquée la nécessité de procéder à des examens médicaux afin de vérifier si l’intéressé était apte à prendre l’avion et de prévoir un matériel médical approprié dans tous les espaces de transport et zones d’attente utilisés pendant l’éloignement. J’ai également pu constater que le personnel d’escorte était systématiquement informé et rendait compte par écrit du déroulement de la procédure, ce qui suppose un comportement approprié de sa part. A cette fin, il est essentiel que toutes les parties concernées (personnel d’escorte, agents des compagnies aériennes, commandants de bord, gardes‑frontières, équipes de contrôle et équipes opérationnelles) puissent bénéficier d’une formation portant sur les droits de l’homme, mais également d’une formation visant à les sensibiliser aux aspects interculturels, et qu’elles puissent suivre des cours de langues.
74. Un autre élément à prendre en considération et à inclure dans les normes est celui de la préparation au retour des intéressés. Il est impératif d’assurer le recours systématique à des interprètes et de permettre aux personnes éloignées d’informer leur famille ou leurs amis de leur retour. Il est également important d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables tels que les enfants et les femmes. Il convient d’éviter à tout prix de placer des enfants dans des centres de rétention. D’ailleurs, je me félicite qu’un rapport sur cette question soit en cours de préparation au sein de notre Assemblée 
			(45) 
			Rétention
des enfants migrants (rapporteure: Mme Tinatin
Bokuchava, Géorgie, PPE/DC)..
75. Dans ce contexte, et à la suite d’un échange de vues avec le CPT, j’ai préparé une liste de procédures et de mesures à observer pendant les vols communs. Cette liste s’articule autour de quatre points: avant le vol, dans le centre de rétention; pendant le vol; et à l’arrivée.
76. Avant le vol, il est important que les personnes qui accompagnent la personne à éloigner aient autant d’informations que possible sur le vol, sur la ou les personnes concernées, sachent si le retour est volontaire ou forcé et soient au courant de la situation et de l’origine des personnes. A cette fin, des réunions d’information doivent être organisées avec toutes les parties concernées pour obtenir toutes les informations nécessaires au sujet de la personne qui va être rapatriée.
77. Lorsque les parties concernées arrivent au centre de rétention, l’une des premières actions à entreprendre est de vérifier si la personne a connaissance de la mesure d’éloignement dont elle fait l’objet et si elle y consent ou non. Les parties qui l’accompagneront doivent avoir connaissance de son dossier médical. En l’absence de personnel médical, des mesures doivent être prises pour obtenir les informations nécessaires.
78. La personne à éloigner devra récupérer ses effets personnels et il faudra veiller à ce qu’elle soit informée de la possibilité de faire recours avant la fermeture définitive des portes de l’avion.
79. La plupart des critiques concernant ces retours conjoints portent sur la manière dont la personne à éloigner est traitée pendant le transfert entre le centre de rétention et l’aéroport, voire pendant le vol. En cas de retour volontaire, la personne devrait être accompagnée, et ne pas être entravée pendant le transfert ni pendant le vol. Nous avons malheureusement été informés de quelques cas dans lesquels la personne avait été entravée, attachée de telle sorte qu’elle avait du mal à respirer alors qu’elle s’était montrée tout à fait coopérative. Il en va bien entendu autrement lorsque la personne est éloignée de force et montre des signes de révolte. Le respect de la dignité humaine suppose toutefois une attitude et un traitement respectueux dans tous les cas.
80. Une fois dans l’avion, les personnes accompagnatrices doivent s’assurer que le bagage de la personne rapatriée est bien dans la soute. La personne rapatriée ne devrait pas porter de menottes ni être ligotée, afin d’avoir une certaine liberté de mouvement. Selon la durée du vol, un repas devrait lui être servi; il convient cependant de veiller à ce qu’on ne lui donne pas d’eau chaude ou d’aliments trop chauds si elle se montre très nerveuse ou agressive.
81. A l’arrivée, pour éviter les regards et protéger le mieux possible la personne rapatriée, il est conseillé de la faire sortir de l’avion en dernier. Dans certains pays, les autorités viennent la chercher à bord. Il importe de veiller à ce qu’elle soit bien traitée au moment où elle est prise en charge. Elle doit être informée de la possibilité qu’elle a de porter plainte au moment où elle sort de l’avion si elle le souhaite.
82. Il faut aussi préciser que tout usage de la force pendant la procédure d’éloignement est synonyme d’échec de la procédure. Des consignes claires devraient être données pour savoir quand avoir recours à la force et ce recours ne devrait être autorisé qu’en cas d’absolue nécessité. Ces consignes ne peuvent toutefois être appliquées de manière satisfaisante que si le personnel d’escorte et les parties concernées ont suivi une formation appropriée de sensibilisation aux risques et aux problèmes.

6. Mise en place d’un contrôle effectif de la procédure d’éloignement

83. Conformément au droit international, les Etats membres ont l’obligation de prévenir tout traitement inhumain ou dégradant par une législation efficace et d’autres mesures nécessaires. Une mesure de prévention essentielle est le contrôle effectué par les autorités ayant le droit de priver une personne de sa liberté. A ce sujet, le CPT a déclaré que les retours forcés constituaient une grave menace pour l’exercice des droits de l’homme.
84. Il est essentiel de savoir qui est responsable du contrôle en cas de retour conjoint avec plusieurs escales et qui a le droit d’intervenir sans enfreindre la loi, notamment en cas de mauvais traitements flagrants. L’expérience montre que les situations varient selon les pays, notamment lorsque la personne rapatriée de force oppose une résistance. Dans la plupart des cas, l’intervention est confiée à l’administration et à la police. Compte tenu de ces différences, il est apparu nécessaire de procéder à une harmonisation, par voie de traité, des mesures de sécurité devant être prises ou autorisées, notamment lorsqu’il est fait usage de la force.
85. Pour éviter des violations des droits de l’homme pendant les retours, il est essentiel que les procédures de contrôle soient indépendantes, neutres et effectives pendant toute la durée du processus. L’absence d’observateurs indépendants est inquiétante sur les vols charters où, selon certaines ONG, le niveau de contention physique est plus élevé que sur les vols commerciaux, car il n’y a pas de témoins.

6.1. Propositions de normes pour la procédure de contrôle

86. Dans une publication du 10 novembre 2011 intitulée «Comparative Study for Best Practice in Forced Return Monitoring» 
			(46) 
			<a href='http://ec.europa.eu/home-affairs/doc_centre/immigration/docs/studies/Forced%20Return%20Monitoring%20Study%20Final%20Report.pdf'>http://ec.europa.eu/home-affairs/doc_centre/immigration/docs/studies/Forced%20Return%20Monitoring%20Study%20Final%20Report.pdf.</a>, le Centre international pour le développement des politiques migratoires (ICMPD), conjointement avec la Direction générale de la justice, de la liberté et de la sécurité de la Commission européenne, examine les bonnes pratiques en matière de contrôle des retours forcés dans les 27 pays de l’Union européenne ainsi qu’en Islande, en Norvège et en Suisse. Sur la base de ses constatations, il formule une série de recommandations pour la procédure de contrôle. L’étude conclut que le système de contrôle en place doit satisfaire les conditions minimales et être effectif et transparent pour garantir un traitement des rapatriés conforme aux normes nationales et internationales (effectives) en matière de droits de l’homme (et l’obligation de rendre compte) 
			(47) 
			Ibid.,
p. 7..
87. L’étude comprend une série de recommandations pour aider les Etats membres à mettre en place un système qui tienne compte des principes susmentionnés:

1) L’organisation chargée du contrôle devrait être différente des autorités de police.

2) Les personnes chargées du contrôle devraient être automatiquement informées des opérations de retour imminentes.

3) Les possibilités de financement existantes devraient être développées au maximum.

4) La coopération entre toutes les parties prenantes devrait être facilitée et encouragée.

5) Toutes les étapes du retour forcé, de la phase qui précède le retour à l’arrivée/accueil dans le pays de destination, devraient faire l’objet d’un contrôle général.

6) Les personnes chargées du contrôle devraient pouvoir décider des cas à contrôler en fonction de critères convenus.

7) L’observation peut aller au‑delà du contrôle de l’interaction entre les responsables et les rapatriés pour comprendre d’autres tâches.

8) Les responsables d’équipes de toutes les parties prenantes «sur le terrain» devraient être constamment en rapport pour recenser, prévenir et désamorcer les problèmes, en particulier, mais pas uniquement, lorsque les personnes chargées du contrôle n’ont pas de pouvoir d’intervention.

9) Les autorités devraient se servir des rapports de contrôle comme lignes directrices en vue d’une amélioration systématique.

10) Pour les opérations de retour conjointes:

  • La personne chargée du contrôle devrait être désignée par le pays pilote (ou les pays qui renvoient le plus grand groupe de personnes par avion). Les opérations de retour conjointes concernant un grand groupe de personnes devraient être contrôlées par plusieurs personnes.
  • Les personnes chargées du contrôle devraient rédiger un rapport commun (par opération de retour) qu’ils adresseraient à Frontex, ce qui aiderait l’Organisation à développer les lignes directrices et les normes applicables aux opérations de retour conjointes et permettrait d’évaluer les opérations de retour. Par souci de transparence, Frontex devrait rendre compte annuellement au Parlement européen des conclusions dégagées à l’issue du contrôle et des actions prises.
  • A plus long terme, un groupe de contrôle devrait être créé dans les Etats membres de l’Union européenne, formé à la surveillance des vols communs conformément aux lignes directrices définies par Frontex ainsi qu’au droit international des droits de l’homme, aux droits fondamentaux de l’Union européenne, etc 
			(48) 
			Ibid.,
p. 7-10..

88. Selon un rapport de la section finlandaise d’Amnesty International, il faudrait que la législation nationale définisse l’objet et le champ d’application du contrôle en indiquant les raisons de ce dernier et le type d’action que la personne chargée du contrôle devrait prendre sur la base des constatations. L’organe de contrôle devrait examiner la légalité du retour et la manière dont les forces de police respectent ses instructions. Ces observations devraient être confrontées aux normes, recommandations et bonnes pratiques internationales existantes 
			(49) 
			Amnesty International
Suomen lausunto: Luonnos hallituksen esitykseksi eduskunnalle laeiksi
ulkomaalaislain ja eräiden siihen liittyvien lakien muuttamisesta,
2013, p. 6 (en finlandais). . A ce sujet, Amnesty International Finlande souligne par ailleurs qu’il ne faut pas oublier qu’il est du devoir des Etats de mettre en place des mécanismes de contrôle interne efficaces pour prévenir la torture. L’une des tâches essentielles des organes de contrôle externe devrait être de s’assurer de l’efficacité des mécanismes de contrôle interne (vérifiant par exemple l’établissement d’un rapport après chaque opération d’éloignement et l’analyse régulière de ces rapports par des hauts responsables et des organes de contrôle).

6.2. Qui devrait être responsable du contrôle?

89. Au niveau national, les mécanismes nationaux de prévention de la torture des Etats membres du Conseil de l’Europe et, au niveau régional, le CPT ont commencé à suivre la question du traitement des rapatriés pendant le processus d’éloignement pour surveiller les risques de mauvais traitements ou de torture, conformément à leur mandat respectif 
			(50) 
			Protocole
facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et CPT.. Ces entités ont toutefois un vaste mandat et une zone géographique étendue à couvrir, c’est‑à‑dire tous les lieux où les personnes sont ou pourraient être privées de liberté. Le processus d’éloignement est l’un des nombreux sujets que ces entités doivent traiter. Dans certains Etats 
			(51) 
			Par exemple
l’Estonie et la Pologne., des entités de contrôle supplémentaires ont été désignées dans ce domaine au titre de l’article 8.6 de la «Directive retour», tandis que d’autres Etats ont choisi de s’en remettre à leurs MNP respectifs pour mener à bien cette tâche. Il est impératif de consolider les MNP et les entités de contrôle préventif intervenant à l’échelle régionale et internationale, comme le CPT et le Sous‑comité de la prévention des Nations Unies (chargé également de procéder à un suivi dans les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), au moyen de ressources supplémentaires pour leur permettre de s’acquitter efficacement de cette tâche 
			(52) 
			Pour plus de détails,
voir le compte rendu du Conseil de l’Europe sur le 8e atelier
thématique du projet européen des MNP sur la surveillance du processus
d’éloignement et le rôle des MNP, Genève, mars 2012 (voir la note 4). sans nuire à leurs autres missions de surveillance.
90. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de procéder à une évaluation des coûts en tenant compte des ressources humaines et financières nécessaires pour assurer un contrôle effectif du processus d’éloignement. Certains MNP ou autres mécanismes de contrôle sont souvent empêchés de remplir leur mandat en raison de ce manque de ressources humaines et financières. Les Etats devraient envisager la possibilité de remédier à cette situation.
91. Au moment des retours, il devrait incomber à l’Etat prenant la mesure d’éloignement (en cas de retours simples) et/ou à Frontex (en cas de retours conjoints) d’informer systématiquement les MNP des pays de départ et d’arrivée suffisamment à l’avance pour leur permettre de suivre le déroulement de l’éloignement. En outre, en cas de vols communs, il est essentiel que les MNP soient informés des normes de protection, des régimes de sécurité et des stratégies d’exécution préalablement convenus par les Etats membres et par Frontex à un stade précoce de la planification pour pouvoir procéder au contrôle de l’opération d’éloignement.

7. Conclusions

92. La Directive retour de l’Union européenne met l’accent sur l’efficacité des retours et non sur les droits des rapatriés. Cette orientation résulte de la politique de gestion des migrations qui a pour but d’indiquer clairement que les personnes qui entrent dans l’Union européenne illégalement seront renvoyées. Cela étant, l’efficacité ne saurait l’emporter sur les obligations des Etats membres en matière de droits de l’homme.
93. Les systèmes de contrôle variant considérablement d’un pays européen à l’autre, il apparaît indispensable d’élaborer des normes communes applicables par tous les Etats ainsi que d’harmoniser la législation pour le contrôle et les personnes effectuant les contrôles.
94. Le contenu des normes communes (pour les retours forcés simples et conjoints) pourrait couvrir:
  • la normalisation des niveaux de risque relativement aux opérations de retours forcés et des mesures de sécurité correspondantes, comme l’usage direct de la force;
  • la priorité systématique aux retours volontaires, par rapport aux retours forcés, et l’application de normes identiques quelles que soient les modalités du retour;
  • les techniques de contrainte acceptables/inacceptables, y compris la contention chimique, assorties de garanties;
  • le comportement jugé acceptable des personnels d’escorte, des contrôleurs indépendants et d’autres parties concernées;
  • le type de matériel d’escorte autorisé à bord;
  • l’établissement de programmes de formation communs pour les différents intervenants: personnels d’escorte, personnel médical accompagnant, agents des compagnies aériennes, commandants de bord, gardes‑frontières, etc., de même que pour les équipes opérationnelles et les équipes d’observation;
  • le caractère approprié de la préparation des personnes à éloigner avant le retour, par exemple: le recours à des interprètes pour expliquer la situation; le recours à des médiateurs culturels; l’information des familles et de la personne placée en rétention pour éviter tout effet de surprise;
  • la sélection appropriée et adéquate du personnel d’escorte: procédures transparentes et ouvertes; équipes pluridisciplinaires composées de femmes et d’hommes; personnels d’escorte sensibilisés aux aspects interculturels et dotés de compétences linguistiques ou accompagnés d’interprètes; procédures disciplinaires claires et appropriées pour punir les infractions commises par les acteurs concernés, etc.;
  • l’expertise médicale: examens médicaux systématiques et indépendants afin de déterminer, au cas par cas, si les personnes à éloigner sont aptes à prendre l’avion; présence de médecins pour les accompagner; examens médicaux après tout échec d’éloignement; tenue de dossiers médicaux sur tous les aspects de santé concernant l’éloignement; présence d’un matériel médical approprié dans tous les espaces de transport et de rétention utilisé pendant l’éloignement; suivi ou contrôle médical;
  • consignes claires en cas d’échec de l’éloignement: débriefing systématique du personnel et des personnes retenues; comptes rendus écrits; examens médicaux, etc.;
  • lignes directrices spécifiques pour l’éloignement d’enfants et de groupes vulnérables, en particulier les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies graves.
95. Le CPT et le Centre international pour le développement des politiques migratoires ont dressé des listes détaillées de critères pour le contrôle des procédures de retour. Ces listes offrent une bonne base pour l’harmonisation des procédures. A cet égard, j’aimerais insister sur l’importance de garantir le même niveau de professionnalisme quel que soit le pays qui met en place un organe de contrôle. Sur les vols communs, les organes de contrôle pourraient, par exemple, comprendre des groupes ad hoc de représentants de différents pays.
96. Les règles harmonisées sur les procédures et les organes de contrôle pourraient inclure les points suivants:
  • les critères susmentionnés tels qu’ils ont été définis par le Centre international pour le développement des politiques migratoires;
  • toutes les parties devraient garantir la pleine indépendance des organes de contrôle; à cet égard, il serait important de séparer le contrôle et l’exécution des procédures.
  • les organes de contrôle et leurs observateurs devraient être informés bien avant les retours et avoir la possibilité de contrôler toutes les étapes de la procédure, à partir de la décision d’éloignement;
  • les ambassades locales et/ou les ONG ayant des sections dans le pays d’origine devraient être chargées du contrôle après l’arrivée de la personne éloignée dans son pays d’origine;
  • les organes de contrôle devraient aussi avoir le droit d’examiner la qualité du contrôle interne des autorités en charge des retours;
  • les procédures à suivre à l’issue d’une mission d’éloignement menée à bien ainsi qu’en cas d’échec d’une mission, comprenant un compte-rendu obligatoire.