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Rapport | Doc. 13456 | 21 mars 2014

Un travail décent pour tous

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Roel DESEYN, Belgique, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc.12269, Doc.12740 et Doc. 13130, Renvoi 3948 du 24 avril 2013. 2014 - Deuxième partie de session

Résumé

L’accès à l’emploi dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité est primordial pour le bien-être individuel et collectif. Si la législation internationale et européenne oblige des Etats à protéger le droit au travail et les droits des travailleurs, rendre le travail décent une réalité pour tous reste une bataille ardue. Les asymétries mondiales et intra-européennes ont érodé des droits liés au travail, la sécurité de l’emploi et des perspectives d’emplois de qualité pour des millions de personnes, notamment pour les jeunes et les migrants, ainsi que les «travailleurs paupérisés».

Le rapport souligne la nécessité de plus de coopération et de solidarité de la part de la communauté internationale afin de promouvoir l’agenda pour le travail décent dans le nouveau cadre pour le développement durable au-delà de 2015 et par le biais d’accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux. Les Etats européens sont appelés à améliorer la cohérence des mesures nationales pour remplir leurs engagements internationaux et pour harmoniser les normes sociales européennes. Des efforts particuliers sont nécessaires afin d’assurer la sécurité au travail et de faire respecter efficacement la prohibition du travail des enfants de moins de 15 ans, en accord avec la Charte sociale européenne et grâce à des inspections de travail plus régulières.

Le partenariat entre les gouvernements et le secteur privé et la société civile devrait permettre de moderniser le contrat social dans la société et de renforcer la responsabilité sociale des entreprises, notamment en ce qui concerne des activités dans les pays où le risque de dumping social et d’exploitation est élevé.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 14 mars
2014.

(open)
1. Le travail est un aspect essentiel de la vie humaine. Il est la base du bien-être individuel et collectif en ce qu’il est une source de subsistance, de développement, d’accomplissement personnel et d’intégration sociale. Le droit international et européen en matière de droits humains fait obligation aux Etats d’assurer le plein exercice du droit au travail et de protéger les droits au travail. L’Organisation internationale du travail (OIT) et le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe insistent en outre sur la nécessité de respecter tout un éventail de droits relatifs au travail qui rendent le travail décent et accessible à tous. Le travail décent désigne ainsi l’emploi productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine.
2. Dans toute l’Europe, l’inquiétude grandit face à l’érosion des droits au travail, à la précarité croissante de l’emploi et au manque de perspectives d’emplois de qualité, notamment pour les jeunes et les migrants. Une stagnation économique qui se prolonge, la déréglementation du marché et l’austérité budgétaire en Occident ont détruit plus d’emplois qu’il n’en a été créé de nouveaux, et la précarité au travail s’étend. Cette situation contraste avec le dynamisme des pays en développement, qui gagnent rapidement en compétitivité et en niveau de vie, mais qui ont du retard en matière de droits du travail. Les asymétries mondiales et intra-européennes sont à l’origine d’un nivellement par le bas des salaires, de la protection sociale et des conditions d’emploi, aggravant ainsi les inégalités et conduisant au dumping social.
3. Construire une société inclusive et prospère par le biais du travail décent exige des solutions mondiales. L’Assemblée parlementaire rappelle l’importance de la coopération sur le plan international et d’une plus grande solidarité entre Etats riches et pauvres, en particulier pour la promotion du travail décent dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et du nouveau cadre de développement durable pour l’après-2015. Les pays européens doivent œuvrer ensemble pour ancrer les droits humains et les stratégies en faveur du travail décent de façon plus explicite dans le système commercial multilatéral et les accords commerciaux et investissements bilatéraux.
4. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent également renforcer la mise en œuvre de la Charte sociale européenne (STE n° 35, «la Charte»). Cet instrument complète la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») dans le domaine des droits sociaux et économiques en liant les normes du travail à la protection juridique et sociale, à des conditions d’emploi justes et à la libre circulation des personnes. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne fait déjà expressément référence à la Charte sociale européenne. Cependant, de nouvelles initiatives doivent être prises pour améliorer la cohérence des mesures nationales destinées à mettre en œuvre les engagements internationaux et harmoniser les normes sociales européennes.
5. Seul un environnement professionnel sain et sûr permet aux travailleurs de réaliser leur plein potentiel. L’Assemblée considère que les gouvernements ne doivent faire aucune concession sur les niveaux de sécurité au travail et qu’ils doivent veiller à leur application scrupuleuse par tous les employeurs. Elle souligne en outre la nécessité de veiller à une meilleure application de l’interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans, énoncée dans la Charte sociale européenne. Des inspections régulières du travail sont cruciales à cet égard et demandent des moyens adaptés en permanence pour qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle.
6. Les actions de solidarité pour améliorer les filets de sécurité sociale, la reconversion et la mobilité des travailleurs ne relèvent plus de la compétence exclusive des gouvernements. La modernisation du contrat social dans la société suppose un partenariat plus fort avec le secteur privé et la société civile, pour défendre l’agenda pour le travail décent. L’Assemblée appelle à un renforcement des obligations des entreprises en matière de responsabilité sociale et d’éthique, s’agissant en particulier des relations des entreprises avec leurs sous-traitants et leurs stratégies d’approvisionnement dans des pays tiers où les risques d’exploitation de la main-d’œuvre sont importants.
7. En vue de préserver la paix et la justice sociales au moyen d’«emplois plus nombreux et de meilleure qualité», l’Assemblée recommande aux Etats membres:
7.1. de consolider les stratégies nationales pour garantir des conditions de travail décentes à l’ensemble de la population et de promouvoir la convergence intra-européenne dans ce domaine;
7.2. de veiller à ce que les droits, les conditions et la protection liés au travail, ainsi que des clauses sociales et environnementales contraignantes accompagnées de mécanismes de contrôle, soient systématiquement inscrits dans les accords de libre échange et d’investissement bilatéraux et multilatéraux, et dans le nouveau cadre de développement remplaçant les OMD après 2015;
7.3. de garantir une mise en œuvre cohérente des normes fondamentales du travail au niveau mondial, ainsi que des dispositions pertinentes de la Charte sociale européenne, en particulier celles relatives à la liberté syndicale et de négociation collective, à une rémunération équitable et à une couverture sociale, à la non-discrimination et aux services de l’emploi, à la protection des mineurs et à un environnement professionnel sain et sûr;
7.4. d’adhérer à la procédure de réclamation collective de la Charte sociale européenne, s’ils ne l’ont pas déjà fait;
7.5. de mettre à profit les relations avec les associations d’employeurs pour promouvoir les engagements des entreprises en matière de dialogue social, de création et de préservation d’emplois, de répartition du travail, de rémunération équilibrée du capital et du travail, d’organisation saine sur le lieu de travail et de développement des compétences;
7.6. de garantir des règles du jeu équitables à toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes, de promouvoir une concurrence loyale au moyen des politiques fiscales nationales et de renforcer les mesures contre l’évitement fiscal;
7.7. de garantir un salaire minimum national et des socles nationaux de protection sociale à un niveau adapté aux besoins de développement du pays;
7.8. de faciliter la mission des inspections du travail et le dialogue entre les partenaires sociaux pour endiguer l’emploi irrégulier et les pratiques abusives en matière de conditions de travail (s’agissant notamment de la durée minimale et maximale des heures de travail, de la sécurité sur le lieu de travail et de la protection spéciale des groupes de populations vulnérables);
7.9. de profiter des possibilités de financement et d’intervention offertes par la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour soutenir de façon ciblée l’amélioration des offres d’emploi pour les jeunes, les minorités et les personnes handicapées;
7.10. de mettre en place de nouveaux moyens de communication (notamment via les médias sociaux et les réseaux sociaux) pour signaler aux pouvoirs publics les violations des normes du travail;
7.11. de prévoir des garde-fous et des sanctions sévères pour lutter contre l’emploi irrégulier et d’améliorer les garanties sociales contractuelles pour les travailleurs détachés, jeunes, et migrants et les travailleurs domestiques.
7.12. d’éliminer le fossé salarial entre les femmes et les hommes.

B. Exposé des motifs, par M. Deseyn, rapporteur

(open)

1. Introduction: le travail, fondement d’une vie digne et d’une société inclusive

1. Le travail est un aspect essentiel de la vie humaine. C’est un facteur clé du bien-être des individus, en ce qu’il leur permet de s’intégrer au sein de communautés et leur procure des moyens de subsistance, de développement et d’accomplissement personnel. L’importance du travail dans la société a été reconnue par la consécration du droit au travail dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et plus généralement dans le droit international des droits de l’homme, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
2. Alors que la Déclaration universelle affirme que «[t]oute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage», le Pacte met l’accent sur le droit au travail sous l’angle des libertés individuelles, du développement socio-économique et des obligations des Etats «d’assurer le plein exercice de ce droit». L’Organisation internationale du travail (OIT) insiste pour sa part sur la nécessité de respecter tout un éventail de droits relatifs au travail qui rendent le travail décent et accessible à tous.
3. Dans toute l’Europe, l’érosion des droits liés au travail, la précarité croissante de l’emploi et le manque de perspectives d’emplois de qualité, notamment pour les jeunes, suscitent de plus en plus d’inquiétudes. Le cercle vicieux de la stagnation économique, de la déréglementation du marché et de l’austérité budgétaire ainsi que le «côté sombre» de la mondialisation fragilisent fortement la compétitivité des économies nationales et le niveau de vie de la population. Si, d’un côté, la mondialisation a créé de nouvelles perspectives économiques pour tous (grâce à la libéralisation des échanges internationaux et à des marchés du travail plus dynamiques), elle a, de l’autre, engendré un nivellement par le bas des salaires, de la protection sociale et des conditions d’emploi, conduisant à une augmentation parfois insoutenable des inégalités.
4. Il est particulièrement préoccupant que les partenaires commerciaux de l’Europe dans de nombreux pays en développement considèrent la protection des droits humains (y compris les droits socio-économiques) et de l’environnement comme du protectionnisme au lieu d’y voir une voie de développement à suivre. Ces divergences exacerbent les asymétries et les tensions entre les pays, faussent les conditions de concurrence et entraînent de fait un dumping social voire, dans certains cas, environnemental 
			(2) 
			Le 3 juin 2013, la
commission des questions sociales, de la santé et du développement
durable a décidé de fusionner deux de ses rapports en cours d’élaboration
(«Un travail décent pour tous: lutter contre le dumping social»
et «L’exploitation de la main-d’œuvre des pays pauvres»). Le présent
rapport prend également en considération la proposition de résolution
«Les droits de l’homme, référence éthique dans une économie mondialisée»
qui lui a été transmise pour information..
5. Gardant à l’esprit les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe en matière de promotion des droits humains, de la démocratie et de l’Etat de droit ainsi que les enjeux sociétaux soulevés par la mondialisation, j’envisage d’étudier des pistes d’action à l’intention des pays européens pour remédier aux déséquilibres mondiaux et garantir à tous un travail décent. En me fondant sur les instruments et activités pertinents de cette Organisation, de l’Union européenne et d’autres organisations internationales (comme l’OIT, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Confédération syndicale internationale), ainsi que sur des sources et des recherches indépendantes, je mettrai en lumière des options politiques permettant de parvenir à un meilleur équilibre entre développement économique et solidarité sociale.

2. Le concept de travail décent et l’Agenda de l’OIT pour le travail décent

6. Le travail décent – en tant que concept et agenda – a été introduit par l’OIT en 1999 et a depuis lors été largement repris par la communauté internationale. Selon les termes de l’OIT, «le travail décent résume les aspirations de tout travailleur: possibilité d’exercer un travail productif et convenablement rémunéré, assorti de conditions de sécurité sur le lieu de travail et d’une protection sociale pour sa famille. Le travail décent donne aux individus la possibilité de s’épanouir et de s’insérer dans la société, ainsi que la liberté d’exprimer leurs préoccupations, de se syndiquer et de prendre part aux décisions qui auront des conséquences sur leur existence. Il suppose une égalité de chances et de traitement pour les femmes et les hommes». En résumé, le travail décent désigne le travail productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine.
7. De nombreuses études montrent que pour bien des personnes, le travail, et en particulier le travail décent, est un moyen de se soustraire à la pauvreté et de s’assurer des moyens de subsistance durables. Des emplois meilleurs entraînent une vie meilleure pour tous: vivre dans la dignité pour les individus se traduit par un développement de qualité pour les communautés dans lesquelles ils vivent, contribuant ainsi à bâtir une société plus cohésive, plus inclusive et plus prospère. L’Agenda pour le travail décent de l’OIT met ainsi l’accent sur quatre aspects fondamentaux:
  • l’accès à l’emploi et à une rémunération équitable;
  • les droits au travail (notamment le respect des normes fondamentales du travail) 
			(3) 
			Ces
droits concernent principalement l’organisation du travail, un environnement
de travail respectant les règles de santé et de sécurité, la reconnaissance
au travail, la liberté d’association, le droit à la négociation
collective et la non-discrimination, et l’élimination du travail
forcé et du travail des enfants. La Déclaration de l’OIT relative
aux droits et principes fondamentaux au travail affirme que ces
droits sont universels et qu’ils s’appliquent à tous dans tous les
Etats (y compris aux groupes de populations qui ont des besoins
spécifiques, comme les personnes sans emploi et les travailleurs migrants),
quel que soit le niveau de développement économique.
  • la solidarité par le biais de la protection sociale;
  • la communication au travail à travers le dialogue social.
8. Alors que les perspectives d’emploi et la création de postes de travail dépendent en grande partie des bons résultats des économies nationales, l’accès à l’emploi, les politiques de rémunération, le respect des normes du travail et une protection sociale appropriée dépendent pour une large part du contrat social entre les parties concernées (entreprises, pouvoirs publics et société civile). Malgré les efforts déployés jusqu’ici par les pouvoirs publics, l’on estime que 1,1 milliard de personnes, dont 200 millions de chômeurs, vivent sous le seuil de pauvreté dans le monde. En Europe, la moitié des ménages pauvres dépendent d’un soutien économique unique par famille.
9. Dans ces conditions, l’OIT s’efforce de faire du travail décent un objectif mondial et une réalité nationale afin d’assurer l’équité et le progrès social et d’éradiquer la pauvreté. Cela exige à l’évidence une coopération plus poussée sur le plan international et davantage de solidarité entre Etats riches et pauvres, et avant tout le respect des engagements pris dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Selon l’OIT, il est urgent de créer quelque 600 millions d’emplois au cours des dix prochaines années en vue de générer une croissance durable et de préserver la cohésion sociale 
			(4) 
			«Tendances mondiales
de l’emploi 2012: prévenir une aggravation de la crise de l’emploi»,
OIT, Genève.. Il est par conséquent essentiel que le nouveau cadre de développement sur les OMD au-delà de 2015 tienne dûment compte des enjeux relatifs au travail décent.

3. Le travail décent au regard des normes sociales, des objectifs et de l’intégration européens

10. Les pays européens ont en commun un long passé d’engagements en matière de politiques sociales qui concernent plus ou moins directement divers aspects du travail décent. Le modèle social européen né dans les années d’après-guerre conjugue les engagements nationaux en faveur du développement économique et du plein emploi avec une protection sociale adéquate pour l’ensemble de la population et la cohésion sociale. Ainsi, le Traité de Rome de 1957 contenait déjà des dispositions sur les conditions de travail, le niveau de vie, l’égalité de rémunération pour un même travail, la sécurité sociale pour les migrants et une plus grande mobilité des travailleurs, qui ont ouvert la voie à l’adoption de la Charte sociale européenne (STE n° 35) en 1961 et de la Charte social européenne révisée (STE n° 163) en 1996 
			(5) 
			L’Union européenne
a également adopté en 1989 la Charte communautaire des droits sociaux
fondamentaux des travailleurs, qui a été par la suite complétée
par une série de directives spécifiques. La charte peut être invoquée
par la Cour européenne de justice dans les litiges relatifs aux
droits sociaux et aux droits du travail..
11. Si le traité fondamental du Conseil de l’Europe – la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») – s’attache plus particulièrement aux droits civils et politiques, plusieurs de ses articles (notamment les articles 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11 et 14) interdisent certaines pratiques qui peuvent exister dans le cadre du travail (traitements inhumains ou dégradants, travail forcé, atteintes à la sûreté personnelle, à la liberté de conscience, d’expression et d’association, au respect de la vie privée, discrimination).
12. La Charte sociale européenne («la Charte») complète la Convention en matière de droits sociaux et économiques: elle couvre non seulement les droits relatifs au travail, mais elle les relie aussi à la protection juridique et sociale, aux conditions d’emploi, à l’orientation professionnelle, à la formation et à la libre circulation des personnes. Toutefois, contrairement à la Convention, la Charte n’examine pas les recours introduits par les particuliers concernant des allégations de violation de la Charte par les Etats qui y ont adhéré. En vertu de la Charte, son Protocole additionnel (STE n° 158) prévoit un système de réclamations collectives 
			(6) 
			Le
Protocole additionnel a jusqu’ici été ratifié par 13 Etats (deux
autres Etats ont accepté la procédure de réclamations collectives
en tant que Parties à la Charte révisée) et signé par cinq Etats., mais seuls 15 Etats membres sont liés par cette procédure.
13. Dans l’Union européenne, la libre circulation des personnes (et des travailleurs) est l’un des quatre piliers du Marché unique lancé en 1993. C’est à cette époque que les premières craintes ont été exprimées concernant le dumping social que l’on considérait comme un «effet secondaire» du Marché unique. Le dumping social est entendu comme toute pratique consistant à violer le droit social national ou international en vigueur afin d’en tirer un avantage économique, notamment en termes de compétitivité 
			(7) 
			Rapport d’information
sur le dumping social en Europe, présenté par M. Gaëtan Gorce, Député,
au nom de la délégation de l’Assemblée Nationale de la République
française pour l’Union européenne, 25 mai 2000, n° 2423..
14. Les préoccupations convergentes au sujet du chômage et de la compétitivité ont alors conduit à lancer l’Agenda social européen en 2000 (dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne), l’accent étant mis sur la nécessité d’un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité dans un contexte mondial en mutation, et sur la modernisation des systèmes de protection sociale et la lutte contre l’exclusion sociale.
15. Cela étant dit, de vastes disparités sociales ont été constatées et restent une réalité en Europe, dans la mesure où le plein emploi, de meilleures conditions de vie et de travail, le dialogue social et l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes se révèlent difficiles à réaliser dans la pratique. Le «Rideau de fer» appartient certes désormais à l’histoire de l’Europe, mais les fractures socio-économiques demeurent et poussent de nombreux Européens à devenir des travailleurs migrants qui acceptent plus facilement des conditions d’emploi inférieures à ce qui constitue un travail décent. La coopération non existante ou largement insuffisante entre les inspections du travail des divers pays européens et les capacités restreintes par suite des mesures d’austérité budgétaire réduisent les chances de déceler les violations de la législation du travail, notamment l’exploitation des travailleurs migrants.
16. L’adoption en 2006 de la Directive communautaire sur les services (Directive 2006/123/CE), ou «Directive Bolkestein» (du nom du commissaire néerlandais qui l’a proposée), a suscité dans toute l’Europe bien des controverses et des ressentiments. Les détracteurs de cet instrument craignaient qu’il n’engendre une concurrence déloyale entre les travailleurs de divers pays européens n’ayant pas les mêmes niveaux de rémunération et de protection sociale, tandis que ses partisans soutenaient qu’il contribuerait à améliorer la prestation de services sur l’ensemble du continent. Dans les faits, les services constituent 20 % des échanges intracommunautaires mais ils représentent 70 % des emplois dans l’Union européenne.
17. Sept ans plus tard, les résultats semblent mitigés. En dépit des garde-fous mis en place afin de protéger les conditions de travail (notamment par l’intermédiaire de conventions collectives) et des améliorations apportées aux politiques nationales de réglementation (par exemple, la suppression des clauses protectionnistes ou discriminatoires), certaines tendances négatives ont été observées telles que le nivellement par le bas des salaires et de la couverture sociale, notamment pour les travailleurs détachés, – bien éloignées de l’idéal selon lequel «à travail égal, salaire égal». Cette tendance est plus visible encore dans les secteurs des services de transport transfrontaliers 
			(8) 
			A titre d’exemple,
la compagnie aérienne irlandaise à bas coûts Ryanair a été condamnée
en octobre 2013 par un tribunal du sud de la France à verser une
amende de près de 9 millions d’euros de dommages et intérêts pour
avoir enfreint le droit du travail français. La décision de justice
fait référence à des pratiques illégales consistant à employer en France
des salariés sous contrat irlandais avec pour conséquence une entrave
au fonctionnement du comité d’entreprise et à l’exercice du droit
syndical. Ce jugement fait écho à une affaire similaire, en l’occurrence
celle d’une autre compagnie à bas coûts, Easyjet, condamnée en 2010
à verser plus d’1,4 million d’euros pour avoir employé plus de 170
salariés sous contrat britannique à un aéroport à Paris. et de la construction. Manifestement, l’harmonisation des dispositions sociales, s’agissant en particulier des droits des travailleurs et de leur protection, ne progresse pas au même rythme que la libéralisation du marché, facteur essentiel à l’intégration économique européenne. Ce constat est d’autant plus pertinent à la lumière de la mondialisation et de la crise économique actuelles.

4. Défendre les normes sociales européennes dans le contexte de la mondialisation et de la crise économique

18. La mondialisation, qui tournait à plein régime à partir du milieu des années 1990, a stimulé la croissance économique dans son ensemble et, par moments, entraîné une augmentation des emplois. Toutefois, les emplois ainsi créés n’ont pas tous été de nature à assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et à leurs familles ou à lutter contre la pauvreté. Les emplois précaires et peu sûrs d’aujourd’hui ralentissent la création de richesse nationale et ne peuvent pas suffisamment garantir le financement des systèmes de protection sociale, d’où une aggravation des déséquilibres existants. La crise économique n’a fait que aggraver encore la situation.

4.1. Une «crise des emplois»: risques de dumping social rampant liés à des problèmes structurels et à l’économie informelle

19. La tendance mondiale à rechercher une main d’œuvre à bas prix et à maximiser la valeur actionnariale des sociétés comprime les niveaux de rémunération en général et pèse lourdement sur les systèmes de protection sociale au moment où les recettes diminuent alors que le montant des prestations distribuées augmente. Ceci pourrait éventuellement conduire au dumping social. De telles pratiques concernent des salaires, des contributions sociales, des horaires de travail, des conditions de travail et des coûts liés à l’application de la réglementation sociale. Certains dirigeants d’entreprise choisissent délibérément d’appliquer des stratégies de profits à court terme qui entraînent des licenciements et une baisse de la qualité des produits, ce qui risque au final de mettre en péril la compétitivité à long terme et la viabilité d’entreprises européennes.
20. En outre, bien que les pertes d’emploi aient été considérables depuis le début de la crise mondiale, le chômage affichait déjà des taux élevés avant la crise dans de nombreux pays d’Europe. Ce qui était du «chômage ordinaire» est devenu un problème structurel plus pernicieux avec la montée en flèche des taux de chômage de longue durée et des jeunes. Cela signifie que les défis du marché du travail persisteront alors même que l’économie mondiale marque une reprise et que des mesures sont particulièrement nécessaires pour endiguer le chômage structurel, en plus de dynamiser la création d’emploi à court terme. Dans le même temps, «les normes internationales du travail doivent être préservées et promues si l’on veut que le monde sorte de la crise économique et de l’emploi», comme l’a affirmé le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder, en octobre 2012 lors de son entrée en fonction.
21. Le travail non déclaré qui fait partie de l’économie informelle est un problème majeur dans toute l’Europe. Comme le fait observer l’Assemblée dans le rapport sur «L’économie souterraine: une menace pour la démocratie, le développement et l’Etat de droit» (Doc. 12700), «Non seulement […] le travail non déclaré cause de graves frictions et pose des problèmes de sécurité pour l’ensemble de la société, mais il désorganise aussi le fonctionnement des systèmes nationaux de couverture sociale et sape le bon respect des normes fondamentales du travail par les entreprises».
22. Le rapport note que les communautés roms et d’autres groupes vulnérables (comme les minorités et les migrants) sont confrontés à un risque particulièrement élevé de «se tourner vers l’économie informelle lorsqu’ils doivent absolument trouver au minimum de quoi survivre». C’est tout particulièrement vrai en période de crise économique dans la mesure où la perte d’emplois dans le secteur structuré de l’économie favorise la création d’emplois dans le secteur informel. D’après l’OIT, la part de l’emploi informel reste élevée, à plus de 40 % dans deux tiers des pays émergents et en développement 
			(9) 
			«Rapport sur le travail
dans le monde 2012: de meilleurs emplois pour une économie meilleure»,
OIT.. Dans les pays développés, l’économie informelle représente en 2013 environ 18,4 % du produit intérieur brut (PIB) au sein de l’Union européenne et 8,6 % en Australie, au Canada, au Japon, en Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis 
			(10) 
			«La transition de l’économie
informelle vers l’économie formelle», OIT, première édition 2013. .
23. Qui plus est, au moins 21 millions de personnes dans le monde sont victimes de travail forcé et d’exploitation dans l’industrie du sexe, l’agriculture, la construction, le travail domestique, la pêche et la production manufacturée. Parmi elles, 9 millions sont victimes de la traite à l’intérieur d’un même pays ou de la traite internationale et un quart (5,5 millions) sont des mineurs. Selon les estimations, le travail forcé concerne 1,5 personne sur 1 000 dans l’Union européenne et 4 pour 1 000 dans les pays d’Europe centrale, de l’Est et du Sud-Est 
			(11) 
			«Renforcer la lutte
contre le travail forcé», OIT, première édition 2013, et Résolution 1922 (2013) de l’Assemblée sur la traite des travailleurs migrants
à des fins de travail forcé. .

4.2. La résurgence du travail des enfants en Europe

24. La pauvreté et la précarité des familles augmentant de façon ininterrompue, l’on constate à présent de plus en plus une résurgence du travail des enfants en Europe. Le travail des enfants non déclaré – et souvent sous-payé – se développe dans les zones urbaines et rurales les plus pauvres ou défavorisées d’Europe du Sud et parmi la population immigrée. Ce phénomène constitue non seulement une violation des normes fondamentales du travail de l’OIT et de la Charte sociale européenne (qui interdit le travail des enfants de moins de 15 ans) mais prive également les enfants concernés de scolarité et de perspectives de développement et les expose à des mauvais traitements, à des risques pour la santé et à l’exploitation au sein de réseaux criminels.
25. Selon le rapport d’une administration locale publié en 2011 sur la situation du travail des enfants à Naples et dans la région de Campanie, plus de 54 000 enfants avaient quitté le système éducatif entre 2005 et 2009; 38 % d’entre eux avaient moins de 13 ans. La Confédération italienne des syndicats de travailleurs (CGIL) estime qu’environ 300 000 enfants âgés de 8 à 16 ans sont employés illégalement dans toute l’Italie 
			(12) 
			L’âge
minimum légal pour travailler en Italie est de 15 ans., principalement dans les régions méridionales. Selon une autre étude datant de juin 2013, pas moins de 5,2 %, ou 260 000 enfants de moins de 16 ans travaillent 
			(13) 
			Voir
l’étude «Game over» de l’ONG Save the Children Italie, juin 2013. .
26. D’autres pays d’Europe, dont Chypre, la Grèce, le Portugal et la Turquie, sont concernés par la résurgence du travail des enfants 
			(14) 
			Dans son rapport du
23 septembre 2013, l’OIT estime qu’il y a dans le monde 168 millions
d’enfants astreints au travail – dont 120 millions sont âgés de
5 à 14 ans et 85 millions (âgés de 5 à 17 ans) effectuent des travaux
dangereux. Voir aussi l’étude de l’OIT sur «Enfants dans les travaux
dangereux: ce que nous savons, ce que nous devons faire», publié
à Genève en 2011.. En juillet 2012, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’inquiétait que les mesures d’austérité au Portugal avaient entraîné un accroissement de la pauvreté chez les enfants, une hausse des taux de décrochage scolaire et une résurgence du travail des enfants. Dans son communiqué de presse d’août 2013 
			(15) 
			Voir
le communiqué de presse du Commissaire aux droits de l’homme «Le
travail des enfants n’a pas disparu en Europe», 20 août 2013., le Commissaire fait référence aux chiffres de l’UNESCO selon lesquels en Géorgie, 29 % des enfants de 7 à 14 ans travaillent, cette proportion étant de 19 % en Albanie. En Fédération de Russie, près d’un million d’enfants seraient concernés. Cependant, sur un plan général, les données fiables sur le travail des enfants dans les pays européens sont très lacunaires et ce phénomène semble être un «sujet tabou», comme l’ont constaté tant le Commissaire que l’OIT 
			(16) 
			«Mesurer les progrès
de la lutte contre le travail des enfants – estimations et tendances
mondiales 2000-2012», 23 septembre 2013, Programme international
pour l’abolition du travail des enfants, OIT..
27. Il est particulièrement alarmant de voir que nombre des enfants qui travaillent en Europe sont employés à des activités dangereuses dans les secteurs de l’agriculture et du bâtiment, dans de petites fabriques, des entreprises familiales ou dans la rue. Le Commissaire souligne ainsi le cas d’enfants amenés à travailler dans l’industrie du tabac en Bulgarie ou à participer aux travaux de récolte en République de Moldova et pointe du doigt les horaires de travail excessifs au Royaume-Uni. Ce phénomène a aussi été observé, par exemple, en Albanie, en Géorgie, au Monténégro, en Roumanie, en Serbie, en Turquie et en Ukraine.

4.3. Emploi précaire

28. Outre les quelques 27 millions de chômeurs dans l’Union européenne à elle seule (soit environ 11 % de la population active, mais avec un chômage des jeunes s’élevant en moyenne à 23 %), l’Europe est confrontée à un problème croissant de sous-emploi et d’emploi précaire dû aux emplois peu rémunérés et à temps partiel non choisis et aux contrats à court terme 
			(17) 
			Chiffres
d’Eurostat pour l’UE–28 du juillet 2013; le taux de chômage des
jeunes exprime le nombre de chômeurs âgés de 15 à 24 ans en pourcentage
de la population active du même âge.. Cette ruée du marché vers une main d’œuvre peu coûteuse entraîne une augmentation spectaculaire de la pauvreté non seulement parmi les chômeurs et les personnes sous-employées mais aussi parmi celles qui ont un emploi à plein temps mais sont pourtant des travailleurs à bas prix («les travailleurs pauvres»). De plus, comme l’a souligné le président du Comité européen des Droits sociaux (CEDS) à la Conférence du Conseil de l’Europe sur l’élimination de la pauvreté le 17 octobre 2012, la baisse des revenus issus du travail et des prestations sociales – due à la crise économique et aux programmes d’austérité – pénalise des familles entières en réduisant leur accès aux services publics essentiels, en contribuant à la pauvreté des enfants et en les exposant au risque de perdre leur logement.
29. Cette tendance est accentuée par la délocalisation des entreprises vers des pays où la main d’œuvre est meilleur marché et les normes en matière de protection sociale moins strictes – y compris parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe dont les niveaux de rémunération moyens et les législations sociales diffèrent très largement. Ainsi, les bénéfices en matière d’emploi pour un pays se traduisent presque automatiquement par des pertes d’emplois et de ressources dans les pays qui subissent les effets de la délocalisation. En outre, la possibilité de délocaliser est parfois utilisée par les employeurs pour comprimer les niveaux de salaires et les conditions d’emploi des salariés en place, ce qui entraîne de fait un dumping social.
30. De même, le dumping social se produit aussi lorsque des travailleurs étrangers arrivent d’un pays où la protection sociale et les salaires sont moins élevés que ceux qui sont pratiqués dans le pays hôte. Ces travailleurs en quête d’emploi à l’étranger seront plus enclins à accepter des conditions de travail défavorables dans le pays hôte que les travailleurs locaux, ce qui entraîne à son tour une pression négative sur les salaires minimum ou moyens et sur les clauses du contrat. En plus, dans la plupart des cas, les conditions acceptées sont illégales, car elles sont non-conformes aux conventions collectives qui sont valables pour tous les employeurs et employées d’un secteur.
31. Dans le même temps, les pays européens doivent faire face à d’énormes pressions externes en raison de l’ouverture du système commercial mondial qui encourage la mobilité des travailleurs, des entreprises et des capitaux, et la concurrence fondée sur le plus petit dénominateur commun en matière de législation du travail. Il est de l’intérêt des pays européens comme de leurs partenaires commerciaux internationaux parmi les pays en développement de faire en sorte que le travail décent soit systématiquement inclus dans les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux. Comme il est indiqué dans le document final de la Conférence parlementaire 2012 sur l’OMC, «[i]l faut que le couplage commerce/emploi soit bien pris en compte dans l’ensemble du système commercial multilatéral, en vue d’appliquer pleinement les normes essentielles de l’OIT relatives au travail et de faciliter la mobilité du travail».

4.4. Concurrence équitable: «emplois plus nombreux et de meilleure qualité» contre protectionnisme

32. La libéralisation économique persistante – élément indissociable de la mondialisation – a accentué l’interdépendance des Etats et a rendu ces derniers plus dépendants des marchés financiers et commerciaux internationaux. Alors que le rôle de l’Etat dans l’économie nationale a dans l’ensemble diminué, la puissance des entreprises, en particulier des multinationales, s’est considérablement accrue. Si les Etats continuent d’être les instances de réglementation prépondérantes à l’intérieur de leurs frontières et les principaux négociateurs des accords internationaux, les grandes entreprises et certaines institutions financières exercent quant à elles une influence non négligeable sur les modalités de la concurrence internationale et de l’intégration économique.
33. Ce processus s’est traduit par des gains et pertes très irréguliers sur le plan des emplois, du revenu et des conditions de travail, avec dans l’ensemble des disparités croissantes, au sein même des Etats et entre eux, au détriment des travailleurs peu qualifiés ou sans qualification, moins protégés ou moins flexibles. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ces disparités sont principalement dues à l’évolution des marchés du travail, en particulier en ce qui concerne les bénéfices, dans un contexte de mondialisation de l’économie, aux changements technologiques liés au savoir-faire, aux réformes institutionnelles et réglementaires (à titre d’exemple, les salaires minimum ont baissé) et aux changements de la structure de l’emploi, de la composition des ménages (plus grand nombre de familles monoparentales), et des systèmes d’imposition et de prestations sociales.
34. Les études révèlent également une érosion du bien-être au travail et un nombre croissant de cas d’épuisement au travail, maladies, accidents et même suicides résultant de pressions de plus en plus fortes dans le cadre professionnel. Des chercheurs français ont mis en lumière un lien de causalité direct entre insécurité de l’emploi et suicide, tandis que des psychologues américains ont commencé à employer le terme «d’éconocide» (ou suicide économique) pour caractériser la vague de suicides induite par l’actuelle crise économique et la perte d’emplois 
			(18) 
			Voir
des articles «Confronting the stigma of suicide at work», The Guardian, 9 octobre 2009, et
«“Econocide” to surge as recession bites», BBC news, 11 mars 2009;
et <a href='http://www.hazards.org/suicide/'>www.hazards.org/suicide/</a>. . En effet, en raison de taux plus élevés d’anxiété, de dépression, de sentiment de désespoir et de baisse de l’estime de soi, le risque de mortalité par suicide des chômeurs est deux à trois fois plus élevé que celui des personnes occupant un emploi. Par ailleurs, la détresse psychologique au travail, le harcèlement moral et physique sur le lieu de travail et la pression productiviste contribuent également à une augmentation des suicides, des blessures, des dépressions et à une détérioration de la santé en général 
			(19) 
			Voir
«Analysis of the determinants of workplace occupational safety and
health practice in a selection of EU Member States», 2013, <a href='https://osha.europa.eu/en/publications/reports/analysis-determinants-workplace-OSH-in-EU/view'>https://osha.europa.eu/en/publications/reports/analysis-determinants-workplace-OSH-in-EU/view</a>, et «Impact of the crisis on working conditions in Europe»,
2013, <a href='http://www.eurofound.europa.eu/ewco/studies/tn1212025s/index.htm'>www.eurofound.europa.eu/ewco/studies/tn1212025s/index.htm</a>..
35. Le mal-être au travail et les accidents professionnels semblent plus fréquents face à une forte augmentation des charges de travail, durant les phases de restructuration des entreprises ou encore lorsque les politiques internes des entreprises négligent les conditions de travail. Les exemples de catastrophes humaines liées au travail abondent tant en Europe que chez ses partenaires commerciaux, en particulier dans les pays en développement. Ainsi depuis 2008, plus de 60 salariés d’Orange, l’entreprise française de télécommunications, se sont suicidés; 1 133 personnes au moins ont péri et plus de 2 500 ont été blessées (beaucoup de handicapés à vie) dans l’effondrement en avril 2013 de l’immeuble vétuste qui abritait une usine de vêtements à Dhaka (Bangladesh) et des centaines de travailleurs meurent chaque année dans des usines chinoises en raison de conditions de travail déplorables 
			(20) 
			Foxconn
est un exemple emblématique. Ses usines produisent des composants
électroniques pour de célèbres marques occidentales comme Apple,
Nokia, Motorola et Dell. Les médias ont fait état de nombreux cas
de suicides, blessures, intoxications aux produits chimiques et
aux métaux lourds, d’épuisement dus aux horaires de travail lourds (plus
de 60 heures par semaine) et de maltraitance physique sur le lieu
de travail. . Les troubles sociaux sont également en pleine recrudescence dans la plupart des pays par rapport à la période d’avant la crise: le risque étant plus marqué au sein des pays de l’Union européenne (passant de 34 % en 2006-2007 à 46 % en 2011-2012 parmi les 71 économies pour lesquelles nous disposons de données pertinentes) 
			(21) 
			Voir
«Rapport sur le travail dans le monde 2013: Restaurer le tissu économique
et social», OIT, Institut international d’études sociales, 2013..
36. Cela indique que les effets positifs de l’ouverture des marchés et du libre-échange ne sont pas automatiques et qu’ils ne sont pas partagés de façon égale dans la société. Comme il ressort d’une étude conjointe de l’OCDE, l’OIT, la Banque mondiale et l’OMC, «pour que le soutien à l’ouverture des marchés perdure, (...) les coûts associés à la réaffectation du travail et du capital doivent être reconnus et des politiques mises en place pour aider les travailleurs et les communautés à s’adapter à un environnement plus concurrentiel» 
			(22) 
			«Seizing the benefits
of trade for employment and growth», rapport final de l’OCDE, de
l’OIT, de la Banque mondiale et de l’OMC au Sommet du G20 à Séoul
(Corée du Sud), 11-12 novembre 2010..
37. Une concurrence internationale accrue et davantage de dynamisme des concurrents mondiaux constituent des enjeux cruciaux pour de nombreux pays d’Europe: tous les acteurs de la chaîne de valeur – entreprises, associations professionnelles, responsables politiques et travailleurs – doivent s’adapter aux besoins du marché du travail qui évoluent rapidement, tout en s’efforçant de consolider les acquis et progrès sociaux. Les «règles du jeu» mondiales que les pays européens ont acceptées en devenant membres de l’OMC sont peu tolérantes vis-à-vis du protectionnisme ou de la discrimination quelle qu’elle soit. Pourtant, les règles de l’OMC ainsi que le mécanisme de règlement des différends qui lie les Parties ne prennent pas en compte de manière adéquate les droits humains et les valeurs fondamentales tels les droits relatifs au travail et à la protection sociale.
38. L’Europe, qui est une référence mondiale en matière de défense des droits humains, doit œuvrer pour ancrer les principes des droits humains de façon plus explicite dans le système commercial multilatéral. En d’autres termes, les pays européens devraient exporter non seulement des biens et des services, mais aussi les valeurs qui leur sont chères. L’Union européenne en particulier peut recourir aux accords commerciaux bilatéraux pour promouvoir le commerce équitable et inciter fermement ses partenaires commerciaux à respecter les droits liés au travail 
			(23) 
			L’Union
européenne est tenue, dans l’élaboration et la mise en œuvre de
son action extérieure, de respecter les droits humains et de soutenir
le développement durable sur le plan économique, social et environnemental
des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté
(article 21(2) et (3) du Traité sur l’Union européenne et article 207
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). . Dans le cas de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne d’une part et la Colombie et le Pérou d’autre part (en vigueur depuis août 2013), certaines clauses font explicitement référence aux droits humains et aux normes du travail. Ainsi, l’article 269 de l’accord stipule que les parties réaffirment leur engagement «à promouvoir le développement du commerce international d’une manière qui contribue à l’emploi productif et au travail décent pour tous» 
			(24) 
			La Colombie doit faire
face à un héritage particulièrement lourd s’agissant des agressions
à l’encontre de syndicalistes perpétrées par des groupes paramilitaires:
au cours des dernières décennies, plus de 2 000 syndicalistes ont
été tués. .
39. Les pays en développement ont eux aussi le devoir de contribuer à une «mondialisation équitable fondée sur le travail décent», comme le souligne la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable du 10 juin 2008. Par cette Déclaration, les membres de l’OIT ont convenu que la violation des principes et droits fondamentaux au travail ne saurait être invoquée ni utilisée en tant qu’avantage comparatif et que les normes du travail ne sauraient servir à des fins commerciales protectionnistes. Une situation avantageuse pour les pays en développement et les pays développés peut être obtenue si tous les Etats acceptent d’appliquer de façon appropriée les normes fondamentales du travail et tendent vers un développement économique et social de qualité. Les circuits européens pour l’attribution des marchés publics et de l’aide au développement pourraient être mieux utilisés pour promouvoir la solidarité et les droits du travail.
40. En outre, les Européens devraient s’efforcer de faire face à la concurrence en s’appuyant sur une qualité supérieure, la valeur ajoutée, une réglementation efficace, une meilleure organisation sur le lieu de travail et une innovation renforcée plutôt qu’en se positionnant sur le terrain du coût de la main d’œuvre, de façon à tirer meilleur profit d’un nivellement par le haut et non par le bas. Seule la concurrence loyale, non abusive, peut être un vecteur de progrès social pour l’Europe et ses partenaires commerciaux. Comme l’a montré le débat de l’Assemblée sur les droits humains et les entreprises en octobre 2010, l’Europe doit s’intéresser de plus près aux droits des entreprises et à leurs responsabilités envers la société, et avant tout à l’égard des pays tiers 
			(25) 
			Voir le rapport de
M. Holger Haibach (Doc.
12361) et l’avis de M. Tuur Elzinga (Doc. 12384).. Compte tenu du consensus général croissant à cet égard, les responsabilités sociales des entreprises doivent être précisées et renforcées, et s’accompagner d’un encadrement approprié de la part des Etats et des autorités européennes. A cet égard les lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales offrent un bon cadre, dans lequel les attentes de la communauté internationale envers les entreprises multinationales sont assez bien détaillées.

4.5. Mise en œuvre des normes sociales européennes pour ancrer la notion de travail décent et lutter contre le dumping social

41. Les normes sociales européennes sont clairement énoncées dans la Charte sociale européenne, texte juridique de référence qui définit des critères pour veiller au respect du modèle social européen, notamment en ce qui concerne la législation du travail et la protection sociale. La Charte lie actuellement 43 Etats membres du Conseil de l’Europe qui l’ont ratifiée (à l’exception du Liechtenstein, de Monaco, de Saint-Marin et de la Suisse). La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne fait explicitement référence à la Charte sociale européenne. Toutefois, l’adhésion de l’Union européenne à la Charte sociale européenne améliorerait considérablement la cohérence des mesures nationales prises pour mettre en œuvre les engagements internationaux 
			(26) 
			La résolution du Parlement
européen du 19 mai 2010 sur les aspects institutionnels de l’adhésion
de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des
droits humains et des libertés fondamentales (2009/2241(INI)) «note
que l’adhésion de l’Union à la CEDH implique la reconnaissance par
l’Union européenne de l’ensemble du système de protection des droits
humains, tel qu’il a été développé et codifié dans des nombreux
documents et organismes du Conseil de l’Europe; en ce sens, l’adhésion
de l’Union à la CEDH constitue un premier pas essentiel qui devrait
ensuite être complété par l’adhésion de l’Union à, entre autres,
la Charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961
et révisée à Strasbourg le 3 mai 1996, en cohérence avec les acquis
déjà consacrés dans la Charte des droits fondamentaux ainsi que
dans la législation sociale de l’Union» (paragraphe 30 du P7_TA(2010)0184). et éviterait que des messages contradictoires ne soient envoyés aux Etats membres sur l’harmonisation de la législation nationale avec les normes sociales et la jurisprudence européennes 
			(27) 
			En témoigne la décision
du 20 novembre 2013 du Comité européen des Droits sociaux, qui a
estimé que les modifications de la législation suédoise, à la suite
de l'arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l'affaire Laval,
étaient contraires aux dispositions de la Charte sociale européenne
sur la liberté syndicale, le droit de négociation collective et
le droit de mener des actions collectives..
42. En 2012, le Comité européen des Droits sociaux a attiré l’attention de notre Assemblée sur un certain nombre de cas de non-conformité aux dispositions de la Charte, notamment en ce qui concerne les normes en matière de travail. En tant que rapporteur de l’Assemblée sur le travail décent, j’aimerais mettre en exergue la liste de conclusions pertinentes figurant en annexe, et j’exhorte les parlements des pays concernés à adapter leur législation nationale. Dans ce contexte, je salue également l’organisation par la sous-commission sur la Charte sociale européenne du séminaire parlementaire du 18 octobre 2013, qui fut l’occasion fort utile d’attirer l’attention des commissions parlementaires nationales chargées des droits sociaux sur la nécessité d’«améliorer les conditions de travail des jeunes travailleurs (de moins de 18 ans)» afin de les mettre en conformité avec l’article 7 de la Charte (Droit des enfants et des adolescents à la protection). En 2012 et 2013, le Comité européen des Droits sociaux a conclu à des non-conformités avec les dispositions de la Charte relatives «à l’emploi, à la formation et à l’égalité des chances» et «à la sécurité et à l’hygiène dans le travail» dans la quasi-totalité des pays 
			(28) 
			Voir <a href='http://www.coe.int/T/DGHL/Monitoring/SocialCharter/Conclusions/ConclusionsIndex_fr.asp'>www.coe.int/T/DGHL/Monitoring/SocialCharter/Conclusions/ConclusionsIndex_fr.asp</a>. .
43. En outre, il convient de prendre acte de certaines décisions récentes adoptées par le Comité européen des Droits sociaux. Le Comité a notamment estimé que le droit de grève est limité dans plusieurs secteurs de l’économie bulgare et suédoise d’une façon qui n’est pas conforme à la Charte et que le nouveau contrat d’apprentissage (qui comporte des clauses abusives concernant la résiliation du contrat sans préavis ni indemnité) et la réglementation instituant un salaire minimum différent pour les jeunes travailleurs, instaurés en 2010 dans le cadre du programme d’austérité en Grèce, ne sont pas conformes aux dispositions de la Charte. Si les décisions du Comité ne lient pas les Parties ayant accepté la procédure de réclamations collectives, elles n’en constituent pas moins une obligation légale pour les Etats concernés d’adapter leur législation interne en conséquence.
44. De nombreux Etats membres ont mis en place des dispositions relatives au salaire minimum 
			(29) 
			Seuls
10 pays (Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie,
Liechtenstein, Norvège, Suède et Suisse) en Europe n’ont pas de
salaire minimum. L’Allemagne fixe, dans une certaine mesure, des
salaires minimum par le biais de conventions collectives et prévoit
d’instaurer un salaire minimum national d’ici 2017. Les salaires
mensuels minimum varient considérablement en Europe: de 42 € en
Géorgie, 58 € en République de Moldova, 87 € en Arménie, 112 € en Ukraine
et 132 € dans la Fédération de Russie, à 173 € en Bulgarie (le plus
faible de l’Union européenne), 566-684 € au Portugal et en Grèce,
1 594 € à Monaco et 1 921 € au Luxembourg (le plus élevé de l’Union
européenne). Sources: Fédération des Employeurs européens, Eurostat
(données pour la période 2011-2012)., des mesures d’incitation visant à augmenter le taux d’activité et la durée de la vie professionnelle, ainsi que des accords de flexibilité du temps de travail, des garanties juridiques entourant le principe «à travail égal, salaire égal» et des obligations imposées aux employeurs en matière de formation ou de reconversion des salariés. Certains pays ont également instauré des mécanismes de soutien ciblé en versant un complément pour les bas salaires payés dans le secteur privé ou en prévoyant des allègements fiscaux pour les cotisations patronales et la création d’emplois pour les catégories sociales les plus défavorisées (en matière d’emploi) comme les jeunes et les handicapés. Il est essentiel que ce soutien ciblé soit clairement lié aux obligations pour l’employeur de fournir, préserver et améliorer des perspectives et des conditions d’emploi à long terme de façon que les objectifs sociaux soient pleinement atteints, plutôt que de simplement accroître les bénéfices des sociétés privées qui refusent de payer des salaires décents
45. La Recommandation n° 202 du 14 juin 2012 de l’OIT contient d’importantes pistes d’action concernant les socles nationaux de protection sociale qui fixent les garanties élémentaires de sécurité sociale définies au niveau national découlant de traités relatifs aux droits humains et conçues en fonction du niveau de développement d’un pays 
			(30) 
			Selon
le rapport sur le «Travail dans le monde 2013: Restaurer le tissu
économique et social» de l’OIT, près de la moitié des 151 pays étudiés
ne disposent pas d’un système universel de salaire minimum et là
où une législation relative au salaire minimum existe, une action
énergique est souvent nécessaire pour en garantir l’application.. Cette nouvelle norme internationale associe plus étroitement les politiques sociales et de l’emploi; elle vise à garantir l’accès à des soins de santé essentiels et une sécurité minimale de revenu (via les transferts monétaires, les services publics ou l’aide au logement) afin d’empêcher ou de réduire la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale. Elle est destinée explicitement aux personnes travaillant dans l’économie informelle ainsi que dans l’économie formelle, qui devraient tous bénéficier de la sécurité sociale. Dans le même temps, elle œuvre pour la croissance de l’emploi formel et la réduction de l’informalité. Le Comité de la protection sociale de l’Union européenne a inclus les socles de protection sociale dans son programme de travail pour des actions intra-européennes et extérieures.

4.6. Incidence de la dérégulation sur le travail et la protection sociale: la flexicurité est-elle une réponse?

46. Compte tenu des tensions de longue date entre la demande d’une plus grande flexibilité des marchés du travail et l’aspiration de la population à bénéficier de sécurité et protection sociales, la flexicurité est apparue comme une solution providentielle en Europe puisqu’elle offrirait «le meilleur des deux mondes». A l’origine une caractéristique des programmes de réforme mis en place au Danemark et aux Pays-Bas dans les années 1990, la flexicurité a été adoptée par l’Union européenne en 2007 en tant que stratégie du marché du travail.
47. Toutefois, l’aspect flexibilité avait gagné du terrain sur l’aspect sécurité bien avant dans un certain nombre de pays de l’Union européenne (notamment en Allemagne, en Espagne et au Royaume Uni) et dans tous les pays d’Europe centrale et orientale (dans le cadre de leur transition vers l’économie de marché). La crise économique qui est survenue a rapidement fragilisé les programmes de protection sociale, entraînant ainsi un déséquilibre encore plus grand entre flexibilité et sécurité. S’agissant des «contrats zéro heure» au Royaume-Uni, la flexibilité est poussée à l’extrême. Dans ce cas de figure, les salariés travaillent «à la demande», ce qui signifie qu’ils ne bénéficient d’aucune garantie de revenu régulier, d’horaire de travail ni de protection sociale 
			(31) 
			La demande
de «contrats zéro heure» ne fait que croître. Selon les estimations
officielles, 250 000 personnes travaillent sous contrat de ce type
au Royaume-Uni. Cependant, le Chartered Institute of Personnel and
Development (CIPD) indique que le pays pourrait en fait compter
près d’un million de «contrats zéro heure». On estime que 37 % des personnes
concernées ont entre 16 et 24 ans.. Si la flexicurité doit rester une stratégie valable, il est urgent de rétablir cet équilibre dans de nombreux pays européens aux prises avec le chômage, la pauvreté et les budgets d’austérité.
48. A cet égard, l’expérience suédoise 
			(32) 
			Voir l’article sur
«La Suède: le nouveau modèle», dans le dossier spécial de The Economist du 13 octobre 2012. avec la dérégulation, la discipline budgétaire et une vaste réforme de l’Etat-providence, fournit des indications intéressantes pour d’autres pays européens. D’un pays en stagnation basé sur les prestations sociales dans les années 1990, la Suède s’est transformée en une économie dynamique présentant des inégalités encore faibles, même si elles ont rapidement augmenté ces dernières années. Le facteur clé de ce succès a été un dialogue social très développé entre les syndicats et les employeurs pour négocier des salaires minimum différenciés dans divers secteurs et une redistribution optimisée par l’Etat en vertu de laquelle des charges plus faibles (en particulier pour les emplois peu qualifiés) et des prestations sociales moins généreuses incitent tout le monde à travailler. Une catégorie de bas salaires pour les emplois peu qualifiés est atténuée par des services publics solides et particulièrement efficaces qui apportent un soutien financier à la protection sociale des enfants, l’éducation, la formation et la recherche d’emploi, parmi tant d’autres. Enfin, les prestations du régime national de retraites ont été indexées sur la croissance économique du pays et donc sur les recettes budgétaires.

5. Nécessité d’une meilleure reconnaissance du capital social et d’une approche intégrée du travail décent et du développement

49. Le travail est un aspect de plus en plus important de nos vies. Même les frontières entre vie privée et vie professionnelle s’estompent désormais avec l’avènement des nouvelles technologies qui permettent une connectivité en temps réel avec le lieu de travail et facilitent le télétravail. Les décisions d’ordre professionnel prises tant par les employeurs que par les salariés ont de ce fait des répercussions cruciales sur toute la société. Il n’est plus possible de considérer les travailleurs comme un simple «poste de dépense» dans les livres de comptes. Leur travail crée de la valeur pour la société dans son ensemble et leur rôle mérite d’être pleinement reconnu en tant que capital social aussi essentiel pour le développement que le capital physique.
50. Le monde du travail et la société dans son ensemble doivent mieux apprécier les individus pour le potentiel qu’ils offrent: si nous voulons préserver la paix et la cohésion sociales, il convient impérativement de moderniser le contrat social en adoptant une approche intégrée du travail décent et du développement. Les changements structurels auxquels est confrontée notre société risquent de porter gravement préjudice au tissu social, mais ils peuvent aussi susciter l’élaboration de stratégies fondées sur le travail décent en mettant à profit les interdépendances entre les pays pour agir en faveur d’un développement plus équilibré.
51. Les médias et les réseaux sociaux ont transformé les modes de communication et d’information et la manière de travailler des individus. Ces outils peuvent également contribuer à faire pression sur les gouvernements pour qu’ils intègrent dans leurs politiques des stratégies en faveur du travail décent, et sur les employeurs afin qu’ils respectent les droits fondamentaux au travail. A l’ère de l’information, quelques secondes suffisent pour informer chaque foyer des violations du droit du travail et susciter en retour une révolte civique susceptible de mettre à mal la notoriété publique des auteurs des abus. Ce pouvoir dont jouit la base ne devrait pas être sous-estimé – d’abord et avant tout – par les travailleurs eux-mêmes. Les institutions internationales peuvent également recourir plus activement aux médias électroniques pour organiser des campagnes publiques de promotion du travail décent afin de soutenir ou de stimuler l’action des gouvernements.
52. Les acteurs du monde des entreprises sont bien entendu sceptiques et hésitent face aux changements et les demandes des travailleurs. Mais le jeu se joue à deux: toute personne qui travaille est également un client potentiel qu’aucune logique d’entreprise ne peut se permettre de négliger. Des salariés heureux, dévoués et loyaux créent davantage de valeur pour l’entreprise en raison de leur plus grande efficacité, d’une créativité récompensée et d’un moindre taux d’absentéisme et d’accidents du travail. A l’évidence, dans la plupart de cas, ce qui est bon pour les salariés l’est également pour l’entreprise. Les petites entreprises, qui constituent la grande majorité des employeurs dans le monde, devraient recevoir de la part des gouvernements des signaux politiques clairs les incitant à créer des emplois, à appliquer une éthique d’entreprise plus forte et à investir dans les hommes et les femmes.

6. Remarques de conclusion sur les stratégies pour l’avenir

53. Le travail décent n’est pas une utopie des responsables politiques. Si nous voulons construire une société inclusive et prospère, tout un chacun doit avoir les mêmes chances de participer et de contribuer grâce à un travail respectueux des droits fondamentaux. La première mission des responsables politiques est donc de stimuler la création et la préservation d’emplois par l’intermédiaire de politiques structurelles actives, pour ne pas dire proactives. Sont concernés les outils macro-économiques, mais également les systèmes éducatifs, les services publics et les modèles de protection sociale. La théorie et la pratique confirment que les dispositions relatives au salaire minimum et les socles de protection sociale sont essentiels pour parvenir à équilibrer les efforts déployés par le secteur privé et le secteur public afin d’assurer une juste rémunération du travail, conforme au niveau de vie du pays.
54. L’aspect essentiel de l’agenda pour le travail décent a trait à la protection des droits au travail, tâche multidimensionnelle particulièrement complexe et exigeante. Les gouvernements n’ont pas d’autre choix que de prendre en compte les réalités de la mondialisation pour aider les employeurs à s’adapter aux pressions de la concurrence et garantir des règles du jeu équitables à toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes. Les politiques fiscales nationales doivent promouvoir une concurrence loyale. L’évasion fiscale des grandes entreprises et la rémunération déséquilibrée du capital et du travail sont les plus grands ennemis de la justice sociale et du partage équitable des bénéfices du commerce mondial.
55. Seul un environnement professionnel sain et sûr permet aux travailleurs de réaliser leur plein potentiel. Dans ce domaine, les gouvernements ne devraient faire aucune concession sur les normes de sécurité au travail et veiller à leur application scrupuleuse. Des inspections du travail régulières et effectives sont de ce fait déterminantes et doivent être soutenues en toutes circonstances. Elles ont un rôle particulier à jouer dans la détection du travail forcé, de l’emploi irrégulier et des pratiques abusives en matière de conditions de travail (s’agissant notamment des horaires, de la sécurité sur le lieu de travail et de la protection spéciale des personnes vulnérables, telles que les personnes handicapées, les mineurs et les migrants). Compte tenu du niveau de stress grandissant, les employeurs devraient être encouragés à revoir l’organisation du lieu de travail afin de parvenir à une répartition plus rationnelle de la charge de travail, des compétences et des tâches.
56. Le travail des enfants reste un problème dans le monde, où un enfant sur dix est concerné, mais aussi en Europe où les chiffres sont lacunaires mais néanmoins alarmants. Compte tenu de l’interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans – énoncée dans la Charte sociale européenne –, il est essentiel que les Etats membres du Conseil de l’Europe procèdent à une analyse approfondie de la situation. Pour traiter les racines du problème dans la réglementation du travail et les pratiques nationales et lutter contre la pauvreté des enfants, l’une des priorités majeures consiste à repérer les enfants employés à des tâches dangereuses.
57. Dans la plupart des pays, les jeunes sont confrontés à des difficultés particulières pour trouver des emplois assortis de conditions de travail satisfaisantes. Les stratégies de flexicurité justifient une plus grande flexibilité des politiques contractuelles en lien avec les allocations adéquates de chômage, mais ne devraient pas permettre de perpétuer les emplois précaires et les pratiques discriminatoires. Il convient d’inscrire dans la législation du travail des garanties supplémentaires afin d’assurer aux jeunes travailleurs un niveau minimum de sécurité de l’emploi et de protection sociale.
58. Les mécanismes de solidarité pour améliorer les filets de sécurité sociale, la reconversion et la mobilité des travailleurs ne relèvent pas exclusivement de la compétence des gouvernements. La redéfinition d’un contrat social adapté à une société moderne suppose un engagement plus fort du secteur privé, aux côtés des pouvoirs publics et de la société civile, pour défendre l’agenda pour le travail décent. Cette démarche implique un renforcement des obligations des entreprises en matière de responsabilité sociale et d’éthique, s’agissant en particulier des relations avec les sous-traitants et des stratégies d’approvisionnement dans des pays tiers où les risques d’exploitation de la main d’œuvre sont importants.

Annexe – Sélection de conclusions de non-conformité (2011) avec la Charte sociale européenne (révisée) (par le Comité européen des Droits sociaux)

(open)

Concernant la Charte sociale européenne révisée 1996:

Albanie 

Article 7.1: La définition des travaux légers autorisés par la loi n’est pas suffisamment précise, en ce qu’il manque une définition des types de travaux susceptibles d’être considérés comme tels ou une liste de ceux qui ne le sont pas.

Article 8.2: La réintégration n’est pas la règle dans les cas de licenciements motivés par une grossesse.

Arménie

Article 7.3: La durée journalière et hebdomadaire du travail pour les enfants soumis à l’instruction obligatoire est excessive.

(Autoriser des enfants à travailler le matin avant l’école est en principe contraire à l’article 7.3. Autoriser des enfants âgés de 15 ans, encore soumis à la scolarité obligatoire, à livrer des journaux le matin avant d’aller à l’école, à partir de 6 heures, et ce jusqu’à deux heures par jour, cinq jours par semaine, n’est pas conforme à la Charte. L’article 140 du code du travail fixe une durée de travail plus courte pour les jeunes âgés de 14 à 16 ans, à savoir 24 heures maximum par semaine. Le repos quotidien ne peut être, pour les jeunes de 14 à 16 ans, inférieur à 14 heures, ce qui signifie qu’ils peuvent travailler jusqu’à 10 heures par jour. Le Comité renvoie au cadre juridique minimal que constitue la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 du Conseil de l’Union européenne relative à la protection des jeunes au travail, qui dispose que le temps de travail des enfants doit être limité à deux heures par jour d’enseignement et à 12 heures par semaine pour les travaux effectués durant la période scolaire et en dehors des heures d’enseignement scolaire, dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales ne l’interdisent pas, et qu’en aucun cas le temps journalier de travail ne peut excéder sept heures. Par conséquent la durée de travail journalière et hebdomadaire admise pour les enfants encore soumis à l’obligation de scolarité est excessive et, partant, non conforme à l’article 7.3 de la Charte.)

Article 7.7: Les jeunes travailleurs peuvent renoncer aux vacances annuelles contre une compensation financière.

Article 27.3: La législation ne prévoit pas de possibilités de réintégration pour les travailleurs illégalement licenciés en raison de leurs responsabilités familiales.

Azerbaïdjan 

Article 8.1: Les périodes de chômage ne sont pas comptabilisées dans le calcul du temps de travail nécessaire pour bénéficier des prestations de maternité.

Bosnie-Herzégovine

Article 7.4: Une durée de travail de 40 heures par semaine pour des jeunes de moins de 16 ans est excessive.

(D’après le Comité, au regard de l’article 7.4, la législation interne doit limiter la durée de travail des jeunes de moins de 18 ans qui ne sont plus soumis à l’instruction obligatoire. Cette limitation peut découler de la législation, de règlementations, de contrats ou de la pratique. Pour les moins de 16 ans, une limite fixée à 8 heures par jour ou 40 heures par semaine est contraire à la présente disposition. En revanche, pour les plus de 16 ans, elle ne l’est pas. L’article 29 du code du travail de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, l’article 40.1 du code du travail de la Republika Srpska et l’article 22 du code du travail du District de Brcko fixent à 40 heures la durée hebdomadaire du travail. Cette disposition s’applique à tous les salariés et la législation en vigueur ne prévoit pas de durée plus courte pour les jeunes.)

Article 7.6: La législation ne considère pas le temps consacré à la formation professionnelle avec le consentement de l’employeur comme du temps de travail.

Bulgarie

Article 8.2: L’exception à l’interdiction de licencier une femme enceinte, en cas de délocalisation de l’entreprise pour laquelle elle travaille si elle décide de ne pas la suivre, est contraire à la Charte.

Article 8.5: Les femmes ayant récemment accouché et qui n’allaitent pas ne bénéficient pas de la possibilité d’un aménagement de leurs conditions de travail ou d’une réaffectation temporaire à un poste approprié.

Chypre

Article 19.6: Pour les travailleurs étrangers souhaitant faire venir leurs proches, l’obligation d’avoir résidé légalement pendant aux moins deux ans à Chypre est excessive.

(Les Etats peuvent imposer une certaine durée de résidence aux travailleurs migrants avant que leur famille les rejoigne, une période d’un an étant acceptable au regard de la Charte.)

Estonie

Article 19.6: La condition d’une durée de résidence de deux ans imposée aux travailleurs migrants qui ne sont pas ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat appartenant à l’Espace économique européen, est excessive.

(Les Etats peuvent imposer une certaine durée de résidence aux travailleurs migrants avant que leur famille les rejoindre, une période d’un an étant acceptable au regard de la Charte.)

Finlande

Article 8.2: La législation ne prévoit pas la réintégration des femmes licenciées illégalement durant la grossesse ou le congé de maternité.

Article 27.3: La législation ne prévoit pas de possibilités de réintégration pour les travailleurs illégalement licenciés en raison de leurs responsabilités familiales.

France

Article 7.2: La législation ne prévoit pas une interdiction absolue du travail avant 18 ans pour des activités dangereuses en dehors du cadre de la formation professionnelle ou si une telle formation n’a pas eu lieu au préalable.

Article 8.3: Les femmes employées dans la fonction publique n’ont pas droit à des pauses d’allaitement.

Article 19.6: La condition établissant que le ressortissant étranger qui souhaite être rejoint par sa famille proche doit séjourner régulièrement en France depuis dix-huit mois est excessive.

(Les Etats peuvent imposer une certaine durée de résidence aux travailleurs migrants avant que leur famille les rejoigne, une période d’un an étant acceptable au regard de la Charte.)

Irlande

Article 27.1: Les périodes de congé parental ne sont pas prises en compte dans le calcul de la pension.

Italie

Article 7.4: Une durée de travail de 40 heures par semaine pour des jeunes travailleurs âgés de 15 ans (durée permise par le Décret-législatif nº 345 du 4 août 1999) est excessive.

(Au regard de l’article 7.4, la législation interne doit limiter la durée de travail des jeunes de moins de 18 ans qui ne sont plus soumis à l’instruction obligatoire. Cette limitation peut découler de la législation, de règlementations, de contrats ou de la pratique. Pour les moins de 16 ans, une limite fixée à 8 heures par jour ou 40 heures par semaine est contraire à la présente disposition. En revanche, pour les plus de 16 ans, elle ne l’est pas.)

Article 8.3: Les employées de maison et les travailleuses à domicile n’ont pas droit à des pauses rémunérées pour allaiter leur enfant.

Pays-Bas

Article 19.8: Les membres de la famille d’un travailleur migrant qui se sont installés aux Pays-Bas à la suite d’un regroupement familial peuvent être expulsés (s’ils ne bénéficient pas d’un droit de résidence propre, ce qui n’est possible qu’après un séjour de trois ans selon la législation néerlandaise) lorsque ledit travailleur migrant fait l’objet d’une telle mesure.

(D’après le Comité, les membres de la famille du travailleur migrant qui ont rejoint celui-ci dans le cadre d’un regroupement familial ne peuvent être expulsés à titre de corollaire de l’expulsion dudit travailleur, car ils jouissent d’un droit de séjour sur ce territoire qui leur est propre.)

Norvège

Article 7.6: Les jeunes travailleurs n’ont pas droit à ce que leur temps de formation professionnelle soit rémunéré comme des heures de travail.

Portugal

Article 7.3: La durée journalière et hebdomadaire du travail pour les enfants soumis à l’instruction obligatoire est excessive.

(D’après la législation portugaise: entre 7 et 12 ans, 3 heures par jour et 9 heures par semaine, avec possibilité de relever ces deux plafonds de 3 heures si l’activité supplémentaire a lieu un jour où l’intéressé n’a pas classe; et entre 12 et 16 ans, 4 heures par jour et 12 heures par semaine, avec possibilité de relever ces deux plafonds de 3 heures si l’activité supplémentaire a lieu un jour où l’intéressé n’a pas classe. Référence est faite comme un cadre minimal à la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 sur la protection des jeunes au travail qui établit que le temps de travail des enfants doit être limité à 2 heures sur une journée d’école et 12 heures par semaine pour travaux effectués durant la période de temps en dehors des heures fixées pour la fréquentation scolaire, à condition que ce ne soit pas interdit par la législation nationale et/ou la pratique et que dans aucun cas, la durée quotidienne du travail n’excède sept heures. Il estime que pour les enfants âgés entre 7 et 16 ans, la durée journalière de travail est excessive et pour les enfants âgés de 12 à 16 ans, le nombre d’heures de travail hebdomadaires est excessif.)

République slovaque

Article 7.3: La définition des travaux légers autorisés par la loi n’est pas suffisamment précise.

Article 8.2: Les femmes peuvent faire l’objet d’une mesure de licenciement durant leur grossesse ou leur congé de maternité en cas de délocalisation des activités de l’entreprise qui les emploie.

Slovénie

Article 8.3: Les pauses d’allaitement ne sont pas rémunérées.

Suède

Article 7.9: La loi ne garantit pas un examen médical régulier de tous les jeunes travailleurs.

(En application de l’article 7.9, le droit interne doit prévoir un suivi médical régulier pour les travailleurs de moins de 18 ans employés à certaines occupations définies par la législation ou la réglementation nationales. Ce suivi doit être adapté à la situation spécifique des jeunes travailleurs et aux risques particuliers auxquels ils sont exposés.)

Turquie

Article 7.2: L’âge minimum d’admission à l’emploi pour certaines des occupations considérées comme dangereuses ou insalubres est inférieur à 18 ans.

Article 7.4: La durée de travail des enfants âgés de 15 ans ou moins est manifestement excessive.

(La loi nº 4857 sur le travail prévoit que les enfants de moins de 15 ans qui ont terminé leur scolarité primaire obligatoire et ne vont plus à l’école peuvent travailler à raison d’un maximum de 7 heures par jour et 35 heures par semaine. Ces limites peuvent être portées à 8 heures par jour et 40 heures par semaine pour les enfants âgés de 15 ans révolus. La durée de travail doit être assortie de modalités d’application qui garantissent aux enfants et aux jeunes qui travaillent une période minimale de repos de 14 heures consécutives par tranche de 24 heures. En période scolaire, les enfants qui vont à l’école peuvent travailler jusqu'à deux heures par jour et 10 heures par semaine. Une pause de 30 minutes est accordée lorsque la plage de travail est longue de 2 à 4 heures; elle passe à 60 minutes lorsque la durée du travail est comprise entre 4 heures et 7 heures 30.)

Article 8.2: Toutes les salariées n’ont pas droit à la réintégration en cas de licenciement illégal durant la grossesse ou le congé de maternité.

(D’après la loi nº 4857 sur le travail, en cas de licenciement illégal, les salariées titulaires d’un contrat à durée indéterminée qui ont travaillé moins de six mois dans la même entreprise, celles titulaires d’un contrat à durée indéterminée travaillant dans une entreprise de moins de 30 salariées et celles sous contrat à durée déterminée n’ont pas droit à la réintégration.)

Article 8.5: Les femmes enceintes, celles qui viennent d’accoucher et celles qui allaitent ne se voient accorder un congé sans solde que lorsque, la poursuite de leur activité habituelle s’avérant dangereuse dans leur état, elles ne peuvent être transférées sur un autre poste.

(Le Comité souligne que si la réaffectation des femmes enceintes ou allaitantes s’avère impossible, elles doivent avoir droit à un congé rémunéré.)

Article 27.2: La loi ne donne pas aux pères le droit à un congé parental d’éducation.

Ukraine

Article 7.1: La définition que donne des travaux légers la législation interne n’est pas suffisamment précise, car il manque une définition des types de travaux susceptibles d’être considérés comme tels ou une liste de ceux qui ne le sont pas.

Concernant la Charte Sociale Européenne de 1961:

Autriche

Article 19.6: L’exclusion du calcul des revenus du travailleur des prestations d’assistance sociale est de nature à faire obstacle au regroupement familial au lieu de le faciliter.

(Pour ce qui est de l’assistance sociale, le Comité considère que les travailleurs migrants disposant de revenus suffisants pour assurer la subsistance des membres de leur famille ne peuvent pas être privés du droit au regroupement familial en raison de l’origine de ces revenus, dès lors que cette origine ne revêt pas un caractère illégal ou contraire aux bonnes mœurs et que les aides consenties sont de droit.)

Croatie

Article 7.4: La durée de travail des jeunes âgés de 15 ans est excessive.

(Aux termes de l’ordonnance sur les services de médiation en matière d’emploi de 2009, les jeunes de plus de 15 ans ne peuvent travailler plus de 7 heures par jour ou 35 heures par semaine. A titre exceptionnel, la durée de travail peut être portée à 8 heures par jour ou 40 heures par semaine. Le Comité estime que cette limitation est suffisante pour les travailleurs âgés de plus de 16 ans, mais ne l’est pas pour les jeunes de moins de 16 ans.)

Article 8.3: Les pauses d’allaitement ne sont pas rémunérées comme des heures de travail normales, et le montant des prestations servies en lieu et place peuvent entraîner une perte de salaire.

République tchèque

Article 8.2: L’exception à l’interdiction de licencier un salarié durant le congé de maternité (en cas de délocalisation de tout ou partie des activités de l’entreprise) est contraire à la Charte.

Allemagne

Article 19.8: Les travailleurs migrants et les membres de leur famille (non nationaux de l’Union européenne) peuvent être expulsés pour avoir eu recours à l’assistance sociale, pour absence de domicile fixe ou pour toxicomanie.

Grèce

Article 8.1: Les périodes de chômage ne sont pas prises en considération pour le calcul de la durée du temps de travail requise pour bénéficier des prestations de maternité.

Article 19.5: Les travailleurs migrants ressortissants des Etats Parties à la Charte sociale ne bénéficient pas tous de l’exonération fiscale pour l’acquisition d’une première résidence familiale.

Article 19.6: L’exigence de deux années de résidence en Grèce imposée aux travailleurs migrants pour pouvoir exercer les droits au regroupement familial est excessive.

Article 19.8: Un travailleur migrant peut être considéré comme une menace à l’ordre ou à la sécurité publique et expulsé du pays lorsqu’il est poursuivi pour une infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins trois mois.

Luxembourg

Article 19.4: Certaines catégories de travailleurs (selon la durée du séjour au Luxembourg) ne peuvent pas être élues aux comités d'entreprise.

Espagne

Article 8.3: Les employées de maison n’ont pas droit à des pauses pour allaiter leur enfant.

Royaume-Uni

Article 19.8: Les membres de la famille d’un travailleur migrant, ressortissants d’une Partie contractante qui n’est pas membre de l’Union européenne ou Partie à l’EEE, ainsi que les enfants d’un travailleur migrant qui sont eux-mêmes ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne ou parties à l’EEE mais ont moins de 17 ans, peuvent être expulsés à la suite de l’expulsion du travailleur migrant.