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Résolution 1984 (2014) Version finale
La demande de statut de Partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de la République kirghize
1. En adoptant sa Résolution 1680 (2009) sur la création d'un statut de «partenaire pour la démocratie» auprès
de l'Assemblée parlementaire, l'Assemblée a décidé de créer un nouveau
statut pour la coopération institutionnelle avec les parlements
des Etats non membres des régions voisines qui souhaitent bénéficier
de son expérience en matière de renforcement de la démocratie et
participer au débat politique sur les enjeux communs dépassant les
frontières européennes.
2. D'après le paragraphe 15 de la Résolution 1680 (2009), les parlements nationaux de l'ensemble des Etats du
sud de la Méditerranée et du Proche-Orient participant au processus
de Barcelone-Union pour la Méditerranée et des Etats d'Asie centrale
participant à l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) (Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan
et Ouzbékistan) devraient pouvoir demander le statut de «partenaire
pour la démocratie» auprès de l'Assemblée. Le Parlement du Maroc
et le Conseil national palestinien ont obtenu ce statut en juin
et en octobre 2011 respectivement.
3. Le 27 octobre 2011, le Président du Parlement de la République
kirghize a adressé la demande officielle du parlement en vue de
l’obtention du statut de partenaire pour la démocratie à l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe. L'Assemblée se félicite de
cette demande, qui est la première d'un pays d'Asie centrale.
4. L'Assemblée prend note que, dans sa lettre, et conformément
aux exigences énoncées à l'article 61.2 du Règlement, le Président
du Parlement kirghize a réaffirmé les points suivants:
«La situation actuelle de notre pays et les acquis de ces dernières années permettent de constater que nous partageons les valeurs du Conseil de l'Europe fondées sur le pluralisme des idées, l'égalité des sexes, la démocratie paritaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Actuellement, les preuves convaincantes en sont l'abolition de la peine de mort dans la République kirghize, la liberté des médias et l'égale représentation des femmes et des hommes dans la vie publique et politique.
La collaboration avec le Conseil de l'Europe, rendue possible par l'appartenance de la République kirghize à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) s'est révélée fort utile pour nous et nous a offert des résultats positifs. Voilà pourquoi nous souhaiterions continuer de tirer profit de l'expérience de l'Assemblée pour nos activités institutionnelles et législatives.
Nous visons un objectif bien défini: organiser un scrutin libre et équitable, conforme aux normes internationales. C'est pourquoi nous souhaitons établir des liens durables avec toutes les organisations internationales qui possèdent une expérience suffisante dans ce domaine.
Nous sommes disposés sans nul doute à améliorer encore notre action dans ces directions et à encourager les autorités compétentes du Kirghizstan à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l'Europe, qui sont ouverts à la signature d'Etats non membres, en particulier les instruments qui consacrent les droits de la personne, la prééminence du droit et la démocratie.»
5. L'Assemblée considère ces déclarations comme l'engagement
politique du Parlement kirghize de continuer de travailler pour
se conformer aux valeurs et principes essentiels du Conseil de l'Europe,
et aux exigences énoncées dans le Règlement de l'Assemblée.
6. L'Assemblée salue en particulier le fait que le Kirghizstan
ait aboli la peine de mort en 2007.
7. En même temps, l'Assemblée constate que la demande ne contient
aucune référence expresse à l'obligation statutaire d'informer régulièrement
l'Assemblée de l'état d'avancement de la mise en œuvre des principes
du Conseil de l'Europe. Elle considère toutefois que ces informations
font partie intégrante du partenariat, et que l'obligation de rendre
des comptes est une conséquence directe de l'octroi du statut.
8. A partir de ces clarifications, l'Assemblée considère que,
dans l'ensemble, la demande du Parlement kirghize satisfait aux
conditions formelles énoncées dans son Règlement.
9. En outre, l'Assemblée constate que le Parlement, les principaux
acteurs politiques, les agents d'Etat et publics, et la société
civile du Kirghizstan partagent, dans l'ensemble, les objectifs
du partenariat pour la démocratie et estiment que son obtention
serait un encouragement important pour poursuivre le développement
de la démocratie, de l'Etat de droit et de la protection des droits
de l'homme et des libertés fondamentales dans le pays.
10. L'Assemblée est convaincue qu'il est important pour le Kirghizstan,
seul pays d'Asie centrale à avoir opté pour un système politique
fondé sur la démocratie parlementaire, de réussir sur la voie de
la transition démocratique. Elle estime que le Kirghizstan mérite
un soutien sans réserve dans cette entreprise.
11. L'Assemblée salue l'engagement du Kirghizstan en faveur de
profondes réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques
et législatives visant à renforcer la démocratie, et encourage les
autorités nationales à tirer pleinement parti des compétences et
des normes du Conseil de l'Europe. Elle envisage le statut de partenaire
pour la démocratie comme un cadre adapté à un renforcement de la
participation du Parlement kirghize dans la réalisation de ces réformes.
12. En même temps, l’Assemblée est pleinement consciente que le
Kirghizstan, qui est un jeune Etat indépendant caractérisé par une
histoire politique agitée et une masse de problèmes hérités du passé,
a encore beaucoup de chemin à parcourir vers la démocratie, l'Etat
de droit et le plein respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
13. L'Assemblée s'engage à aider le Kirghizstan à surmonter ces
obstacles. Elle reste à la disposition de ce pays pour proposer
son assistance afin d'y remédier et de partager son expérience.
Elle rappelle que le statut de partenaire pour la démocratie est
un outil permettant d'améliorer la démocratie. Elle a le sentiment
que, par cette demande du statut de partenaire pour la démocratie,
le Parlement kirghize a montré qu'il était désireux de s'engager
dans cette voie et prêt à tirer les enseignements des pratiques
européennes, et qu'il a opté pour les normes du Conseil de l'Europe
pour servir de référence à sa marche vers l'avenir.
14. A cet égard, plusieurs éléments sont extrêmement préoccupants
et doivent être examinés en priorité, notamment dans le cadre de
la future coopération entre le Conseil de l’Europe et le Kirghizstan
en leur qualité de partenaires pour la démocratie: la corruption
généralisée, le manque d’impartialité et d’indépendance d’une justice
ethniquement partisane, le recours constant à la torture, l’impunité
des agents des forces de l’ordre qui en sont les auteurs, les actes
d’intimidation de la société civile et les conséquences non encore
réglées des tensions interethniques.
15. Considérant ce qui précède et à la lumière de son expérience
de la coopération avec d'autres pays en transition, l'Assemblée
considère que les questions spécifiques ci-après sont essentielles
pour le renforcement de la démocratie, de l'Etat de droit et du
respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales au Kirghizstan:
15.1. organiser des élections libres
et équitables, conformément aux normes internationales pertinentes,
et améliorer le cadre légal électoral en coopération avec la Commission
européenne pour la démocratie par le droit («Commission de Venise»);
15.2. accroître l'intérêt du public envers le processus démocratique,
et le sensibiliser à celui-ci, tout en assurant un niveau plus élevé
de participation aux élections et un engagement des citoyens dans
la vie politique;
15.3. renforcer le contrôle public des élections par des observateurs
indépendants, notamment en renforçant les capacités des réseaux
d'observateurs nationaux;
15.4. consolider le cadre institutionnel résultant de la réforme
constitutionnelle de 2010, notamment en accentuant la séparation
des pouvoirs et en renforçant le rôle du parlement;
15.5. faire participer davantage les organisations de la société
civile aux processus décisionnels dans le domaine législatif ou
dans d’autres domaines;
15.6. renforcer le développement de la participation politique
dans les partis politiques, pour garantir une représentation pluraliste
de toutes les composantes de la société kirghize;
15.7. promouvoir l'éducation en matière de citoyenneté démocratique
et de respect des droits de l'homme;
15.8. améliorer l'égalité des chances pour les femmes et les
hommes dans la vie économique, politique et publique;
15.9. renforcer la démocratie locale et régionale;
15.10. intensifier la lutte contre la corruption, en particulier
au sein des forces de l'ordre; renforcer la transparence et l'obligation
de rendre des comptes dans la conduite des affaires publiques;
15.11. intensifier les initiatives prises pour veiller au respect
du droit à un procès équitable, notamment en garantissant le respect
dans la pratique du droit à la défense et en consolidant la réforme
de la justice afin de garantir l'indépendance et l'impartialité
du pouvoir judiciaire, en s'attachant particulièrement à exclure
le parti pris ethnique;
15.12. adhérer aux instruments internationaux pertinents dans
le domaine des droits de l'homme et les mettre en œuvre effectivement,
notamment en coopérant pleinement avec les mécanismes spéciaux des
Nations Unies et en suivant les recommandations découlant de l'Examen
périodique universel des Nations Unies;
15.13. renforcer la formation des juges, des procureurs, du personnel
pénitentiaire, des agents des forces de l’ordre et des avocats en
ce qui concerne le respect des normes internationales en matière
de droits de l’homme;
15.14. supprimer la pratique de la détention arbitraire;
15.15. mettre en œuvre de manière effective les normes internationales
relatives à la prévention de la torture et des traitements inhumains
ou dégradants des personnes privées de liberté; lutter contre l’impunité
des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, notamment
en mettant en place un mécanisme de recours effectif contre ces
actes;
15.16. améliorer les conditions de détention et l’efficacité
du mécanisme national de prévention, conformément aux normes et
principes des Nations Unies relatifs aux établissements pénitentiaires;
15.17. lutter contre la xénophobie et toutes les formes de discrimination;
15.18. garantir et promouvoir les droits des minorités ethniques,
réaffirmer le statut du Kirghizstan en tant qu'Etat multiethnique
où tous les groupes ethniques jouissent de l'égalité des droits,
promouvoir la réconciliation, la participation à la vie politique
et publique, la diversité culturelle et le dialogue interculturel,
et lutter activement contre la rhétorique nationaliste;
15.19. garantir le respect des droits linguistiques des minorités
et promouvoir le droit à un enseignement en langues minoritaires;
15.20. assurer le respect absolu de la liberté de conscience,
de religion et de croyance, y compris le droit de changer de religion;
15.21. garantir et promouvoir la liberté d'expression ainsi que
l'indépendance et le pluralisme des médias; mettre en œuvre des
dispositions légales qui garantissent effectivement la liberté de
la presse et qui protègent les médias contre les pressions politiques;
15.22. garantir et promouvoir, en droit et en pratique, la liberté
d'association et de réunion pacifique; assurer le strict respect
de la loi relative aux associations;
15.23. s’abstenir d’adopter des textes de loi qui visent directement
ou indirectement à restreindre les activités de la société civile;
15.24. lutter contre toutes les formes de discrimination et de
violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre;
15.25. ne pas donner suite à la proposition de loi rédigée sur
le modèle des textes législatifs relatifs à l’interdiction de la
«propagande homosexuelle»;
15.26. lutter contre toutes les formes de discrimination fondées
sur le genre, tant dans le droit que dans la pratique; assurer et
promouvoir activement l'égalité effective entre les femmes et les
hommes; lutter contre la discrimination envers les personnes lesbiennes,
gays, bisexuelles et transgenres (LGBT); lutter contre toutes les
formes de violence fondée sur le genre;
15.27. s’abstenir de harceler les défenseurs des droits de l’homme
et les militants de la société civile, et les protéger contre les
agressions ou les autres actes d’intimidation commis par des acteurs
non étatiques; libérer M. Azimjon Askarov et lui garantir un procès
équitable;
15.28. accroître les efforts dans la lutte contre la traite des
êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé;
15.29. élaborer et mettre en œuvre une politique d'ensemble cohérente
afin d'améliorer la condition des enfants, notamment redoubler d'efforts
pour interdire le travail des enfants et leur offrir à tous la possibilité
de bénéficier d'une éducation de qualité et de soins de santé de
qualité.
16. L'Assemblée encourage le Conseil de l'Europe et le Kirghizstan
à prendre en compte ces éléments dans leurs discussions actuelles
sur les Priorités de la coopération avec le voisinage 2014-2016.
17. L'Assemblée attend du Kirghizstan qu’il adhère, en temps voulu,
aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l'Europe
ouverts aux Etats non membres, et en particulier à ceux traitant
des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie, conformément
à l'engagement exprimé par le Président du parlement dans sa lettre
du 27 octobre 2011.
18. Prenant note que le Parlement kirghize a réaffirmé sa volonté
d'œuvrer à la pleine mise en œuvre des engagements politiques énoncés
à l'article 61.2 du Règlement de l’Assemblée et souscrits par lettre
de son président le 27 octobre 2011, l'Assemblée décide:
18.1. d'octroyer le statut de partenaire
pour la démocratie au Parlement de la République kirghize, avec
effet au moment de l'adoption de la présente résolution, étant entendu
qu’il informera régulièrement l’Assemblée des progrès accomplis
dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe;
18.2. d'inviter le Parlement de la République kirghize à nommer
une délégation partenaire pour la démocratie constituée de trois
représentants et de trois suppléants, avec une composition conforme
à l'article 61.4 du Règlement de l'Assemblée.
19. L'Assemblée estime que l'avancement des réformes est le but
principal du partenariat pour la démocratie et que cet avancement
doit constituer le critère d'évaluation de l’efficacité du partenariat.
20. C'est pourquoi elle décide d'examiner, au plus tard dans les
deux ans à compter de l'adoption de la présente résolution, les
progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements politiques
pris par le Parlement de la République kirghize, ainsi qu'à l'égard
des questions spécifiques mentionnées ci-dessus au paragraphe 15.
21. L'Assemblée souligne l'importance d'élections libres et équitables
en tant que pierre angulaire d'une démocratie véritable. Elle s’attend,
par conséquent, à être invitée à observer les élections au Kirghizstan
dès les prochaines élections générales.
22. L'Assemblée est convaincue que l'octroi du statut de partenaire
pour la démocratie au Parlement de la République kirghize contribuera
à renforcer la coopération entre ce pays et le Conseil de l'Europe,
et à favoriser, en temps voulu, l'adhésion du Kirghizstan aux conventions
du Conseil de l'Europe. C'est pourquoi elle encourage le Secrétaire
Général du Conseil de l'Europe, en coordination, le cas échéant,
avec l'Union européenne et d'autres partenaires internationaux,
à mobiliser les compétences de l'Organisation, y compris celles
de la Commission de Venise, pour contribuer à la pleine mise en
œuvre des réformes démocratiques au Kirghizstan.
23. L'Assemblée appelle les Etats membres et observateurs du Conseil
de l'Europe ainsi que les organisations internationales, notamment
l'Union européenne:
23.1. à renforcer
leur assistance au Kirghizstan dans le domaine des réformes démocratiques;
23.2. à trouver les moyens appropriés pour aider la délégation
du Kirghizstan, partenaire pour la démocratie, à prendre part aux
travaux de l'Assemblée et de ses commissions.