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Avis de commission | Doc. 13488 | 09 avril 2014
Réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe
A. Conclusions de la commission
(open)La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles est d’avis que la proposition contenue dans le rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe relatif aux pouvoirs de la délégation russe (Doc. 13483) est conforme au Règlement de l’Assemblée et au Statut du Conseil de l’Europe.
B. Exposé des motifs, par M. Franken, rapporteur pour avis
(open)1. Introduction
1. Le 21 mars 2014, M. Walter et 73 autres membres de
l’Assemblée ont présenté une proposition de résolution contestant
les pouvoirs ratifiés de la délégation russe pour des raisons substantielles,
conformément à l’article 9 du Règlement (Doc. 13457). Le 24 mars, une seconde proposition de résolution,
sur la suspension des droits de vote de la délégation russe (article
9 du Règlement de l’Assemblée) (Doc. 13459 corr.), a été présentée par M. Jensen et 52 autres membres
de l’Assemblée.
2. Lors de sa réunion du 7 avril 2014, le Bureau a décidé de
renvoyer ces deux propositions pour rapport à la commission pour
le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil
de l'Europe et, conformément à l’article 9.2 du Règlement, pour
avis à la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles. Cette décision a été ratifiée par l’Assemblée
le même jour.
3. La commission du Règlement examinera donc, dans le présent
avis, si la proposition formulée par la commission de suivi dans
son rapport est conforme au Règlement, notamment à son article 9,
ainsi qu’au Statut du Conseil de l'Europe.
4. L’Assemblée n’a pas été saisie d’une demande de réexamen des
pouvoirs d’une délégation pour des raisons substantielles, sur la
base de l’article 9, depuis octobre 2009. A l’occasion des contestations
des pouvoirs intervenues au cours des années 2008 et 2009 , la commission du Règlement avait
été amenée à clarifier certains points de procédure, s’agissant
notamment des conditions de mise en œuvre de la procédure de réexamen
des pouvoirs déjà ratifiés d’une délégation ainsi que de la recevabilité
d’amendements. La réflexion de la commission avait alors conduit
à apporter au Règlement, en 2010, un certain nombre de modifications,
afin notamment de renforcer les dispositions de l’article 9 du Règlement .
2. Conformité de la demande de réexamen des pouvoirs de la délégation russe au Règlement
5. La commission rappelle qu’une demande de réexamen
des pouvoirs d’une délégation doit répondre à certaines conditions
de recevabilité formelle.
6. L’article 9.2 dispose que «La proposition de résolution visant
à annuler la ratification doit être déposée par au moins cinquante
représentants ou suppléants, appartenant à deux groupes politiques
et à cinq délégations nationales au moins, et être diffusée au moins
deux semaines avant l’ouverture d’une partie de session (…)». Ces
conditions sont remplies en l’espèce.
7. En outre, l’article 9.1.a dispose que
«L’Assemblée peut réexaminer les pouvoirs ratifiés d’une délégation nationale
dans son ensemble (…) sur la base d’une proposition de résolution
tendant à annuler la ratification pour un ou plusieurs des motifs
visés à l’article 8.2 (…)».
8. Aux termes de l’article 8.2:
«Les raisons substantielles pour lesquelles les pouvoirs peuvent être contestés sont:
une violation grave des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article 3 et dans le préambule du Statut; ou
le manque de respect persistant des obligations et engagements et le manque de coopération dans le processus de suivi de l’Assemblée».
9. Lors de l’examen des demandes précédentes, en 2008 et 2009,
la commission s’était montrée particulièrement soucieuse de ce qu’une
procédure de réexamen des pouvoirs soit fondée sur une demande dûment
motivée «s’agissant d’une procédure d’une importance politique majeure,
qui nécessite d’être conduite avec rigueur en raison des conséquences
qu’elle emporte, et qui ne saurait être utilisée comme un simple moyen
de pression» .
10. Elle se félicite donc que les présentes demandes de contestation
des pouvoirs – l’une alléguant de l’existence «d’une violation grave
des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article
3 du Statut du Conseil de l'Europe» (Doc. 13457) et l’autre de «la violation de l’intégrité territoriale
de l’Ukraine par les forces armées russes» et de «la violation directe
du droit international, notamment du Statut du Conseil de l'Europe
ainsi que des engagements souscrits par la Russie lors de son adhésion»
(Doc. 13459 corr.) – comportent l’énoncé détaillé des griefs qui la sous-tendent.
Il est utile de rappeler que la procédure de l’article 9 a été instaurée
parallèlement à la consolidation de la procédure de suivi des obligations
et engagements des Etats membres, pour répondre à la volonté de
l’Assemblée de pouvoir «remettre en cause des pouvoirs ratifiés quand
elle juge qu’une action urgente est nécessaire» .
3. Examen de la proposition de la commission de suivi
11. L’article 9.4 du Règlement dispose que:
«Les rapports soumis à l’Assemblée ou à la Commission permanente conformément aux paragraphes 2 et 3 doivent contenir un projet de résolution proposant dans son dispositif:
la confirmation de la ratification des pouvoirs,
l’annulation de la ratification des pouvoirs,
la confirmation de la ratification des pouvoirs, assortie de la privation ou la suspension, applicable aux membres de la délégation concernée, de l’exercice de certains des droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes.»
12. La commission de suivi propose, au paragraphe 14 du projet
de résolution, «de confirmer la ratification des pouvoirs de la
délégation russe tout en suspendant les droits de vote de cette
dernière jusqu’à la fin de la session 2014», afin de marquer la
condamnation et la désapprobation de l’Assemblée parlementaire face
aux agissements de la Fédération de Russie à l’égard de l’Ukraine.
13. La commission du Règlement relève également que le rapport
de la commission de suivi comporte un exposé et une analyse détaillés
des faits et des circonstances qui conduisent le rapporteur et la
commission de suivi à soutenir la proposition de confirmation de
la ratification des pouvoirs de la délégation russe assortie d’une
privation du droit de vote de ses membres. La commission de suivi
considère que les actions de la Fédération de Russie «sont clairement
contraires au Statut du Conseil de l'Europe, en particulier à son Préambule,
et aux obligations découlant de l’article 3, ainsi qu’aux engagements
pris par la Fédération de Russie lors de son adhésion», et qu’elles
sont donc de nature à motiver et à justifier la demande de sanction demandée.
3.1. Précédents
14. On rappellera, pour mémoire, qu’à ce jour, l’Assemblée
aura décidé en une seule occasion de suspendre le droit de vote
des membres d’une délégation, dont les pouvoirs avaient été contestés
pour des raisons substantielles. La délégation russe avait, en effet,
été ainsi sanctionnée en avril 2000, en relation avec le conflit
en Tchétchénie; elle avait recouvré l’intégralité de ses droits
de participation et de représentation en janvier 2001 (Résolution 1241 (2001)).
15. Il est également intéressant de relever, en remontant un peu
plus loin dans le temps, que l’Assemblée, confrontée à la situation
en Grèce, suite au coup d‘Etat militaire de 1967 et à l’instauration
du «régime des colonels», prit la décision de «ne pas reconnaître
les pouvoirs de tout délégué censé représenter le Parlement grec
tant qu’elle ne sera pas convaincue que la liberté d’expression
a été rétablie et qu’un parlement libre et représentatif a été élu
en Grèce» (Recommandation
547 (1969), janvier 1969). Cette décision précéda de quelques mois
le retrait de la Grèce du Conseil de l'Europe (décembre 1969 – novembre
1974).
16. De même, prenant en compte la situation en Turquie, à l’issue
du coup d’Etat militaire de 1980, l’Assemblée décidera, en mai 1981,
de ne pas envisager de prolonger le mandat de la délégation turque (Directive 398), puis, en septembre 1983, que le parlement élu «ne
pourra pas être considéré comme représentant démocratiquement le
peuple turc et ne saurait constituer valablement une délégation
pour participer aux travaux de l’Assemblée parlementaire» (Résolution 803).
17. Ces deux dernières décisions sont sans doute atypiques, mais
exemplaires quant à la capacité de l’Assemblée de réagir à la violation
par un Etat membre de ses obligations statutaires et de sanctionner
la délégation parlementaire dudit Etat membre, même lorsque celle-ci
a rompu tout lien en pratique et effectué son retrait de l’Assemblée
(cas de la Grèce).
3.2. Questions nécessitant une clarification
18. Au cours de sa réunion du 9 avril 2014, la commission
a relevé que des questions liées à la compréhension ou à l’interprétation
du Règlement sur la contestation ou le réexamen des pouvoirs d’une délégation
ont été soulevées, en particulier à propos de la recevabilité des
amendements à un projet de résolution qui propose la suspension
des membres de la délégation concernée de leur droit de vote. Plus particulièrement,
la question concernait la recevabilité d’un amendement permettant
aux membres qui seraient privés de leur droit de vote de prendre
néanmoins part à l’élection du Secrétaire Général du Conseil de
l'Europe lors de la partie de session de juin 2014 de l’Assemblée.
La commission du Règlement a été informée que la Présidente de l’Assemblée
a décidé de considérer non recevable un tel amendement, au motif
que le droit de vote des membres de l’Assemblée est indivisible
et que la privation du droit de vote s’applique à l’ensemble des
votes au sein de l’Assemblée et de ses organes.
4. Conclusion
19. La commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles considère que le projet de résolution
figurant au rapport présenté par la commission de suivi (Doc. 13483) satisfait aux exigences de l’article 9 et est conforme
au Règlement de l’Assemblée et au Statut du Conseil de l'Europe.
20. Enfin, la commission du Règlement rappelle que les pouvoirs
de la délégation parlementaire russe devront être soumis à la ratification
de l’Assemblée, avec les pouvoirs de l’ensemble des délégations,
à l’ouverture de la prochaine session ordinaire en janvier 2015,
et, si nécessaire, pourraient être contestés en application des
articles 7 et 8.