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Résolution 1993 (2014) Version finale

Un travail décent pour tous

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 avril 2014 (17e séance) (voir Doc. 13456, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Roel Deseyn). Texte adopté par l’Assemblée le 10 avril 2014 (17e séance).

1. Le travail est un aspect essentiel de la vie humaine. Il est la base du bien-être individuel et collectif en ce qu’il est une source de subsistance, de développement, d’accomplissement personnel et d’intégration sociale. Le droit international et européen en matière de droits humains fait obligation aux Etats d’assurer le plein exercice du droit au travail et de protéger les droits au travail. L’Organisation internationale du travail (OIT) et le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe insistent en outre sur la nécessité de respecter tout un éventail de droits relatifs au travail qui rendent le travail décent et accessible à tous. Le travail décent désigne ainsi l’emploi productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine.
2. Dans toute l’Europe, l’inquiétude grandit face à l’érosion des droits au travail, à la précarité croissante de l’emploi et au manque de perspectives d’emplois de qualité, notamment pour les jeunes et les migrants. Une stagnation économique qui se prolonge, la déréglementation du marché et l’austérité budgétaire dans les pays développés ont détruit plus d’emplois qu’il n’en a été créé de nouveaux, et la précarité au travail s’étend. Cette situation contraste avec le dynamisme des pays en développement, qui gagnent rapidement en compétitivité et en niveau de vie, mais qui ont du retard en matière de droits du travail. Les asymétries mondiales et intra-européennes sont à l’origine d’un nivellement par le bas des salaires, de la protection sociale et des conditions d’emploi, aggravant ainsi les inégalités et conduisant au dumping social. Dans certains Etats membres, le taux de chômage des jeunes est très élevé et reflète la difficulté des jeunes à trouver un emploi. Le nombre important de jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni au travail, ni en formation constitue une menace pour la cohésion sociale.
3. Construire une société inclusive et prospère par le biais du travail décent exige des solutions mondiales. L’Assemblée parlementaire rappelle l’importance de la coopération sur le plan international et d’une plus grande solidarité entre Etats riches et pauvres, en particulier pour la promotion du travail décent dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et du nouveau cadre de développement durable pour l’après-2015. Les pays européens doivent œuvrer ensemble pour ancrer les droits humains et les stratégies en faveur du travail décent de façon plus explicite dans le système commercial multilatéral et les accords de commerce et d’investissements bilatéraux.
4. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent également renforcer la mise en œuvre de la Charte sociale européenne (STE no 35 et STE no 163). Cet instrument complète la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) dans le domaine des droits sociaux et économiques en liant les normes du travail à la protection juridique et sociale, à des conditions d’emploi justes et à la libre circulation des personnes. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne fait déjà expressément référence à la Charte sociale européenne. Cependant, de nouvelles initiatives doivent être prises pour améliorer la cohérence des mesures nationales destinées à mettre en œuvre les engagements internationaux et harmoniser les normes sociales européennes.
5. Seul un environnement professionnel sain et sûr permet aux travailleurs de réaliser leur plein potentiel. L’Assemblée considère que les gouvernements ne doivent faire aucune concession sur les niveaux de sécurité au travail et qu’ils doivent veiller à leur application scrupuleuse par tous les employeurs. Elle souligne en outre la nécessité de veiller à une meilleure application de l’interdiction du travail des enfants de moins de 15 ans, énoncée dans la Charte sociale européenne. Des inspections régulières du travail sont cruciales à cet égard et demandent des moyens adaptés en permanence pour qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle.
6. Les actions de solidarité pour améliorer les filets de sécurité sociale, la reconversion et la mobilité des travailleurs ne relèvent plus de la compétence exclusive des gouvernements. La modernisation du contrat social dans la société suppose un partenariat plus fort avec le secteur privé et la société civile, pour défendre l’Agenda pour le travail décent. L’Assemblée appelle à un renforcement des obligations des entreprises en matière de responsabilité sociale et d’éthique, s’agissant en particulier des relations des entreprises avec leurs sous-traitants et leurs stratégies d’approvisionnement dans des pays tiers où les risques d’exploitation de la main-d’œuvre sont importants.
7. En vue de préserver la paix et la justice sociales au moyen d’«emplois plus nombreux et de meilleure qualité», l’Assemblée recommande aux Etats membres:
7.1. de consolider les stratégies nationales pour garantir des conditions de travail décentes à l’ensemble de la population et de promouvoir la convergence intra-européenne dans ce domaine;
7.2. de veiller à ce que les droits, les conditions et la protection liés au travail, ainsi que des clauses sociales et environnementales contraignantes accompagnées de mécanismes de contrôle, soient systématiquement inscrits dans les accords de libre-échange et d’investissements bilatéraux et multilatéraux, et dans le nouveau cadre de développement durable remplaçant les OMD après 2015;
7.3. de garantir une mise en œuvre cohérente des normes fondamentales du travail au niveau mondial, ainsi que des dispositions pertinentes de la Charte sociale européenne, en particulier celles relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective, à une rémunération équitable et à une couverture sociale, à la non-discrimination et aux services de l’emploi, à la protection des mineurs et à un environnement professionnel sain et sûr;
7.4. d’adhérer à la procédure de réclamation collective de la Charte sociale européenne, s’ils ne l’ont pas déjà fait;
7.5. de mettre à profit les relations avec les associations d’employeurs et les syndicats pour promouvoir les engagements des entreprises en matière de dialogue social, de création et de préservation d’emplois, de répartition du travail, de rémunération équilibrée du capital et du travail, d’organisation saine sur le lieu de travail et de développement des compétences;
7.6. de garantir des règles du jeu équitables à toutes les entreprises, petites, moyennes et grandes, de promouvoir une concurrence loyale au moyen des politiques fiscales nationales et de renforcer les mesures contre l’évitement fiscal;
7.7. de garantir un salaire de subsistance national et des socles nationaux de protection sociale à un niveau adapté aux besoins de développement du pays;
7.8. de faciliter la mission des inspections du travail et le dialogue entre les partenaires sociaux pour endiguer l’emploi irrégulier et les pratiques abusives en matière de conditions de travail (s’agissant notamment de la durée minimale et maximale des heures de travail, de la sécurité sur le lieu de travail et de la protection spéciale des groupes de populations vulnérables);
7.9. de profiter des possibilités de financement et d’intervention offertes par la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour soutenir de façon ciblée l’amélioration des offres d’emploi pour les jeunes, les minorités et les personnes handicapées;
7.10. de mettre en place de nouveaux moyens de communication (notamment via les médias sociaux et les réseaux sociaux) pour signaler aux pouvoirs publics les violations des normes du travail;
7.11. de prévoir des garde-fous et des sanctions sévères pour lutter contre l’emploi irrégulier et d’améliorer les garanties sociales contractuelles pour les travailleurs détachés, jeunes, migrants et les travailleurs domestiques;
7.12. d’éliminer le fossé salarial entre les femmes et les hommes;
7.13. de lutter efficacement contre le chômage des jeunes, et en particulier de ceux qui ne sont ni au travail, ni scolarisés, ni en formation, en intervenant sur le marché du travail et dans l’éducation par le biais de programmes pour la formation et l’emploi.