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Rapport | Doc. 13508 | 05 mai 2014

Projet de convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteur : M. Kent HÄRSTEDT, Suède, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13464, Renvoi 4037 du 7 avril 2014. 2014 - Commission permanente de mai

Résumé

Comme l’Assemblée parlementaire l’a déjà souligné, les paris illégaux et le «trucage de matchs» sont des pratiques alarmantes et très répandues qui portent atteinte non seulement à l’éthique du sport mais aussi à l’Etat de droit, parce qu’elles sont étroitement liées au blanchiment d’argent et au crime international organisé. Aucun Etat n’est à l’abri de ce fléau et ne peut le combattre seul, et une réaction concertée au niveau mondial sera indispensable pour le vaincre. Une Convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives – ouverte à tous les Etats – s’impose donc comme une nécessité impérieuse.

La commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias est pleinement d'accord avec l’approche de la future convention, qui préconise l’harmonisation progressive des lois nationales et la promotion de la coopération entre les Etats européens et non européens, ainsi qu’entre les autorités nationales et toutes les autres parties prenantes pour garantir une réelle efficacité à l'action de prévention, de détection et de sanction de toutes les formes de manipulation de compétitions sportives.

La commission est très favorable à l’élaboration, à l’adoption et à la ratification rapides de la convention, mais appelle à supprimer la «disposition» qui permettrait aux Etats de ne pas poursuivre des ressortissants étrangers vivant sur leur territoire. Elle appelle également à s’engager plus concrètement à lutter contre les paris illégaux, et recommande l’élaboration de «dispositions modèles» afin d’harmoniser l'infraction de manipulation de compétitions sportives entre les différents pays. Enfin, elle demande instamment que des moyens suffisants soient consacrés à l’organe de suivi de la convention, afin qu’il puisse effectivement s’acquitter de sa mission.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 10 avril 2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se félicite du projet de Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives. Elle rappelle qu’elle a soutenu sans réserves l’initiative prise dans le cadre de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) d’élaborer une telle convention et elle se réfère à cet égard à la Recommandation 1997 (2012) de l’Assemblée sur la nécessité de combattre le trucage de matchs, adoptée à l’unanimité le 25 avril 2012. L’Assemblée a ensuite été associée aux travaux du groupe de rédaction chargé de rédiger le projet de convention.
2. La dimension internationale du phénomène de la manipulation des compétitions sportives rend nécessaire une approche au niveau global du problème. L’Assemblée se réjouit donc du fait que la future convention reconnaisse la possibilité pour les Etats non membres du Conseil de l’Europe d’en devenir Partie.
3. L’Assemblée est convaincue que la future convention doit avoir un champ d’application large, afin d’appréhender le phénomène de la manipulation des compétitions sportives dans ses diverses formes et sous ses divers aspects. Elle approuve, en conséquence, la définition que le projet de convention donne, dans son article 3, de la manipulation de compétitions sportives, qui permet de poursuivre tous les comportements intentionnels qui visent à influencer de manière irrégulière l’aléa sportif en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même oui pour autrui.
4. L’Assemblée a appelé de ses vœux un instrument juridique visant à harmoniser les législations nationales et à renforcer la coopération des Etats entre eux et avec toutes les autres parties prenantes, afin d’assurer une réelle efficacité à l’action de prévention, de détection et de sanction des cas de manipulation de compétitions sportives.
5. L’Assemblée est donc satisfaite de l’accent que le projet de convention met sur la coopération, tant aux niveaux national qu’international, et se réjouit des dispositions qui engagent les Parties à faire évoluer leur législation pénale, lorsque cela est requis, pour lutter efficacement contre la manipulation des compétitions sportives. L’Assemblée note néanmoins qu’aucun délai n’est imparti pour adapter les législations nationales et souhaite insister sur la nécessité que le processus d’adaptation soit rapide.
6. Il était essentiel, à ce stade, de proposer des solutions équilibrées, en demandant aux Parties de mettre en place un cadre commun d’action mais aussi en leur laissant une certaine marge de manœuvre, notamment pour tenir compte des situations nationales spécifiques. L’Assemblée constate que le projet de convention répond à cette double exigence. Elle considère néanmoins que certaines améliorations pourraient être apportées sans remettre en cause cet équilibre.
7. L’Assemblée comprend la difficulté d’exiger l’établissement dans les ordres juridiques des Parties d’une infraction spéciale harmonisée concernant la manipulation de compétitions sportives. Néanmoins, l’existence d’une telle infraction faciliterait la collaboration entre les Etats et celle entre les autorités publiques et les autres parties prenantes. En conséquence, le Comité de suivi devrait être chargé d’élaborer des dispositions-modèle sur une telle infraction harmonisée; les Etats pourraient s’en inspirer, sans pour autant être obligés de modifier leur droit pénal.
8. L’Assemblée considère indispensable de lier la lutte contre la manipulation des compétitions sportives et la lutte contre les paris illégaux. Elle partage sans réserve le choix fait par le groupe de rédaction d’inclure cette question dans le cadre de la future convention et demande non seulement de confirmer ce choix, mais aussi d’améliorer la rédaction de l’article 11 du projet de convention pour rendre plus concret l’engagement des Parties à cet égard.
9. L’Assemblée note qu’en application de l’article 19.2 (en lien avec l’article 19.1.e) une Partie pourrait se réserver le droit de ne pas établir sa compétence (ou de le faire mais dans des cas ou conditions spécifiques) lorsqu’une infraction relevant des articles 15 à 17 est commise «par une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire». L’utilisation d’une telle possibilité ouvrirait une brèche dans le système, faisant obstacle à la possibilité de traiter efficacement les cas impliquant des athlètes de haut niveau, qui typiquement peuvent avoir leur résidence en dehors de leurs pays d’origine, et permettant aux personnes malintentionnées, voire aux organisations criminelles, de s’établir – et notamment de créer des sociétés écran – sur le territoire d’un Etat qui n’aurait pas établi sa juridiction à leur égard lorsqu’il s’agit des infractions liées à la manipulation de compétitions sportives commises dans un autre pays. Cela affaiblirait également l’efficacité de la règle «aut dedere, aut iudicare» (extrader ou poursuivre) prévue à l’article 19.3 du projet de convention. L’Assemblée considère, en conséquence, que la possibilité en question devrait être écartée.
10. L’Assemblée apprécie que le projet de convention prévoie un Comité de suivi ayant des fonctions qui lui permettent de promouvoir la mise en œuvre effective de la convention, y compris en formulant des recommandations aux Parties – notamment sur les critères auxquels d’autres dispositions font référence – et en facilitant l’échange d’informations et de bonnes pratiques. Il est prévu que ce Comité soit assisté par le Secrétariat du Conseil de l’Europe. Il faut néanmoins veiller à ce que l’efficacité de ce mécanisme ne soit pas compromise par l’insuffisance des ressources – financières et en personnel – à sa disposition.
11. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres de finaliser rapidement le texte de la nouvelle convention et de l’ouvrir à la signature et à la ratification, si possible avant la fin de l’année 2014. Dans le contexte de la dernière révision du projet de convention, l’Assemblée demande d’écarter toutes les propositions qui auraient pour effet une réduction du champ d’application de la convention ou la révision à la baisse des engagements que le projet prévoit et de ne retenir que les propositions visant à renforcer l’efficacité du système envisagé.
12. A cet égard, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres:
12.1. modifie la deuxième phrase du paragraphe 72 du rapport explicatif comme suit: «Cette disposition couvre également les actions de formation de groupes tels que les jeunes sportifs, les fonctionnaires, les magistrats ou de sensibilisation du grand public»;
12.2. modifie l’article 7.2.d du projet de convention comme suit: «la sensibilisation des acteurs de la compétition et des jeunes sportifs au risque de manipulation (…)»;
12.3. modifie l’article 9.1 du projet de convention en remplaçant les mots «telles que», à la fin de la première phrase (avant la liste des mesures de a à f) par les mots «y compris notamment»;
12.4. modifie l’article 11.1 du projet de convention comme suit: «(...) chaque Partie étudie les moyens les plus adaptés de lutte contre les opérateurs de paris sportifs illégaux et adopte des mesures efficaces (...)» (telles que celles listées ensuite dans le même article);
12.5. supprime l’article 19.2 du projet de convention;
12.6. modifie l’article 31.2 du projet de convention comme suit: «Le Comité de suivi de la Convention doit adopter et modifier la liste des organisations sportives visée à l’article 3.2., en s’assurant de sa publication d’une manière appropriée»; la liste des autres fonctions mentionnées dans l’article 31.2 (b à e) devrait être reprise dans un nouvel article 31.3 commençant par «Le Comité de suivi peut, en particulier:»;
12.7. complète la liste de fonctions susmentionnée en ajoutant au mandat du Comité de suivi qu’il peut «élaborer des dispositions-modèle concernant l’infraction harmonisée de manipulation de compétitions sportives», dont l’introduction dans les ordres juridiques nationaux resterait néanmoins facultative;
13. En outre, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres adopte les amendements de nature technique suivants:
13.1. [Concerne le texte anglais seulement.]
13.2. modifier la première phrase de l’article 3.6.c comme suit: «“officiel” désigne les propriétaires, actionnaires, dirigeants et personnel des entités organisatrices et promotrices de compétitions sportives, ainsi que les arbitres, les membres du jury et toute autre personne accréditée»;
13.3. modifier l’article 9.2 comme suit: «Chaque Partie communique, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, au moyen d’une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, les noms et adresses de l’autorité ou des autorités identifiées en vertu du paragraphe 1 de cet article. Cette déclaration peut être modifiée à tout moment de la même manière»;
13.4. modifier l’article 13.2 comme suit: «Chaque Partie communique, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, au moyen d’une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe le nom et les adresses de la plateforme nationale. Cette déclaration peut être modifiée à tout moment de la même manière».
14. L’Assemblée recommande que le Comité des Ministres assure que des ressources adéquates soient allouées au Comité de suivi de la convention. Par ailleurs, puisque les Parties seront invitées à intégrer la prévention et la lutte contre la manipulation de compétitions sportives dans les programmes d’assistance conduits au profit d’Etats tiers, l’Assemblée recommande que le Conseil de l’Europe développe des programmes de coopération ciblés pour soutenir les Parties qui souhaitent bénéficier de l’expertise de ses organes pour réformer leurs systèmes, et pour faciliter, le cas échéant, la coordination de l’aide offerte par d’autres Parties.
15. L’Assemblée appelle les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe et des autres pays qui ont pris part à la rédaction de la convention à assurer que l’adaptation nécessaire de leurs législations nationales et la ratification de la convention aient lieu rapidement. Elle invite ces gouvernements et l’Union européenne à rechercher activement la collaboration d’autres pays, tels que les Etats-Unis et la Chine, dont la participation renforcerait considérablement l’impact de la convention, et à encourager la ratification de la convention par ces pays.
16. Enfin, l’Assemblée salue le rôle positif que le Comité international olympique (CIO), l‘Union des associations européennes de football (UEFA) et l’Interpol ont eu durant le processus de négociation du projet de convention et elle s’attend à ce que la coopération avec ces partenaires-clé se poursuive et soit renforcée durant la phase de mise en œuvre.

B. Exposé des motifs, par M. Härstedt, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Lors de leur 1194e réunion (12-14 mars 2014), les Délégués des Ministres ont décidé de transmettre à l’Assemblée parlementaire, pour avis, le projet de convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation des compétitions sportives (ci-après «projet de convention»).
2. A sa réunion du 11 mars 2014, la commission de la culture, de l’éducation, de la science et des médias m’a désigné rapporteur en anticipant la saisine attendue de la commission. Le 7 avril 2014, l’Assemblée a saisi notre commission de la demande d’avis du Comité des Ministres pour rapport.
3. L’Assemblée a été associée aux travaux d’élaboration du projet de convention par l’entremise de son actuelle Présidente, Mme Anne Brasseur, qui, jusqu’en décembre 2013, a été rapporteure sur «La nécessité de combattre le trucage de matchs».
4. Le présent rapport se fonde sur la position que l’Assemblée a exprimée dans la Recommandation 1997 (2012) et la Résolution 1876 (2012) sur la nécessité de combattre le trucage de matchs, et il tient compte de l’exposé des motifs du rapport correspondant (Doc. 12891).

2. Appréciation générale du projet de convention

5. Dans sa Recommandation 1997 (2012), l’Assemblée a invité le Comité des Ministres «à appuyer les travaux des membres de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) visant l’élaboration d’une convention européenne sur le trucage des matchs, fondée sur la Recommandation CM/Rec(2011)10», et elle soulignait l’urgence d’une telle convention.
6. Le groupe de rédaction a su remplir dans un délai relativement bref une tâche difficile, tout en se donnant le temps d’écouter les divers partenaires pour pouvoir tenir compte de leurs exigences respectives, parfois divergentes.
7. Pour évaluer si la future convention est une réponse adéquate au besoin d’un instrument international permettant de combattre efficacement la manipulation des compétitions sportives, trois paramètres ont une importance particulière: le champ d’application de la convention, la coopération qu’elle vise à développer entre les Etats et les autres parties prenantes, et l’effort d’harmonisation des législations et pratiques nationales qu’elle demande. Ces aspects sont analysés ci-après de façon plus détaillée.

2.1. Le champ d’application: notion de «manipulation de compétitions sportives»

8. S’agissant d’un sujet aussi complexe, un premier écueil était de trouver un accord sur le champ d’application de la future convention. Une définition étroite de «manipulation de compétitions sportives» aurait pu saper à la fois la portée et l’efficacité de la convention. Cela n’a pas été le cas. Le préambule du projet de convention précise que «la manipulation de compétitions sportives peut être liée ou non aux paris sportifs, liée ou non à des infractions pénales, et que tous les cas de figure doivent être traités».
9. L’article 3.4 concorde avec cette affirmation de principe: «‘Manipulation de compétitions sportives’ désigne un arrangement, un acte ou une omission intentionnels visant à une modification irrégulière du résultat ou du déroulement d’une compétition sportive afin de supprimer tout ou partie du caractère imprévisible de cette compétition, en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou pour autrui.»
10. Cette définition permet d’appréhender tous les comportements intentionnels – individuels ou collectifs, positifs ou négatifs – qui visent à influencer indûment l’aléa sportif à son propre avantage ou à l’avantage d’autrui. C’est le résultat que nous attendions. Par ailleurs, l’article 3 donne une définition claire d’autres termes-clé pouvant prêter à discussion, comme ceux de compétition sportive, de pari sportif (en détaillant les notions de pari sportif illégal, atypique et suspect) et d’information d’initié.

2.2. Le renforcement de la coopération entre les parties prenantes

11. Dans le rapport sur «La nécessité de combattre le trucage de matchs», notre rapporteure, Mme Brasseur, avait insisté sur la nécessité d’une coopération élargie et renforcée entre toutes les parties prenantes. Coopération est le maître-mot du projet de convention.
12. Il s’agit, tout d’abord, de la coopération entre Etats, indispensable pour combattre les organisations criminelles qui agissent au niveau transnational y compris à l’aide d’internet. La manipulation des compétitions sportives, affirme le préambule, «constitue une menace d’ampleur mondiale (…) et requiert une réponse elle aussi mondiale, qui doit avoir le soutien de pays non membres du Conseil de l’Europe».
13. Je partage sans réserve cette analyse et je salue le fait que la future convention sera ouverte à la signature et à la ratification de l’Union européenne et des Etats non membres qui ont participé à son élaboration 
			(2) 
			Australie,
Bélarus, Canada, Israël, Japon, Maroc, Nouvelle Zélande. ou qui ont le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe et que d’autres Etats pourront y accéder sur invitation du Comité des Ministres. A cet égard, j’estime que nous devrions encourager nos gouvernements à chercher activement l’implication d’Etats tels que les Etats-Unis et la Chine. En effet, leur participation aux mécanismes de la convention renforcerait considérablement leur efficacité.
14. Le projet de convention se réfère également à la coopération, tant au niveau international que dans le cadre étatique, entre les autorités publiques et les autres acteurs: organisations sportives, organisateurs de compétitions sportives et opérateurs de paris sportifs.
15. La coopération avec les organisations sportives doit se fonder sur le principe d’autonomie sportive, mais aussi sur la responsabilité des organisations sportives et l’obligation pour les Etats de protéger l’intégrité du sport.
16. Le préambule du projet de convention rappelle, à cet égard, «que les organisations sportives, conformément au principe de l’autonomie du sport, sont responsables du sport, et sont dotées de responsabilités en matière d’autorégulation et de sanctions disciplinaires dans la lutte contre la manipulation de compétitions sportives, mais que les autorités publiques, autant que de besoin, protègent l’intégrité du sport». Le préambule affirme aussi que «les organisations sportives ont la responsabilité de détecter et de sanctionner les manipulations de compétitions sportives commises par des personnes relevant de leur autorité».
17. L’article 1.1 du projet de convention indique que: «Le but de la présente Convention est de combattre la manipulation de compétitions sportives, afin de protéger l’intégrité du sport et l’éthique sportive, dans le respect du principe de l’autonomie du sport.»
18. Cette approche fait écho à la position exprimée par l’Assemblée dans la Résolution 1875 (2012) sur la bonne gouvernance et l’éthique du sport: «L’intervention des Etats (…) doit tenir compte de la nécessité de préserver l’autonomie du mouvement sportif, mais aussi de l’exigence d’assurer que cette autonomie ne devienne pas un écran pour justifier l’inaction face aux dérives qui battent en brèche l’éthique sportive et aux agissements qui relèvent, ou devraient relever, du droit pénal.»
19. Le préambule insiste aussi sur le lien indispensable entre coopération et lutte efficace. On peut y lire «qu’une lutte efficace contre la manipulation de compétitions sportives requiert une coopération nationale et internationale renforcée, rapide, soutenue et fonctionnant correctement»; et «qu’un dialogue et une coopération entre les autorités publiques, les organisations sportives, les organisateurs de compétitions et les opérateurs de paris sportifs (…) sont essentiels à la recherche de réponses efficaces communes aux défis posés par le problème de la manipulation de compétitions sportives».
20. Ainsi, pour atteindre son but, la convention vise «à promouvoir la coopération nationale et internationale contre la manipulation de compétitions sportives, entre les autorités publiques concernées, et avec les organisations impliquées dans le sport et dans les paris sportifs» (article 1.2.b).
21. Cette affirmation de principe se décline ensuite en plusieurs dispositions spécifiques sur le contenu et les mécanismes de coopération. En effet, la coopération est un thème central des chapitres II, IV et VII du projet de convention, concernant respectivement: «Prévention, coopération et autres mesures»; «Droit pénal matériel et coopération en matière d’exécution»; «Coopération internationale en matière judiciaire et autre». De plus, le chapitre III est consacré aux «Echanges d’informations», qui sont à la base de toute collaboration.
22. Parmi les dispositions concernant la coopération, je voudrais en souligner deux:
  • l’article 26 exige que, s’agissant des infractions relatives à la manipulation de compétitions sportives visées par la convention, «Les Parties coopèrent dans toute la mesure du possible (…) aux fins d’investigation, de poursuites et de procédures judiciaires (…), y compris pour ce qui est de la saisie et de la confiscation» (article 26.1) ainsi «qu’en matière d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale» (article 26.2);
  • l’article 28 établit que «Chaque Partie, dans le respect de son droit interne, coopère avec les organisations sportives internationales dans la lutte contre la manipulation de compétitions sportives».
23. Dès lors, le projet de convention répond de façon adéquate à l’exigence de promouvoir la coopération, tout en reconnaissant aux Parties une marge de manœuvre qui permet de tenir compte des spécificités nationales, et en respectant l’autonomie du sport.

2.3. Harmonisation des législations et des pratiques nationales

24. La coopération en matière de lutte contre la manipulation de compétitions sportives pourrait être affaiblie par une trop grande disparité entre les législations des Parties et les modalités pratiques de leur mise en œuvre. A cet égard, le projet de convention contient une série de dispositions qui, en demandant l’adoption de mesures législatives ou autres visant certains résultats spécifiques, devraient favoriser un rapprochement des législations et des pratiques nationales, sans pour autant exiger leur uniformisation.
25. Les dispositions plus importantes sont sans doute celles qui figurent aux chapitres V (compétence, droit pénal procédural et répression) et VI (sanctions et mesures). Je reviendrai par la suite sur certaines de ces dispositions. Il convient néanmoins de souligner ici que, malgré certaines réticences – que la formulation prudente de certaines dispositions laisse transparaître – le projet de convention comporte des avancées significatives.
26. Il exige en particulier que les Parties érigent en infraction pénale:
  • la manipulation de compétitions sportives, dès lors que les faits comprennent des éléments de contrainte, de corruption ou de fraude (article 15);
  • les actes de blanchiment du produit de la manipulation de compétitions sportives (article 16);
  • la complicité dans les actes de manipulation de compétitions sportives (article 17).
27. D’autres dispositions importantes concernent:
  • la détermination de la compétence des Parties (article 19);
  • la responsabilité des personnes morales (article 18);
  • la prévision de sanctions dissuasive (articles 22 à 25);
  • la protection des données à caractère personnel (article 14);
  • la préservation des preuves électroniques (article 20).
28. Il faut aussi préciser que, de manière indirecte, le projet de convention vise à définir des obligations minimales pour les partenaires, voire des obligations que les Parties devraient leur imposer. Ainsi, par exemple, l’article 16.3 prévoit que: «Chaque Partie envisage d’inclure les manipulations de compétitions sportives dans le cadre de la prévention contre le blanchiment d’argent, en exigeant des opérateurs de paris sportifs d’appliquer des exigences de diligence due à l’égard des consommateurs, de tenue des registres et de déclarations.»
29. Les futures Parties à la convention devront adapter, si nécessaire, leurs législations préalablement à l’entrée en vigueur de la convention à leur égard. Naturellement, il n’est pas possible de fixer un délai, mais je propose de presser nos gouvernements afin que le processus d’adaptation – et la ratification – soit rapide.
30. Enfin, le projet de convention invite les Parties à «intégrer (…) la prévention et la lutte contre la manipulation de compétitions sportives dans les programmes d’assistance conduits au profit d’Etats tiers» (voir article 27). A cet égard, le Conseil de l’Europe a – me semble-t-il – un rôle important à jouer et il conviendrait de prévoir des programmes de coopération ciblés pour soutenir les Parties qui pourraient souhaiter bénéficier de l’expertise du Conseil de l’Europe pour réformer leurs systèmes. Je propose donc de formuler une recommandation à cet égard.

3. Recommandations spécifiques contenues dans la Résolution 1876 (2012)

31. Dans sa Résolution 1876 (2012), l’Assemblée a adressé des recommandations précises aux Etats membres notamment concernant le renforcement des mécanismes de prévention, de détection et de sanction. Il est important de vérifier dans quelle mesure les dispositions du projet de convention en tiennent compte.

3.1. Mesures de prévention

32. Concernant les actions de prévention, la Résolution 1876 (2012) contient deux recommandations concrètes:
  • veiller à la mise en place de programmes de formation et de sensibilisation des jeunes sportifs amateurs et professionnels (voir paragraphe 6.4);
  • interdire les paris sur les compétitions les plus vulnérables à des tentatives de corruption, et notamment les compétitions réservées aux sportifs de moins de 18 ans, les compétitions amateurs et, pour certains sports comme le football, les compétitions professionnelles de divisions inférieures (voir paragraphe 6.5).
33. Le projet de convention contient plusieurs dispositions visant la prévention, dont deux sont en rapport direct avec les recommandations susmentionnées.
34. L’article 6.1 établit que: «Chaque Partie encourage la sensibilisation, l’éducation, la formation et la recherche pour renforcer la lutte contre la manipulation de compétitions sportives.» L’emploi du verbe «encourager» implique un «engagement faible». Une terminologie prudente peut se justifier puisque les programmes de sensibilisation, éducation, formation et recherche doivent être développés dans le cadre d’une collaboration avec les autres partenaires et qu’ils demandent un effort financier. Il est utile de noter que cette disposition est complétée par d’autres, y compris l’article 7.2.d. Néanmoins, la mise en place de programmes de formation et de sensibilisation pour les jeunes sportifs n’est pas mentionnée explicitement. Dès lors, je propose de renforcer dans ce sens le paragraphe 72 du rapport explicatif (qui se réfère à l’article 6) et l’article 7.2.d du projet de convention.
35. L’article 9 prévoit que chaque Partie désigne la ou les autorités «chargées de mettre en œuvre la régulation des paris sportifs et d’appliquer toutes mesures pertinentes pour combattre la manipulation de compétitions sportives en lien avec les paris sportifs». Parmi ces mesures, le projet de convention mentionne «la limitation, lorsque nécessaire, de l’offre de paris sportifs, après consultation des organisations sportives nationales et des opérateurs de paris sportifs, en excluant notamment les compétitions sportives:
  • destinées spécifiquement aux moins de 18 ans, ou
  • dont les conditions d’organisation et/ou les enjeux sportifs sont insuffisants».
36. Cette disposition n’est peut-être pas aussi ambitieuse que la recommandation de l’Assemblée, mais elle s’inscrit clairement dans la droite ligne de celle-ci et en reprend l’essentiel. Le Comité de suivi de la convention (voir section 4 ci-après) aura un rôle important concernant la clarification des critères de limitation de l’offre de paris sportifs. Néanmoins, la liste des mesures dans l’article 9.1 est introduite par les mots «telles que». Cela peut conduire à l’interprétation que les Parties peuvent considérer comme pertinentes seulement certaines des mesures listées, voire aucune. Une telle interprétation devraient être évitée. Dès lors, je propose de recommander que les mots «telles que» soient remplacés par «y compris notamment».
37. La nécessité d’améliorer la prévention est prise en compte par d’autres dispositions, notamment en matière de prévention du conflit d’intérêts.
38. Ainsi, l’article 7 du projet de convention prévoit que chaque Partie encourage l’adoption par les organisations sportives et les organisateurs de compétitions sportives de règles et de principes de bonne gouvernance visant, entre autres:
  • la prévention des conflits d’intérêts (interdiction aux acteurs de la compétition sportive de parier sur les compétitions auxquelles ils participent; interdiction de l’utilisation abusive ou de la diffusion d’informations d’initié);
  • la sensibilisation des acteurs de la compétition au risque de manipulation de compétitions sportives et les efforts pour le combattre, par l’éducation, la formation et la diffusion d’informations;
  • la désignation la plus tardive possible des officiels compétents pour une compétition sportive, notamment les juges et les arbitres.
39. Par ailleurs, l’article 10.1 prévoit que «Chaque Partie adopte les mesures législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour prévenir les conflits d’intérêts et l’utilisation abusive d’informations d’initié par des personnes physiques ou morales impliquées dans la fourniture d’offres de paris sportifs» et indique de manière spécifique certaines situations de conflit d’intérêts auxquelles il faut avoir égard de manière particulière.
40. Enfin, les mesures de surveillance et de sanction, que j’examinerai dans les sections suivantes, ont aussi un rôle important de dissuasion.

3.2. Surveillance et détection

41. Concernant les mécanismes de surveillance et de détection, dans la Résolution 1876 (2012), l’Assemblée a recommandé aux Etats membres:
  • de créer dans chaque pays une autorité nationale de régulation des paris et d’étudier la création dans chaque pays d’un observatoire «intégrité du sport» et d’un groupe de travail «paris sportifs», en vue d’une mise en réseau des données au niveau européen (paragraphe 6.6);
  • de travailler avec les opérateurs de paris nationaux et internationaux pour mettre en place des procédures efficaces de détection des paris suspects (paragraphe 6.10).
42. Le projet de convention répond bien aux attentes, voire les dépasse. En particulier, non seulement l’article 9 du projet de convention requiert que chaque Partie désigne l’autorité ou les autorités de régulation des paris sportifs, mais aussi l’article 13.1 établit que «Chaque Partie identifie une plateforme nationale chargée de traiter de la manipulation de compétitions sportives».
43. Cette plateforme devrait servir de centre d’information et s’acquitter de fonctions importantes notamment en matière de gestion des flux d’informations entre les partenaires, d’alerte, de coordination de la lutte contre la manipulation des compétitions sportives et de coopération aux niveaux national et international.
44. Il convient également de noter qu’aux termes de l’article 10.3 «Chaque Partie adopte les mesures législatives ou autres nécessaires pour obliger les opérateurs de paris sportifs à signaler sans délai les paris atypiques ou suspects à l’autorité de régulation des paris, à la ou aux autres autorités responsables, ou à la plateforme nationale».

3.3. Poursuite et sanctions

45. Concernant les procédures de poursuite et les sanctions applicables en matière de manipulation des compétitions sportives, la Résolution 1876 (2012) demande aux Etats membres:
  • de développer, en collaboration avec les institutions sportives, des règles et des mécanismes adaptés pour faire en sorte que les sanctions disciplinaires prises par les commissions des fédérations ainsi que les sanctions pénales pour corruption soient suffisamment dissuasives et effectivement appliquées (paragraphe 6.7);
  • de promouvoir la reconnaissance mutuelle entre pays et fédérations sportives des sanctions pénales, administratives, disciplinaires et sportives (paragraphe 6.8);
  • de veiller à la coopération entre les autorités judiciaires et de police nationales et internationales pour améliorer l’efficacité des investigations et des poursuites dans les affaires de trucage de matchs (paragraphe 6.9).
46. Ici le projet de convention impacte directement les compétences des Etats en matière pénale. En analysant la question de l’harmonisation des droits nationaux, j’ai déjà évoqué quelques dispositions centrales, mais il convient d’approfondir leur analyse.
47. Comme le rapport explicatif le clarifie, le projet de convention n’impose pas aux Parties d’introduire dans leurs ordres juridiques respectifs une infraction pénale spéciale harmonisée en matière de manipulation de compétitions sportives. Les Parties doivent néanmoins s’assurer que les comportements relevant de la notion de manipulation de compétitions sportives soient couverts par leur droit pénal de manière appropriée et elles doivent donc identifier les actes qui seront poursuivis à ce titre; cela est, en effet, une condition de l’efficacité de la coopération judiciaire et policière entre les Parties.
48. A cet égard, le projet de convention se réfère spécifiquement aux faits de manipulation qui comprennent des éléments de contrainte, de corruption ou de fraude (article 15), à la complicité intentionnelle dans ces actes de manipulation (article 17) et au blanchiment du produit de ces infractions (article 16).
49. Il est demandé aux parties de prévoir également la responsabilité des personnes morales lorsque les infractions en question «sont commises pour leur compte par toute personne physique, agissant soit individuellement, soit en tant que membre d’un organe de la personne morale, qui exerce un pouvoir de direction au sein de celle-ci» (article 18). Cette dernière disposition est d’une grande importance, car si la responsabilité des personnes morales n’était pas affirmée, derrière l’écran de ces entités (et compte tenu de la séparation de leur patrimoine) la criminalité organisée continuerait de prospérer.
50. Le système ainsi conçu cherche à réconcilier le besoin d’un cadre commun et la marge de manœuvre des Etats. Le point d’équilibre retenu par le groupe de rédaction me semble acceptable. Néanmoins, dans le paragraphe 5.3.4 de la Recommandation 1997 (2012), nous avons demandé au Comité des Ministres de «définir un cadre minimal pour ériger la fraude sportive en infraction pénale dans les différents pays». L’introduction dans les ordres juridiques des Parties d’une infraction spéciale harmonisée faciliterait la collaboration entre les Etats et celle entre les autorités publiques et les autres parties prenantes. Je proposerai donc que le Comité de suivi de la convention (voir section 4 ci-après) soit explicitement chargé de l’élaboration de dispositions-modèle, dont l’introduction dans les ordres juridiques nationaux resterait néanmoins facultative.
51. Le projet de convention envisage un éventail de sanctions, de nature pénale, administrative et disciplinaire qui répond à nos attentes. En particulier:
  • l’article 22 demande que les sanctions pénales à l’encontre des personnes physiques soient «effectives, proportionnées et dissuasives», et elles devraient inclure des sanctions pécuniaires et des peines de privation de liberté pouvant donner lieu à l’extradition;
  • l’article 23 s’exprime dans des termes analogues concernant les sanctions à l’encontre des personnes morales;
  • l’article 25 requiert de prévoir la saisie et la confiscation tant des biens, documents et autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour commettre la manipulation que des produits de l’infraction, ou de biens d’une valeur équivalente à ces produits.
52. Il me semble important de prendre position sur le choix fait par le groupe de rédaction d’inclure dans le projet la question de la lutte contre les paris sportifs illégaux. D’aucuns ont hésité et d’autres n’ont pas manqué, y compris devant le Comité des Ministres, d’exprimer de fortes réserves en ce qui concerne les dispositions du projet de convention à cet égard. Pour ma part, je considère que ce choix est non seulement parfaitement justifié, mais également inévitable. Il ne ferait aucun sens de prendre en considération les paris sportifs légaux mais d’oublier les paris illégaux, de demander la coopération des opérateurs de paris qui agissent de manière transparente et dans le respect de l’ordre juridique et de laisser les autres agir impunément.
53. Au contraire, je crois qu’en cherchant à vaincre les réticences, le groupe de rédaction a finalement abouti à une disposition peu utile. Je me réfère à l’article 11.1 du projet de convention, qui demande que «chaque Partie étudie les moyens les plus adaptés de lutte contre les opérateurs de paris sportifs illégaux et envisage l’adoption de mesures dans le respect du droit applicable à la juridiction concernée».
54. S’agissant de la lutte contre les paris illégaux, il est difficile de comprendre pourquoi les Parties ne prendraient pas un engagement plus ferme que celui d’«étudier», terme vague et qui au fond n’oblige à aucun résultat. Ce que nous souhaitons est que les Parties prévoient et appliquent des mesures adaptées. Il faudrait donc proposer une formulation différente pour demander que chaque Partie «adopte des mesures efficaces» telles que celles listées ensuite dans le même article.
55. Enfin, le système a une brèche: la possibilité pour une Partie de déclarer qu’elle se réserve le droit de ne pas établir sa compétence (ou de le faire mais dans des cas ou conditions spécifiques) lorsqu’une infraction relevant des articles 15 à 17 est commise «par une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire» (voir article 19.2 en lien avec l’article 19.1.e).
56. Le rapport explicatif indique que l’on couvre ainsi «le cas de sportifs de nationalité étrangère qui ont leur lieu de résidence habituel dans un pays mais qui se livreraient à des activités criminelles à l’occasion des compétitions se déroulant dans d’autres pays». Je note que ce cas concerne souvent des sportifs de haut niveau.
57. Je ne vois aucune raison d’assurer une sorte d’impunité à des sportifs qui trichent en renonçant à la compétence pour les poursuivre et je considère tout simplement aberrant qu’on ouvre ainsi les mailles du filet en permettant non seulement à des sportifs peu scrupuleux, mais aussi à toute autre personne malintentionnée, voire à des organisations criminelles de s’établir – et notamment de créer des sociétés écran – sur le territoire d’un Etat qui n’aurait pas de juridiction à leur égard lorsqu’il s’agit des infractions liées à la manipulation de compétitions sportives commises dans un autre pays. En outre, le manque de compétence affaiblit également l’efficacité de la règle «aut dedere, aut iudicare» (extrader ou poursuivre) prévue à l’article 19.3. Je propose donc que l’article 19.2 soit supprimé.

4. Mécanisme de suivi

58. Pour garantir la mise en œuvre efficace de la convention, le projet prévoit l’établissement d’un «Comité de suivi» composé des représentants des Parties.
59. L’article 30.3 précise que «L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l’Europe désignent chacun un représentant au Comité de suivi de la Convention afin de contribuer à une approche plurisectorielle et pluridisciplinaire», sans droit de vote. Cela permet d’envisager la participation régulière d’organes comme le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) ou le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC).
60. Par ailleurs, il est prévu que le Comité de suivi puisse inviter, par décision unanime, tout Etat non Partie à la convention ou toute organisation ou organisme international, à se faire représenter (comme observateur) lors des réunions. Il pourra ainsi bénéficier de l’expertise et de l’expérience d’organisations déjà impliquées dans la lutte contre la manipulation de compétitions sportives ou autres activités pertinentes.
61. Les fonctions du Comité de suivi sont énumérées à l’article 31 du projet de convention. Il pourra, entre autres, «adresser aux Parties des recommandations concernant les mesures à prendre pour la mise en œuvre de la présente Convention, notamment en matière de coopération internationale» (article 31.2.b) mais aussi formuler des recommandations sur des questions très techniques, comme sur les critères de limitation de l’offre de paris sportifs et les critères définissant les paris sportifs atypiques et suspects (article 31.2.c). Le texte suggère que les fonctions ne sont pas obligatoires: le Comité de suivi «peut» les accomplir. Cela est acceptable, sauf pour la fonction mentionnée à l’article 31.2.a. L’adoption et la mise à jour de la liste des organisations sportives est clairement une condition préalable à la mise en œuvre effective de la convention. Dès lors, nous devrions recommander de reformuler l’article 31.2 afin qu’il prévoie que le Comité de suivi «doit» adopter et modifier la liste.
62. Il incombera aussi au Comité de suivi d’«assurer l’information des organisations internationales compétentes et du public sur les travaux entrepris dans le cadre de la présente Convention» (article 31.2.d). Enfin, il convient de souligner que ce Comité pourra effectuer des visites dans les Etats parties, sous réserve de leur accord (article 31.4)
63. L’article 30.6 prévoit que «Le Comité de suivi de la Convention est assisté dans l’exercice de ses fonctions par le Secrétariat du Conseil de l’Europe». Il faut alors assurer que des ressources suffisantes soient allouées à cet effet et veiller à ce que l’efficacité du mécanisme ne soit pas compromise par le manque de moyens.
64. Enfin, l’article 29 établit que: «Chaque Partie transmet au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, dans l’une des langues officielles du Conseil de l’Europe, toutes les informations pertinentes relatives à la législation et aux autres mesures qu’elle aura prises dans le but de se conformer aux dispositions de la présente Convention.» Le projet ne prévoit pas explicitement la fréquence de ces communications, mais le rapport explicatif indique à cet égard que le Comité de suivi pourra spécifier la nature des informations, ainsi que la fréquence et les modalités de collecte d’informations.

5. Remarques conclusives

65. Le groupe de rédaction a fait un excellent travail. Nous devons le saluer et demander une conclusion rapide des travaux et l’ouverture à la signature et à la ratification de la convention, si possible avant la fin de l’année 2014.
66. Dès lors, il faut éviter que nos propositions puissent offrir un prétexte pour ralentir le processus. Néanmoins, il me semble important d’attirer l’attention du Comité des Ministres sur quelques dispositions qui méritent d’être reconsidérées, en vue de renforcer le système envisagé. J’ai repris mes propositions à cet égard dans le projet d’avis. J’ai également ajouté quelques propositions d’amendements ayant un caractère technique, que je considère utiles.
67. Surtout, il faut absolument prévenir que, sous la pression de quelques Etats récalcitrants, le Comité des Ministres cède à la tentation de revenir en arrière sur certaines solutions. Il faut donc insister sur l’importance que nous accordons aux engagements envisagés, et recommander qu’ils ne soient revus que pour les renforcer et certainement pas pour les affaiblir, car cela nuirait à l’efficacité du système.