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Résolution 1997 (2014) Version finale

Migrants et réfugiés, et la lutte contre le sida

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 23 mai 2014 (voir Doc. 13391, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Doris Fiala; et Doc. 13431, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Liliane Maury Pasquier).

1. Le droit à la santé est un droit fondamental de l’être humain. De par son universalité, le droit à la santé s’applique à toutes et à tous, y compris les migrants, quel que soit leur statut. L’accès aux soins est un élément essentiel du droit à la santé.
2. Les migrants, y compris les demandeurs d’asile et les réfugiés, constituent un groupe particulièrement vulnérable au virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Leur taux d’infection élevé est dû à la situation épidémiologique qui prévaut dans leur pays d’origine et aux difficultés que les migrants rencontrent pour accéder aux informations concernant le virus et au traitement de ce dernier une fois qu’ils vivent en Europe.
3. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par le fait que les migrants sont confrontés à de multiples formes de discrimination et de stigmatisation lorsqu’ils sont dépistés positifs pour le VIH/sida. Certains pays vont jusqu’à leur refuser l’entrée sur leur territoire ou le renouvellement de leur titre de séjour. L’Assemblée est également préoccupée par les politiques qui exigent un dépistage obligatoire du VIH et par les dépistages qui sont effectués sans le consentement des migrants concernés.
4. Divers facteurs dissuadent trop souvent les migrants d’accéder aux services de prévention et de traitement. Ceux-ci peuvent être liés à des obstacles linguistiques, culturels et sociaux, et à des difficultés pour accéder au marché de l’emploi, aux services sociaux et à un logement. Les contraintes financières représentent également un facteur important lorsque les Etats font payer le dépistage et le traitement du VIH. En outre, les migrants en situation irrégulière sont confrontés à un autre problème: ils craignent que leur statut vis-à-vis des services d’immigration ne soit signalé s’ils prennent contact avec les autorités sanitaires. L’ensemble de ces facteurs conduit soit à un phénomène de non-recours ou de recours tardif aux soins, soit à une impossibilité d’y accéder, ce qui pourrait avoir des implications catastrophiques pour la santé au plan tant individuel que public, tout en conduisant, à long terme, à une augmentation des dépenses de santé.
5. L’Assemblée note que la plupart des pays européens ne disposent pas de données et d’informations suffisantes sur la transmission du VIH parmi les migrants. Elle note également une absence de soutien psychologique ainsi qu’une information et une éducation insuffisantes des migrants concernant le dépistage, le traitement et les pratiques sexuelles sans risques, ce qui peut de contribuer à la transmission du virus.
6. L’Assemblée est convaincue que toutes les personnes, y compris les migrants en situation régulière et irrégulière, vivant avec le VIH/sida dans les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient bénéficier d’un accès gratuit au traitement. L’Assemblée estime que cette mesure est dans l’intérêt des personnes séropositives et du système de santé publique dans son ensemble car elle réduit le risque de transmettre le virus à d’autres ainsi que les coûts élevés du traitement d’urgence et d’autres traitements.
7. L’Assemblée considère qu’un migrant séropositif ne devrait jamais être expulsé s’il apparaît clairement qu’il ne recevra pas les soins de santé et l’assistance nécessaires dans le pays vers lequel il sera renvoyé. Le fait d’expulser cette personne reviendrait à la condamner à mort.
8. L’Assemblée considère que, compte tenu du nombre de migrants, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile, qui vivent en Europe avec le VIH, et des difficultés particulières qu’ils rencontrent, il est nécessaire de prendre un certain nombre de mesures spéciales concernant ce groupe vulnérable.
9. L’Assemblée demande donc aux Etats membres de faire en sorte que les programmes et les services de traitement du VIH à destination des migrants soient assurés dans une mesure appropriée et suffisante, et plus particulièrement:
9.1. en ce qui concerne les mesures législatives:
9.1.1. de revoir et de réviser leur législation dans le but de supprimer les dispositions discriminatoires et les obstacles juridiques qui entravent les mesures préventives et le traitement des migrants atteints du VIH/sida;
9.1.2. de retirer les dispositions du droit national qui empêchent les migrants séropositifs d’entrer sur le territoire ou qui prévoient leur expulsion uniquement du fait de leur statut sérologique;
9.1.3. d’inclure dans le droit national la notion de protection des étrangers gravement malades, en leur garantissant une protection contre l’expulsion lorsque aucun traitement adapté n’est disponible dans le pays où la personne doit être renvoyée ou lorsqu’un tel traitement n’y est pas réalistement accessible pour la personne concernée compte tenu de sa situation personnelle;
9.1.4. de disposer qu’aucune personne ne devrait être détenue uniquement en raison de son statut sérologique;
9.1.5. d’adopter des dispositions antidiscriminatoires concernant tous les migrants séropositifs et de veiller à ce que des instances spécialisées s’assurent de leur respect;
9.2. en ce qui concerne l’accès au dépistage, au traitement et aux mesures préventives:
9.2.1. de veiller à ce que des politiques de prévention et de traitement du VIH distinctes selon le sexe soient élaborées aux niveaux national et international;
9.2.2. d’assurer l’accessibilité pour les migrants aux informations concernant la prévention, le dépistage et le traitement du VIH;
9.2.3. de garantir aux migrants un dépistage volontaire et anonyme du VIH;
9.2.4. de faire en sorte que tous les migrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, bénéficient d’un accès gratuit et universel au dépistage du VIH et à des conseils en la matière, ainsi qu’à une éducation sexuelle et des programmes de sensibilisation sur la prévention du VIH/sida;
9.2.5. de veiller à ce que les groupes vulnérables parmi les migrants, plus particulièrement les femmes, les enfants, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les professionnels du sexe, qui sont particulièrement exposés à l’infection, reçoivent une attention particulière;
9.2.6. de s’assurer que les besoins des réfugiés et des demandeurs d’asile sont pris en compte, compte tenu des traumatismes qu’ils ont pu vivre et qu’ils continuent de subir;
9.2.7. de faire en sorte que les médicaments et le traitement du VIH soient financièrement accessibles et disponibles pour tous les migrants porteurs du virus, et que le secteur privé, y compris les entreprises pharmaceutiques, soit totalement mobilisé pour apporter des réponses efficaces dans la lutte contre l’épidémie de VIH;
9.2.8. de dissocier leur politique de l’immigration de celle de la santé, le cas échéant en supprimant l’obligation faite aux professionnels de santé de signaler des migrants en situation irrégulière;
9.3. en ce qui concerne les mesures politiques:
9.3.1. d’adopter des plans nationaux de lutte contre le VIH/sida ou, le cas échéant, de les réviser en y incluant une partie spécifique sur les migrants, avec la contribution des personnes touchées par le virus et en consultation avec les représentants de la société civile;
9.3.2. de consacrer davantage de fonds aux services VIH/sida dans les pays à faible et à moyen revenu par le biais des politiques de coopération et de développement des Etats membres;
9.3.3. d’allouer des fonds supplémentaires et de renforcer le soutien aux représentants de la société civile qui travaillent avec les migrants séropositifs.