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Avis de commission | Doc. 13544 | 24 juin 2014

Contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Maria Teresa BERTUZZI, Italie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12603, Renvoi 3783 du 20 juin 2011. Commission chargée du rapport: commission des questions politiques et de la démocratie. Voir le Doc. 13526. Avis approuvé par la commission le 23 juin 2014. 2014 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme félicite la commission des questions politiques et de la démocratie et sa rapporteure, Mme Liliane Maury Pasquier, pour le caractère objectif et complet de son rapport et de son projet de résolution. La commission souscrit très largement aux conclusions et recommandations du projet de résolution.

La commission se réjouit tout particulièrement de constater que le projet de résolution mentionne expressément la tenue d’un référendum visant à déterminer le statut du Sahara occidental, moyen indispensable à l’exercice, par la population du Sahara occidental, de son droit internationalement reconnu à l’autodétermination.

La commission souhaite néanmoins proposer quelques amendements, afin de renforcer encore le projet de résolution du point de vue juridique et sur le plan des droits de l’homme.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Après le paragraphe 4.2, insérer le paragraphe suivant:

«encourage les parties à renforcer la participation des Sahraouis aux négociations politiques, conformément au «principe de la primauté des intérêts des habitants [des] territoires [non autonomes]» énoncé par l’article 73 de la Charte des Nations Unies;»

Amendement B (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 4.7, remplacer les mots «sans attendre un règlement politique définitif du conflit, qui est l'objectif à atteindre qui permettra le plein exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales» par les mots suivants:

«sans préjuger d’un règlement politique du conflit à propos du statut du territoire»

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 4.8, insérer les mots «qui auraient été» avant le mot «commis».

Amendement D (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 5.2 par le paragraphe suivant:

«à mettre pleinement et rapidement en œuvre les recommandations formulées par les organes des Nations Unies en matière de droits de l’homme, ainsi qu’à continuer à coopérer efficacement avec ces mécanismes et à faciliter leurs visites au Sahara occidental;»

Amendement E (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 5.7, insérer les mots suivants:

«et à mettre un terme à la pratique des arrestations et détentions arbitraires»

Amendement F (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 6.2 par le paragraphe suivant:

«à continuer à coopérer efficacement avec les organes des Nations Unies en matière de droits de l’homme et à faciliter leurs visites dans les camps de réfugiés situés près de Tindouf;»

Amendement G (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 6.3, remplacer les mots «et s'acquitter des obligations au regard du droit humanitaire» par les mots suivants:

«et à s’engager à garantir la pleine jouissance, par la population des camps, de ses droits de l’homme fondamentaux, y compris de ses droits économiques, sociaux et culturels»

Amendement H (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 6.7 par le paragraphe suivant:

«à développer une culture des droits de l’homme dans les camps de Tindouf et veiller à leur respect, afin de protéger les populations déplacées de toute forme de violence.»

Amendement I (au projet de résolution)

Au paragraphe 8.1, avant les mots «toutes les recommandations formulées», insérer les mots «pleinement et rapidement».

Amendement J (au projet de résolution)

Au paragraphe 9.1, après les mots «la recherche d'une solution politique juste et définitive au conflit», insérer les mots «à la lumière de la Résolution 2152 (2014) du Conseil de sécurité,».

Amendement K (au projet de résolution)

Après le paragraphe 9.2, ajouter le paragraphe suivant:

«à soutenir, au sein des Nations Unies, l’insertion d’un suivi des droits de l’homme dans le mandat de la MINURSO»

C. Exposé des motifs, par Mme Bertuzzi, rapporteure pour avis

(open)

Je ne puis que féliciter Mme Liliane Maury Pasquier de son excellent rapport et des recommandations complètes qu’elle a formulées.

J’aimerais cependant proposer quelques amendements au projet de résolution, qui visent à renforcer sa terminologie juridique et à mettre tout particulièrement l’accent sur certaines questions relatives aux droits de l’homme.

1. Amendement A (au projet de résolution)

Note explicative

Je suis d’avis que le projet de résolution pourrait être encore renforcé s’il soulignait expressément «la primauté des intérêts des habitants [des] territoires [non autonomes]», comme le prévoit le chapitre XI, article 73, de la Charte des Nations Unies. Toute négociation politique – y compris, mais pas uniquement, celle qui concerne le règlement du litige territorial – devrait être régie par ce principe. C’est ce qu’a récemment rappelé le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, qui s’est dit préoccupé par le fait que l’exploitation des ressources nationales du Sahara occidental pouvait être contraire aux intérêts des populations sahariennes autochtones 
			(1) 
			 Rapport du Secrétaire
général des Nations Unies au Conseil de sécurité des Nations Unies
sur la situation concernant le Sahara occidental, <a href='http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/2014/258'>document
S/2014/258</a>, 10 avril 2014, paragraphes 22 et 97..

2. Amendement B (au projet de résolution)

Note explicative

Cette proposition vise à mettre davantage l’accent sur les obligations nées pour le Maroc du droit international des droits de l’homme et des garanties constitutionnelles correspondantes, notamment en supprimant les ambiguïtés du projet de résolution. Dans son libellé actuel, le paragraphe 4.7 est quelque peu contradictoire et pourrait donner lieu à des divergences d’interprétation. Je préférerais éviter de donner l’impression que le statut non réglé du Sahara occidental peut servir de prétexte à l’une ou l’autre partie pour retarder l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans la région. Je propose par conséquent de modifier le paragraphe 4.7 pour rappeler expressément l’obligation faite aux autorités marocaines de garantir à toute personne relevant de leur juridiction le respect du plein éventail des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés par les instruments juridiques internationaux et nationaux pertinents auxquels elles sont liées, indépendamment de tout règlement politique du litige territorial.

3. Amendement C (au projet de résolution)

Note explicative

Compte tenu du principe de la présomption d’innocence, cet amendement vise à employer une terminologie juridique plus précise et souligne la nécessité d’établir une distinction entre les auteurs d’infractions condamnés et les personnes supposées avoir commis une infraction, mais qui n’ont pas été reconnues coupables d’avoir commis un acte répréhensible par un tribunal.

4. Amendement D (au projet de résolution)

Note explicative

Cet amendement vise à rendre le projet de résolution plus précis, en renforçant le paragraphe 5.2 d’une triple façon.

Premièrement, je propose de préciser que lesdites recommandations devraient être «pleinement et rapidement» mises en œuvre par les autorités marocaines. Cela paraît nécessaire compte tenu du fait que, malgré les progrès réalisés dans certains domaines et reconnus dans l’exposé des motifs de Mme Maury Pasquier, certaines recommandations doivent encore être mises en œuvre (voir les paragraphes 43 et 52 du rapport).

Deuxièmement, dans un souci de clarté et de détail, je propose d’évoquer les recommandations qui émanent de l’ensemble des organes pertinents des Nations Unies en matière de droits de l’homme, qu’ils aient été établis sur la base de la Charte (y compris, mais pas uniquement, les mécanismes de Procédures spéciales mentionnées dans le rapport de Mme Maury Pasquier) ou qu’ils aient un fondement conventionnel.

Enfin, je propose d’encourager les autorités marocaines à continuer de coopérer pleinement avec ces mécanismes de suivi, notamment en facilitant les visites sur place effectuées sur le territoire du Sahara occidental. Cette insertion rendrait le projet de résolution plus impartial, à la lumière du fait que le paragraphe 6.2 appelle le front Polisario et l’Algérie à inviter les experts indépendants des droits de l’homme («Procédures spéciales») du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à se rendre dans les camps. Il me paraît important d’encourager toutes les parties concernées à poursuivre et à intensifier davantage leur coopération avec les mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations Unies.

5. Amendement E (au projet de résolution)

Note explicative

Dans le paragraphe 41 de son rapport, Mme Maury Pasquier observe que plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) internationales ont signalé des cas d’arrestations et de détentions arbitraires d’opposants sahraouis favorables à l’indépendance. Ces informations sont corroborées par des sources des Nations Unies 
			(2) 
			Voir le <a href='http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/2014/258'>document
S/2014/258</a>, ibid., paragraphe
80. Le rapport fait état d'allégations d'enfants arrêtés pour avoir participé
à des manifestations. . Cet élément devrait selon moi transparaître dans le projet de résolution, surtout si l’on tient compte du fait que l’arrestation d’opposants aurait, pour la première fois en janvier 2014, entraîné une violation de la Convention sur le statut des forces par les soldats marocains 
			(3) 
			L’incident mentionné
ici concerne l'entrée non autorisée d'un groupe de soldats marocains
dans les locaux de la MINURSO, en vue d'arrêter cinq Sahraouis non
armés qui cherchaient à manifester à l'intérieur du site. Ibid., paragraphe 38..

6. Amendement F (au projet de résolution)

Note explicative

L’objectif de cet amendement est double: d’une part, l’impartialité du projet de résolution et, d’autre part, la précision d’un élément technique à caractère juridique.

En premier lieu, comme le montre la note explicative de l’amendement D, je souscris pleinement à l’invitation lancée par la commission principale aux mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations Unies à se rendre au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés. Je suis convaincue que ces visites contribueront également à créer un environnement propice au renforcement d’un dialogue politique fondé sur une confiance mutuelle. A cet égard, j’ai appris avec plaisir à la lecture du rapport de Mme Maury Pasquier que le Front Polisario semblait favorable à la surveillance du respect des droits de l’homme dans les camps et désireux de la faciliter 
			(4) 
			Voir le <a href='http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/2014/258'>document
S/2014/258</a>, supra note 2,
paragraphes 21 et 84. . Selon moi, le projet de résolution devrait refléter le fait que le Front Polisario a déjà invité le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) à se rendre dans les camps. Parallèlement, elle devrait mentionner non seulement les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, mais également l’ensemble des mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations Unies. C’est pourquoi je propose d’employer la même terminologie que dans l’amendement D, qui concerne le paragraphe 5.2.

Deuxièmement, comme cette recommandation s’adresse à la fois au Front Polisario et à l’Algérie, et conformément au champ d’application du projet de résolution et du rapport, il importe de préciser que la «région» évoquée au paragraphe 6.2 dans son libellé actuel est celle des camps de réfugiés situés près de Tindouf.

7. Amendement G (au projet de résolution)

Note explicative

Cet amendement vise à employer une terminologie juridique plus précise. Comme le paragraphe 6.3 a pour but de souligner la nécessité d’améliorer la situation humanitaire des réfugiés des camps de Tindouf, le fait de mentionner les normes du droit humanitaire international risque de prêter à confusion. Il convient en revanche de mentionner le droit international des droits de l’homme, y compris, notamment, les droits économiques, sociaux et culturels des personnes qui vivent dans les camps.

8. Amendement H (au projet de résolution)

Note explicative

Comme le paragraphe 6 du projet de résolution s’adresse à la fois au Front Polisario et à l’Algérie, et partant du principe que son champ d’application se limite à la situation des camps de réfugiés situés près de Tindouf, je propose de supprimer la mention des juges, procureurs, membres des institutions et représentants de la société civile.

9. Amendement I (au projet de résolution)

Note explicative

La présente proposition vise, de la même manière que l’amendement D, à renforcer le projet de résolution en invitant instamment le Parlement marocain à intensifier rapidement les mesures prises pour garantir la pleine mise en œuvre de l’ensemble des recommandations pertinentes des Nations Unies et du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).

10. Amendement J (au projet de résolution)

Note explicative

Grâce à cette insertion, je propose de rappeler que les conditions essentielles à la recherche «d'une solution politique juste et définitive au conflit» ont déjà été admises dans le cadre des Nations Unies. La nécessité de respecter le droit à l’autodétermination des Sahraouis, notamment, a été reconnue par la Résolution S/RES/377(1975) du Conseil de sécurité et a depuis été réaffirmée constamment dans plusieurs résolutions ultérieures, à la fois par le Conseil de sécurité et par l’Assemblée générale (tout récemment, respectivement dans la résolution S/RES/2152 (2014) du 29 avril 2014 et dans la Résolution A/RES/68/91 du 11 décembre 2013). Cet amendement renforcerait également la cohérence du projet de résolution, en harmonisant le libellé du paragraphe 9.1 avec celui du paragraphe 4.1.

11. Amendement K (au projet de résolution)

Note explicative

Comme je l’ai fait remarquer au sujet des amendements D et F que je propose, je suis fermement convaincue qu’on ne saurait trop souligner l’intérêt d’un suivi indépendant, impartial et professionnel des droits de l’homme en vue d’en prévenir les violations et d’y remédier efficacement (ainsi que pour instaurer la confiance et favoriser ainsi le règlement du conflit). S’agissant des camps de réfugiés, la nécessité de disposer d’informations plus complètes sur la situation des droits de l’homme a été soulignée par les ONG internationales 
			(5) 
			Amnesty International, <a href='http://www.amnesty.org/en/news/western-sahara-un-2013-04-23'>UN
'miss opportunity' to allow Western Sahara human rights monitoring</a>, 25 avril 2013. et le paragraphe 6.2 en tient compte. L’amendement D que je propose vise de même à mettre davantage l’accent sur la nécessité d’examiner de manière approfondie la situation sur le territoire du Sahara occidental.

Toutes les parties devraient être fortement encouragées à garantir le libre accès à la région des observateurs locaux et internationaux, et notamment des Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, mais je suis convaincue que le meilleur moyen d’entreprendre un suivi indépendant, impartial et soutenu des droits de l’homme sur le territoire et dans les camps, en privilégiant un large éventail de questions diverses, consiste à y procéder dans le cadre du fonctionnement de la MINURSO. Cette dernière pourrait rendre compte régulièrement et directement au Conseil de sécurité des Nations Unies; elle serait ainsi moins dépendante de la coopération des parties pour assurer le suivi de la situation, ce qui lui permettrait de réagir rapidement aux circonstances qui exigent la prise immédiate de mesures. En outre, je ne doute pas que le suivi et le compte rendu de la situation des droits de l’homme par la MINURSO seraient jugés impartiaux, objectifs et indépendants par les autorités marocaines et le Front Polisario. Il convient par conséquent d’encourager les Etats membres à promouvoir, au sein des Nations Unies, l’insertion des compétences correspondantes dans le mandat de la Mission au cours des débats qui seront consacrés à son probable renouvellement en avril 2015.