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Résolution 2001 (2014) Version finale

Violence véhiculée dans et par les médias

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 24 juin 2014 (22e séance) (voir Doc. 13509, rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, rapporteur: Sir Roger Gale; et Doc. 13536, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Maryvonne Blondin). Texte adopté par l’Assemblée le 24 juin 2014 (22e séance).Voir également la Recommandation 2048 (2014).

1. L’Assemblée parlementaire note que les médias jouent un rôle prépondérant dans la vie quotidienne des sociétés modernes. Dans ce contexte, il est alarmant de constater que des actes d’une violence extrême ont été commis par des individus qui avaient été exposés de manière intensive à la violence dans les médias. Il est donc de la plus haute importance que les sociétés démocratiques traitent cette corrélation de façon appropriée.
2. Le paysage des médias a beaucoup changé au cours des dix dernières années, en raison notamment du développement considérable de l’internet et des médias en ligne. Ces médias, ainsi que la convergence des médias traditionnels avec les réseaux sociaux et le partage de contenus entre les utilisateurs, ont créé de nouvelles formes de violence qu’ils véhiculent. Les politiques et réglementations existantes qui visent la violence dans les médias sont confrontées à des défis tant sur le plan juridique que sur le plan pratique.
3. La violence véhiculée dans et par les médias peut prendre des formes différentes, allant de la violence verbale ou implicite à la représentation de la violence physique ou psychologique, y compris la violence sexuelle. Cette violence peut être dirigée contre des personnages de fiction ou des êtres humains, la distinction entre les deux catégories étant brouillée par les progrès techniques réalisés dans le domaine des images de synthèse. L’interactivité des jeux informatiques, des outils internet (réseaux sociaux, chats, moteurs de recherche, achats en ligne, etc.) et l’accessibilité universelle de ces médias (par «smartphone») créent pour les utilisateurs de multiples possibilités d’exploiter la violence véhiculée dans et par les médias, et de s’y identifier.
4. De par leur forte activité dans certains nouveaux médias, les enfants (jusqu’à 18 ans) sont particulièrement exposés aux nouvelles formes de violence véhiculée dans et par les médias, et à tous les risques encourus; leur situation mérite donc une attention particulière.
5. Un aspect particulièrement grave de ce développement est l’incitation à la violence par les médias, c’est-à-dire l’apologie de comportements violents faite par un produit ou un service médiatique. Le cyber-harcèlement est une forme d’agression interpersonnelle qui utilise internet et les téléphones mobiles comme armes, mais qui peut être une conséquence de l’incitation à la violence par le truchement des médias. Dans des circonstances mettant en cause d’autres facteurs, une telle agression pourrait également conduire à l'auto-agression ou au suicide.
6. La perception de la violence peut varier selon les individus et les sociétés, et elle peut évoluer avec le temps, mais il est généralement admis en Europe que la liberté d’expression et d’information garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) ne s’applique ni à la pédopornographie ni au discours de haine. La pédopornographie et les images d’abus d’enfants en tant que violations graves des droits de l’enfant ont été couvertes par l’Assemblée dans ses travaux menant à la Résolution 1834 (2011) et à la Recommandation 1980 (2011) «Combattre les images d'abus commis sur des enfants par une action engagée, transversale et internationalement coordonnée». La violence peut aussi être véhiculée par les médias de manière insidieuse, par exemple dans la représentation de l’hypersexualisation des enfants.
7. Afin de traiter efficacement la violence dans les médias, tous les acteurs concernés doivent reconnaître et assumer leurs responsabilités respectives, et être conscients de la vulnérabilité particulière des enfants dans ce domaine. Les Etats sont tenus de combattre les formes illégales de violence dans les médias, de protéger les mineurs contre les effets dommageables de cette violence et de fournir aux utilisateurs des informations sur la violence d’un produit ou d’un service médiatique. Les producteurs, en particulier les producteurs commerciaux, de médias à caractère violent ont une responsabilité commerciale et éditoriale. Les utilisateurs, ainsi que les parents de jeunes utilisateurs, sont aussi responsables de l’utilisation qui est faite de ces médias.
8. S’il est difficile de trouver un lien de causalité direct entre l’exposition d’une personne à un produit ou un service de médias à caractère violent et un acte d’agression ou de violence qui serait ensuite commis par cette personne, il est indéniable que la violence dans les médias a un impact général sur le comportement des individus et des sociétés dans leur ensemble. Les producteurs commerciaux de médias à caractère violent ont la responsabilité sociale de lutter contre la violence dans la société. Un système rigoureux d’octroi de licences, des obligations de transparence plus contraignantes ou des mesures fiscales dissuasives peuvent donc être appropriés dans ces circonstances.
9. Les mesures appliquées par les autorités publiques contre la violence dans les médias doivent être prescrites par la loi et nécessaires dans une société démocratique. Elles ne doivent pas être utilisées pour museler l’opposition politique ou violer le droit à la liberté d’expression et d’information garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les médias d’information et d’actualités sont tenus de relater les faits violents, mais ils doivent respecter les droits des victimes qui apparaissent dans ces médias et les droits des enfants qui les regardent.
10. En conséquence, convaincue que les gouvernements, les parlements nationaux et les fournisseurs de services médiatiques ont la responsabilité de lutter contre la violence dans les médias, l’Assemblée leur demande de prendre les mesures suivantes:
10.1. toute incitation à la violence véhiculée par les médias doit être interdite par la loi, conformément à l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; l'utilisation directe des médias dans le but d'infliger une violence psychologique sur autrui, telle que le cyber-harcèlement, devrait être interdite par la loi;
10.2. la production, la diffusion publique, la vente et la possession de médias dont la violence gratuite viole la dignité humaine doivent être punies par la loi; la dignité humaine est en jeu lorsqu’un être humain est essentiellement présenté d’une manière déshumanisée et qu’il est assimilé à un objet pouvant légitimement subir des violences et des souffrances sexuelles, psychologiques ou physiques gratuites et explicites;
10.3. la production, la diffusion publique et la vente de médias dont le contenu à caractère violent est susceptible de nuire au développement physique, mental ou moral des enfants et des adolescents doivent être limitées par le droit interne des Etats membres; la réglementation nationale doit tenir dûment compte du fait que l’accès aux contenus de ces médias exige une vérification préalable de l’âge des utilisateurs;
10.4. ceux qui produisent des médias dans lesquels la violence joue un rôle central devraient être tenus par la loi d’indiquer publiquement le type, le degré et la quantité de violence contenue dans ces médias; les auteurs de contenus à caractère violent doivent s’identifier eux-mêmes ou être identifiables par l’intermédiaire des éditeurs de médias ou des fournisseurs de produits ou de services de médias, sauf si ces derniers sont juridiquement responsables des contenus en question;
10.5. les fournisseurs de produits ou de services de médias (tels que les diffuseurs, les fournisseurs de services ou d’accès internet, les fournisseurs de médias de téléphonie mobile ainsi que les vendeurs de vidéos, de jeux ou de médias imprimés) doivent veiller à ce que tous les produits et services de médias qui sont accessibles par leur intermédiaire indiquent publiquement le niveau et le type de violence qu’ils contiennent, notamment si la violence y joue un rôle central;
10.6. les fournisseurs de produits ou de services médiatiques devraient être tenus de fournir des lignes directes ou d’autres mécanismes publics de dépôt de plaintes, qui peuvent être utilisés en cas de problème avec un média à caractère violent ou la violence véhiculée par les médias. Ces mécanismes devraient être complétés par un code de conduite concernant la violence dans les médias, qui inclue une classification des contenus et des restrictions d’accès, et par une coopération avec les services de répression en cas de contenu potentiellement illicite;
10.7. les producteurs de matériels de réception des médias (téléviseurs, lecteurs de vidéos, appareils de communication mobiles audiovisuels, ordinateurs personnels ou smartphones) devraient être incités à fournir des dispositifs techniques gratuits ou intégrés permettant de filtrer les contenus violents conformément aux indicateurs normalisés de ces contenus; les parents devraient être informés qu’il existe des filtres pour la protection de leurs enfants; à cet effet, des manuels faciles à utiliser et gratuits devraient être mis à disposition sur demande, et contenir les informations et indications nécessaires.
11. L’Assemblée recommande aux Etats membres:
11.1. de concevoir et de mettre en œuvre des programmes nationaux de sensibilisation à la violence et aux compétences médiatiques pour les professionnels en contact avec les enfants, pour les familles et pour les enfants eux-mêmes;
11.2. de créer, en coopération avec des sociétés de médias et des professionnels du secteur, des organismes chargés de classifier la violence dans les médias, de développer des mesures de protection contre celle-ci et de surveiller le respect de ces mesures; si ces organismes n'existent pas, les autorités publiques de régulation devraient avoir ces compétences dans les Etats membres;
11.3. d’incriminer la production, la distribution et la possession de matériel pornographique à caractère violent et extrême, notamment là où il s’agit d’images de violence et d’agression sur des enfants;
11.4. de fournir une éducation qui traite de la violence dans les médias dans les programmes scolaires et les programmes de formation des enseignants.
12. L’Assemblée invite:
12.1. les professionnels des médias à élaborer, par l’intermédiaire de leurs organisations professionnelles, un code de conduite pour les journalistes, les photographes et les éditeurs qui traitent ou produisent des contenus à caractère violent;
12.2. l’Union européenne de radio-télévision et l’Association des télévisions commerciales européennes à s’attaquer clairement au problème de la violence dans les médias dans le contexte de la télévision connectée, c’est-à-dire les téléviseurs ayant une connexion à internet.