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Résolution 2011 (2014) Version finale

Faire barrage aux manifestations de néonazisme et d'extrémisme de droite

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 30 septembre 2014 (30e séance) (voir Doc. 13593, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteure: Mme Marietta de Pourbaix-Lundin; et Doc. 13602, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteure: Mme Olga Kazakova). Texte adopté par l’Assemblée le 30 septembre 2014 (30e séance).Voir également la Recommandation 2052 (2014).

1. L'Assemblée parlementaire condamne sans équivoque les manifestations toujours plus nombreuses de néonazisme et d’extrémisme de droite, et la montée des partis et mouvements néonazis en Europe, dont certains ont fait leur entrée au parlement au niveau national ou européen. Il ne s'agit pas d'un phénomène isolé propre à quelques Etats membres du Conseil de l'Europe, mais d'un problème aux dimensions paneuropéennes. Il est souvent latent dans la société en attendant que les conditions propices à son émergence soient réunies. C'est pourquoi seul le partage d'expériences et de bonnes pratiques entre les Etats membres permet de le combattre efficacement.
2. Si la déception de la société face à la situation économique difficile et la frustration liée à l'incapacité des gouvernements à mettre en œuvre des politiques migratoires globales peuvent, dans certains cas, expliquer en partie la popularité croissante des partis néonazis symbolisant un «vote de protestation», cette situation ne fait que renforcer la responsabilité des représentants gouvernementaux et des responsables politiques démocratiques, qui devraient faire face et s'unir pour défendre les valeurs démocratiques. Il ne faut pas ignorer les néonazis ni en faire des martyrs.
3. En dépit de l'utilisation persistante de symboles et structures du passé, tels que des logos de parti rappelant les croix gammées, les stratégies mises en œuvre par les militants néonazis dans la sphère publique sont de plus en plus sophistiquées, et donc plus difficiles à identifier et à combattre. Le recours sans cesse croissant à internet comme principale plateforme de propagande et de coordination des extrémistes rend toute surveillance ou action de lutte encore plus délicate.
4. L'Assemblée note que la plupart des jeunes qui adhèrent à des groupes d’extrême droite le font au début de l'adolescence ou même avant. Les partis néonazis ont également tendance à développer des programmes et des structures visant spécifiquement les enfants n'ayant pas encore l'âge de voter, dans les écoles ou les camps de vacances.
5. L'Assemblée est de ce fait d'avis que la lutte contre le néonazisme doit être axée sur la prévention, au travers de l'éducation et de la sensibilisation, et sur une réaction précoce sur le terrain à toutes les manifestations, violentes ou non, de néonazisme, qu'elles soient le fait de groupes organisés ou d'individus radicalisés. L'identification des signes avant-coureurs devrait permettre de mener des actions opportunes pour éviter la radicalisation et stopper sur-le-champ les activités néonazies, avant que le problème devienne incontrôlable.
6. L'expérience a montré que, pour être efficace, une action opportune devrait être coordonnée par l'ensemble de la communauté et accompagnée d’un message politique clair, délivré au plus haut niveau, selon lequel toute manifestation néonazie, y compris les crimes et discours de haine, ne saurait être tolérée dans un pays démocratique régi par l'Etat de droit. Des mesures d'aide aux victimes et d'assistance aux personnes désireuses de quitter les mouvements extrémistes sont également indispensables pour faire barrage au néonazisme.
7. A la lumière de ces considérations, et en référence à des exemples concrets d'expériences et de bonnes pratiques, l'Assemblée appelle les Etats membres:
7.1. à concevoir des stratégies transsectorielles pour prévenir et combattre l'idéologie néonazie, y compris des stratégies sociales, économiques et culturelles, afin de réduire les terrains fertiles pour cette idéologie;
7.2. à développer des plans d'action nationaux et à désigner des coordinateurs nationaux chargés de la lutte contre l'extrémisme de droite, afin d'établir un cadre pour la coordination entre les institutions publiques à tous les niveaux et les initiatives de la société civile;
7.3. à promouvoir et à soutenir, grâce à un financement public régulier, des initiatives et projets spécifiques de la société civile destinés à prévenir ou combattre le néonazisme, ou les autres formes de racisme, de haine et d'antisémitisme, dans la sphère locale et la vie de tous les jours, y compris en ligne;
7.4. à renforcer la recherche, en particulier pédagogique, ainsi que la coopération internationale et les échanges de bonnes pratiques dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le néonazisme;
7.5. à continuer de soutenir, y compris par des contributions volontaires, ou à commencer à mettre en œuvre (selon le cas) la campagne du Conseil de l'Europe intitulée «Mouvement contre le discours de haine», à laquelle participent des jeunes de toute l'Europe.
8. Plus spécifiquement, l'Assemblée demande aux Etats membres:
8.1. s'agissant de la prévention:
8.1.1. d'encourager et de soutenir, grâce à des financements publics, des actions opportunes conjointes et bien coordonnées contre la radicalisation, menées par la communauté dans son ensemble, notamment la police locale et les divers acteurs de la société tels que les écoles, les services de garde d'enfants, les groupes de parents, les maires et les services municipaux pertinents, les Eglises, les syndicats et les organisations professionnelles, ainsi que les groupes de la société civile, dont les associations bénévoles, les groupes d'aide aux victimes, les conseils de réfugiés et les représentants de la jeunesse;
8.1.2. de former spécialement les agents des forces de l'ordre aux actions de prévention et de proposer et de soutenir les mesures policières préventives (par exemple les «entretiens de responsabilisation») destinées plus spécialement aux adolescents qui montrent des signes de radicalisation et à leur famille;
8.1.3. d'assurer la poursuite du développement de stratégies et de technologies afin de réduire l'influence des médias sociaux dans le recrutement et la promotion du néonazisme;
8.1.4. de veiller au partage de toutes les données ou analyses pertinentes fournies et notamment des signes avant-coureurs détectés par les acteurs locaux et la société civile avec les institutions publiques et les forces de l'ordre engagées dans la prévention ou la lutte contre le néonazisme, et à leur prise en considération prompte et adéquate au niveau politique;
8.2. s'agissant de l'éducation:
8.2.1. de renforcer l'éducation à la citoyenneté démocratique et les mesures de sensibilisation aux droits de l'homme dans les écoles, dès l'enseignement primaire, afin de permettre aux enfants de soutenir au plus tôt les valeurs démocratiques; cette démarche devrait également inclure une éducation contre le discours de haine et notamment ses expressions « en ligne »;
8.2.2. de renforcer l'enseignement de l'histoire du XXe siècle, en particulier celui de la période entourant la seconde guerre mondiale;
8.2.3. de former les enseignants à la citoyenneté démocratique et aux droits de l'homme, et d'aider les parents à soutenir activement leurs enfants;
8.2.4. d'appuyer les projets éducatifs et les méthodes pédagogiques visant à s'attaquer aux idéologies antidémocratiques telles que le néonazisme et l'antisémitisme, un phénomène allant bien au-delà des groupes néonazis;
8.3. s'agissant de l'application de la loi:
8.3.1. de fournir et mettre en œuvre efficacement un cadre juridique complet sur les crimes et les discours de haine, conformément aux recommandations spécifiques faites par l'Assemblée dans sa Résolution 1967 (2014) sur une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe, et à celles formulées par d'autres organes du Conseil de l'Europe, en particulier la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe;
8.3.2. d'engager, rapidement et efficacement, la responsabilité pénale des dirigeants et membres des partis, y compris des parlementaires, qui prononcent des discours de haine ou commettent des crimes de haine ou toute autre infraction pénale;
8.3.3. d'assurer la formation des juges, procureurs et agents des forces de l'ordre aux crimes et discours de haine pour qu'ils puissent également identifier les crimes à connotation néonazie;
8.3.4. d'assurer une coopération et une coordination efficaces, fondées sur un échange régulier d'informations, entre les divers organes en charge de l'application de la loi;
8.3.5. de trouver un juste équilibre entre la nécessité de protéger, d’un côté, la liberté d'expression et le droit à la vie privée des membres de groupes d'extrême droite et, de l’autre, les droits fondamentaux des groupes démocratiques qui souhaitent réagir et empêcher ou bloquer des manifestations organisées par des extrémistes de droite;
8.3.6. de mettre en œuvre des procédures accélérées d'enquête, de poursuite et de jugement des affaires portant sur des actes de violence néonazie commis par des adolescents, en coopération avec les familles des auteurs et les réseaux de la société civile, en mettant l’accent sur des mesures efficaces d’aide pour quitter ces mouvements extrémistes, de manière à renforcer l'effet dissuasif sur les autres adolescents;
8.3.7. de concevoir des stratégies pour les services de police et de renseignement, y compris des activités policières en ligne, afin de faire face aux défis particuliers lancés par les discours de haine néonazis en ligne;
8.4. s'agissant du soutien aux victimes et de la protection des témoins:
8.4.1. d'encourager les victimes et les témoins du néonazisme à s'exprimer conformément aux recommandations spécifiques formulées par l'Assemblée dans sa Résolution 1967 (2014);
8.4.2. de renforcer les mesures d'aide aux victimes, de promouvoir les groupes de soutien aux victimes et d'assurer un financement public régulier à cet effet;
8.4.3. de fournir une protection spécifique aux immigrants illégaux qui ont été victimes de crimes de haine, jusqu'à ce qu'une décision judiciaire finale soit rendue;
8.5. s'agissant du soutien aux personnes souhaitant quitter les mouvements extrémistes:
8.5.1. de concevoir des stratégies et des programmes pour aider et soutenir ceux qui souhaitent quitter les mouvements néonazis, ainsi que leur famille, en proposant notamment une autre perspective de la vie, un emploi ou une formation professionnelle;
8.5.2. de recourir à d'ex-militants de la sphère néonazie dotés des qualités personnelles et de la motivation requises pour amener d'autres à quitter ces mouvements;
8.5.3. de promouvoir et de soutenir, notamment grâce à un financement public régulier, les projets « sortie » de la société civile.
9. L'Assemblée invite instamment:
9.1. les responsables politiques, tant au plan national qu'européen, à débattre avec les mouvements néonazis et à les démasquer publiquement en remettant en cause, en rejetant et en condamnant clairement et sans équivoque l'idéologie et la rhétorique néonazies;
9.2. les partis démocratiques à s'unir autour d'un «consensus démocratique» et à faire barrage, en bloc, aux partis néonazis au sein et hors des parlements nationaux;
9.3. les parlements nationaux:
9.3.1. à s'assurer qu'aucun financement public n’est octroyé à des partis prônant des discours de haine et des crimes de haine;
9.3.2. à adopter des codes de conduite incluant des garanties contre les discours et crimes de haine, sur quelque motif que ce soit.
10. L'Assemblée invite ses membres à rejoindre et soutenir les activités:
10.1. de l'Alliance parlementaire contre la haine et de tous les groupes de parlementaires qui travaillent pour le même objectif;
10.2. des comités nationaux créés dans le cadre du « Mouvement contre le discours de haine » du Conseil de l'Europe.
11. Désireuse de renforcer la sensibilisation du public contre les crimes de haine en Europe et de témoigner de la solidarité envers les victimes et les personnes endeuillées, l’Assemblée soutient pleinement l’initiative de la campagne de jeunesse pour que le 22 juillet devienne la « Journée européenne des victimes de crimes de haine », en commémoration des attentats terroristes d’Oslo et de l’île d’Utøya (Norvège).